dimanche 17 novembre 2013

La Bolivie en sac à dos!

 
En ce vendredi 27 Septembre 2013, je reprends donc ma route, seul, en sac-à-dos ! Les transitions ne sont pas évidentes. Quitter des personnes avec qui l’échange fut des plus agréables me rend triste… Mais j’assume ce choix que j’ai fait! La solitude sur les routes n’existe pas. Et après quelques minutes à refaire le cours de mon histoire, à inventer une histoire différente avec des «Si», je repars de plus belle. Je ne vois alors que les aspects positifs d’être de nouveau totalement indépendant, libre de mes choix, au moins en apparence, sur les routes de cette petite planète, dans le but d’en explorer encore quelques recoins! De superbes nouvelles aventures m’attendent et je compte bien en profiter, comme toujours, un maximum.

Partant de Sucré, en bus, à 18h00, je prends la direction de La Paz. Je m’endors un peu avant 20h00. Je ne réouvrirais pas les yeux avant 5h30 du matin et le lever du soleil. Je ne dors que très rarement autant. Mais les transports en commun me bercent. Le trajet semble ainsi beaucoup plus court qu’il ne l’est réellement. Le bus me dépose, à 7h00 du matin, à La Paz après une descente vertigineuse depuis les hauteurs d’El Alto. Cette ville, capitale la plus haute du monde, à 3600 mètres d’altitude, se trouve dans un site naturel exceptionnel pour une ville aussi grande. Elle est encaissée dans une vallée de très haute altitude entourée par de magnifiques montagnes. Je suis pressé d’en découvrir ces principaux sites et ces secrets cachés.
Les rues sont désertes, en ce samedi matin, quand je me dirige vers le centre-ville. Je vais assez facilement trouver une chambre simple, dans un hôtel très bien localisé. Il se trouve à un pâté de maisons d’une des places principales de la ville, endroit où se trouve le palais royal. Le fait d’avoir accès à une Wifi gratuite, depuis ma chambre, n’est pas pour me déplaire. Mais le temps d’une cession internet n’est pas encore d’actualité. Je pars immédiatement me promener pour découvrir un peu plus les aspects spécifiques que pourraient recéler cette ville.


Je n’ai aucun plan, aucune indication qui pourrait m’aider à déterminer les choses à faire, ou la direction à prendre. Je vais donc me laisser porter par mon instinct, au grès du vent. Je commence par passer sur cette très jolie place entourée par de splendides bâtiments dont, entre-autre, ce palais royal bien gardé par des gardes en uniforme. Continuant mon chemin, je vais tomber sur des ruelles avec un charme indéniable. Puis je vais apercevoir la première agence de voyage de cette ville. Je vais donc y récolter les premières informations sur la ville mais aussi et surtout concernant mes prochaines destinations. Poussant, ensuite, un peu plus loin mes investigations, je vais découvrir, l’un après l’autre, une belle vue sur la vallée de La Paz; Chuquiago Marka, et la montagne qui la domine; Illimani, culminant à 6460 mètres. Puis, je vais tomber sur un marché local, de superbes graffitis, une des rues principales, le Boulevard de Santa Cruz, très animé, où se tiennent des stands temporaires, pour ce week-end, qui regroupe des organismes et associations scolaires… Je trouve aussi sur mon chemin un supermarché pour compléter les achats nécessaires pour me nourrir dans la journée. Je n’arrête pas de monter et de des cendre les rues, plus ou moins pentues de la ville. Voyant sur les hauteurs une église, entourée par un petit parc, je décide de m’y rendre espérant y trouver une très belle vue. J’aurais la chance d’obtenir cette dernière dans ce havre de paix. Mais je vais aussi pouvoir admirer des moments de vie très importants pour une majorité d’êtres humains. En ce samedi, fin de matinée, de nombreux mariages ont lieux dans ce site au charme indéniable. Les futurs, ou tous jeunes mariés, se retrouvent ici pour prendre des photos, ou effectuer la cérémonie de leur mariage dans l’église. J’apprécierai particulièrement un moment magique où la joie et le bonheur s’inscrive naturellement dans l’instant. Regarder un jeune couple de mariés, ayant juste finis leur cérémonie, sera pour moi la chance de vivre un peu le début d’une grande aventure, à deux, d’autrui. Ils sont accompagnés d’un groupe de musique, que je qualifierai, avec le peu de connaissances que j’ai, comme mexicain. Quoi qu’il en soit, leur accoutrement et leur musique ressemblent très fortement à ce que j’avais pu voir dans ce pays, et nul part ailleurs. Il est plaisant de voir les mariés et des personnes les accompagnants danser sur une musique rythmée.

