dimanche 23 août 2015

La Namibie, ces paysages intacts, sensation d'être revenu au début de la création de notre planète terre!

En ce vendredi 26 Décembre 2014, avec Ana et Vincent, nous nous apprêtons à rentrer dans un pays qui m’a toujours fasciné, un pays où l’empreinte de l’homme est encore très peu visible, où la nature est incroyable et pure sur la majorité du territoire. J’ai beaucoup entendu parler de la Namibie, du fait que la plupart des voyageurs, qui ont saisi l’opportunité de découvrir ce territoire, n’en sont pas ressorti indemnes! Une majorité d’entre-eux en sont tombés amoureux, leur cœur complétement conquis par un territoire vierge. Nous sommes ici très loin de la frénésie, de l’opulence, des sociétés humaines modernes, où l’homme a totalement perdu le contact avec la nature. L’homme, aujourd’hui, a totalement chamboulé les équilibres dictés par la nature qui ont permis, jusqu’à alors, à la terre de se régénérer,  de supporter la présence d’être vivants pendant des millions d’années. Ici rien de cela n’est visible!
Personne ne peut prévoir le futur, quantifier exactement les conséquences de l’activité humaine sur ces terres qui nous hébergent. Mais le temps de ce séjour en Namibie, je serais très loin de toutes ces problématiques. Je m’apprête à vivre une expérience unique aux portes de notre monde moderne. Ces territoires pourraient-ils me replonger dans un temps révolu, où l’homme n’avait pas une emprise si importante sur l’environnement? Pourrais-je avoir le sentiment de revenir quelques milliers d’années en arrière, lorsque l’homme n’était qu’un animal parmi d’autres, un être fragile, sans protection physique, qui a survécu en développant des stratagèmes basiques pour se protéger, chasser et commencer à maîtriser son environnement. Je n’en ai aucune certitude, je ne sais pas ce que me réserve ce territoire, mais la première journée donne le «La», à un séjour sensationnel et encore ce n’est qu’une introduction partielle et minime de ce que je m’apprête à vivre.
Dans la journée, après avoir laissé Maun derrière nous, nous traversons la ville de Ghanzi, avant d’arriver au poste frontière de Mamuno. Les démarches pour changer de territoire sont simples. Il est très aisé de quitter le Botswana pour renter en Namibie. Nous obtenons aisément nos visas, et pouvons continuer notre chemin, après nous être acquitté des taxes, liés au passage de notre véhicule. En fin d’après-midi, nous entrons officiellement en Namibie. D’une superficie de 825 418 km², il n’est peuplé que par un peu plus de 2 millions d’habitants. La densité de la population est donc de 2,6 hab./km², ce qui en fait l’une des plus faibles au monde, exactement la deuxième plus faible derrière la Mongolie (tous les bons souvenirs vécus dans ce pays me reviennent à l’esprit). Nous nous dirigeons, en ce jour, vers la capitale Windhoek, mais nous faisons une halte sur la route.

En fin d’après-midi, sur «l’autoroute» Trans-Kalahari, nous nous arrêtons à la Zelda Guest Farm. Comme au Botswana, le coût du logement dans ces lodges est exorbitant, mais toutes ces structures possèdent aussi des emplacements de camping au prix très abordable. De plus, le fait de se loger ici, va nous ouvrir les portes d’un endroit d’exception. En effet, cette ferme, de plusieurs milliers d’hectares, possède aussi une réserve privée avec de nombreux animaux. Nous allons pouvoir y effectuer un safari gratuitement en début de soirée. Nous plantons donc rapidement nos tentes sur notre emplacement de notre choix avant de rejoindre un groupe qui part découvrir cette réserve. Peu de temps après être parti, nous pouvons observer des zèbres, des koudous, des antilopes. Très rapidement, nous avons la chance de suivre de très près un léopard en déplacement dans le parc. Agé de 14 ans, il est très bien connu de notre guide. Puis, nous allons observer de loin un groupe de trois guépards et quelques autres animaux largement représenté dans cette région du monde. Ils n’ont pas l’animal emblématique de ce pays, mais je sais que j’aurais l’occasion d’en voir de nombreux lors de mes pérégrinations à venir. 
Rentrant à la ferme, nous pouvons voir de très près, en cage, un guépard de la réserve, gravement blessé à la jambe. Il a été capturé et enfermé pour le sauver d’une mort certaine s’il était resté, en pleine nature, voué à lui-même. Le guide ne veut cependant pas que nous restions trop longtemps près de lui. En effet, le but est de relâcher, de le libérer de cette cage le plus vite possible. Un guépard est un animal qui s’apprivoise très facilement même à l’âge adulte. SI ce dernier s’habitue trop longtemps à être nourri par l’homme, ou à être en contact avec lui, il va rapidement perdre ces instincts de chasseurs, et deviendra très vite totalement dépendant de l’aide des humains. Il possède ici encore un territoire lui permettant de vivre en liberté et ça serait très dommageable de l’en privée par une mauvaise gestion de ces soins. Surtout que de plus en plus de guépard ne survivent qu’en captivité. Je vais pouvoir prendre pleinement conscience de cet état de fait et de cette réalité désastreuse, lors d’une visite ultérieure au cours de mon séjour. Les fermiers les chassent sans relâche. Ces derniers attaquent très fréquemment leur cheptel et les déciment. De plus, les guépards ne consomment jamais la totalité des proies qu’ils tuent. Ils ingurgitent les parties les plus riches en énergie, en un temps record pour éviter de perdre leur festin. Puis, ils laissent la carcasse sans vie et intact à plus de 70% derrière eux. En effet, les lions ou les léopards sont des prédateurs, beaucoup plus puissants qu’eux. Ils ont toujours profité de leur relative faiblesse pour leur réquisitionner leur proie, qu’ils ont acquise en raison d’une vitesse et d’une agilité inégalée dans le règne animal terrestre. Après l’avoir vu de très près et avoir ressenti son instinct de tueur à travers ces yeux, nous le laissons tranquille. 
La nuit est maintenant tombée. Alors que nous préparons notre repas du soir sur un barbecue, un énorme porc-et-pic de la région vient nous rendre visite. Il est impressionnant par sa taille et la taille de ces épines dorsales. Cela finalise une première fin de journée sensationnelle en Namibie. Après un début de nuit étoilé, que j’ai pu observer avant de me coucher, le temps se gâte pendant mon sommeil. Je suis réveillé par des trombes d’eau qui s’abattent sur ma tente. L’intérieur de ma tente ne sera pas inondé mais des flaques commencent à se créer assez rapidement. Je ne dors plus que d’un œil et surveille l’évolution de ce déluge, hésitant à effectuer un repli stratégique vers des bâtiments en dur, tels que les sanitaires. Mais la pluie s’arrête aussi vite qu’elle est venue. J’espère que le temps sera de nouveau au beau fixe le lendemain pour me permettre de faire tout sécher. Mes vœux sont exhaussés et au petit le matin, le soleil a repris ces droits et dominent un grand ciel bleu. Alors qu’Ana et Vincent dorment jusqu’au milieu de la matinée, Je vais vivre un autre rêve. En effet, la famille, qui tient le lodge, a plusieurs Suricates (Meerkats en anglais) comme animaux de compagnie.  J’ai le privilège d’en prendre un dans mes mains et de pouvoir l’observer sous toutes les coutures. Un employé de la ferme, part ensuite dans la réserve. Il me demande si je veux l’accompagner. J’accepte volontiers sachant que nous n’avons pas de contraintes de temps pour rejoindre Windhoek dans la journée, sachant que la capitale est maintenant à environ deux heures de route. J’ai bien fait de le suivre. Nous voyons moins d’animaux que la veille mais nous allons passer un moment privilégié avec le même léopard d’un âge avancé. Nous passons de longues minutes à ces côtés. Cet animal normalement très solitaire et agressif, semble alors totalement inoffensif et docile! Ces moments doivent être vécu pour en ressentir l’intensité et savoir ce que signifie ce quasi tête-à-tête…  
Rejoignant la ferme, nous passons la matinée avec Ana et Vincent à découvrir d’autres locataires de la ferme, tels les émeus, les serpents et les tortues. Nous piquons une tête dans la piscine. Nous jouons avec les enfants des propriétaires et leurs cousins, sur un super trampoline. Les discussions, avec les propriétaires originaires d’Afrique du Sud, nous donnent de nombreuses informations sur leur activité, le rapport qu’il existe avec les locaux et la situation de ce pays unique. Un gros avantage pour nous et qu’ici la seule langue officielle est l’anglais, même si l’Oshivambo est la langue la plus parlée par les namibiens. En raison de la colonisation allemande, et du fait que la Namibie a très longtemps été une partie du territoire sud-africain, beaucoup de personnes parlent aussi l’allemand et l’afrikaans. Nous sommes sur un territoire possédant un régime de république parlementaire, avec un taux d’alphabétisation de plus de 88%, ce qui est exceptionnel dans cette partie du monde. La croissance oscille autour de 5%, ce qui en fait un pays relativement développé et attirant des investisseurs. Cependant de nombreux indicateurs sociaux sont au rouge. Plus de 70 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. La répartition des richesses est très inégale. La redistribution des terres, comme en Afrique du Sud, reste une question épineuse et en suspens. Et ceux ne sont pas les grosses ressources du pays tel que les ressources minières dont les diamants (10% du P.I.B. et 50% des exportations), l’industrie de la pêche, de la viande de bœuf, ou un revenu important lié au tourisme, qui peuvent changer la donne. Une chose est sûre, une minorité de namibiens ont la possibilité de vivre dans les mêmes conditions que celles que nous pouvons observer actuellement dans cette ferme. Je pourrais le constater lors de la suite de mon périple mais aussi en discutant quelques minutes avec des bushmans, qui sont employés par les fermiers.
En début d’après-midi, nous reprenons finalement la route. 4h00 après avoir traversé de beaux paysages, nous atteignons la capitale; Windhoek, qui se trouve dans une vallée encastrée entre d’imposantes collines. C’est une ville ultra-moderne, qui fait vraiment tâche, par rapport à ce que j’avais pu voir jusqu’à maintenant. J’ai tout de même quelques jours pour explorer les alentours. En effet, mon départ pour explorer le pays n’est pas prévu avant quelques jours. Ana et Vincent sont invités chez une personne, avec laquelle ils ont voyagés dans le pays. Ils me déposent donc dans une auberge de jeunesse de mon choix; «Paradise Garden»! Le gérant allemand m’ouvre les portes. Je trouve immédiatement les lieux à mon goût. Je ne sais pas pourquoi mais je me sens tout de suite un peu comme à la maison. Cela se confirmera par la suite. En attendant, nos chemins se séparent ici, avec Ana et Vincent. Nous finalisons les comptes. Je leur donne un peu d’argent liquide pour équilibrer ces derniers. Nous nous saluons, sachant que nous serons sûrement amenés, au moins, à suivre nos périples singuliers. 
L’expérience dans cette auberge de jeunesse va être très singulière. Nous sommes en effet, en plein pendant les «grandes vacances» des namibiens, mais aussi des sud-africains et tous les autres pays limitrophes. Entre noël et le jour de l’an, beaucoup de personnes ont désertées la capitale pour se rendre à la mer. La ville n’est pas très animée. Cela se vérifie aussi dans l’auberge de jeunesse. Je reste trois jours sur place. Pendant 2 jours, je suis le seul client. L’auberge se trouve dans une superbe maison coloniale. Je me sens tout de suite comme chez moi. Le gérant allemand, d’une soixante d’année, est charmant. Il adore cuisiner et me propose de cuisiner pour nous deux, pour le soir même. Nous échangeons pendant tous le repas, en dégustant des mets très fins accompagnés d’une bonne bouteille de rouge.

Les deux jours suivants, je n’ai pas envie de faire quelque chose en particulier. Je profite de l’ambiance cosy de la maison, de la bonne connexion internet, de la relative torpeur de la ville, pour me laisser vivre, pour aller courir, piquer une tête dans la piscine, écrire, communiquer avec mes proches, anticiper la suite des événements, dont le périple à venir. En effet, je suis à l’origine d’un regroupement intéressant de voyageurs. En effet, en Namibie, les moyens de transports en commun, ne sont pas très développés et inexistants pour se rendre dans les endroits à visiter dans le pays. Les tours organisés sont hors de prix et, comme usuellement, je ne voulais pas avoir recours à ce type de prestation.  Le seul moyen pour vraiment pouvoir découvrir ce pays était donc de louer une voiture. Pour que ce projet soit viable, pour moi, financièrement et dans l’idée de partager ce périple, je devais donc trouver d’autres personnes avec qui vivre l’aventure. Je ne voulais pas attendre d’être sur place et prendre le risque de me retrouver, seul, sans solution.
J’ai donc pris les devants. Depuis quelques semaines, j’ai posté des annonces sur des forums de voyage. Cela va marcher et d’une manière très singulière. En effet, un jeune couple, fraîchement marié, me contacte en premier lieu. Pour leur voyage de noce, ils ont décidés de visiter de nombreux pays à travers le monde, mais rien planifier en avance. Quand ils me contactent, ils sont en Afrique du Sud. Ils aimeraient visiter la Namibie mais beaucoup d’éléments les ont découragés pour l’instant dans leur entreprise, et dans l’envie de réaliser ce rêve. Pour eux aussi, l’aspect financier est un frein aussi important que le fait de n’avoir aucune connaissance sur le pays.  Avec toutes les informations que j’ai recueillies et que je leur transmets, en pouvant partageant les frais, leur rêve reprend un peu vie! Par la même occasion, je peux aussi envisager de voyager en Namibie, comme j’en ai rêvé. Nous échangeons sur les modalités, la voiture que nous pourrons louée… Juste avant que je pénètre sur le territoire, la décision est prise! Ils achètent leur billet d’avion et me rejoigne le Mardi 30 Décembre. Ils nous restent encore à confirmer la location de la voiture avec le loueur, qui n’est pas très réactif dans l’échange par mail. J’ai bien fait de continuer aussi à poster et faire le suivi sur le forum de Couchsurfing, grâce auquel les américains m’ont déjà contactés. Un jeune professeur français, vivant Grenoble, me contacte. Il a pris 6 mois de congés sabbatiques. Il a envie de voyager dans un pays étranger. Il voulait passer le réveillon en voyage, mais n’avait pas d’idée précise sur la destination. Il hésitait entre l’Afrique et l’Asie. La lecture des forums l’a emmené à consulter mon annonce et à me contacter. Il reste quelques jours, avant que nous commencions notre périple. Il se décide à la dernière minute, après que je lui ai donné toutes les informations concernant le voyage et une estimation du prix à dépenser par personne sur place. Il réserve son billet d’avion deux jours avant la date, où nous nous retrouvons tous. Il arrive directement de France pour effectuer ce périple à nos côtés. Nous sommes donc maintenant une équipe de 4 personnes, pour un moment unique à venir.

En attendant le 30 Décembre au matin, je fais la connaissance de 2 voyageurs, des Sud-Africaines, qui sont venus passées une semaine de vacances dans le pays. Elles sont arrivées très tard la veille. Elles prennent un petit-déjeuner quand je les rencontre. Elles partiront directement à Swakopmund avec une voiture de location. Nous passons une heure à discuter de voyage, de la Namibie, de la vie en Afrique du Sud. Nous en resterons là! Je ne le sais pas encore mais pourtant je vais en revoir l’une d’entre-elles un peu plus tard…

Je passe la journée à découvrir un nouveau quartier de la capitale, avant de rejoindre la maison du loueur, où nous allons récupérer notre 4x4. C’est assez drôle car, sans le faire express, Adam et Bethany, les américains, qui arrivent d’Afrique du Sud, et Cyrille qui débarque de France, arrivent à Windhoek dans le même vol. Ils se sont en effet rejoins à Cape Town, où les uns arrivaient de Johannesburg, et l’autre de Paris. A 17h00, ils me retrouvent dans la maison de la loueuse qui est vraiment très agréable. Elle nous explique le contrat. Nous figeons le nombre de jours, que nous garderons le véhicule. Nous obtenons les informations d’un de ces employés, qui nous expliquent comment l’option 4x4 fonctionne, quels sont les pressions nécessaires et à utiliser pour les pneus, et un tas d’autres petits détails! Après avoir fait quelques courses, nous retournons au Paradise Garden, où nous passerons la nuit. Nous commençons rapidement à faire connaissance des uns des autres autour d’un bon repas, que nous préparons ensemble. C’est intéressant de voir le parcours de chacun, les différences dans nos vies. Pourtant nous nous retrouvons, aujourd’hui, pour vivre une expérience intense pendant 15 jours. 
Le lendemain matin, le 31 décembre 2014, nous décidons de prendre la route pour passer un nouvel an original. Après avoir rangé nos tentes, chargés le Toyota Linux SRX, nous prenons la route Nationale B2, une des seules goudronnées. Direction le Nord! Après 3h00 de route, nous atteignons la ville d’Otjiwarango. A quelques kilomètres de là se trouve le centre de protection des guépards. Nous prenons une route de terre pour nous y rendre C’est à ce moment-là, que des trombes d’eau s’abattent sur la région. Nous sommes alors très contents d’avoir un véhicule avec 4 roues motrices. En effet, très rapidement le chemin devient impraticable pour un véhicule standard.
Avec ce véhicule, nous arrivons, sans encombre, jusqu’au centre. Ce n’est pas du tout ce que nous avaient décrits les fermiers de la Zelda Guest Farm. Ils nous avaient parlés d’un centre, où les guépards vivaient et venaient librement même dans la maison des propriétaires, où il était possible d’interagir avec eux, et même de les toucher. En fait, ce centre est important car il permet la protection d’une espèce gravement en danger dans ce pays. Mais les fauves vivent dans de très grandes cages. Il n’y a aucune interaction possible avec eux. C’est même interdit en Namibie. Par loi, aucun contact physique n’est admis.  A cette heure de la journée, la seule possibilité est d’assister à l’alimentation de ces derniers et de faire un tour de la ferme. Adam et Bethany ont déjà vécu une expérience plus forte près de Cape Town. J’ai  déjà eu la chance d’en voir et je sais que j’en aurais de nouveau la possibilité très prochainement. Concernant Cyrille, c’est son premier séjour en Afrique. Il décide donc de faire la visite. Pendant ce temps, nous allons nous documenter en lisant tous les panneaux présents à côté du Hall d’entrée. Ils expliquent le but de ce centre et donnent de nombreuses informations concernant ces animaux profilés et détenant le record de vitesse sur terre ferme. Allant au bout de cette salle, nous pouvons sortir près de la cage où est organisé le repas des guépards. Sans payer nous pouvons tout de même admirer ces animaux et les regarder déguster leur festin.  J’aime les voir se déplacer rapidement avec une telle élégance. A la fin de son tour, Cyrille nous raconte que la visite de la propriété n’a rien d’exaltant. Qu’après avoir vu les guépards être nourris, il est allé voir des chèvres et quelques autres animaux de ferme et qu’il n’a pas appris grand-chose. Quoi qu’il en soit, nous voulions tous venir découvrir cet endroit, et le détour est très peu important, par rapport à la destination vers laquelle nous nous dirigeons. Adam est le premier à conduire en cette journée et il s’amuse dans la terre gadoueuse de ce chemin de terre.
Puis nous retrouvons rapidement la route nationale, afin de continuer vers le nord-est.  Des amis, de la famille, des voyageurs m’avaient parlés de la Namibie comme un pays grandiose, avec des paysages irréels. Ils m’avaient dits que la présence d’animaux sauvages dans tout le pays, même autour des grands axes, ajoute une touche magique! L’’absence de vie humaine, sur des centaines et centaines de kilomètres, dans ces contrées, où la planète terre n’est pas docile avec des êtres fragiles, y est aussi pour quelque chose. Lors de ce début de périple, nous croisons déjà des zèbres, des koudous et autres cervidés. Et nous sommes qu’au début de moments très intenses, avec la faune locale. Nous sommes en route pour découvrir un des parcs nationaux les plus impressionnants qui existent.
En attendant, nous devons trouver un campement pour la nuit. Nous nous étions mis d’accord sur le fait que faire du camping sauvage ferait parti de l’aventure. Nous allons mettre en œuvre ce choix dès le premier soir, pour ce nouvel an. Quittant la route principale, nous prenons une route non goudronnée, un chemin de terre qui est resté sec. Les pluies semblent ici intenses mais très localisées. Nous trouvons un lieu parfait pour fêter ce nouvel an, dans son plus simple apparat. En pleine nature, dans un paysage désolé et sec, en cette fin de saison sèche, nous allons vivre un bon moment de vie. Le ciel gris rend l’ambiance mystique. Nous trouvons près du chemin, un lieu où nous pouvons nous écarter un peu de cet axe, qui semble quoi qu’il en soit très peu fréquenté. Nous plantons les tentes et recherchons du bois pour la nuit. Lors des 20 premières minutes, deux véhicules passent à proximité de nous. Dans ce genre de région et sans connaissance sur les mœurs des locaux, nous préférerions ne pas être  vus, quand nous effectuons de tel campement. Ça sera les deux seuls «alertes» de toute la nuit. Le soleil, descendant à l’horizon,  enflamme alors le ciel. Le gris se transforme en jaune puissant, en orange, en rouge, puis en violet. J’ai le sentiment alors de me trouver sur une autre planète. Autour de nous règne un silence exceptionnel, seulement rompu par le bruit des oiseaux et la douce brise du vent dans les branches de ces petits arbres, qui semblent si fébriles mais pourtant si résistant dans un environnement hostile. A ces plaisirs sonores extérieurs, nous y ajoutons nos propres interventions. Cela commence par le crépitement des flammes de notre feu. Nous avons embrasé de petites brindilles, après avoir sécurisé un périmètre avec de grosses pierres, pour s’assurer que le feu ne pourra pas se propager, sans contrôle. Ces contrées sont tellement très sèches qu’il faut être précautionneux. Il y a ensuite le bruit des canettes de bière et bouteilles de cidre que nous décapsulons, en guise d’apéritif! Nous sommes très loin des standards que je connais en France pour cette soirée, mais je n’y pense même pas. Je suis entièrement plongé dans l’ambiance de road trip en Namibie, qui m’a déjà happé. Tous les éléments se réunissent pour mettre mes sens en éveil. La cuisson des saucisses, au bout des sticks en bois, font crépiter le feu, à chaque fois qu’une goutte de graisse se dégage du boyau de mouton, qui entoure la viande… Les flageolets frémissent dans la boîte de conserve, directement posée dans les braises. Le feu capte nos attentions à tous, même si nous avons des conversations très intéressantes. Nos esprits se concentrent sur les étapes à venir, lors de ces deux semaines que nous allons partager ensemble, mais surtout sur la première étape qui commence dès le lendemain matin. Nous partons aussi dans tous les sens, en parlant de voyage, de projets pour l’année à venir, des chemins que nous souhaitons suivre et comment nous envisageons les 365 prochains jours, ou du moins l’idée que nous en avons à cet instant «T» ! Mais nous nous n’éloignons jamais complétement du moment présent! J’ai acheté une bouteille de vin rouge Sud-Africain, que nous savourons en fin de repas, avant de nous permettre une petite fantaisie avec de petits plaisirs sucrés achetés spécialement pour l’événement.

La nuit est tombée un peu après 18h00 et nous avons fini notre repas bien avant les douze coups de minuit. De longues journées nous attendent, et le 1ier janvier 2015 promet d’être mémorable. En tout cas, le programme est alléchant. Bethany et Adam, puis Cyrille regagnent leur tente, alors qu’il n’est pas encore 23h00. Nous nous souhaiterons la bonne année, le lendemain matin. Nous avons prévu de nous lever à 7h00 pour filer un peu plus vers le nord-ouest. En attendant, je veille un peu plus longtemps. Je reste de longues minutes devant le feu. J’admire les flammes danser, virevolter, s’entrechoquer, vivre avec le comburant que nous avons introduits pour le nourrir. Sa vivacité, ces couleurs, captent mon esprit. Ce dernier s’égare pourtant parfois. Je pense à mes proches, mes amis, les personnes rencontrées lors de cette nouvelle année d’exception et les moments vécus avec une intensité démesurée. Je ne vis pas dans le passé, je ne ressens aucune nostalgie! Je ne vis pas dans le futur qui est encore une page blanche, où tout reste à écrire! J’ai des envies, des idées, des projets, des rêves! Mais, même si je peux tout faire pour atteindre mes objectifs, je ne suis pas en mesure de contrôler l’intégralité des événements qui créeront et écriront finalement mon destin. Je retourne alors vers la seule chose qui est vraiment et totalement réel; l’instant vécu!

Je regarde encore quelques minutes le feu se consumer. Eparpillant ensuite les braises, recouvrant le brasier de terre, puis des pierres qui délimitaient sa zone d’activité, je mets fin intempestivement à ce dernier. La nuit est noire. Le ciel, avec un plafond bas de nuages denses et épais, laisse à quelques endroits une vision sur ce qui existe au-delà de notre atmosphère. La lumière éparse de quelques étoiles m’envahie. Je regagne alors ma toile de tente avec un sentiment de plénitude et de bonheur inconditionnel. Je ne demande pas mon reste. Alors que nous sommes en 2015 depuis quelques minutes, je plonge immédiatement dans un profond sommeil! Seulement quelques secondes après m’être faufilé dans mon duvet, j’ai déjà retrouvé les bras de Morphée. Une fois de plus, je me sens vraiment bien saisi par son étreinte. Cela s’accompagne de beaux rêves et inaugure une nouvelle année pleine de promesses. 
Le lendemain matin, je suis le premier debout. Une fois de plus, la nuit fut assez courte, si je la compare à celle de mes semblables. Je dors pourtant si bien, qu’elle est parfaitement réparatrice et que je suis parti pour une longue journée. Les premières lueurs de lumière viennent seulement de sortir, de l’obscurité la plus totale, sur cette partie de la surface terrestre. Un nouveau jour se lève. Rapidement la vie reprend son cours. Bethany se réveille après moi, Adam suit quelques minutes plus tard. Finalement Cyrille émerge d’un sommeil profond, quand nous avons déjà bien avancé dans le rangement du camp! Après un petit-déjeuner simple mais agréable, nous prenons la route! Une heure après le départ, nous atteignons la «Von Lindequist Gate»! Il s’agit de la porte Est du parc national d’Etosha. Cette grande réserve couvre une superficie de plus de 22 000 km2, dont la plupart est son «Pan», un lac salé asséché, qui est devenu une sorte de marais salant désertique. Cette grande dépression blanche est un endroit de mirages et de mystères, mais pas seulement. Autour, une multitude de microclimats et d’environnement distincts, avec des végétations particulières, se sont développés. Mais surtout une quantité innombrable d’animaux sauvages vit en liberté dans ce lieu!
Etosha est un des principaux sanctuaires de la vie sauvage en Afrique. Il est unique! Je suis surpris de la facilité avec laquelle nous pouvons pénétrer dans ces lieux.  Contrairement à ce même type d’endroits très touristiques dans d’autres pays, pour l’observation de la faune sauvage africaine, nous commençons à avancer pendant de longues minutes sans aucun contrôle. Nous observons déjà des girafes, des babouins, des cervidés dont le fameux springbok, des phacochères… Puis nous arrivons réellement à la porte, ou un gardien nous demande simplement de remplir une feuille avec un nom, le numéro de la plaque d’immatriculation, et le nombre de jours que nous pensons rester. Nous n’avons rien à régler et surtout nous sommes libres de tous mouvements dans le parc, sans guide ou accompagnateur. Aucune consigne de sécurité ne nous sera promulguée. Nous pouvons alors partir à la découverte de ce lieu! Heureusement, nous avions déjà une carte à notre disposition et nous sommes trois sur quatre à avoir déjà fait un safari animalier. 
Nous sommes tous excités comme des enfants! Le ressenti doit être encore plus fort pour Cyrille, qui vit sa deuxième journée seulement en Afrique. Il n’a jamais vu d’animaux sauvages de cet acabit en liberté. Très rapidement, nous arrivons au camp de Namutoni, qui se trouve à quelques kilomètres seulement de l’entrée. Nous nous y arrêtons seulement le temps de lire les informations données par les autres voyageurs, concernant le lieu de l’observation de tel ou tel animal dans les dernières heures et journées. Nous pouvons ainsi établir notre plan de route, sachant que nous savons déjà où nous passerons la nuit. L’idée est de faire le tour de tous les trous d’eau et des possibles spots d’observation des animaux. Nous prenons très vite la pleine mesure de la richesse de ce parc. Nous observons tout d’abord deux guépards à une distance assez importante de la route et des chemins que nous pouvons emprunter. Cette apparition furtive des deux fauves met directement dans l’ambiance. Au premier trou d’eau, deux hyènes sont tranquillement installées. Aucun autre animal autour! Peut-être que leur rire désagréable, signifiant qu’elle a trouvé de la nourriture, le fait qu’elle soit catégorisée dans les charognards, et leur morphologie peu avantageuse, ont fait fuir les autres animaux? Peut-être seront-ils les derniers animaux que nous verrons de la journée? Je plaisante bien entendu et la réalité sera tout autre. Nous passons à travers de grands espaces herbeux très secs, où des gnous, des girafes se reposent, ou migrent vers un endroit plus propice pour trouver de la nourriture. Au deuxième trou d’eau, seulement à quelques mètres de nous, nous assistons à un magnifique spectacle, de l’animal le plus grand du monde. Cette girafe est venue pour étancher sa soif! Boire pour une girafe, sur un plan d’eau, au sol, est digne d’une gymnastique assez surprenante. Elle adopte alors position assez acrobatique, où elle est d’une vulnérabilité extrême. Nous pouvons l’observer pendant de nombreuses minutes en action. Je ne me lasserais jamais de ce spectacle, que nous offre la nature. Et je n’ai encore rien vu au cours de cette journée mémorable. Pour la première fois de ma vie, je peux admirer des Oryx. Ces animaux majestueux, avec leurs grandes cornes droites de plus d’un mètre, qui dépassent au-dessus de leur tête, possèdent un pelage, sous forme de patchwork blanc et noir, splendide. Le tableau est complété, en arrière-plan, par un énorme éléphant adulte mâle, qui sort tout juste d’un bon bain de boue. Nous ne savons même plus où donner de la tête. Dans cette prairie, les animaux sont partout. De l’autre côté, des girafes détalent alors qu’elles se sentent entourés par plusieurs véhicules. D’ailleurs nous n’avons pas vu grand monde depuis le début de matinée, seuls quelques véhicules de tour opérateur, mais aucun de rangers. C’est assez surprenant, surtout dans un lieu, où nous pouvons nous promener totalement librement de voir qu’il n’y a pas plus de surveillance mais aussi plus de sécurité que cela. Nous enchaînons en observant une colonie très importante de zèbres. Puis nous approchant d’un nouveau point d’eau, nous pouvons voir que les animaux sont très nombreux. Plusieurs girafes, des gazelles et antilopes, des Koudous, des zèbres et de nombreux oiseaux s’affairent près de cette ressource indispensable à leur survie.
Continuant notre route, nous passons dans des paysages changeants au niveau de la végétation, des couleurs, de la densité de la flore. Nous observons de nombreux animaux, dont des petits gnous de quelques semaines, de nombreux rapaces et autres oiseaux plus ou moins grands et colorés.

Prenant la direction du lieu, où nous passerons la nuit, nous nous voyons offrir un spectacle grandiose. A quelques mètres de la route où nous nous trouvons, environ trois mètres pour être précis, le roi de la jungle se repose à moitié endormie. Ce lion ouvre tout de même un œil à notre arrivée. Puis il se met à bailler. Il ouvre grand sa gueule et nous montre ces crocs acérés. Nous restons très longtemps à ces côtés, observant le moindre de ces mouvements et profitant de tous les petits détails du physique impressionnant de cette bête incomparable! Il se lèche les pattes avant, puis se recouche, et recommence un jeu amusant. Nous pourrions presque croire parfois qu’il s’agit d’un gros chat domestique. Pourtant, il ne faut vraiment pas se fier aux apparences. Cet animal est l’un des plus redoutables prédateurs. Il pourrait nous mettre en bouillie, nous dévorer tout cru en quelques secondes. Nous sommes à l’aise à cette distance car nous savons que la carrosserie de notre véhicule tout terrain, nous sépare de tout attaque inopinée. Nous décidons finalement de le laisser au calme, dans la torpeur de cette après-midi de janvier. Il y a des chances qu’à la nuit tombée, il se mette en chasse, à la recherche d’une proie facile. Mais il vaque pour l’instant à son activité favorite; dormir! Nous nous approchons ensuite de deux renards qui se chamaillent et qui semblent essayer de dominer l’autre et de lui montrer sa supériorité. Cela semble si mignon après avoir vu un animal beaucoup plus imposant et surtout assez pacifiste. Alors que nous avons repris la route, quelques centaines de mètres plus loin, deux lionnes avancent à pas décider dans la savane. Elles passent à côté de notre véhicule, presque à portée de mains. L’une d’elles s’est étirée, avant de nous passer devant, dans un mouvement très voluptueux. Nous admirant ces femelles pendant encore quelques minutes alors qu’elles s’enfoncent dans la végétation asséchée de ce parc…
Nous gagnons finalement le camp d’Okaukuejo, où nous passerons la nuit. Il est connu et reconnu pour son oasis éclairé, ces commodités, son emplacement, mais aussi pour un lieu très particulier. A l’arrivée, il y a la queue pour la réservation et le paiement des droits de séjour dans le parc. Il ne reste que quelques places pour le camping, pas assez à priori pour tout le monde. Nous n’avons pas les moyens de payer un logement dix fois plus chers. Mais heureusement une solution va être trouvée ; Des personnes pour qui cela ne posent pas de problèmes nous céderont finalement leur place. C’est très agréable de voir que des personnes sont arrangeantes alors que d’autres n’avaient pas voulu partager un emplacement à plusieurs ce qui aurait en plus fait des économies pour tous. La nature humaine est parfois très individualiste et sans égard pour autrui. Mais, il n’y a rien à faire surtout quand les personnes ne sont pas ouvertes d’esprit. Je retiendrais la belle expérience et ces personnes qui se sont adaptées à la situation. Après avoir accompli la partie administrative, remplis les formulaires et payer la facture, nous pouvons gagner notre emplacement et installer nos tentes.

Nous ne nous attardons pas près de notre campement monté. Nous sommes intrigués par la réputation du trou d’eau, qui est partie intégrante de ce camp. Il serait paraît-il un centre d’activité phénoménale de la vie animale. Ce dernier est juste en bordure de camp. De gros rochers et quelques fils barbelés électrifiés, en dessous du champ de vision, sont les seuls «remparts»  qui séparent les badauds humains, qui déambulent sur ce demi-arc de cercle piéton, et les animaux, qui pourraient venir se déshydrater.

Arrivés quelques secondes plus tôt, nous n’avons pas le temps de nous poser de questions sur la véracité ou non du potentiel de ce lieu. Dans la confusion la plus totale, je mets quelques secondes pour réaliser exactement ce qui arrive. Trois animaux viennent de surgir de nulle part. Ils s’abattent sur leur proie. Le zebreau n’a eu aucune chance! Un lion vient de le saisir à la gorge et l’autre lui à sauter sur sa croupe. Instantanément il est mis à terre! Puis, il suffoque jusqu’à son dernier souffle. La lionne et les deux jeunes mâles viennent de réussir leur guet-apens. Ils ont gagné leur casse-croûte pour la soirée. La scène pourrait paraître cruelle, ignoble, et injuste pour certains. Il s’agit simplement du cycle de la vie, d’animaux qui chassent pour vivre et se nourrir!

Les trois lions sont regroupés autour de leur festin et attaque directement dans la chair fraîche. C’est incroyable aussi de voir ce qui se passe autour de la zone d’attaque, où ces trois fauves viennent de commettre leur tuerie. Les autres animaux de la savane, dont de nombreux zèbres, mais aussi des antilopes, des girafes, restent à proximité et observent la scène. Ils ne semblent pas vouloir prendre la poudre d’escampette et s’éloigner d’un danger potentiel et réel. Comme j’avais plus le constater auparavant, sur d’autres scènes vécues en direct, au Kenya et en Tanzanie, les plus téméraires sont les renards. Aucunement effrayés par des animaux dix fois plus grands et plus puissants qu’eux, ils se rapprochent à quelques mètres seulement pour glaner, si possible, quelques restes de ce festin. Ils se font chassés parfois sur quelques mètres par les lions qui protègent leur morceau de viande. Mais cela ne les empêche pas, bien au contraire, de revenir aussitôt. Ils pourraient se faire réduire en charpie en une demi-seconde, par un coup de patte bien placé d’un lion, mais ils ne sont pas une vraie menace pour le roi de la forêt, qui les laisse donc se rapprocher dangereusement du butin. D’ailleurs ces trois lions commencent à déchirer les restes du zèbre, à s’arracher la carcasse déjà bien entamée. Ils essaient de récupérer un morceau intéressant puis partent chacun de leur côté pour finir de manger tranquillement. Bientôt, quand ils seront devenus dominants, les mâles seront les premiers à festoyer, même s’ils n’ont pas vraiment pris part à l’assaut. En attendant, ils sont sûr un pied d’égalité et chacun doit essayer d’en tirer le meilleur partie, tout en respectant les autres membres du clan.

L’attaque et le fait de tuer cet animal innocent et insouciant n’aura duré que quelques secondes. Quelques minutes, à peine, suffisent à ces prédateurs pour décortiquer la carcasse et déglutir la majeure partie de la viande fraiche et sanguinolente. Ceux sont les pattes et la bouche peinturlurées en rouge, couleur sang, que les lions laissent les dernières miettes sur le sol chaud de la savane namibienne. Ils observent ce qui se passe autour, zyeutent à droite et à gauche, avançant avec un pas nonchalant et calme. Puis ils se s’assoient de nouveau, le ventre plein, totalement repus. La scène d’action a pris fin, en tout cas pour ce qui est du moment trépidant de folie où tout s’accélère, où une vie bascule en quelques secondes. Mais l’animation autour de ce trou d’eau est loin d’être terminée. Le ciel est toujours très nuageux. Mais à l’approche de l’horizon, le soleil tente une percée. Il nous honore alors  d’un somptueux coucher de soleil. En arrière-plan du point d’eau, le ciel semble se consumer. Comme si les nuages étaient du papier que l’on aurait couvert d’essence. Comme si le soleil touchant l’horizon aurait créé une étincelle qui aurait enflammée instantanément toute l’atmosphère qui se trouve devant nous et au-dessus de nos têtes.
Avec les dernières lueurs de soleil, la température baisse drastiquement. Les animaux sortent alors de leur torpeur. La vie s’active autour du point d’eau. Après les girafes et les antilopes, qui viennent s’abreuver, c’est autour du premier rhinocéros noir de faire son apparition. C’est un des lieux les plus privilégiés pour admirer cet animal archaïque, encore très présent dans cette région du monde. Il est gravement menacé d’extinction, en raison du braconnage qu’il subit pour sa corne. Mais ici sa préservation est encore possible et je ne veux retenir, à cet instant, que la beauté du moment. Le ciel est encore d’une couleur flamboyante et ces animaux nous réservent un spectacle féérique. Bethany et Adam sont partis depuis longtemps car ils voulaient se baigner dans la piscine du camp et non dans le trou d’eau bien entendu. Nous sommes une équipe de «barjots», mais tout de même. 

Ils n’ont donc pas assisté au coucher de soleil. Après de longues minutes à profiter du spectacle, nous partons, avec Cyrille, dans la même direction qu’eux. Nous faisons un plongeon dans la piscine alors qu’ils n’y sont déjà plus. Puis nous regagnons notre campement pour préparer le dîner. Nous n’allons pas nous attarder à table. Nous prenons notre ration quasi quotidienne, sur ce voyage, de viande et flageolet cuits au feu de bois! Ces scènes bestiales nous donneraient-elles envie, à nous omnivores, d’adopter un régime plus de carnivores? Non pas réellement! Il s’agit simplement un fait d’un aspect pratique et financier. Il n’est pas facile de cuir beaucoup d’aliments au feu de bois sans y passer  des heures. Il nous faut aussi des aliments qui nous apportent assez d’énergie pour assouvir nos besoins caloriques quotidien. Il a ensuite la question de la conservation des denrées alimentaires. Ne possédant qu’une simple «glacière» souple, et ne pouvant pas nous réapprovisionner en glace au quotidien, nous nous devons de trouver des aliments qui se conservent même sans froid. Enfin, la Namibie est un très gros producteur de viande, avec une majorité de sa population qui est éleveur monade de troupeaux! Le prix de la viande est donc très faible… Voilà quelques explications qui peuvent justifier notre régime alimentaire, si besoin été.
Mais là n’est pas le plus important en cette soirée. Je n’ai qu’une hâte; retourner observer ce qui se trame autour du point d’eau. Après le coucher du soleil, les lumières de projecteur éclairent ce dernier. Deux gros morceaux de viande sur pattes, les plus gros qu’ils soient possible de trouver sur terre, en un seul morceau, nous font partager un intéressant balais d’échange et de communication. «Bon d’accord, j’arrête mon délire avec la viande et le fait de voir tout animal comme une source possible de protéine animal». Il ne me viendrait, en plus, jamais à l’idée d’essayer de tenter de manger la viande d’éléphant, entouré de cette peau si dure, sauf si je me retrouvais dans un lieu où l’indigestion de cet animal serait mon seul moyen de survie. Mais revenons à l’instant vécu. J’arrête de vous embêter avec ces délires de chasse à la Cro-Magnon, ou l’envie de vivre dans le corps d’un lion pendant une journée type.