Je redescends ensuite, puis remonte sur ce boulevard principal de Santa Cruz. Je vais alors découvrir une des autres places principales où se tient la très belle cathédrale San Francisco. Adjacente à cette dernière, je découvre la rue la plus touristique de la ville; Calle Sagarnaga. Elle se compose que de magasins qui vendent des souvenirs pour touristes, des restaurants, des hôtels et des agences de voyage qui vendent des circuits touristiques. Dans une petite ruelle, donnant sur cette rue principale, je tombe sur les Syséléma. Sylvie vient d’accueillir sa sœur et son beau-frère à l’aéroport. Sa sœur a un peu le mal de l’altitude après être directement arrivée ici en avion. Elle s’en remet tout doucement, tout en ressentant encore les méfaits de la hauteur. C’est un grand plaisir de les revoir. Nous discutons quelques minutes puis chacun reprendra ses activités, son chemin. Nous renouvelons nos souhaits que nos chemins se recroiseront un de ces jours, au plus tard lors de nos retours en France... J’espère que ces envies s’accompagneront ultérieurement par des faits!
C’est dans un coin de la rue de Sagarnaga que je vais trouver l’organisme me permettant de réaliser mon prochain projet. J’évite généralement de prendre des tours organisés mais certaines activités le requièrent. Je m’apprête en effet, dès le lundi suivant, à entreprendre l’ascension d’un sommet à plus de 6000 mètres. Il s’agit du Huayna Potosi qui culmine exactement à 6088 mètres d’altitude. N’ayant pas l’équipement et les connaissances de cette montagne, l’ascension seule serait de l’inconscience pure. Je n’ai pas encore atteint ce niveau déraisonnable d’inconscience. Je ferais ce qui est en mon pouvoir pour garder cette décence et cette envie de profiter de la vie, de repousser mes limites sans que jamais le cordon qui me retient à la vie ne cède par négligence ou insouciance!

En attendant, je rentre à mon hôtel alors que la nuit tombe rapidement. Le premier aperçu de cette ville me plait réellement. Comme jusqu’à présent en Bolivie, le contact avec les locaux est très agréable. Ils sont très souriants. Malgré encore la pauvreté de mon espagnol, j’arrive à échanger avec les boliviens. Ils font l’effort de comprendre un espagnol, parlé d’une des façons les plus basiques possible et comprenant de nombreuses erreurs de conjugaison, de grammaire et de prononciation. C’est l’espagnol que je possède après l’avoir appris, seul, en trois mois, en voyageant en Amérique centrale. Etant quelqu’un qui est plus visuel qu’auditif, l’apprentissage des langues n’est pas, pour moi, innée et me demande des efforts. Mais j’arrive toujours, jusqu’à présent, à m’en sortir grâce à mon sourire et le langage gestuel et corporel qui fait le reste… L’apprentissage de nouvelles langues est devenu pour moi quelque chose d’important surtout concernant l’espagnol. Mais cela me demande toujours de grands efforts et rien n’est gagné d’avance. Repartir seul sur les routes sera sûrement une très bonne façon de retrouver un niveau, qui était le mien après trois mois de voyage, puis de progresser encore un peu plus pour essayer de pouvoir m’exprimer sur de nombreux sujets et d’être compris d’une majorité de locaux.

La journée de dimanche va être bien chargée, en raison de nombreuses activités, puis des émotions que je vais vivre. En matinée, parti en van, très utilisé par les locaux comme moyen de transport en commun, je monte sur les hauteurs de La Paz. C’est à El Alto que je vais naviguer entre les différents stands d’un marché qui se veut être «le plus grand du monde». Une chose est sûr, il est gigantesque et s’étale sur plusieurs kilomètres dans tout un quartier. Il est possible d’y acheter toutes sortes d’articles, d’objets, du neuf et de l’occasion, du vestimentaire, à l’électronique, en passant par des ustensiles du quotidien, du décoratif, ou des denrées alimentaires… Pour ma part, je trouve très intéressant de pouvoir étudier le comportement de nombreux boliviens, leur tenue vestimentaire, la façon d’agir des vendeurs vis-à-vis du client. Je vais arpenter les rues de ce marché, pendant plus de 2h00, découvrant quelques stands originaux et essayant quelques spécialités culinaires locales.

Redescendant à La Paz, je vais immédiatement prendre un autre bus local, et partir totalement dans la direction opposée. Après plus de 30 minutes, je suis sorti de la ville, passé à travers de splendides paysages de montagne, où les roches possèdent des couleurs variées et vives, J’arrive aux portes de la Vallée de la Lune. Je ne suis pas vraiment attiré en premier lieu par le fait de pénétrer à l’intérieur mais plutôt par tout ce qui se trouve aux alentours. Je vais donc explorer les environs, descendre au niveau d’un cours d’eau, et remonter de l’autre côté de cette vallée encaissée. Je me trouve alors dans le golf de la ville, très bien entretenu, et avec une superbe vue sur les paysages environnants et la Vallée de la Lune. Après avoir continué sur plusieurs centaines de mètres, je trouve, à travers ces falaises plongeant de manière abrupte, un petit sentier pour redescendre au niveau de la rivière. Puis je remonte de l’autre côté, tombant alors directement à l’intérieur de la Vallée de la Lune. Je peux alors découvrir, au plus près, ces roches de couleurs blanches-beiges qui dessinent des paysages découpés, très particuliers, avec de nombreux pics.