Plusieurs éléphants se trouvent autour du point d’eau. Ils communiquent à travers une gestuelle très intéressante. Ils utilisent énormément leur trompe, qu’ils placent de telle ou telle façon, qu’ils les enlacent l’une dans l’autre. Leur chorégraphie est intrigante. J’ai le sentiment de regarder un film en «slow motion», ou mouvements au ralenti. Tout se fait dans un calme majestueux. Ces animaux imposants font alors preuve d’une volupté inimaginable. Chaque pas, chaque mouvement de trompe, chaque soulèvement de sourcil se fait dans un rythme fluide mais tellement lent…

Ils ne sont pas seuls autour de ce point d’eau. Des springboks, des girafes viennent boire. Chacun ne prête pas forcément plus attention que cela à l’autre. Même s’ils ont toujours leurs sens aux aguets pour essayer de détecter la possible menace d’un prédateur. En tout cas, ils ne semblent pas avoir prévu de rentrer en scène maintenant. La nature nous a déjà bien gâtés pour cette journée. Une autre attaque sur un animal sans défense n’a pas été introduite dans le script de «Dame Nature»; l’incroyable metteuse en scène de ce spectacle unique. Pourtant, je ne suis pas au bout de mes surprises. Un premier rhinocéros noir passe furtivement. Le manège va continuer toute la nuit. Les éléphants passent leur chemin, nous montrant comme dernière image, leur «popotin» qui se dandine de droite à gauche. Les girafes leur emboîtent le pas. Même si certains animaux vont repasser par intermittence, c’est un troupeau de rhinocéros qui, finalement, assure le clou du spectacle. Ils sont au moins cinq, dont une mère avec son petit, à venir près de ce point d’eau, s’abreuver, s’éloigner de nouveau, pour mieux revenir. Deux mâles se mettent en valeur. Ils font le show. Ils passent des heures, en rut, pour affirmer leur suprématie et montrer à l’autre qui devrait prendre le contrôle du groupe. Ils piétinent des pattes avant, s’affrontent en face-à-face, avec leurs cornes qui s’entrechoquent. Ils se coursent, prennent un peu de distance, puis reviennent à l’affrontement. Parfois, ils se plongent à mi-cuisse dans l’eau, continue leur combat font des pauses, tout en continuant à se fixer, puis repartent à la charge. Ils se reniflent, s’évalue, et l’un d’eux fini même par grimper sur l’autre, montrant ainsi qu’il a pris l’ascendant. Depuis longtemps, il n’y a plus personne, ou presque au niveau de ce point d’observation. Seuls quelques personnes viennent de temps pour admirer ce balai et repartent. Le veilleur de nuit fait aussi des rondes régulières. Ils restent quelques minutes puis repars. Ces allées et venues ne me perturbent aucunement. Je suis focalisé sur le spectacle que me réserve la nature. Il est 3h00 du matin quand je me dis finalement que je devrais, peut-être, aller dormir quelques heures…
A 5h45, après un premier cycle de sommeil; le seul pour cette nuit, je suis déjà debout. Mes yeux picotent un peu. Mais je veux vraiment retourner autour du point d’eau pour voir si quelque chose se passe, avant que nous prenions la route avec mes camarades de voyage. Le ciel est nuageux mais le soleil pointe tout de même le bout de son nez. Autour du point d’eau aucune activité n’est à signaler, si ce n’est que quelques zèbres qui déambulent près d’arbustes à plus de 500 mètres de distances. Je reste quelques minutes pour m’assurer que je ne vais pas manquer quelque chose de fort. Voyant que rien ne se passe, je regagne alors le campement. Bethany et Adam se lèvent. Nous réveillons Cyrille! Nous réunissons toutes nos affaires, démontons nos tentes, préparons la voiture, et après un petit-déjeuner rapide, nous reprenons la route. L’idée et l’espoir que nous avons est de voir de l’action en ce début de matinée! C’est le  moment où les animaux sont les plus actifs. Ils profitent des températures plus douces et supportables pour se déplacer, se nourrir, boire.
Nous ne serons pas déçus de nous être levés tôt.  Nous approchons du Pan. Nous observons sur cette magnifique étendue plate et blanche, des autruches et des zèbres qui boivent à un point d’eau. L’impression d’infinie derrière-eux est exceptionnel. En regardant fixement dans leur direction, j’ai le sentiment que rien ne peut leur arriver, avec une visibilité si grande rien ne pourrait les surprendre. Pourtant, en avant-plan, sur la droite, il y a des dunes de sable avec un peu de végétation. En y regardant de plus près, je m’aperçois que deux lionnes sont sagement assises, attendant leur heure pour attraper une proie. Cela va t’il se dérouler dans les prochaines minutes? Comme à chaque fois, l’excitation monte d’un cran. Dans l’idée, je n’ai aucunement envie qu’un pauvre animal sans défense se fasse lacérer par les crocs et griffes du maître de la jungle, tellement omnipotent. Mais sachant que c’est la loi de la nature et que cela arrive au quotidien, j’ai envie que cela se produise devant moi, comme une majorité de personnes qui viennent en safari. J’ai déjà eu la chance de voir des hyènes attaqués une proie, des lions aussi, mais je pourrais revoir ces scènes des centaines voire des milliers de fois avant de me lasser. Il n’en sera rien à ce moment précis. Les lionnes zyeutent ce qui se passent à l’horizon, prépare peut-être méticuleusement un plan d’action, mais elles ne passeront pas à l’action. En revanche un rhinocéros noir nous fait le plaisir de venir à notre rencontre. Il est tellement accueillant et chaleureux, tellement curieux… et finalement menaçant, que nous devons choisir de nous éloigner un peu pour le laisser passer. Encore une fois, des renards sont dans les parages. Je les aime bien ces petites créatures. Aussi petits soient-ils, ils ne semblent pas effrayer de la présence du rhinocéros, ni même des lions, qui sont pour eux, la possible source d’acquisition de nourriture sans un effort intense.
L’équilibre semble parfait. Chaque animal, chaque plante, prennent ce qu’ils ont besoin pour se développer, se nourrir, sans détruire ou tuer pour le plaisir. Chaque élément est un maillon et constitue une chaîne de vie, où tout se régule et évolue pour s’adapter à son environnement. Cela fait bien longtemps que l’être humain s’est écarté de ce chemin, essaie de tout contrôler et jouer les jeunes sorciers avec notre planète. Je fais partie de ce monde et je ne peux pas tout changer. En tout cas, je n’ai pas trouvé encore de solution miracle. Je suis une personne qui malgré moi, suis parfois trop dans le contrôle, dans l’envie de maîtriser ce qui va se passer dans ma vie… Depuis longtemps, j’ai compris cela. J’ai grandi. J’essaie le plus possible de lâcher prise, de sortir de ma zone de confort et de réaliser ce qui est important pour moi… J’essaie de tendre vers une vie où je serais totalement épanoui, en harmonie avec mon esprit et mon corps! Je ne sais pas si la société actuelle ne me donnera jamais cette opportunité. Dans le même temps, je ne veux pas être totalement à l’écart du monde et des autres. Je veux vivre aussi avec mes proches, autrui et être capable de construire. J’ai la chance de pouvoir faire des choix et de réaliser ce qu’il me plait. Je ne sais pas si j’ai encore trouvé la bonne voie mais je m’y attèle tous les jours. Je serais bientôt à un vrai carrefour dans ma vie! Je ne sais pas encore quel chemin je vais suivre, quelle embûche je rencontrerais sur ce dernier, quels beaux paysages ponctueront cette avancée vers l’inconnue du lendemain. Mais je sais une chose, en regardant à travers la vitre de ce 4x4, le spectacle que la nature me réserve, je suis transporté dans un monde simple, sans artifice, où la vie suit son cours d’une façon tellement fluide. J’espère que je pourrais m’inspirer de ces images, de ces moments, pour trouver un rythme qui me convient. Dans nos vies effrénées nous en voulons toujours plus, nous avons besoin de nous associer et soumettre à un modèle, qui est en fait assez loin de nos vraies aspirations. Mais nous le faisons par conformisme, pour rester dans le moule, par fainéantise, ou parce qu’à un moment il n’est pas possible de lutter contre la réalité de la vie. Nous n’avons pas envie de combattre tous les jours en ayant l’impression de stagner, de battre du vent et finalement de nous essouffler. Je pourrais soulever des montagnes si je savais, que ce que je vais faire, aura un impact significatif pour les autres et pour moi. Mai en tant que manager de projet, je suis aussi pragmatique. Je veux que ces derniers aboutissent. Je veux y croire avant même de me lancer. Je suis aussi une personne simple. J’ai envie d’une vie faite de moments agréables, où je suis heureux et où je n’ai pas à remettre toujours tout en cause. J’aimerais donc pouvoir allier ces différentes faces de ma personnalité, continuer d’avancer, entouré de personnes qui me sont chères, et aspirer à une vie plaisante. Les voyages, les rencontres, les nouvelles aventures, les expériences hors du commun ne s’arrêteront jamais aussi, en tout cas j’y veillerais… Reste plus qu’à trouver un équilibre!
 En attendant, nous nous trouvons dans notre Toyota Hilux SRX. Nous filons vers un nouveau point d’eau. De nombreux gnous, zèbres et antilopes zonent dans les environs de l’eau. Alors que nous admirons ces animaux, nos regards sont attirés par une agitation à une quinzaine de mètres de nous. Deux jeunes lions mâles viennent de surgir de nulle part, et saisissent une proie à laquelle ils ne laissent aucune chance. Tout de suite, la proie est à terre, puis périt suite à cet assaut foudroyant. Les deux lions ne demandent pas leur reste et commencent instantanément à dévorer leur festin. Ils sont recouverts de sang. Ils ingurgitent les différents morceaux de ce petit gnou qui n’aura pas eu une longue existence paisible. Très vite, ils se battent pour le reste de la carcasse. Puis presque repus, ils se posent dans l’herbe, à quelques mètres l’un de l’autre, dégustent les miettes, tout en regardant ce qui se passe dans les alentours. Je suis toujours aussi surpris que les autres animaux, qui sont des proies en puissance de ces animaux, ne semblent pas si effrayés que cela. Ils restent à proximité, regardent dans leur direction. Alors que le danger est réel, même si minime. Ils ne détalent pas! Les lions chassent pour se nourrir. Ils ne feront sûrement aucun effort au moins aucun autre assaut, pendant les 24 prochaines heures! Ces derniers se lèvent finalement et partent dans la direction du point d’eau et des autres animaux, qui se déplacent un peu mais reste à proximité. Le point d’eau est tout de même déserté, quand les lions y arrivent pour étancher leur soif. Seuls les oiseaux restent à leur niveau. Ces lions sont vraiment splendides, avec le reflet de leur crinière et de leur visage sur l’eau. Après avoir pu observer leur puissance et leur férocité, ils ressemblent vraiment à de grosses peluches inoffensives. En tout cas, j’aime ce moment magique à quelques mètres de ces fauves en liberté. Je le vie tel un vrai privilégié. Plusieurs fois dans ma vie, j’aurais vécu en direct de tels événements pour mon plus grand bonheur. Qui plus est, la nature n’a pas fini de me gâter! Nous voyons finalement ces deux lions majestueux s’éloigner dans la savane. Les autres animaux s’écartent alors sur leur passage.
Après quelques minutes, à l’arrêt, encore estomaquer par ce que nous venons de voir, nous décidons de continuer vers l’Ouest. Nous n’avons pas le temps de reprendre nos esprits. Dès le trou d’eau suivant, nous nous retrouvons devant une vraie arche de Noé. Les animaux herbivores, à l’écart des prédateurs s’en donnent à cœur joie. Ils sont des centaines et des centaines réunis, dans un petit périmètre, autour d’un point d’eau. Les zèbres côtoient les gazelles, les gnous, des oryx, des oiseaux qui virevoltent dans le ciel, quelques girafes et un éléphant mâle imposant. Ce dernier prend rapidement la mesure des débats en dictant la conduite à tenir pour les autres comparses invités dans ces lieux! Il course certains. Il s’amuse avec sa trompe et ces grandes oreilles en les faisant valdinguer de droite à gauche, ou inversement. Il ne met pourtant jamais en danger les petits de chaque espèce qui se trouvent dans la masse et reste encore très vulnérables et peu réactifs! Alors qu’ils ont pu se nourrir toute la nuit, s’abreuver aux premières lueurs du jour, et que la chaleur tonitruante de la région n’est pas encore à son apogée, les animaux sont plutôt très actifs. Les plus joueurs sont les zèbres, principalement les mâles, qui veulent imposer leur dominance sur le reste du groupe. Les duels sont âpres et parfois même violents. Les coups de sabots pleuvent. Les ruades pourraient provoquer des blessures sévères. De notre point de vue, le spectacle est intense. Nous ne savons pas dans quelle direction regarder. Nous sommes tous les 4 avec Bethany, Adam et Cyrille, à quelques centimètres l’un de l’autre, dans la voiture, mais chacun assiste à un spectacle différent en regardant dans de multiples directions. Plus ou moins figés dans des positions, la voiture elle ne va pas bouger pendant plus de deux heures!
Le sentier vers l’ouest, pour rejoindre le «Dolomite camp», puis ensuite la porte du parc national «Galton Gate», est ensuite encore assez long. Nous faisons vrombir une nouvelle fois le moteur, essayant, tout de même, de faire le moins de bruit possible pour ne pas déranger ces animaux qui semblent vivre une vie si paisible. Sur la route, de nombreux arrêts sont encore au programme. Même si nous ne retrouverons plus la même concentration d’animaux qu’à ce point d’eau, nous allons assister à d’autres spectacles grandioses. Un troupeau d’éléphant montre sa cohésion en étant parfaitement regroupé dans un espace restreint. Des autruches nous montrent leur puissance et leur vitesse en détalant à notre arrivée. Des girafes s’inclinent comme si elles voulaient nous faire une belle révérence avant que nous partions. Il n’en est rien en vrai! Elles sont indifférentes à notre présence, ou plutôt elles n’ont plus vraiment peur des êtres humains et de leurs engins métalliques bruyants car elles se sont habituées à nos allées et venues multiples et quotidien, à notre intrusion sur leurs terres. Un troupeau d’éléphant, au point d’eau suivant, n’est pas effrayé par notre arrivée en voiture. Mais le fait que je fasse quelque chose d’inhabituel va les perturber et leur faire prendre la fuite. J’ai en effet ouvert ma portière,  je suis sorti de la voiture pour avoir un meilleur angle de prise de vue. Je ne pensais pas qu’un petit être comme moi pourrait effrayer les plus gros mammifères terrestres. Il faut croire pourtant que si. Je suis alors désolé de les avoir interrompus dans cette activité qu’ils affectionnent tant en milieu de journée, quand les chaleurs sont accablantes. Le fait de se baigner et se couvrir de boue reste le meilleur moyen, pour eux, de se protéger. Surtout que ces pachydermes n’ont que très peu de poils, une peau épaisse mais directement touchée par le soleil. Nous tournant le dos et partant se réfugier un peu plus loin dans la savane, sous le regard des girafes, ils seront la dernière image que nous aurons des animaux de ce parc. 
 
Le rideau se referme après un spectacle détonant! La fin du sentier jusqu’à la porte ouest n’est qu’un long chemin de sortie. Nous n’aurons pas le privilège d’aller dans les coulisses pour saluer les acteurs de cette scène vivante inoubliable qui va rester très longtemps dans ma mémoire. De toute façon, les artistes aiment et ont besoin aussi de leur intimité. Et pour certains d’entre-eux, je ne serais pas forcément rassuré si je devais leur serrer «la patte»! Ils ont leur caractère dans ce métier! Ils sont parfois tellement sauvages que sur un coup de tête, ils pourraient te dévorer tout cru.

Les accidents ne sont pas rares surtout avec des personnes qui ne saisissent pas la portée de leur inconscience. Nous sortons indemnes physiquement de cette expérience mais ce que nous avons vécus permet de mettre encore une fois en abime le fait que la vie est tellement belle, mais cruelle aussi parfois. La nature est régit par des lois et seul une symbiose forte entre les éléments permet d’en préserver un fragile équilibre.

En sortant de ce parc national, nous laissons derrière nous des animaux à l’état sauvage, qui évolue dans un espace énorme, mais néanmoins délimité par des clôtures. Nous retournons sur des territoires depuis longtemps sous contrôle des hommes. Dans ce pays encore peu développé, l’impact de ce dernier n’est pas encore trop important. Nous rejoignons pourtant une des seules routes goudronnées de ce territoire. 
Nous partons vers le Nord en direction de la frontière angolaise. En moins de 2h30, nous atteignons notre prochaine destination. La ville d’Opuwo est un carrefour commercial important. Cette ville possède les seules centres commerciaux à des centaines de kilomètres à la ronde. Elle constitue une plaque tournante majeure dans l’économie de toute la région. Tous les petits villages aux alentours viennent s’approvisionner en denrées alimentaires de bases, quand ils ont réussis à collecter de l’argent avec leur cheptel de brebis, ou avec les plantes qu’ils ont cultivées et qui peuvent survivre et pousser dans cet environnement quasi-désertique, où le sable est omniprésent.

Opuwo possède surtout une spécificité qui relate visuellement le passé et le présent de ce pays unique. En effet, ancienne colonie allemande, les traditions germaniques, anglaises et des afrikaners, ayant fuient le régime sud-africain, forme un amalgame fort, surtout chez les populations urbaines, ou du moins qui se sont rapprochées des villes. Il subsiste aujourd’hui d’importantes traces de ce passé européen, pas toujours très glorieux, au niveau de l’architecture des villes, des infrastructures, de l’éducation ou de l’économie. Certaines femmes, à Opuwo, portent encore les anciennes robes coloniales allemandes. Les bâtiments en béton, les toits en tôle, les supermarchés ont poussés comme de vrais champignons en ville.

Mais ce passé, comme c’est le cas chez son voisin sud-africain, n’a pas, ou peu, influencé les peuplades rurales. Une majorité de la population vit encore en milieu rural. Le processus d’occidentalisation des différentes ethnies n’a pas eu lieu. La Namibie est encore un patchwork des différents modes de vie tribaux et africains. Nous en avons un aperçu dès notre arrivée en ville. Sur le bord de la route, marchant sur le trottoir, ou assis à même la  terre et discutant entre-eux, des femmes et enfants sont rouges ocres! Il ne s’agit pas de leur couleur de peau naturelle mais d’un enduit spécifique, utilisé depuis des décennies et en parfait accord avec leurs traditions. Nous allons pouvoir en découvrir beaucoup plus dès le lendemain. En attendant, les heures se sont écoulées à une allure folle depuis notre réveil matinal. Le soleil ne va pas tarder à se coucher. Nous avons décidés de ne pas utiliser ou très peu les hébergements. Dans ce pays, où le tourisme de masse n’existe pas, pour notre plus grand bonheur, les offres de logement sont peu nombreuses et onéreuses. De plus, nous aimons dormir dans la nature et nous avons envie de nous servir de tout l’équipement que nous avons prévu. Nous prenons le début de piste qui part encore plus au nord, en direction d’une magnifique cascade à la frontière angolaise. Nous n’irons pas jusqu’à cette extrémité nord du pays car la loueuse de voiture a bien insisté sur le fait que nous n’avions pas le droit de nous y rendre pour des raisons d’assurance et de sécurité. Nous n’avons aucune envie de jouer avec le feu, au sens figuré du terme.

Car au sens propre, les feux de camps sont et seront notre pain quotidien, et un élément indispensable pour nous nourrir. Avant tout nous devons trouver un campement. Nous sortons rapidement de la piste. Nous roulons sur un mélange de terre dur et de sable rouge ocre. Nous zigzaguons entre les quelques arbres. Nos roues, dérapant parfois un peu, laissent une trace bien spécifique mais temporaire dans ce paysage. Nous cherchons à nous éloigner de toutes habitations pour être sûr que personne ne viendra nous déranger ou nous déloger. Ce n’est pas que nous avons vraiment peur de ces populations, réputées très pacifiste. Il s’agit d’une pure précaution. Nous ne sommes pas chez nous. Peu de touristes, voir aucun, surtout pas les tours organisés, se verraient camper en nature. La curiosité des autochtones pourraient alors créer un rassemblement de foule qui nous mettrait dans une situation délicate. Ne voulant même pas envisager cette solution, nous essayons de faire le nécessaire pour ne pas qu’elle arrive. Après quelques minutes, nous avons le sentiment d’être arrivé au milieu de nulle part, que personne ne passera jamais par là. Aucune trace n’est détectable aux alentours. Les arbres permettent de camoufler la voiture. Le lit asséché d’une rivière nous permet de trouver un peu de fraîcheur, à l’ombre d’arbres qui la surplombent. La chaleur est accablante, mais une petite brise rend l’air ambiant supportable et respirable. A l’ombre, la sueur ne ruisselle pas sur nos fronts. Le besoin de s’hydrater est pourtant fréquent. Aucun bruit n’est décelable dans les premières secondes.

Pourtant, très rapidement, les premiers habitants de ces contrées inhospitalières viennent à notre rencontre. Ils n’ont pas l’habitude de voir des peaux blanches à nus. Ils nous tournent autour, s’amusent auprès de nos visages. Nous avons l’impression parfois qu’elles visent nos orifices faciaux. Je ne sais pas exactement à la recherche de quoi elles sont. Je ne sais pas si c’est une question ou non d’odeurs et de phéromones mais certains sont plus embêter que d’autres, leurs nerfs sont mis un peu plus à dur épreuve. Elles leur tournent autour sans répit. Alors que nous jouons aux cartes, ces dernières posées sur un petit sac rigide, et nos fesses directement sur le sable, les mouches sont de la partie. Je ne sais pas s’il y a un lien de cause à effet, si elles arriveront à déconcentrer les joueurs. Mais les perdants seront ceux qui auront eu le plus souvent à battre des mains, à tenir des postures bizarroïdes, pour essayer d’éloigner ces nuisances sonores, visuelles  et parfois même physique. Nous nous en accommodons tout de même et passons un bon moment.

Alors que le soleil commence à tomber, nous entendons tout d’un coup des voies d’enfants. Elles se rapprochent de nous. Pendant quelques minutes néanmoins, nous avons le sentiment que ces enfants restent à une distance raisonnable, qu’ils ne détecteront pas notre présence, passerons leur chemin, et rentreront dans leur village. Mais ces villageois encore très proche de la nature et de l’environnement voient facilement toutes modifications ou intrus qui pénètrent leur territoire. Nous décidons donc de remonter à la voiture. Au loin, nous ne tardons pas à apercevoir les premiers enfants. Ils sont très peu vêtus, se déplacent vite et nous ont repérés depuis longtemps. Ce n’est pas que nous ne voulons pas entrer en contact avec les locaux, bien au contraire, surtout concernant mon point de vue. Mais juste avant la tombée de la nuit ce n’est pas le meilleur moment. Bethany et Adam sont un peu plus frileux concernant ce type de situation. Ils viennent seulement de commencer  leur voyage. Ils avaient dit qu’ils voulaient bien camper dans la nature, à l’improviste, mais toujours à l’écart de toute population. Et puis nous ne voulons pas prendre de risques, ou même, plus simplement, ne pas demander l’hospitalité au chef du village si nous sommes sur le territoire d’une tribu. Nous ne nous attardons donc pas plus. Après avoir salués les enfants, avoir communiqué un peu à l’aide des mains et de la gestuelle du corps, nous reprenons la route.
Après avoir rejoint la piste, nous partons encore un peu plus au Nord. Ils ne semblent plus avoir de villages dans les environs proches, même si rien ne nous le confirme avec certitude. Nous cherchons un endroit où nous pourrons bifurquer et nous mettre à l’écart. Nous nous frayons un passage entre des arbres, pleins de piquant. Adam, qui conduit, manie le volant avec délicatesse pour s’assurer de ne pas égratigner la peinture blanche de notre véhicule tout terrain. Nous ne faisons qu’une petite centaine de mètres à travers ces broussailles et immobilisons le véhicule sur un terrain dégagé et un peu plat. Nous nous apercevons que l’être humain semble avoir posé sa patte quelques mètres plus loin. En effet, une palissade en bois trône là au milieu de nulle part. Je m’en approche et constate qu’elle est à l’état d’abandon. Nous décidons donc d’installer notre campement pour la nuit.

Je monte immédiatement au niveau de la galerie sur le toit de la voiture. Le soleil se couche. Il embrase le ciel. La faible couverture nuageuse va revêtir de multiples couleurs, qui vireront finalement au rouge vif, puis au violet. Les autres montent déjà leur tente. Je préfère profiter de cet instant. Je monterais ma tente, au dernier moment, juste avant de me glisser dans mon sac de couchage. Puis, avec Adam, nous allons ensuite ramasser du bois pour pouvoir alimenter le feu que nous affectionnons avoir en soirée, pour profiter de sa lumière, de sa chaleur, et de l’aspect convivial. Au-delà de cela, il nous permet tous les jours de cuisiner. Nous avions prévus d’avoir un réchaud, que Cyrille à ramener de France. Mais son embout butagaz est particulier et unique au marché français. Nous n’avons pas trouvés de bouteille de gaz qui pourrait s’adapter dessus. Ana et Vincent m’avaient mis en garde contre le fait qu’il était, pour ainsi dire, impossible de trouver du bois dans ce pays et qu’il fallait absolument avoir d’autres moyens pour se chauffer, ou du bois d’avance. Nous ne voyageons pas de la même façon. Ils n’ont jamais dormis en pleine nature et dans les camps aménagés, le bois n’est en effet pas présent car ces endroits sont nettoyés et que la fréquentation est trop importante. Dans le bush, même dans des parties semi-désertiques, nous n’avons pas de problème pour nous fournir en cet élément naturel assez abondant et parfait pour un feu, car déjà  très sec. Ce soir le menu n’est pas très original au vu des premiers repas partagés ensemble, ce dernier restera d’ailleurs sensiblement le même, en soirée, tout au long du séjour. Nous avons trouvés des sticks de bois, sur lesquels nous embrochons nos morceaux de saucisses prédécoupées. Les flageolets et haricots rouges cuisent dans leur boîte métallique. Déjà précuit par les fournisseurs de ces produits, et baignant dans une sauce, ils ne tardent pas à rentrer en ébullition, à frémir dans leur contenant tout juste entrouvert…

Nous mangeons bien. J’aime surtout cette ambiance autour du feu! J’ai toujours le sentiment d’être hypnotisé par les flammes qui dansent et virevoltent. Même les personnes, qui sont moins sensibles à cette beauté naturelle, sont attirées par l’impression visuelle de puissance qui se dégage d’un feu surtout en pleine nuit et sans aucune lumière à des dizaines de kilomètres de nous. Le feu peut-être synonyme de désastre, d’atrocités, d’événements tragique, mais il est surtout fédérateur, bien attentionné, au centre de nombreux foyer et un moyen majeur de survie de l’homme dans de nombreuses contrées. Il est aussi au centre de regroupements massifs d’individus, un élément important dans beaucoup de cérémonies, rites et fêtes. J’imagine parfaitement tous les animaux de cette planète réunis autour d’un tel lieu, mais cent fois plus grand, gigantesque, animé d’aucune animosité, mais plutôt tous figés et pacifistes… Et puis de temps en temps, nous sommes tirés de nos rêveries, par des voitures passant à proximité de nous. Nous entendons le bruit du moteur vrombissant et assez mal entretenu ou, en tout cas, ayant déjà une longue vie derrière lui. Des personnes assises sur la plateforme arrière des 4x4 discutent. Ils ont des voies qui portent énormément… Cela ne dure que quelques secondes. Ils ne remarquent pas notre présence et, en s’éloignant, nous laissent dans une certaine torpeur de la nuit, au milieu de la savane désertique namibienne.

Ils filent ensuite tous rapidement au lit. Je reste près du feu profitant encore quelques minutes de sa beauté. Puis, j’éparpille les braises pour arrêter que le bois se consume et que les flammes continuent de dévorer un de leur comburant favori. J’aperçois alors encore mieux un somptueux ciel étoilé. Les étoiles brillent et sont visibles par milliers, millions, voir même plus car elles sont impossibles à dénombrer en une soirée. Le ciel dégagé me réserve quoi qu’il en soit une magnifique surprise et la pollution lumineuse de l’homme ou sa pollution ne sont pas ici des facteurs qui rendent beaucoup de choses plus fades… Je regagne ensuite ma tente, des étoiles dans les yeux, après des journées magnifiques et un programme alléchant à venir.
Au petit matin, alors que le soleil vient de se lever, je me réveille avec un sentiment étrange. J’ai l’impression que nous sommes épiés. Ouvrant la fermeture éclair de ma tente, je ne tarde pas à confirmer mes impressions. Deux bushmans nous observent! Nous n’avons pas réussi à être assez discrets. Dans notre monde moderne occidental, nous avons perdus l’habitude d’utiliser l’intégralité de nos sens et de savoir regarder les signes extérieurs qui trahissent un changement, surtout en nature. Ici, les hommes sont encore au plus près de la terre. Leur mode de vie, leurs traditions, leur religion font qu’ils connaissent parfaitement leurs terres  et savent détecter le moindre changement. Je ne connais pas leurs intentions, s’ils peuvent avoir la moindre animosité à notre égard car nous avons dormis sur leurs terres sans demander de permissions. Pourtant, au premier abord, je ne ressens rien de tout cela. Je veux m’y fier et je n’ai de toute façon pas beaucoup d’autres alternatives!

En attendant, je ne sais pas non plus si nous avons pouvoir communiquer et si nous partageons une langue en commun. Je n’ai pas appris le dialecte de la région et j’ai des doutes quant à leur capacité de parler en anglais. Je me trompe! Ils vont très rapidement baragouiner quelques mots dans la langue de Shakespeare. Ils sont souriants, ne parlent pas beaucoup. En revanche, ils nous font comprendre par leurs postures qu’ils ne bougeront pas tant que nous ne serons pas partis de ce territoire. Nous pouvons échanger, réussir à nous comprendre les uns les autres. Nous ne savons pas si c’est pour nous protéger d’une possible menace, pour assurer notre sécurité, ou pour nous obliger à quitter ces terres. Quoi qu’il en soit, nous devons replier tout notre campement et quitter les lieux dès que possible. Cela va réveiller Bethany et Adam qui sortent alors la tête de leur tente. Cela m’arrange presque car, nous avons pu ainsi un peu échanger avec des locaux et la journée commence très tôt. Après avoir réveillé Cyrille, quelques minutes seulement nous suffissent pour tout plier et ranger dans la voiture. Nous les saluons et les remercions pour leur aide.
Puis, nous prenons la direction d’Opuwo. Nous nous arrêtons sur le bord de route devant des petites échoppes. Plusieurs personnes s’affairent autour de nous. Une d’elles se démarque du lot. Elle a une prestance différente des autres. Ces habits sont plus modernes et occidentalisés. Elle est enceinte de plusieurs mois. Elle parle très bien l’anglais et nous allons très vite comprendre pourquoi. Elle a fait des études à Windhoek. Elle a obtenu un diplôme en droit. Mais n’ayant pas réussi à trouver du travail. Elle est surtout tombée enceinte d’un local de sa région, quand elle était rentrée pour revoir la famille. Elle a donc décidé de retourner dans son village pour ces diverses raisons. Elle est ravie de nous voir, nous voyageurs indépendants! Elle nous demande si nous avons besoin d’aide pour quoi que ce soit. Contrairement à d’autres personnes qui nous ont sautées dessus pour nous proposer leur service, elle est beaucoup plus simple. Elle ne nous pousse aucunement pour faire telle ou telle chose. Je me sens en confiance. Je lui explique alors notre envie de partir à la rencontre des Himbas, d’aller dans un village traditionnel, ou peu de touristes se rendent et surtout pas des groupes en masse. Elle nous dit qu’elle peut nous servir de guide et d’interprète, que nous pourrons vivre une expérience forte et riche en moments inoubliables. Nous nous décidons à la suivre, après avoir défini rapidement les termes de cette rencontre, des engagements que nous assumerons entièrement. 

Même si nous allons dans une tribu, où peut de touristes se rendent, des uses et coutumes avec les visiteurs, tel que du troc a été instauré. Nous pouvons pénétrer dans leur village, partager un moment de vie avec eux et en savoir plus sur leur mode de vie, si en échange, nous leur apportons des denrées alimentaires de premières nécessités. Avant de partir à leur rencontre, dans un petit magasin d’appoint, en bord de piste, nous achetons du riz, de la farine, et de l’huile. Puis nous prenons des chemins de traverse, à peine dessiné sur cette terre sableuse, afin de rejoindre la communauté à laquelle nous voulons rendre visite. Le contraste est saisissant entre notre moyen de locomotion très moderne, et le mode de vie de ces habitants. Je suis presque gêné d’une telle différence et aimerais arriver, en marchant, avec mon sac sur le dos, d’une façon beaucoup plus humble! Mais dans ces contrées hostiles cela prendrait des semaines et des semaines et demanderait une logistique drastique et contraignante…
Il faut se rappeler que nous sommes au nord de la Namibie, dans le Kaokoveld, dans un environnement aride et montagneux. Cela ne favorise pas les échanges avec le reste de la Namibie, même pour les locaux habitués à ces conditions particulières. Imaginez alors la difficulté que nous pourrions rencontrer dans le cas où nous voudrions nous mouvoir sans véhicule motorisé. Les faits sont là, et ils ne changeront pas. Pourtant, cela ne va pas nous empêcher, de vivre une rencontre pleine d’humanisme et de beautés, par un échange simple entre être-humains.

Nous arrivons à un moment très particulier. Certaines femmes du village ont revêtu leur plus bel apparat pour aller aux funérailles d’une personne du village voisin. Elles sont bien sûre toujours couvertes de quelque chose d’unique qui font la spécificité de cette tribu…Dans la religion animiste, la mort n’est pas perçu comme quelque chose de dramatique et triste. En revanche, ils y accordent une grande importance et font le nécessaire pour que le défunt passe dans l’au-delà dans les meilleures conditions.

Les Himbas ne tiennent pas compte des vacances, des jours fériés, ou autre règles occidentales qui ont été fixées par une société très loin de leurs simples considérations de survie. Ils passent l’essentiel de leur temps dans les champs, avec leur cheptel, ou dans leur modeste hutte, bien loin des villes. Ils sont regroupés selon des coutumes et des codes bien précis. Semi-nomades pendant des millénaires, s’adaptant à des conditions de vie particulière, ils se sédentarisent de plus en plus. Leurs membres, particulièrement les femmes et les enfants, ont conservés une tradition ancestrale. Ils s’enduisent le corps d’une crème rouge qu’ils utilisent pour se recouvrir de la tête aux pieds. Elle se compose d'une poudre de pierre rouge, d’herbes diverses et variées de la région et de graisse de chèvre pour créer un mélange homogène, luisant intéressant. Ce mélange leur permet de se protéger des effets néfastes du soleil, mais aussi contre les insectes, d’effectuer un effet d’auto-préservation naturel et de donner un aspect esthétique et visuel très intéressant. Toutes les parures, les coiffures, les vêtements et les teintures ocres-rouges ont une signification précise. Par un simple regard, il est possible de savoir si c’est un enfant ou un adulte, si la personne est célibataire, mariée, avec des enfants et combien, prête à passer son initiation, à la recherche d’un marie et d’une femme, etc.... C’est passionnant d’apprendre les différentes façons de se préparer en fonction de son statut, de sa place dans le cercle familial. Après un accueil en fanfare, où beaucoup de monde s’est attroupé près de nous, une des femmes du village nous offre le privilège de rentrer dans sa case. Nous pouvons constater les conditions de vie très sommaire dans lesquelles ils vivent. Un homme peut avoir plusieurs femmes mais il doit s’assurer de procurer le même confort à chacune de ces femmes. 
Grâce, et par l’intermédiaire de notre interprète, qui est aussi originaire d’une de ces tribus, nous en apprenons beaucoup plus sur leur quotidien, les tâches à effectuer et leur répartition, les problématiques liées à l’approvisionnement en eau mais aussi en nourriture. Ils sont vraiment très dépendant des conditions climatiques. Un dérèglement saisonnier peut vite devenir une catastrophe pour de nombreuses personnes, entraînant parfois la mort, les maladies, et au moins le manque du strict minimum vital pour la vie. 

Le culte des ancêtres occupe une grande place en Namibie pour les différentes ethnies, particulièrement chez les Himbas. Comme mentionné auparavant le feu prend alors une place prépondérante lors de ces cérémonies mortuaires. Une place sacré lui est accordé au centre du village et chacun se doit de la respecter, avec des normes particulières. Les Himbas sont très proches des terres qu’ils occupent et avec lesquelles ils vivent en harmonie. Les chants, les danses, la peinture ou la sculpture font partis d’un panel d’activités artistiques qu’ils ont développées. Elles sont en particulier liées à leurs croyances religieuses. Comme dans de nombreux pays africains, la tradition orale permet de transmettre les valeurs essentielles, les règles de vie de la communauté. Elle se décline généralement sous la forme de contes oniriques. La femme qui nous accueille en sa demeure, puis son mari, qui nous rejoint un peu plus tard, vont nous en raconter certaines captivantes…

Puis en ressortant, nous continuons à découvrir les activités quotidiennes des différents membres de l’ethnie. En journée, peu d’hommes, sont dans le village. La plupart sont avec leur cheptel de moutons ou d’agneaux. Les enfants ne sont pas scolarisés. Les garçons, en âge de suivre leur père, sont déjà sur le terrain. Les femmes s’occupent des jardins proches du village, de la garde des jeunes enfants, de la préparation des repas, du maintien en état des logements et du village. Elles sont aussi et surtout de corvée d’eau. Elles se doivent de ramener plusieurs dizaines de litres d’eau pour une utilisation quotidienne. Elles font parfois plusieurs kilomètres, voire plus d’une dizaine. Elles portent ce liquide si précieux à la vie, sur leur tête, dans de gros sceaux.

Cette année est particulièrement sèche et la saison des pluies, déjà très réduite sur ces territoires, tarde à arriver. Les autochtones s’impatientent et s’inquiètent aussi un peu. Leur survie pour l’année à venir dépend de ce peu de précipitations futures mais incertaines.  Leur vie simple ne tient qu’à un fil. Elle est très précaire. Nous ne faisons qu’une intrusion furtive dans cette dernière. Nous ne pourrons pas leur apporter toute l’aide dont ils auraient besoin. D’ailleurs, ils ne le demandent pas et tiennent à conserver leur mode de vie. Ils ne veulent pas de notre monde occidental et de tous ces aspects superflus. Ils profitent seulement des moyens financiers des visiteurs, que nous sommes, pour s’assurer un apport alimentaire nécessaire pour toute la communauté. Cela se fait dans un échange respectueux et vrai. Contrairement à d’autres tribus auxquelles, j’ai pu rendre visite auparavant au cours de ce voyage, je vois immédiatement qu’ils ont ici déjà vus d’autres personnes avec une peau de couleurs blanches. Cela est flagrant auprès des enfants. Ils sont curieux, aimeraient en savoir plus sur nous et nos vies, mais ils n’ont peur, ne pleurent pas, et ne partent pas en courant… D’ailleurs, nous allons avoir de très beaux échanges avec plusieurs d’entre-eux. Ils resteront longtemps ancrés dans ma mémoire.
Après ces heures passées à leurs côtés, nous nous devons de continuer notre route, de fermer cette parenthèse hors du temps actuel. Nous avons été accueillis avec honneur, dans le plus grand des respects. Nous leur achetons quelques souvenirs. Il s’agit d’objets d’arts manuels et basiques, que chaque famille étale sur des peaux d’animaux à même le sol. Nous aimerions faire plaisir à tout le monde. Mais nous devrons sélectionner l’une ou l’autre des babioles en fonction de nos goûts, et de l’affinité immédiate créée avec l’un des Himbas. Dire au revoir n’est pas la plus facile des choses à faire. Surtout, lorsque l’on aimerait rester beaucoup plus longtemps, avec des personnes rencontrées sur la route. Je pense, une nouvelle fois, qu’il y aurait beaucoup à apprendre en passant des semaines entières à leurs côtés et en prenant le temps de vraiment expérimenter leur mode de vie… Ce n’est pas prévu pour cette découverte du pays pour mes partenaires de voyage et pour moi. Nous nous contenterons de la chance que nous avons d’avoir vécu ces instants. Nous regagnons ensuite le centre d’Opuwo, qui nous replonge immédiatement dans un monde qui nous est plus «familier». Nous faisons un plein de courses  alimentaires pour les jours à venir, ainsi que le remplissage des réservoirs de gazole. Puis nous partons de nouveau sur les routes de ce magnifique pays! 
Direction le Sud, pour rejoindre une côte mythique de ce pays! Nous empruntons la route C43, qui a plutôt l’allure d’une piste. Nous passons dans des paysages aux formes et couleurs variées. Ces derniers semblent infinis et à perte de vue. Nous n’en sommes qu’au début de la découverte de ce pays, mais nous avons déjà eu le droit à un panel impressionnant. La nature à perte de vue pour seul repère. Nous n’arrêtons pas de passer de la plaine, à de la savane, à des montagnes splendides, sans oublier les aspects désertiques, le lit d’une rivière asséchée, ou des paysages de dunes lunaires à venir. Pendant plusieurs heures, nous ne voyons pas âme qui vive autour de nous. Seul le passage dans le village de Sesfontein, près d’une rivière, nous rappelle que nous sommes toujours sur la planète terre, où l’être humain à dans de nombreux endroits posé «sa patte» et son hégémonie... Peu importe! Ici, c’est la nature qui est reine! Les jeux de lumière et les contrastes entre toutes les couleurs sont fascinants. Pour ma part, je ne suis qu’au début de l’émerveillement. La magie va encore opérer en cette fin de journée.
Nous décidons de nous arrêter en bordure d’un parc national qui borde l’océan atlantique. Nous trouvons un bivouac en plein désert, dans des paysages de canyon. Je suis surpris par les températures relativement douces malgré ces paysages secs. Le courant marin frais, voir froid, venant de l’ouest; de la mer, est responsable de ce phénomène rare. Nous sommes seuls au monde. Dans ce milieu rocailleux, où des multitudes de cailloux jonchent le sol, nous avons trouvés un emplacement correct pour installer notre campement, être à l’abri du vent, et du passage peu probable de véhicules, ou de personnes, pendant la nuit. Nous ne montons pas nos tentes dès à présent. Dans ce paysage de Far West, nous décidons de prendre de la hauteur pour assister au coucher de soleil. Bien nous en a pris! Après avoir grimpé le sommet le plus proche, en zigzagant entre les rochers, nous atteignons un plateau avec quelques cactus, mais surtout une vue imprenable sur la région environnante. Nous nous laissons un peu de liberté pendant ces moments, où nous ne sommes pas en voiture. Chacun navigue à droite et à gauche, trouvant l’espace vital dont il a besoin. Particulièrement dans ces lieux, ça serait dommage de s’étouffer les uns les autres! Même si nous formons une équipe très complémentaire, dans laquelle les décisions communes se passent sans encombre, nous avons tous des personnalités différentes et surtout assez autonome et indépendante. J’assiste à un coucher de soleil somptueux, l’admirant derrière un cactus, puis au bord de la falaise plongeante. La fameuse côte que nous voulons atteindre se trouve seulement à quelques encablures. En cette fin de journée, il nous suffirait de partir en direction de l’astre solaire couchant pour l’atteindre. Là n’est pas le but. Nous n’en ferons rien!

Nous passons une nouvelle très bonne soirée autour du feu, à discuter de notre périple, de nos ressentis, de voyages, de projets… de la vie et la perception que chacun peut en avoir, à un instant précis de son existence…

Une fois encore mes compagnons de voyage ne tardent pas à rentrer dans leur tente, alors que je profite du calme, de la beauté des lieux. Les nuits étoilées sont sublimes car leur intensité n’est pas diminué par différentes sortes de pollutions, qu’elle soit physiques avec des particules dans l’air en raison des activités humaines, ou lumineuse avec la lumière émise dans les villes quasiment en continue la nuit. Après avoir profité d’un nouveau temps au calme, seul, je gagne aussi la chaleur de mon duvet, et la sensation de cocon dans cette petite tente bleue, qui m’accompagne depuis l’Australie…

Nous nous réveillons assez tôt car nous avons une contrainte de temps. En effet, nous avons eu vent d’une astuce. Nous entrons dans un parc national payant. Les campements sont rares car il n’y en a que deux. Ils coûtent très chers, beaucoup plus que les campements à Etosha. Nous ne voulons donc pas faire ces dépenses inutiles. L’astuce est la suivante. Si nous faisons ce parc en une journée, le droit de passage est gratuit! Nous devons normalement rester sur la route principale et ne pas visiter les lieux d’intérêts touristiques! Car il s’agit seulement d’un transit! Nous ne respecterons pas ces contraintes et impératifs! Cela aurait pu nous coûter très chers au vu des événements à venir. Mais en prenant cette décision, la veille et en confirmant ce choix en arrivant, à la porte du parc, nous n’en savons encore rien. Pour Bethany et surtout Adam ce lieu est une des raisons majeures pour laquelle ils voulaient visiter la Namibie. Les paysages sont un point d’intérêt qu’ils ont retenu. Mais, surtout, Adam est surfeur. Il a vu un reportage sur un surfeur, partant dans des petites criques de cette côte sauvage pour surfer des vagues monstrueuses. Après s’être renseigné, il s’est aperçu qu’il n’était pas à la bonne période de l’année pour que les conditions en mer soient optimales. De plus, les endroits qu’ils devraient atteindre, pour réaliser la même expérience que le précédent nommé, sont très reculés, loin de sentiers que nous allons empruntés. Cela lui aurait coûté une vraie fortune pour organiser une expédition dans ce désert, avec des guides, des 4x4 adaptés, et plusieurs jours loin de tout. Il a très vite abandonné l’idée de réaliser ce rêve fou! Mais il avait tout de même vraiment envie de découvrir ces lieux dont il a tant entendu parler.
Nous sommes très vite plongés dans des paysages lunaires énigmatiques. De plus ces derniers sont changeants. Chaque minute nous réservent son lot de surprises. Des facteurs impressionnants, dans ces déserts, sont premièrement la relative fraîcheur en raison d’un courant marin froid venant de l’Antarctique et, deuxièmement, la présence d’animaux sauvages, qui ont réussis à s’adapter à un environnement hostile. Partout en Namibie, il est possible de croiser sur la route des zèbres des oryx et des Koudous. Dans le Damaraland que nous venons de quitter, nous aurions pu rencontrer des rhinocéros noirs, ou les seuls éléphants au monde vivant dans un désert. Sur la «Skeleton Coast» (côte des squelettes), où nous venons de pénétrer, nous allons voir des gazelles, des oryx. Ils se déplacent d’oasis en oasis. Ils font parfois des dizaines et dizaines de kilomètres dans le sable sans nourriture et sans eau. Nous avons même été mis au courant de la présence de lions, qui survivent dans ces conditions si particulières.

En tout cas, en arrivant sur la côte, nous avons une sensation de vivre la fin du monde, d’arriver aux confins de notre planète… Et encore le temps est au beau fixe, le vent assez léger. Nous avons un grand ciel bleu. Cette côte Atlantique, au sud-ouest de l’Afrique, est réputée pour être souvent très tumultueuse, prise dans un épais brouillard, avec des conditions pouvant rapidement devenir dantesques! Nous pouvons donc nous estimer chanceux. Nous avions entendu parler d’une sensation d’arrivée à la porte des enfers… Ces dernières ont dû se refermer et laisser nos âmes humaines en toute quiétude...

Nous aurions dû directement partir vers le Sud, à la première intersection de pistes dans ce parc, ne pas nous approcher de la côte, ne pas visiter certains lieux magiques… Nous allons bien évidemment faire tout le contraire de ces obligations qui ne sont que factuelles et que personne ne viendra vérifier dans ces contrées isolées. Nous partons vers le Nord. Nous visitons en premier les installations de Torra Bay, qui n’est qu’un camping dans le désert, pour des fans de pêche au gros depuis la côte. Des dizaines de namibiens et sud-africains se retrouvent ici toute l’année pour partager cette passion. Intéressant de voir ces hommes aux milieux du désert, qui ont fait des centaines de kilomètres pour profiter de conditions pour pêcher idylliques. Les 1570 kilomètres de côtes, baignées par l’Atlantique froid, sont influencés par le courant du Benguela. Ce dernier remonte de l’Antarctique  et laisse l’océan à une température de 14 à 18°C, ce qui permet une vie aquatique intense.

Puis nous atteignons Terrace Bay qui possède son hôtel, son centre de recherche, son aérodrome pour hélicoptère et d’autres installations sophistiquées; anciennes reliques de la présence de mines pour minéraux, réhabilité pour accueillir des chercheurs et des touristes. Ces lieux sont loin d’être les points d’intérêts qui reteignent notre attention. 
Après avoir poussé un peu plus vers le nord et être arrivé en bout de piste, nous repartons en direction du sud. Nous découvrons en premier lieu le bord de mer découpé, l’eau d’une couleur divine, la fraîcheur de l’air marin, et déjà quelques ossements qui font la réputation de cette côte. C’est le cas aussi, apriori, de nombreuses épaves de bateaux échoués. Puis nous repartons quelques centaines de mètres dans les terres. Nous nous enfonçons dans les dunes de sable blanc, qui se jettent presque dans l’océan. Après avoir joué raisonnablement avec le 4x4, nous gravissons une des dunes les plus hautes à pied. Au sommet, la vue est unique et extraordinaire. D’un côté, la mer à perte de vue et, de l’autre côté, des dunes un peu vallonnées à perte de vue aussi! Je pourrais vous en faire une description dans les moindres détails, vous expliquer les sensations que l’on ressent. Le vent qui égrène quelques grains de sables sur vous, avec la sensation du sable chauffé par le soleil, qui masse chaque doigt de pieds ainsi que la voûte plantaire. L’aspect visuel infiniment extrême de ces dunes! Je dois être plus sensible que mes collègues à cette situation extraordinaire. Alors qu’ils redescendent vers le 4x4 pour déjeuner, je reste de longues minutes sur les sommets de ces dunes que j’arpente en suivant leurs belles courbes.

Nous déjeunons à l’arrière du 4x4, en essayant de nous mettre le plus à l’ombre possible pour éviter un contact direct de la peau avec les rayons brulants du soleil. Nous ne nous attardons pas dans ces lieux car nous voulons encore faire quelques stops le long de la route. La distance à parcourir jusqu’à l’autre extrémité du parc n’est pas négligeable. Seulement quelques heures nous séparent maintenant de la fermeture des portes. Nous découvrons des plages mystérieuses, où gisent des centaines d’ossements d’oiseaux, d’otaries, et même de baleine. A certains endroits, il s’agit d’un vrai cimetière à ciel ouvert, sans caveau et même sans ensevelissement… Un peu plus loin, les vagues qui viennent s’échouer sur la côte, laisse une empreinte verdâtre suspecte. Le côté mystérieux et diabolique de cette côte atteint son apogée, tel un paroxysme indéniable. Et nous ne sommes pas au bout de nos émotions…
Alors qu’il nous reste encore une cinquantaine de kilomètres à faire pour sortir du parc, un panneau indique un lagon, un autre oasis dans ces paysages lunaires arides. Adam, au volant, avec notre accord à tous, prend cette route secondaire, qui nous rapproche une nouvelle fois du bord de mer. A Terrace bay, des explications sur les lions du désert ont confirmées des histoires que des locaux nous avez comptés. Il existe bel et bien quelques fauves, qui survivent dans ces lieux. En approchant, ce lagon, nous espérons avoir la chance d’en observer un. D’ailleurs, cela me rappelle instantanément qu’avec Bethany, sur une des plages précédentes, nous avons pu voir des empreintes fraîchement déposées dans le sable d’une lionne et d’un lionceau… D’ailleurs, elles étaient dirigées dans cette direction. En arrivant sur place, nous nous trouvons face à un paysage multicolore enchanteur. Mais seulement quelques oiseaux pataugent dans le peu d’eau qui reste.

Avec Cyrille, nous voulons descendre pour nous rapprocher de l’eau. Alors que nous venons de poser pied à terre depuis seulement quelques secondes, nous entendons le moteur ronronner bruyamment. Adam vient de poser le pied sur l’accélérateur. Il a envie de s’amuser, de faire un peu «le fou» avec ce véhicule à 4 roues motorisées. Il n’a pas pris conscience des dangers des lieux. Son inconscience nous met rapidement dans une situation périlleuse. A l’allée, la voiture passe sans encombre, en donnant la sensation de flotter juste au-dessus de ce terrain solide. Mais il décide au retour de passer beaucoup plus près de la mare d’eau encore présente visuellement. Tout autour, le sol est encore gorgé d’eau, il est meuble… La voiture s’enfonce alors irrémédiablement dans la boue. Le piège vient de se refermer! Adam prend rapidement conscience de la stupidité de ces actes et du pétrin dans lequel il vient de nous plonger. Il s’énerve au volant de la voiture! Il tape sur le volant en jurant violemment. Alors que nous admirions, avec Cyrille, les oiseaux et le milieu splendide dans lequel ils évoluent, nous assistons impuissants la scène. Nous ne voyons plus les roues ou presque. L’aile droite de la voiture est littéralement posée sur cette vase marécageuse. Allons-nous pouvoir nous dépêtrer de cette situation rocambolesque? Adam sort de la voiture. Bethany est figée sur son siège; circonspecte!

Adam fait une première tentative en poussant les gaz à fond en marche arrière mais les roues patinent et la voiture s’enlise inexorablement. Il arrête immédiatement mais le mal est fait! Trois espagnols présents sur les lieux sont perplexes et stupéfaits de son inconscience. Ils essaient tout de même de nous venir en aide, sans vouloir prendre le moindre risque pour leur véhicule. Avec des câbles, nous essayons de relier les deux voitures pour tirer. Nous commençons à installer des pierres et des morceaux de bois sous les roues. Le but est d’essayer de leur trouver un appui qui permettrait qu’elles puissent tourner, permettre la traction par ces propres moyens du véhicule afin qu’il déleste le plus de poids. Il est nécessaire qu’il puisse repartir dans la direction opposée afin de retrouver un sol capable de le supporter. Nous effectuons, avec eux, que quelques essais, car les câbles cassent à plusieurs reprises. La voiture s’enfonce encore un peu plus, ou du moins ne bouge presque pas, à peine de quelques centimètres, avant de se reposer dans la vase. Les espagnols s’avouent rapidement vaincus. Ils ne sont pas en mesure de nous sortir de là, ou en tout cas ils le pensent. Contrairement à nous, qui n’avons rien en cas de problèmes, ils ont en leur possession un téléphone satellite. Ils essaient alors de l’utiliser pour appeler les services du parc national et les secours. Mais aucun réseau n’est accessible. Nous sommes donc coincés, jusqu’à nouvel ordre près de ce lagon, au milieu de nulle part. La présence possible de fauves à proximité est en plus réelle. Les espagnols partent vers le Nord. Ils doivent gagner Torra bay avant qu’il fasse nuit. Ils nous assurent qu’une fois arrivée sur place, ils préviendront les secours. Ils en feront de même s’ils croisent d’autres véhicules.
Nous les voyons s’éloigner puis disparaître dans ces paysages désolés. Nous pourrions nous réfugier dans le véhicule et attendre désespérément. Nous décidons plutôt d’être actifs et de mettre toutes les chances de notre côté avant que la nuit tombe. Adam, Cyrille, et Bethany creusent, sous et autour des roues, pour installer correctement tout le bois que nous avons pu trouver à proximité et faciliter une possible extraction par un autre véhicule. Je pars à la croisée des chemins pour intercepter tout véhicule qui passerait sur la piste principale qui sillonne tout le parc.

Les minutes s’égrènent. Toujours rien à l’horizon. Le ciel commence à s’obscurcir. J’ai le temps de me poser milles questions, de revivre en boucle ce qui nous arrive et d’imaginer le meilleur des dénouements comme les situations les pires… Je ne suis pas si loin que cela du véhicule. Selon où je me  trouve je les aperçois. Mais j’essaie, aussi et surtout, d’être toujours à un point de vue qui me permet de scruter l’horizon et tout mouvement suspect.

Alors que je commence à perdre confiance en une solution miracle, un nuage de fumée va instantanément me redonner de l’espoir. Je marchais le long de la piste. Je retourne donc en courant au croisement. Dès que la voiture est à une distance raisonnable, je commence à faire des grands signes, avec les bras, pour être sûr qu’ils s’arrêtent à mon niveau. Il s’agit d’un couple de sud-africains qui s’apprêtent aussi à quitter le parc. Il reste plus qu’une heure trente avant que le parc ferme et nous sommes à peu près à 50 minutes de la porte sud. Le compte-à-rebours a commencé. Nous ne savons pas, à cet instant, si nous avons la moindre chance de gagner contre le temps qui s’écoule.

Ils ont en tout cas un beau 4x4, avec un treuil, à l’avant, qui pourrait se révéler très utile… sauf qu’il est en panne. Il devait le faire réparer la semaine avant de partir, mais il n’a pas pris le temps de le faire! Il faut donc une nouvelle fois essayer l’option de tractage avec des sangles et un gros cable métallique un peu rouillé, mais long et solide que nous avons trouvés près du lagon.  Nous mettons toutes les chances de notre côté en préparant cette fois-ci bien les sangles. Toutes les cales de bois sont bien mises en place, les roues dégagées d’un maximum de boue. Cyrille se met au volant. Avec Adam et Bethany, nous sommes tous les trois les mains sur le capot, près à pousser la voiture de toutes nos forces. Nous coordonnons l’action des différents protagonistes pour que tout le monde effectue son effort en même temps. Les moteurs ronronnent. Le sud-africain commence à avancer, le cable  se tend. Les lanières, à chaque extrémité, se resserrent contre le cable! Le tout est maintenant parfaitement tendu. On peut facilement apercevoir la pression qui est exercée sur l’ensemble physique qui doit nous extirpé de ce pétrin. La tension est palpable aussi dans l’atmosphère. Nous donnons le top départ à Cyrille pour qu’il accélère et poussons de toutes nos forces. La voiture bouge et semble vouloir sortir de ces ornières… Mais après quelques secondes, d’un coup brusque notre effort est interrompu! Une des lanières vient de se casser. La voiture ne s’est finalement déplacer que de quelques centimètres tout au plus. Les roues se renfoncent dans le marécage de ce lagon qui pourrait définitivement devenir, pour nous, une prison en pleine nature, au moins pour la nuit.

Mais nous ne baissons pas les bras, bien au contraire! Le fait qu’elle est bougée nous redonne de l’espoir. Nous voulons croire à notre bonne étoile. Nous réfléchissons à la meilleure solution pour tout attacher et s’assurer que cette fois-ci les liens ne céderont pas. Une fois que tout est fixé de nouveau, nous effectuons une nouvelle tentative. Nous partons sur le même principe d’actions coordonnées. Quand la voiture bouge significativement, nous crions pour nous donner de la force. Le bas de caisse ne touche plus la boue, les roues sortent progressivement aussi. Pourtant la voiture dérape sur plusieurs mètres mais elle est en mouvement… Encore quelques hectomètres à faire et nous devrions être définitivement sortis d’affaire! La voiture repose de nouveau sur un sol assez dur. Le soulagement est général, la joie communicative. Nous remercions nos sauveurs du jour. Ces derniers sont heureux d’avoir pu nous aider. Ceux sont même eux qui nous offrent une bière fraîche. Nous n’avons malheureusement rien à leur offrir.  Adam veut absolument leur remettre de l’argent pour les remercier de nous avoir sorti de ce mauvais pas. Mais ils refusent catégoriquement et à plusieurs reprises! Ils ne  peuvent rester pas très longtemps non plus car veulent être sûr d’arriver à l’heure à la porte. Nous les suivons très peu de temps après. Nous sommes tous les quatre excités dans le véhicule et heureux de ne pas avoir à gérer une situation grave… C’est une délivrance, surtout pour Adam et Bethany, je pense. 
 La voiture n’a pas été endommagée par ce bain de boue. Je peux donc l’utiliser à 100% de ces capacités. J’appuie sur l’accélérateur sur cette piste très agréable à parcourir avec un tel véhicule. La boue, accrochée sur les roues, le bas de caisse, les ailes, se détache petit à petit. Parfois de gros blocs de terre agglomérée humide tombent soudainement. Atteignant la porte avant l’heure de fermeture, nous n’avons aucune question du garde. Il nous fait simplement signer le registre officiel avant de nous laisser continuer la route, en nous disant de ne pas tarder car la nuit ne va pas tarder à tomber... Il n’a pas tous les éléments en sa possession. Il ne sait pas comment nous voyageons et où nous dormons. Nous nous n’en vanterons pas de toute façon car le camping sauvage est légalement interdit par l’état namibien pour éviter tout problème.  Et puis, nous ne prenons pas immédiatement la route. Dormir  en pleine nature, sans commodités, est une chose. Ne pas prendre de douche pendant plus de 24h00 ne sera pas une exception, ou un fait unique, pendant ce périple. Mais quand tu es recouvert de boue après avoir fait tout ce qu’il faut pour dégager ton véhicule, la perspective de ne pas pouvoir se rincer est moins engageante, voir même à proscrire si tu veux te sentir bien. Nous utilisons un tuyau d’eau, près des habitats des gardes du parc, pour nous débarbouiller et supprimer la totalité de la boue qui recouvrait nos peaux, surtout pour les trois qui ont creusés sans relâche jusqu’à l’arrivée de nos sauveurs du jour!

Puis nous reprenons la route, seulement pour quelques dizaines de kilomètres. Dans ces plaines désertiques, nous apercevons un petit monticule qui pourra nous protéger du vent et des intrus pour la nuit. Nous y installons, notre campement, dînons et ne demandons pas notre reste avant de nous endormir! 
Je suis le premier debout pour ne pas changer les bonnes habitudes. Le temps est gris, couvert, sur la côte. Mais une barrière physique; les montagnes, crée une vraie démarcation. A l’Est, le temps est dégagé! Cela laisse une petite bande de ciel bleue, qui va me permettre d’assister de nouveau à un spectacle plaisant. Le soleil n’est pas encore lever quand je sors de ma tente. Montant sur le monticule qui nous a protégés du vent, j’assiste les cheveux ébouriffés par la force d’Éole, à un lever de soleil unique, au charme particulier. J’aime le lever de soleil car il annonce le début d’une nouvelle journée. Je sais que peu de personne sont réveillés, même partout dans le monde, pour souvent le regarder. Et là, j’ajoute un côté éphémère un peu plus marqué qu’à l’habitude. Car seulement quelques minutes,  après avoir montré le bout de son auréole lumineuse, après avoir éclairé le ciel d’une couleur orangée splendide, il disparait derrière les nuages pour un temps certains et encore inconnu, pour nous simples mortels. Quand Bethany, Cyrille, et Adam se réveillent, ils ne voient qu’une journée qui commence sous les mauvais hospices avec un temps gris, de gros nuages qui semblent figés dans le ciel, et des rafales de vent fortes au sol… Une fois de plus, nous plions le campement, déjeunons «sur le pouce», à l’arrière du véhicule avant de reprendre la route.
En ce début du 5 janvier 2015, nous sommes un peu plus près de la réputation inhospitalière, noyée dans le brouillard, de la «Skeleton Coast» (côte des squelettes). Cette bande littorale aride et désolé, où rien ne pousse, où la vie n’est que très rare sur la terre ferme, prend alors des allures de fin du monde. Les fantômes ne semblent pas loin et pourraient facilement venir te hanter. Nous découvrons enfin quelques bateaux, plus ou moins imposants, échoués près de la plage. Nous tenons alors aussi notre confirmation concernant son rôle de sanctuaire pour navires en perdition. Nous sommes sortis du parc national, à proprement parlé, mais les paysages restent vierges et désertiques. Nous filons toujours plus vers le sud pour découvrir un nouveau lieu unique. Nous atteignons Cape Cross 2h00 plus tard. Une fois encore, il s’agit d’une réserve naturelle. Nous devons nous acquitter d’un droit d’entrée. Un chose est sûre, nous sommes les premiers sur place. Seul une femme, qui travaille pour la préservation de la faune et la flore du pays, nous rejoints dans les bureaux de l’administration. Nous achetons nos tickets pour pénétrer dans ces lieux et obtenons de nombreuses informations sur ce que nous allons découvrir dans quelques minutes.
Nous nous garons sur un parking en bord de mer. En face de nous, de grosses masses marron foncées et pleins de boules noires, un peu plus petites, recouvrent la totalité du sol. C’est un spectacle impressionnant, surtout quand toutes ces formes inertes à notre arrivée, commence soudainement à bouger. Cela se produit alors que nous venons de nous garer et descendons de la voiture. C’est un vrai privilège d’arriver les premiers. Nous pouvons observer des comportements bien particuliers. En revanche, nous venons vraiment les perturber dans leur habitat et dans l’endroit où ils se reposent. S’en est presque gênant! Ces animaux sont imposants. Ils pourraient facilement nous assénaient des coups de crocs qui nous laisseraient à terre. Et même si, dans un instant de survie, nous décidions de prendre les devants, de leur sauter au coup et de les mordre jusqu’à asphyxie, nos chances de succès seraient quasiment réduit au néant (vous imaginez la situation, c’est assez burlesque, non?). En effet, leur peau est épaisse et dure, prévue pour leur permettre de passer des heures dans les eaux froides qui circulent sur ce littoral ouest du sud de l’Afrique. Mais nous n’aurons bien entendu pas à envisager cette solution extrême. Ils s’écartent tous sur notre passage. Même ceux que nous extirpons de leur sommeil, semblent un peu grognons. Ils ne demandent pas leur reste et partent en se dandinant sur ce sol sableux ocre.  A cet endroit, il ne s’agit que de femelles et de jeunes. C’est un élément primordial pour notre sécurité, car les mâles sont beaucoup plus agressifs et défendent leur territoire, ainsi que leur domination sur le groupe, sur leur harem, et sur les autres mâles moins puissants…
Nous sommes face à la plus grande colonie mondiale de phoques. Plus de 90 000 individus sont réunis dans ces lieux! Les récentes naissantes n’ont fait qu’augmenter les effectifs. Le rendu visuel est impressionnant! Mais ce qui nous a «touchés» le plus, dès le début, concerne nos sens; principalement l’ensemble des cellules olfactives qui se trouvent dans notre appareil nasal.  L’odeur, créée par l’ensemble des congénères de cette colonie, est nauséabonde! Après quelques minutes sur place, tu arrives à occulter un peu cette sensation désagréable, qui pourrait rendre malade plus d’une personne. Malgré que nous nous en accommodions, nous n’avons  cependant envie de rester pendant des heures et des heures. Mais le spectacle nous interpelle et nous fascine, surtout qu’il est présent à 360°, alors que nous nous trouvons sur une passerelle en bois prévue à cet effet. Nous ne voyons donc pas le temps qui passe! Nous regardons comment ils se déplacent, le comportement et le rapport entre les individus, les marques d’affection des mères pour les bébés, les détails physiques des uns et des autres… Nous pouvons voir un peu plus loin les mâles qui se battent, éduquent les petits, se montrent et se mettent en avant. Beaucoup d’individus sont aussi dans l’eau à jouer avec les vagues, à chasser, ou simplement apprendre à se mouvoir encore mieux. Aussi bien en mouvement qu’au repos, ces animaux ont quelque chose d’un autre monde, une allure inimitable. Les têtes des petits qui se reposent sont adorables. Il me procure une certaine sensation apaisante, quand ils ne se battent pas.

En tout cas, le nombre d’individus en bord de mer, la quantité de jeunes, l’odeur prenante resteront des faits marquants de notre intrusion dans leur monde. Deux autres voitures sont arrivées entre temps. Nous leur laissons vivre cette interaction avec ces animaux, même si les phoques se sont éloignés des endroits où nous avons accès après notre intrusion dans leur espace!
 Nous continuons vers le sud alors que le ciel se dégage de plus en plus. Nous découvrons encore quelques beaux paysages avant d’arriver dans une des grandes villes du pays. Le contraste est flagrant. Alors qu’elle se trouve dans le désert, que les premières maisons font face à une étendue infinie de sable, nous avons la sensation d’arriver dans un vrai oasis, mais humain celui-ci. Il s’agit de Swakopmund, qui a été imprégnée de la présence coloniale allemande. Cette ville ressemble architecturalement, à l’Allemagne du XIXe siècle. Et nous avons avoir un peu de temps pour en découvrir quelques trésors cachés. Notre périple a été jusqu’à la très intense. Bethany et Adam ont besoin d’un peu de confort et de repos. Nous trouvons, après avoir fait le tour de la ville et essayés plusieurs options, une auberge de jeunesse bien placée. Nous prenons un dortoir de 6, qui sera finalement notre chambre privative pendant notre séjour. Nous avons décidés de ne rien prévoir en commun, que chacun puisse faire ce qu’il a envie.

Malgré la bonne entente et l’espèce d’osmose qui s’est créée, nous sommes tous très indépendants et nous aimons les moments où nous pouvons nous retrouver seuls. Nous avançons plus vite que nous avions pu l’imaginer. Nous allons donc devoir et pouvoir ajuster notre programme en fonction de nos attentes et des envies de chacun. En attendant, nous avons presque 48h00 à vivre dans les environs. Cyrille est malade depuis le matin. Cette pause confort tombe au bon moment pour qu’il se requinque. Il passera la journée au lit et ne fera son apparition qu’au début de la soirée. Je ne verrais pas non plus Adam et Bethany de la journée, après que nous ayons respectivement fait notre linge et que nous l’ayons mis à sécher sur les étendoirs extérieurs. La chaleur est revenue, avec le soleil, tandis que le vent à chasser les nuages! Je suis le seul qui va vraiment profiter du beau temps, même s’il n’y avait aucune obligation.  Bethany et Adam me diront qu’ils se sont  aussi reposés, ont été sur internet. Ils ont faits aussi des courses pour manger quelque chose de plus consistant le soir, et qui changera de ce que nous avons pu manger, lors des 6 premiers jours passés ensemble. 
Pour ma part, je décide de partir découvrir la ville, sa banlieue naturelle, et les activités qui pourraient être proposés dans les environs. Je trouve très intéressant le fait que ces courants d’air et de courant froid, venant de l’antarctique, permettent en plein désert de pouvoir créer un tel microcosme de vie. Les fleurs sur les plates-bandes de la promenade, longeant la mer, en sont des exemples flagrants. Visité cette ville me donne l’impression de replonger dans des temps révolus et cela lui donne un certain charme. Je croise de nombreux vacanciers namibiens et sud-africains, venus dans ces contrées pour leurs grandes vacances de Décembre. J’ai une attirance extrême pour les dunes. Je trouve cela encore un peu plus magique quand ces dernières se trouvent en bord de mer. Elles m’appellent, là, de l’autre côté de la anse qui borde la ville J’en prends donc la direction. Cela va me permettre de découvrir un autre bijou. Autour d’un lac mélangeant l’eau douce et l’eau salé, un vrai oasis s’est formé. Ce lac, lieu de villégiature de certaines espèces migratrices, me réserve un autre de ces moments intenses avec des animaux qui peuplent notre planète. J’aime beaucoup les oiseaux en général. Ceux qui se trouvent dans ces lieux, devant mes yeux, sont majestueux. C’est le cas particulièrement pour les flamants roses. Je reste de longues minutes, à l’heure côté, me déplaçant assez souvent pour me rapprocher d’eux ou avoir un meilleur point de vue. Il est ensuite un peu tard pour me rendre jusqu’aux dunes, qui se trouvent à quelques kilomètres. Pour ce soir, j’admirerais les dunes à distance, depuis un grand ponton en bois, qui s’avance dans l’océan, près du centre-ville. Avec le coucher de soleil magnifique, je peux observer un dégradé intéressant de couleurs sur les dunes et leurs ombres qui évoluent avec le soleil qui baisse vers l’horizon. Après le lever, le coucher de soleil reste  un moment très spécial dans ma journée. Pouvoir admirer les deux dans un lapse de temps de 24h00, avec des belles aventures entre ces deux instants de transition, font qu’une journée devient un vrai bijou, qui me donne une énergie positive impressionnante.

Quand je rentre à l’hôtel, la nuit est tombée depuis plus d’une heure. Beaucoup de personnes sont réunis dans la cuisine, le salon, ou sur les tables de jardin. Après avoir cuisiné quelques légumes, je rejoins Adam et Bethany, en leur demandant la permission de me joindre à eux. Nous discutons avec d’autres voyageurs. La soirée est calme. Tout le monde est content de regagner son lit au plus tôt… Je veillerais assez tard, utilisant notamment la connexion Skype.
Le lendemain, je suis levé de très bonne heure car je veux assister au lever de soleil dans les dunes. J’y pars en courant, alors qu’il fait encore nuit. Depuis mon réveil, je sais pourtant que mes chances sont infimes d’assister à ce que je veux, car les étoiles ne sont pas présentes, les nuages semblent très bas. Cela se confirme alors que le jour se lève sur la côte ouest de ce magnifique pays. Le plafond nuageux est très bas et forme même parfois un brouillard épais. Ce n’est pas la situation que j’avais envisagée mais cela donne tout de même des beaux contrastes de couleurs, de formes et d’aspects mystérieux… Malgré l’espèce de brume, les espoirs d’éclaircies avec des percées du soleil qui resteront vaines, j’y passe un peu de temps, avant de rebrousser chemin jusqu’à l’auberge de jeunesse. Sinon, le reste du planning de la journée n’est pas des plus intenses. Les activités proposées dans cette Mecque des sports de glisse, d’activités dans les dunes,… sont chères et le temps ne s’y prête pas du tout. La mer est très calme, et Adam, passionnés de surf, voulait en faire. Mais il renonce au vu des conditions météorologiques, des vagues quasi-nulles, et de la température de l’eau à 15°C. Promenade, internet, discussions et repas partagés sont dans le haut de notre liste des activités à faire puis effectuer durant cette journée. Nous organisons aussi la suite car, dès le lendemain, nous reprenons la route pour de nouvelles aventures! Pas le temps de le dire, ou de le penser, que la journée est déjà terminée, que nous allons nous coucher, pour ne pas nous réveiller tard. Une certaine distance nous sépare de la prochaine étape souhaitée.
Nous voici de retour sur les routes! Là encore, la diversité de paysages vus au cours de cette journée reste bluffant. Nous commençons par la ville de Walvis Bay et ces bords de mer qui sont propices au séjour des flamants roses. Ils sont présents par milliers. Ils nous offrent un spectacle grandiose et majestueux, quand ils s’envolent en grand groupe. Puis nous nous éloignons de la ville en continuant de longer la côte. Nous arrivons directement dans des paysages désertiques ou les flamants roses semblent pourtant se plaire et se démarquent nettement de leur environnement. Quoi que? Pas tant que cela en fait, car de grandes étendues d’eau sont roses aussi. Il s’agit de marrés salants, utilisés pour la récolte du sel, qui prennent cette couleur si spécifique et laisse l’impression d’une étendue d’eau venue d’une autre planète. Le reflet des nuages sur cette dernière nous ramène un peu à la réalité de notre planète terre. Il n’y a pas trois lunes qui s’y reflètent, ou d’autres éléments extraterrestres… simplement ce que nous pouvons voir un peu partout sur notre bonne planète terre!
Reprenant notre route, la couleur des roches, les formations géologiques, le relief ne vont pas arrêter de changer, d’évoluer au fil des kilomètres. Puis nous arrivons dans le lieu-dit; Solitaire. Cette ferme, au milieu de nulle part, continue d’exister en raison de la présence de visiteurs, de voyageurs et de touristes qui se rendent dans un des lieux les plus fameux de la Namibie. Ils ont fait leur réputation autour de la «Pie» (tarte salée) et de différents gâteaux d’origine allemande ou anglophone. Nous nous restaurons sur place et nous nous désaltérons La chaleur est, à cet endroit, étouffante. Le peu d’air présent est chaud! 
Encore quelques heures, et nous arrivons dans un camping aux portes du parc national le plus visité du pays. Encore une fois les lieux sont arides. La présence d’une piscine nous semble un luxe, dont nous allons profiter. Chaque place de camping possède un grand arbre sous lequel il est possible de se réfugier à l’ombre pendant les heures les plus chaudes de la journée… Ce camping est la meilleure option et réellement la seule, pour découvrir les beautés avoisinantes, au lever du soleil. Il se trouve en effet  dans le parc national entre les deux portes qui servent à limiter les accès. Campant dans ces lieux nous seront privilégiés et pourrons nous élancer les premiers à l’assaut des géantes qui se trouvent dans un environnement proche.

Nous sommes à Sesriem; la porte d’entrée dans un lieu sans égal, presque irréel sur notre petite planète terre. En fin d’après-midi, nous irons déjà en acquérir un premier aperçu. En attendant, nous apercevons près de notre emplacement de camping, un groupe d’oryx. Je les suis à pied et peux m’approcher d’assez près. Ensuite nous piquons une tête dans la piscine, malgré sa couleur verdâtre. Elle la doit sûrement à la présence de micro-organismes et d’algues. Ces derniers se développent en raison de la chaleur et du fait que l’eau soit plutôt stagnante. En effet, la piscine ne possède pas de système pour oxygéner l’eau et la renouveler. Nous passons un bon moment dans l’eau et autour. Bizarrement personne ne bronze en plein soleil. Personne ne veut devenir rouge écarlate, comme les montagnes de sable qui nous entoure, puis avoir des brûlures et des cloques sur tout le corps. Tout le monde utilise les transats mis à disposition sous un abri en bois. Les heures passent encore sans que personne ne s’en rende compte. Seul le soleil, qui baisse vers l’horizon, nous donne la sonnette d’alarme pour le départ vers notre activité de la soirée. Nous achetons des bières fraîches à la boutique du camping. Puis nous rentrons dans le parc de Namib Naukfalt.

Ce parc national renferme des dunes extraordinaires; certaines des plus hautes du monde. Il s’étend sur plus de 32 000 km2 composé essentiellement de sable. Il s’agit d’un des plus vieux et plus arides écosystèmes dans le monde.  Le premier aperçu de ces dunes rouges, au soleil couchant, est somptueux. La lumière du jour, qui se modifie au fil des minutes, entraîne un changement permanent de la perception des paysages qui nous entourent. L’ascension en haut de cette dune, assez petite par rapport aux dimensions, que l’on nous a déjà mentionnées dans la région, est déjà sportive. Nous atteignons néanmoins le sommet avant que le soleil se couche. Nous pouvons admirer à 360°, un paysage déjà original! Ce n’est pourtant qu’un aperçu de ce qui nous attend le lendemain. Boire une bière fraîche dans un tel endroit, en discutant avec des voyageurs de différentes nationalités, est un privilège dont j’essaie de profiter un maximum. La soirée nous réserve encore de belles surprises. Alors que nous cuisinons au feu de bois, nous assistons à un lever de lune, presque pleine! Cette dernière sort des arbres, qui entourent le camping. Elle monte dans le ciel obscur de cette belle nuit en plein désert, où la fraîcheur est doucement tombée. Nous ne tardons pas à regagner nos tentes pour essayer de dormir. Dans quelques heures déjà, le réveil sonnera pour que nous puissions être dans les premiers devant la porte du parc.
Dès l’aube, alors qu’il est à peine 4h30 du matin, nous sommes déjà sur le pied levé. Nous grimpons dans notre moyen de locomotion parfait pour le type de pistes, que nous nous apprêtons à découvrir. A 5h00, alors que le gardien ouvre les portes, nous sommes les premiers à nous ruer à l’assaut des dunes, dans l’espoir d’observer le lever de soleil depuis le sommet de l’une d’entre-elles. Pour  se faire, nous n’allons pas jusqu’au lieu mondialement connu de cette région. Nous nous arrêtons après 30 kilomètres sur une des dunes les plus belles de la région. Nous en attaquons immédiatement l’ascension alors que la luminosité devient de plus en plus grande autour de nous. D’autres voitures arrivent sur «le parking» prévu à cet effet. Leurs occupants entament aussi la montée vers le sommet. La pente n’est pas si forte, mais à chaque pas effectué nos pieds s’enfoncent de plusieurs centimètres dans ce sable tellement fin, qu’il en est très meuble. Je prends, comme je l’aime, et comme à mon habitude, les devants et distances rapidement mes compagnons. Regardant droit devant, j’ai le sentiment d’être seul au monde! J’aime cette sensation face à la nature. Je n’ai ni besoin de parler, ni besoin d’avoir d’avis d’autres personnes. Je suis une personne sociable, qui aime le contact, la compagnie de mes semblables. Mais j’aime ces moments, où rien n’y personne ne viendra interrompre ma communion avec «Mère Nature», «La Pachamama» comme il la dénomme en Amérique du Sud. 

J’atteins le sommet bien avant le lever de soleil et mes compagnons de fortune m’y rejoignent quelques minutes plus tard. Puis viendra le tour d’autres amoureux de la nature et du voyage. Les courbes des dunes sont splendides et frôlent la perfection. Elles sont en permanence remodelées par le vent. Les différentes luminosités au cours de la journée contribuent aussi au fait que ces dunes de sable rouge ne sont jamais deux fois les mêmes. Ce pays m’a déjà conquis par sa beauté, ces aspects uniques, le fait qu’il soit très peu peuplé et que la nature semble encore ici la maîtresse des lieux! Mais sur ces dunes rouges uniques, j’ai le cœur qui chavire! La Namibie m’a définitivement conquise et j’en suis déjà amoureux!

Je reste un peu avec les autres voyageurs, le temps de voir le soleil se lever derrière et sur ces dunes. J’admire toutes les courbes, les formes et les couleurs qui ne cessent d’évoluer. Même si quelques mots sortent de ma bouche pour répondre à certains dire de mes semblables, pour ne pas couper un échange et paraître mal poli, mon esprit est ailleurs. Je suis transporté dans une autre dimension. D’ailleurs, après avoir pris la photo souvenir avec Bethany, Adam et Cyrille, je repars seul et découvre déjà d’autres petits bijoux et d’autres perspectives, d’autres points de vue sur ces dunes.

Je rejoins un peu plus tard le reste de la troupe. Nous dévalons, avec Cyrille, en courant comme des dératés, la pente de cette belle dune. Je me sens bien quand je contemple de belles choses et prend le temps. Mais qu’est-ce que je me sens bien aussi dans l’action, surtout quand je réalise certaines choses inédites… et cela se rapproche beaucoup plus de l’essence de ma personne et de ce que j’ai toujours été!
Nous reprenons ensuite la voiture. C’est à ce moment que les nuages apparaissent et viennent obscurcir le ciel! Cela ne me réjouit pas car nous avons encore de belles choses à découvrir. Pourtant les dieux sont avec nous lors de ce périple. Ces nuages nous permettent de voir les dunes avec un autre œil et une autre luminosité. Le soleil qui perce parfois, donne des reflets invraisemblables aux dunes, qui ont revêtu alors à l’œil nu des couleurs vraiment différentes.  Il nous reste encore 35 kilomètres à faire, pour atteindre le kilomètre 65, depuis le départ de Sesriem. C’est ici que se trouve Sossusvlei ; énorme plan d’eau asséché, qui est devenu blanc avec sa teneur en sel. Tout autour, il y a des dunes rouges, dont certaines peuvent atteindre 325 mètres de haut. Nous nous arrêtons d’abord au bout de la piste «damée» accessible à tous les véhicules. Nous marchons un peu dans les alentours et prenons quelques clichés des dunes sous un ciel gris. Puis nous reprenons notre 4x4, pour effectuer les 5 derniers kilomètres en tout terrain dans du sable mou. Nous prenons un véritable plaisir à conduire dans cet espace naturel.
De plus, tous les nuages se dégagent laissant alors la place à un grand ciel bleu et un soleil de plomb. Une fois arrivée au bout du sentier, je repars tout seul pour découvrir un des sommons de ce périple. J’ai vu des antilopes sur la droite et je décide de les suivre. Je trouve ensuite un oryx qui se ballade seul dans ces lieux arides. Je marche et marche encore, loin de tous les autres êtres humains. Je laisse mes empreintes sur ce plan d’eau asséché, puis je rejoins Deadvlei. Ce nom fait référence à ces squelettes d’arbres brûlés par le soleil, et qui tiennent encore miraculeusement debout au beau milieu des dunes. Je reste époustoufler par ce que je vois depuis le bas. Mais j’ai encore une fois envie de prendre de la hauteur. J’escalade alors la plus grande dune de la région. Je ne l’attaque pas comme il est préconisé par l’arrête de la face, qui monte progressivement. Je l’attaque par le nord où la pente est raide. S’il s’agissait d’une piste de ski, elle serait au moins rouge, voir noire. Après de longues minutes d’ascension, après avoir croisé deux couples qui descendent la pente, en trottinant, et qui s’arrêtent pour me souhaiter bon courage, je me retrouve seul au sommet. Je peux jouir d’une vue imprenable à des centaines de kilomètres à la ronde. La sensation est prenante. Malgré le soleil qui chauffe de plus en plus, j’y reste un long moment. Je ne fais plus qu’un avec l’environnement dans lequel je me trouve. Je me laisse ensuite tenter, tout de même, par la prise  de quelques clichés car ces lieux sont un paradis pour photographes amateurs ou confirmés…. Me situant dans la moyenne, concernant la prise de clichés photographiques, je m’estime chanceux autant que les autres. Surtout, que le plus important, à cet instant, reste les images imprimées sur la rétine de mes yeux!
 Il s’en suit une descente qui n’en finit plus, mais tellement grisante. Je ne rechigne pas sur le fait de repasse par Deadvlei et de revoir, de près, cet endroit insolite. Puis je me résigne à rejoindre la voiture. Ce n’est pas vraiment de la résignation, car j’aime bien leur compagnie. Je ne me vois pas non plus rester seul dans ce désert à l’arpenter en long et en large, sans nourriture et avec les quelques gouttes d’eau seulement, qui reste dans ma bouteille. Nous rebroussons ensuite chemin alors qu’il est plus de midi. Les 65 kilomètres retour seront assez longs, surtout pour moi au volant. J’ai rarement lutté autant pour garder les yeux ouverts que sur cette fin du trajet. Un petit écart de la piste me ramène tout de suite à la réalité. Il me redonne le coup d’énergie nécessaire pour finir le trajet.
Arrivés au camping, nous plions nos affaires, déjeunons et profitons du bord de piscine pour nous reposer. En fin d’après-midi, alors qu’il fait encore chaud, très chaud, nous décidons de reprendre la route. Nous continuons à descendre vers le sud, toujours par les terres. Lors de ce trajet, l’imprévisible se déroule. Alors que nous sommes en plein milieu du désert, des trombes d’eau s’abattent sur nous. En quelques minutes, l’eau ruisselle sur le sol et forme par endroit de petits torrents qui s’évaporent dans le sol sec de cet endroit. Heureusement que cela ne dure que quelques minutes. Je vis finalement réellement ce que je n’avais jamais imaginé possible avant de voir certains panneaux en Australie.  En plein désert, il est possible de se retrouver dans des inondations, avoir ton véhicule submergé, malgré un lieu aride et une topologie parfaitement plane sur des  dizaines, voire centaines de kilomètres.  Nous n’aurons néanmoins pas à subir tout cela. Nous roulons encore une petite heure et recherchons un endroit pour faire du camping sauvage. Même si les lieux sont vides de vie humaine ou presque, il y a néanmoins un grand nombre de fermes mais aussi des barrières tout le long de la route. Cela a été introduit dans certains lieux pour protéger un maximum les véhicules. L’idée étant que les animaux sauvages ne viennent pas traverser de manière intempestive la route et perturber la circulation. Nous ravisons donc nos plans quand nous voyons une ferme qui propose des emplacements de camping simples mais avec de la lumière et des douches. Nous choisissons pour cette soirée la facilité, le confort, et la sécurité. De plus, la dame est charmante. Elle part demain pour plusieurs jours dès l’aube. Elle nous laissera «les clés de la maison» (en fait il faudra simplement que l’on ferme le portail avec un cadenas quand nous partirons). Nous avons nos petites habitudes maintenant le soir. Mais ayant le luxe d’avoir une table et une lumière, nous ajouterons à nos rituels quotidiens des partis de cartes, qui n’en finiront plus! 
Le coucher de soleil était particulier. Le lever n’en sera pas moins beau. Nous enchaînons les étapes, et les trajets. Nous avalons les kilomètres en un temps record, en passant beaucoup de temps dans la voiture. Mais le fait d’être réveillé tôt et de profiter de toute l’amplitude de la journée, où la luminosité du soleil frappe la portion de terre où nous nous trouvons, nous permets  de faire un nombre incalculable de choses hors du véhicule aussi. Nous partons faire un nouveau crochet, vers la mer et la côte ouest. Nous rejoignons unes des seules routes goudronnées du pays, car elle mène vers une ville de moyenne importance mais qui a vu transiter de nombreuses richesses. D’ailleurs elles viennent et sont venus, depuis des dizaines d’années, du premier site que nous allons visiter. Il s’agit de la ville fantôme de Kolmanskop.  Ce lieu est très intéressant. Il a une vraie âme, malgré le fait que plus personne n’y vive. Cette ville en plein milieu du désert a été créée pour de bonnes raisons, alors qu’elle était incapable de subsister sans une aide extérieure indispensable. C’était le cas pour les biens de premières nécessités que sont l’eau et la nourriture. Elle a émergé au beau milieu de nulle part. Ces sols ne permettent pas à l’homme d’y vivre, mais ils recèlent un bien très convoité. Depuis le 20ième siècle et la modernisation et l’industrialisation de nos sociétés; le diamant est devenu un bien onéreux. Ces sols en sont gorgés. Les allemands sont partis, il y a quelques décennies, à la conquête et à la recherche de ce précieux et coûteux cristal. Pour cela, ils ont  créés une vraie ville avec ces travailleurs, mais aussi ces régisseurs, ingénieurs, boulangers, bouchers, personnes en charge des approvisionnements qui se font par train…  Ce moyen de locomotion était un lien majeur et vital entre cette ville et le reste du monde. Il transportait l’eau, la glace, la nourriture pour permettre à chacun de subsister dans ces contrées inhospitalières. Puis en repartant, il ramenait tout ce qui avait été extrait de ces terres et qui avait de la valeur.
La visite guidée, en anglais, des lieux est passionnante. Nous comprenons pourquoi et comment s’est mise en place cette ruée vers le diamant. Une centaine de personnes a vécue pendant des dizaines d’années sur place. Il y avait même la salle de théâtre, la salle de bowling, le casino et autres divertissement dans le bâtiment le plus grand de la ville. C’est d’ailleurs le seul qui a été réhabilité pour accueillir les visiteurs. Tous les autres bâtiments ont été laissés à l’abandon, tels quels. Ils sont envahis par le sable et donnent un cachet unique à ces lieux. C’est fascinant de voir comment la nature reprend ces droits et efface petit à petit les traces de la présence des humains. Avec tous les éléments que nous donnent les guides, j’imagine facilement la vie sur place à l’époque, quand la mine à ciel ouverte fonctionnait à plein rendement. Kolmanskop est morte et plus personne n’y habite. Mais la mine n’a pas fermée ces portes. Le site est encore sécurisé, avec des barrières et un sas sous haute surveillance, pour l’entrée et la sortie des véhicules. Dans le musée, il est retracé tous les stratagèmes utilisés pour dérober des diamants. Il y a eu des vêtements spéciaux, de fausses dents, mais aussi des arbalètes, pour les lancer à des complices dans des packagings dédiés, des pigeons voyageurs… Dans un autre domaine, c’est intéressant de voir ce qu’ils leur servaient de frigos; meuble en acier, refroidi par des pains de glace, comment ils créaient et conservés de la glace, comment ils pouvaient avoir une chambre froide pour la viande et les légumes. La vie battait son plein et l’homme avait réussi à pallier aux manques de cet environnement désertique… Puis un jour, la mine n’était plus vraiment rentable et les moyens modernes permettaient de vivre dans de meilleures conditions. La ville a commencée à dépérir!
Tout le monde s’est exilé, près de la mer, dans la ville de Lüderitz, qui est un port majeur pour la Namibie. D’ailleurs la dépendance du pays aux importations de produits de première nécessité, leur dépendance aux produits miniers, et l’insuffisance des infrastructures énergétiques et hydrauliques, sont d’autres grands enjeux. Cela se ressent dans cette ville, qui semble dynamique, en raison des activités portuaires. Nous nous y rendons juste après. Avant de quitter Kolmanskop, je me fais tout de même, une remarque concernant l’environnement. J’ai pu le vérifier un peu partout, même dans la capitale, à Windhoek, ou auprès de petits villages «de campagne», dont le terme plus approprié serait village «de désert»! La Namibie est un pays respectueux de l’environnement. Il est très propre. Le climat sec mais aussi et surtout la faible densité de population y contribuent largement. Ils ont très vite appris à ne rien jeter, à faire attention aux feux, qui sont et seraient à chaque fois une catastrophe pour le peu de ressources qu’ils possèdent. Le système éducatif est loin d’être à la pointe pour une majorité de la population. Mais ce message a été diffusé à grande échelle. Le respect de l’article de la constitution qui l’évoque est un enjeu majeur et beaucoup le prenne en considération et l’applique à la lettre…
Lüderitz n’a qu’un intérêt touristique limité. Il faudrait s’enfoncer sur les côtes, sur des pistes cabossées pour atteindre certains points intéressants. Nous décidons de faire l’impasse sur ces derniers, par manque de temps et par choix! Nous préférons continuer à découvrir le désert du Namib par l’intérieur des terres, surtout qui recèlent de petits bijoux! En regardant une nouvelle fois sur la carte complète du pays, nous prenons conscience de l’importance de cet écosystème. Avec le désert du Kalahari, à l’Est, que nous découvrirons plus tard. Ils couvrent à eux deux, les deux tiers du pays. Ils sont séparés au centre par un plateau, situé à une altitude moyenne de 1000 mètres, ce dont je n’avais pas conscience avant d’étudier la topographie de la Namibie. Les formations géologiques ne cessent de changer au fur et à mesure de notre périple. J’en prends pleins les yeux et ne pourrais jamais me lasser d’évoluer dans de tels paysages éclectiques, lunaires, et mystérieux… Avant de trouver notre campement sauvage, de nouvelles pluies s’abattent sur nous, avec des vents violents. Le sable est balayé par des micro-tornades. Cela se déroule partout autour de nous. Pendant quelques instants, nous avons le sentiment de vivre l’apocalypse. Puis cela s’arrête soudainement, le vent retombe, le sable se dépose un peu plus loin.  Le calme règne de nouveau dans ces paysages désolés. Pour l’instant, cela n’a pas un impact majeur sur notre voyage et ne nous empêche pas de profiter des paysages. Cela confirme seulement que nous arrivons tard dans la saison chaude et sèche, qui se situe normalement entre Octobre et Novembre. Nous avons déjà attaqué l’été de l’hémisphère sud. C’est ici signe de saison chaude et humide ou saison des pluies. Bizarrement cela impacte normalement plus le Nord et surtout le Nord-est, et nous n’avons pas eu une goutte. Dans le sud, il ne pleut pour ainsi dire jamais. Mais les deux dernières journées viennent de nous prouver le contraire. En tout cas nous ne connaîtrons jamais les nuits d’hiver en juillet et août, où les températures peuvent descendre en-dessous de 0°C la nuit. Bien au contraire, nous allons passer une très bonne nuit. Le réveil, avec le soleil, le lendemain matin, est exquis et un vrai bonheur pour la nouvelle étape qui nous attend. 
Nous avons encore plus d’une heure de route, à travers des paysages arides, avant d’atteindre un autre grand moment de ce périple. Et quand je dis «grand», cet adjectif résume un peu à lui seul le décor naturel que nous nous apprêtons à découvrir. Avant cela, des oryx, des antilopes et des autruches nous accompagnent le long de la route. Nous entrons dans le parc national, que nous voulons découvrir par le campement d’Hobas. Après avoir payé les droits d’accès, nous pouvons découvrir ce passage encaissé entre deux reliefs, résultant de l’érosion hydraulique sur des roches sédimentaires particulièrement. Ceci peut se définir par le mot gorge, mais ça serait minimiser l’ampleur de ce phénomène géologique qui a été amplifié par l’effondrement de la vallée en raison de mouvements de la croûte terrestre. De ces actions combinées, il en résulte le canyon de Fish River! Il s’agit du second plus large canyon au monde, après le Grand Canyon du Colorado, avec ces 27 kilomètres de large. Long de 160 kilomètres et atteignant une profondeur de 550 mètres,  c’est une véritable beauté que nous pouvons admirer depuis différents points de vue, avec différents angles! Nous commençons par une des plus stupéfiantes vues, appelée Hell’s Bend (ou le tournant des enfers). Le rendu depuis le haut du canyon est incroyable. Il est difficile de concevoir comment la nature a pu créer une telle beauté. Il faut néanmoins avoir conscience que cela à commencer, il y a 500 millions d’années, durant une époque au climat très pluvieux. J’en perds tous mes repères de dates, de distances, de dimensions, d’orientation… mais cela n’a plus aucune importance, alors que je veux simplement profiter des lieux.

Nous n’avons pas le droit normalement de descendre seul dans le canyon. Seuls des groupes avec des guides agréés, en ont l’autorisation et cela durant une très courte période de l’année (moins de 3 mois). La dangerosité des lieux et le risque de submersion en sont les principales raisons. Il est possible de faire une des randonnées les plus fameuses du pays, pendant 5 jours, le long des 160 kilomètres de longueur de Fish River Canyon. Mais cela demande beaucoup de moyens. Ce sentier n’est pas ouvert à cette période de l’année. Je ne vais pas me gêner, tout de même, pour descendre assez bas, seul, dans certains endroits du canyon. J’obtiens donc un point de vue totalement différent et une perspective très intéressante. Ceux sont vraiment des paysages uniques. Alors que Cyrille reste dans la voiture, car il craint le soleil et qu’il est fatigué, que Bethany et Adam sont un peu plus frileux que moi, pour ce qui est des choses à faire, je ne veux pas me contraindre à ne faire que les choses bien encadrées, réservées aux touristes lambda. J’ai toujours aimé faire plus, surtout en pleine nature. J’en profite grandement lors de ces instants, en solo, dans le canyon… Un vol de pélicans au-dessus de ce lieu, ou la présence de zèbres à l’intérieur de cette gorge, semblent irréels. Pourtant je les vois distinctement avec mes yeux, et sans aucune hallucination, ou effet d’optique, comme pour un oasis. Le soleil tape fort, mais j’ai encore toutes mes facultés dans de telles conditions. D’ailleurs, une fois encore, il ne fait pas si chaud que cela!

Nous sommes dans un lieu unique en Afrique. Seul le canyon en Ethiopie avec ces 1000 mètres de profondeur pourrait prétendre vouloir rivaliser avec une telle merveille. Peut-importe les chiffres, les batailles pour savoir qui est le meilleur, lequel est le plus beau. Je sais que je suis devant une merveille et que je vais en profiter pendant plusieurs heures. C’est là l’essentiel. Les panoramas s’enchainent et mettent en valeur ce canyon…
 
Plongé dans la piscine du campement d’Hobas est agréable, nous retrouvons une réalité un peu plus basique et humaine. Je ne veux pas m’y éterniser, même si je sais que mes compagnons ont besoins de ce moment de confort et de détente. Il en faut pour tous. Il faut que chacun y trouve son compte. Et puis, je ne vais pas me plaindre de piquer une tête dans de l’eau assez fraîche. Nous trouvons donc un compromis, même si certains d’entre nous ont naturellement un pouvoir de persuasion, un pouvoir de décisions plus grand que d’autres…  De plus, pour les jours à venir, nous avons calés le programme sur un événement sportif important pour Adam. Il veut être dans un lieu civilisé, avec internet, pour le visionner. Cela m’a permis de pousser à ce que l’on avance et que l’on visite plus de choses que le programme initial, revu en début de séjour. Nous n’étions pas sûr de descendre, jusqu’au Canyon et je suis ravi que nous ayons pris la décision finalement de le découvrir. 

Nous sortons du parc national et continuons de descendre vers le Sud. A la pointe, du canyon, on trouve Ai-Ais, qui est une charmante oasis de sources chaudes. L’eau, distillée dans des piscines et autres jacuzzis, est réputé pour ses bienfaits thérapeutiques. Ils pourraient être tentants d’y passer la nuit, mais nous décidons de n’y faire  qu’un plongeon, avant de reprendre la route, pour être sûr d’atteindre la destination voulue avant la soirée du lendemain. Nous sommes toujours dans le désert du Namib, mais les formations géologiques y sont encore très différentes et variées. Je n’en reviens pas de la diversité des couleurs de roches. Alors que nous sommes en plein désert, nous atteignons la partie la plus au Sud de la Namibie. La frontière avec l’Afrique du Sud est marquée par un élément naturel insoupçonnable dans ces lieux. Une énorme rivière; Orange River, coule dans une vallée encaissée qui est une vraie Oasis de vie. Celle-ci passe dans le Ricthverseld Transfrontier National Park. Nous allons y passer la nuit, près de l’eau, mais à distance raisonnable de la piste. Notre campement attire une meute de babouins qui feront les curieux en s’approchant de nous par les pics rocheux. Nous les effrayons en leur jetant des cailloux. Ils sont pourtant une menace minime mais toujours présente toute la nuit. Leurs cris, qui te sortent de ton sommeil, peuvent facilement te tétaniser, t’effrayer et t’empêcher de te rendormir totalement sereinement. Ils n’attaqueront pas les tentes. Nous restons des prédateurs pour eux, donc ils ne prendront pas le risque de mettre leur vie en péril. Mais cela fera que certains vont passer une nuit un peu agitée. 

Au réveil le lendemain matin, le temps est toujours au beau fixe, avec un grand ciel bleu et un soleil, qui monte rapidement vers son apogée. En restant en Namibie, nous longeons  l’ «Orange River». Nous ressortons du parc National. Nous passons au niveau d’une ville dans un oasis de verdure. Ici poussent beaucoup de fruits et de légumes. Des vignes y sont implantées. De nombreux namibien travaillent en tant qu’ouvriers dans les champs pour de grands et riches propriétaires sud-africain ou anglo-saxon. Ils vivent dans des cabanes rudimentaires en bois. Leurs conditions de vie sont minimalistes mais ils ont accès tout de même à tous les biens de premières nécessités… Nous ne faisons pas halte dans cette ville. Ces endroits naturels, splendides par leur simplicité, leur sobriété, l’aspect «brut de décoffrage» mais aussi toutes ces belles couleurs, sont visibles de la voiture. Nous faisons quelques arrêts, tout de même, pour profiter de la vue unique, prendre quelques clichés, avant de continuer notre chemin.

Assez rapidement, nous regagnons Grüneau, qui aurait pu être l’endroit où je serais descendu du wagon,  j’aurais mis fin à l’aventure à 4, pour repartir vers l’Afrique du Sud, comme mes plans initiaux le prévoyaient. Mais nous avons été plus vite que prévu. Il nous reste encore 4 jours de location de voiture. Un endroit très spécial, unique à découvrir nous attend. Je ne manquerais cela sous aucun prétexte!
Nous remontons donc vers le  Nord en empruntant le plus important, le plus grand, et le plus moderne axe routier de Namibie. 2h00 de route plus tard, en ce dimanche 11 janvier 2015, début d’après-midi, nous atteignons une des villes majeurs du pays; Keetmanshoop! Cela a été planifié. Adam a réservé une chambre pour la nuit avec internet en wifi. Il y a un événement qui se déroule dans son pays qui le passionne. Peu importe le prix de la chambre, car les logements sont chers ici, les mêmes tarifs qu’en Europe! Adam qui est un peu à l’économie car ils prévoient, avec Bethany, de voyager pendant plusieurs mois, peut dépenser sans compter pour son sport préféré. Ils ont une superbe chambre avec un grand lit double dans une maison d’hôte. Cela ne dérange aucunement la propriétaire, qu’avec Cyrille, nous utilisions le salon pendant que notre couple d’ami se repose. Nous obtenons le droit de planter notre tente dans leur jardin, sans aucun frais. Le couple qui tient cette demeure est adorable…

Nous nous connectons difficilement sur internet. Après avoir essayé d’accéder à ces mails sans succès, Cyrille essai d’obtenir les informations générales nationales et internationales. Il comprend très vite qu’un drame vient de se dérouler en France et que tout le pays est en émoi. Un attentat de grande ampleur a eu lieu mais nous n’arrivons pas, au début, à savoir où ce dernier s’est déroulé, combien de victimes et de morts sont recensés et qui en sont les auteurs. A lire les grands titres, nous comprenons que toute la France se mobilise, en ce dimanche.  Des manifestations sont prévues partout… Arrivant finalement à ouvrir quelques pages, nous obtenons les chainons manquants pour visualiser, dans son ensemble, cet événement macabre qui a eu lieu quelques jours auparavant. L’hebdomadaire Charlie Hebdo a été touché de plein fouet e toute la France se solidarise pour la liberté, contre la violence, la haine, et ces guerres de l’ombre qui matérialisent la petitesse de certains êtres humains. Malgré la distance, nous sommes affectés par la nouvelle et nous pensons aux victimes. C’est important de savoir ce qui se passe sur la planète terre et dans ce monde, qui se globalise. D’ailleurs, il ne faut pas oublier, occulter que pendant ce temps des milliers de personnes meurent et sont massacrés dans différents pays d’Afrique et que cela ne fait pas les grands titres! Chaque vie a la même valeur et j’aimerais parfois qu’on arrête de trop se regarder le nombril et ce qui nous touche de très près…

J’aime aussi le fait d’être totalement déconnecté de tous les éléments extérieurs, de toutes les mauvaises nouvelles, de tout ce qui peut être considéré comme un parasite à ce voyage, à la découverte des merveilles de la terre. Maintenant que nous avons cette information concernant ce drame en France, nous ne pouvons pas nous en détacher, nous ne l’oublierons pas et souhaitons avoir plus d’informations dans les jours à venir, dès que nous aurons de nouveau une connexion à internet.  Mais j’ai envie de garder la dynamique positive dans laquelle je me retrouve et je préfère voir la bonté humaine, les connexions fortes entre les hommes et les échanges qui se produisent tous les jours, partout sur notre planète.

Pour l’instant, la nuit s’impose dans le ciel namibien. L’heure de la retransmission en direct, du match de football américain de l’équipe préféré d’Adam, est venu. Ce n’est pas encore le Super Bowl. La finale sportive la plus suivi dans le monde, mais c’est déjà un quart de final prometteur. En «streaming», nous assistons à un match entrecoupé. La connexion ne permet pas d’obtenir les données assez rapidement. Souvent l’image se fige. La tension est encore plus forte, car nous ne savons pas comment l’action, en cours va se finir! C’est le cas aussi bien pour le meilleur quand son équipe et son quater back sont prêts à marquer un essai, ou quand l’équipe adverse gagne des miles et s’apprêtent à marquer des points. Son équipe va courir au score pendant tout le match. Nous allons croire au renversement de situation jusqu’à la dernière minute, alors qu’ils reviendront à deux points de leur adversaire. Il n’en sera rien! Au coup de sifflet final, ils restent derrière. Adam est déçu mais il ne veut pas trop le montrer. Il préfère trouver des excuses à son équipe, que personne n’attendait à ce niveau, et surtout se réjouir de la chance, qu’il a eu, de pouvoir suivre en direct cet événement. Entre temps, nous avons eu une nouvelle inespérée, avec Cyrile. La propriétaire n’a pas vu arriver un couple qui avait fait une réservation. Elle nous dit que l’on peut donc s’installer dans cette chambre avec deux lits simples, et cela gratuitement. Nous la remercions chaleureusement et pouvons indirectement remercier Adam et Bethany. Et voilà des plaisirs simples d’une chambre d’hôtel, qui se révèle être pour nous quelque chose d’inespéré, et dont nous profiterons à sa juste valeur.

Alors que la nuit est bien entamée, la connexion devient meilleure. J’arrive même à passer un long moment sur Skype, avec une personne qui prend de plus en plus de place dans ma vie. Cela fait plus de 8 mois que nous avons fait connaissance, mais nous ne sommes vus que quelques heures, le 23 et 25 Avril! Pourtant de nombreux échanges par mails, et par Skype, un instant de vie magique lors de notre rencontre, font que chaque moment passé à ces côtés, malgré les milliers de kilomètres qui nous séparent, devient un vrai fil rouge que j’affectionne. Il prend une grande importance surtout en ce moment où les connexions sont rares. Cela fait que je me couche de nouveau bien plus tard que tout le monde. Je m’endors en moins de 5 secondes dans ce doux lit douillet. Je dors d’une seule traite.
Je me réveille, comme à mon habitude, à l’aube. Je reste quelques minutes à profiter de la douce couette. Et nous avons même le droit à un petit-déjeuner compris dans ce «Bed and Breakfast». Je ne mangerais rien, ou presque, car je ne veux pas abuser de la générosité de notre hôte. Cyrille en prend un copieux mais il paiera ce dernier avant de partir. Il utilise le dollar namibien, qui est à parité égale avec celle du rand sud-africain (qui a cours légal dans le pays). Un euro équivaut à 14,30 N$. Nous avons tous assez de liquide pour tenir jusqu’à la fin de notre périple en Namibie. En parlant de liquide, un beaucoup plus précieux, sera indispensable pour les prochains jours de notre périple. Je remplis, avant le départ, tous les jerricanes et bouteilles d’eau à notre disposition. Nous partons pour des contrées reculées et désertiques, et nous ne savons pas ce que nous trouverons sur notre chemin. Nous faisons les arrêts obligatoires à la station essence et au supermarché, avant de repartir de nouveau sur les routes, ou plutôt sur les pistes namibiennes.

Nous découvrons encore de nouveaux paysages, des arbres endémiques du pays, des paysans qui se déplacent avec une carriole et des chevaux. Plus nous nous enfonçons vers l’est, plus les paysages deviennent secs, plus la verdure se raréfie, plus la raréfaction des rencontres et des véhicules, que nous croisons, est importante.  Nous nous rapprochons du poste frontière de Mata Mata. Ayant pris notre temps en début de matinée, la journée s’est écoulée à grande vitesse. Le soleil commence déjà à descendre vers l’horizon. Pour diverses raisons, nous décidons donc de nous installer dans le dernier campement avant la sortie du pays. Nous ne savons pas encore ce que nous nous apprêtons à vivre. Une zone d’ombre plane sur les heures à venir. Nous installons tranquillement nos tentes, préparons le feu, cuisinons, avant que la nuit noire ne s’installe définitivement. Puis les éléments naturels vont nous mettre en alerte. Alors que nous avons gagnés nos tentes, le vent se met soudainement à souffler violemment. De gros nuages cachent la lune et obscurcissent le ciel. J’ai l’impression qu’un déluge va nous tomber dessus. Ma tente n’étant plus vraiment imperméable, n’ayant pas d’attaches au sol, je décide de regagner la voiture, après avoir tout plié. Quelques secondes plus tard, la pluie s’abat sur la région. Mes trois camarades me rejoignent et nous passons le début de la nuit dans la voiture. Les éclairs envahissent le ciel. Leur luminosité  et l’apparition quasi-instantanée de l’orage, nous font comprendre que ces derniers sont très près ; Nous prenons notre mal en patience et regardons cet événement au chaud et à l’abri…Puis le désert du Kalahari retrouve petit à petit sa torpeur et son calme. Nous pouvons passer une fin de nuit au calme et reprendre des forces. 
Nous sommes dans la région la plus sèche de la plus grande étendue de sable au monde, avec 2,5 millions de km2. J’ai déjà eu la chance de découvrir ce bout de terre au Botswana, où il recouvre la plus grande partie du pays, et pense y passer en Afrique du Sud.  Mais il y a des endroits, des lieux, des moments dans la vie, où rien ne doit se passer comme prévu, ou rien ne nous laisse entrevoir de quoi sera fait notre avenir même proche! Chaque seconde peut changer un destin, ou au moins le cours de l’histoire d’un homme pour les jours à venir. C’est ce qui va se dérouler dans cet espace-temps un peu particulier, en franchissant cette frontière!

Une fois encore le campement est assez rapidement rangé. Nous nous approchons du poste frontière, qui est aussi la porte d’un parc national très spécial. Nous faisons les démarches pour la sortie de ce territoire. Nous obtenons notre tampon daté.  L’histoire en Namibie devrait s’arrêter là pour moi. En tout cas pour ce voyage-ci et même si j’aimerais revenir sur ces terres dès que possible. Mes souhaits vont être exhaussés bien plus vite que prévu et pas forcément pour les meilleurs raisons… Mais entre-temps des heures vont s’écouler.  Nous ne sommes passés par aucun poste de frontière, nous n’avons aucun tampon sur notre passeport. Nous sommes légalement sur aucun territoire… Cela serait possible si nous rentrions sur le territoire européen, et encore plus en France! Mais lors de ce passage terrestre de frontière, c’est une certitude que nous n’y sommes pas! Nous sommes aussi sorties du territoire namibien si l’on prend en considération la découpe que l’être humain a fait des territoires de ce continent africain. Serions-nous rentrés sur une terre dans un monde parallèle, dans une contrée inconnue? Quoi qu’il en soit, ce séjour de deux jours, dans ces lieux, a des conséquences majeures. La première est de me faire continuer à écrire quelques lignes de plus, concernant ce périple!...
Le 14 Janvier au soir, nous revenons au même poste frontière. Nous ne sortons légalement de nulle part. Mais nous devons faire les démarches pour rentrer de nouveau sur le territoire namibien. L’officière du poste frontière nous demande les raisons de notre retour, la durée prévue de notre séjour à venir. Elle hésite un peu avant tout de même de nous tamponner notre passeport et de nous accorder plus d’un mois de séjour à chacun. Cyrille repart en France dans 2 jours. Tandis que Bethany et Adam s’envoleront pour la Turquie le même jour, à une demi-heure d’intervalle. Ils avaient tous de bonnes raisons de revenir en Namibie, afin de s’envoler depuis Windhoek. Il fallait bien quelqu’un pour ramener la voiture de location. Mais cela avait été déjà vu avant le départ avec le groupe, je devais quitter le navire avant la fin. Pourtant un événement en a décidé autrement, un événement m’a poussé à devoir revenir sur le sol de ce pays que je trouve exceptionnel. Pourtant la raison est moins romanesque. J’ai touché notre fameux et fidèle destrier. Notre 4x4 Hilux a subi un dommage superficiel; un peu de tôle froissé, pour une erreur d’inattention! Aurais-je été déconcentré par quelque chose de magique? Les conditions de vie, d’apesanteur, de gravité, de vitesse, d’espace-temps auraient-ils été différents lors de ce moment vécu, je ne sais où ?... Cela est une autre histoire, que je vous conterais dans la suite de mes aventures.
En tout cas, je dois rentrer à Windhoek, pour gérer directement avec le loueur et voir comment nous pouvons nous arranger. J’ai essayé de les contacter mais sans réel succès! Je n’ai donc pas eu d’autre alternative que de revenir avec tout le monde au point de départ de notre aventure commune.

Nous passons une dernière nuit, pas très loin de la route principale, en direction de la capitale. Adam et Bethany ne sont pas fan de ce type de campement, un peu trop près de la civilisation, et ne présentant que peu d’intérêts, à part celui de faire des économies et d’être en nature et non bloqué dans un cadre réglementé. Nous en discuterons après qu’Adam n’est pas été très aimable. Rien de grave mais juste un ajustement et des échanges, pour comprendre nos désaccords Tout est immédiatement rentré dans l’ordre et la fin de soirée se passe agréablement. ... Rentrant sur Windhoek, nous avons différentes démarches à effectue, des choses à acheter, le problème de voiture à régler pour moi. J’obtiens des informations auprès des concessionnaires Honda, sur les prix des pare-chocs arrière.  Revenant nous installer  au Paradise Garden, l’auberge de jeunesse où j’ai logé les trois derniers jours de l’année passée, je constate que j’ai reçu un mail de la femme du couple qui détient l’agence de location de véhicule. Je vais devoir débourser près de 400 euros pour les réparations. Elle me fait pourtant «une vraie fleur» car son prix correspond à seulement un tout petit peu plus que le prix de la pièce principale hors charge. Alors qu’il y a aussi le montage, la main d’œuvre, deux autres pièces et de la peinture a appliquée. Forcément je ne suis pas ravi de débourser cette somme mais je m’y résigne très vite car c’est la meilleure des solutions. Le soir du 15 janvier, nous nous rendons donc chez le loueur. Nous discutons, convenons des termes de notre accord. Je retire la somme convenue pour payer les dégâts causés. Tout le monde me dit qu’ils ne peuvent pas retirer plus de 2850 N$ (200 euros) d’un coup et du même distributeur. Je n’aurais aucun problème avec ma carte Sogemonde Visa Premier, de la Société Générale pour, d’un seul retrait, obtenir les 400 euros nécessaire à la résolution de ce petit incident…

Libéré du fait d’être redevable de quelque chose, je peux repartir de plus belle pour de nouvelles aventures. J’ai étudié les différentes opportunités pour redescendre vers l’Afrique du Sud. Il y a différents bus, mais les dates et les prix ne me conviennent pas. Vous imaginez qu’il n’y a pas de covoiturage, que je puisse trouver comme cela. Et puis, j’ai vraiment envie d’aventures, de rencontres. Je décide donc de partir en stop et d’effectuer plus de 1600 kilomètres de distance comme cela. Le trajet est quasiment en ligne droite, jusqu’à atteindre le bout de ce continent et de me retrouver bloquer par un océan infranchissable. Les prochaines terres sont celles de l’Antarctique et aucun être humain n’arrivait à les atteindre à la nage, ni même ne survivrait dans un tel environnement… Une fois encore, mon esprit divague et s’éloigne, un peu, de l’instant présent vécu. Je ne risque pas de mourir de froid ou d’hypothermie pour le moment. Je suis à Windhoek et je m’apprête à traverser des zones désertiques à perte de vue. Le départ de Windhoek n’est pas évident. J’attends plus de 45 minutes, à la sortie de la ville, sur le meilleur spot possible. Mais personne ne s’arrête, jusqu’à ce que deux canadiens, en voyage, et qui viennent de louer une voiture pour aller à Sossusvlei daignent se garer à mes côtés. Ils ne m’avanceront pas beaucoup mais j’effectue déjà, avec eux, une centaine de kilomètres. J’attends ensuite que quelques minutes à la sortie d’une ville de moyenne importance, pour qu’un namibien blanc, d’origine sud-africaine, décide de me conduire un peu plus loin. Peu de chance d’être pris en stop, car très peu de circulation et la peur d’être agresser du point de vue des conducteurs. En revanche, quand une personne s’arrête, généralement tu peux faire d’une traite plusieurs centaines de kilomètres, car la distance entre les villes est grande et que très peu de personne, circulant sur cet axe principal, s’arrête au milieu de nulle part. J’aurais une conversation très intéressante avec ce monsieur, qui descend en week-end prolongé, pour voire sa petite amie, qu’il connait maintenant depuis quelques mois. J’apprends énormément de choses sur le pays, la réalité du quotidien, les problématiques auxquelles sont confrontées le pays, mais aussi sur la géologie, l’environnement… Nous effectuons un trajet de plus de 500 kilomètres ensemble et je me retrouve alors dans la ville que nous avions quitté quelques jours auparavant; Keetmanshoop! Il est déjà presque 3h00 de l’après-midi, mais je ne veux pas m’arrêter, lancé sur ces routes magiques!

Je lui demande alors de m’emmener à la sortie de la ville, près d’une station essence que j’avais repérée. La chaleur monte. Sous le soleil, je crame et la sueur me dégouline sur le visage. Plusieurs véhicules passent à mes côtés, sans vouloir m’aider. C’est finalement un Namibien, un chauffeur de poids lourds, qui se rend en Afrique du Sud, qui m’invite à monter dans son camion. Malheureusement, il ne se rend pas où je veux aller, et à partir de Grüneau, il prendra une autre route. J’aurais bien aimé trouver un chauffeur qui me conduise le plus loin possible, même de nuit. Mais ça ne sera pas lui. 100 kilomètres plus tard, de bonnes conversations partagées, je dois me résigner à sauter de la cabine perchée à plus de 3 mètres de hauteur. Nous avons avancés tels des tortues, mais la vue était imprenable. 
Il est 17h30 quand je quitte ce transporteur terrestre. J’essaie quelques minutes encore de me faire embarquer pour une aventure de plusieurs centaines de kilomètres, mais en vain. La nuit arrive et je me dis que je devrais être bien à dormir dans ma tente.  Je m’écarte un peu de la route. Je trouve un emplacement à l’abri du vent, installe la tente, puis admire un magnifique coucher de soleil avec une bouteille de jus de fruits à la main. Le repas, qui suit ce moment très spécial, pour cette dernière soirée sur le sol namibien (en tout cas je l’espère), est très légé. J’essaie d’écrire un peu sur mon ordinateur portable mais l’envie n’est pas présente. J’écoute un peu de musique, puis je m’endors rapidement. Le lendemain matin, je suis réveillé avant que la clarté se fasse dans ce milieu aride, qui s’est très sensiblement refroidi au cours de la nuit. Les températures sont tombées en-dessous de 10°C.
J’attends un peu pour plier bagage car je sais que je ne serais pas pris en stop avant l’aube. Par contre, je fais bien de retourner sur le bord de route assez rapidement, après que le soleil soit apparu. Un routier, le 3ième que je vois à cette heure matinale, s’arrête près de moi. J’atteins avec lui la «Noordoewer Border», frontière au sud du pays. Il continue en Afrique du Sud, mais il a de nombreux papiers à remplir pour la déclaration de ces marchandises. Il a besoin aussi de se reposer et il va passer plusieurs heures près de cette frontière. Il s’arrête devant des bâtiments à 3 kilomètres du poste frontière. Il me conseille de continuer par mes propres moyens et de trouver un autre conducteur pour continuer l’aventure. Je viens déjà d’effectuer à peu près la moitié de mon trajet total, soit 800 kilomètres. J’effectue donc les derniers hectomètres, jusqu’à la ligne imaginaire entre ces deux pays. Je vis mes derniers instants en marchant, mes sacs sur le dos et sur le ventre, au plus proche de notre terre, dans le silence.  Je quitte ces territoires uniques, avec des images pleines la tête, avec des souvenirs indélébiles! La Namibie me laissera à jamais un souvenir impérissable! J’en suis tombé amoureux! J’espère que j’aurais la chance d’y revenir et j’espère que ce pays conservera sa beauté naturelle, le fait que ces terres restent intouchées. Sa richesse est bien réelle et je n’oublierais jamais ce séjour. Je franchie la frontière, sans regarder derrière, car de belles aventures m’attendent encore…