Finissant ma ballade, Je retourne une nouvelle fois dans le centre-ville de La Paz. Je vais y trouver des rues très animées, où se déroule un marché aux fruits et aux légumes, dans le quartier au-dessus de la cathédrale San Francisco. Je vais tomber sur le marché de la «sorcellerie». Les marchants y vendent, entre-autre, des fœtus de lama. Ces derniers servent à jeter des sorts aux ennemis pour les boliviens croyants à ce genre de magie noire. Je prends alors quelques photos de ces stands particuliers. J’apprendrais un peu plus tard que les vendeurs de ce genre de stand interdisent normalement la prise de clichés. Une personne m’aurait-elle vu? En tout cas, personne ne m’aura rien dit!


Ni voyez aucun lien à effet, ou plutôt vous arrivez aux conclusions qui vous paraîtront les plus justes. Mais quelques minutes plus tard, dans une ruelle sombre, dans la pénombre, un événement va me pétrifier! Je ne réponds alors plus de mes actes quand deux jeunes viennent de me braquer avec une arme à feu! Un deux la tient à quelques centimètres de ma tête. Cet événement ne va durer que quelques secondes, au pire quelques minutes. Je vais garder mon calme et essayer de discuter. Mais rien n’y fait! Ils se font de plus en plus pressants. Ils me montrent mon appareil photographique que j’ai en bandoulière, puis ils m’en démunissent. Ils n’auront pas le temps d’aller plus loin dans leur racket. Un sifflement d’être humain retenti. Il s’agit sûrement d’un troisième larron qui faisait le guet. Aussitôt que ce bruit retentit, les deux assaillants ne demandent pas leur reste. Ils s’enfuient en courant sans que je ne comprenne une nouvelle fois ce qui se passe. Je vais très vite obtenir une réponse à ma question quand plusieurs personnes apparaissent dans la ruelle où vient de se dérouler l’action. Je pense que je leur dois une fière chandelle, étant l’élément déclencheur qui a écourté l’action de mes racketteurs.

Quoi qu’il en soit, il n’y a jamais eu aucune agression. Je n’ai jamais vraiment senti de menaces pour mon intégrité physique. Je m’en sors tout de même avec une belle frayeur! Mes agresseurs partent, quant à eux, avec un appareil vieillot. Il a en effet des traces sur l’objectif qui ne peuvent pas être enlevées, sans démonter totalement l’appareil. Certains des boutons et options ne fonctionnent plus. Et je suis sûrement le seul à pouvoir l’allumer et qu’il reste prêt à être utilisé. Il faut en effet positionner le bouton de marche et arrêt dans une position très précise, sans quoi, l’objectif n’arrête pas de sortir et de rentrer immédiatement. Il m’était encore néanmoins bien utile. Je voulais le remplace dans un endroit où je pourrais trouver un appareil avec de bonnes spécificités, à un prix raisonnable. Il ne servira sûrement pas à grand-chose à ces nouveaux propriétaires mais la vie en a voulu ainsi.

La plainte à la police ne sera que pour la forme, n’aboutissant probablement à rien. J’aurais préféré ne jamais vivre cette expérience! Je relativise pourtant au vu du déroulement de ce mauvais moment. En sécurité, de retour à l’hôtel, je vais pouvoir évacuer la pression en parlant de tout cela avec une amie sur Skype (Je n'ai donc aucune photos de cette belle journée. Heureusement, j'avais fait la sauvegarde de mes photos précédentes la veille).

Etrangement, je vais passer une très bonne nuit, dormant d’une traite et ne me souvenant pas avoir fait des cauchemars. Ce souvenir est pourtant encore très présent. Partir en nature m’aidera sûrement à évacuer la frustration et la tension créées par cet événement. C’est à 9h00 du matin que nous nous retrouvons tous à l’agence. Nous sommes neuf plus nos guides à partager cette aventure pendant 3 jours. Montant rapidement dans un van affrété pour notre périple, nous nous rendons tout d’abord dans un bâtiment où nous allons nous voir attribuer tout le matériel nécessaire à l’ascension; chaussures étanches avec doubles parties, le chausson et la partie dure, les crampons, le casque, le piolet, le baudrier, des cordes, les vêtements pour le grand froid, et les gants. Pour ceux qui en ont besoin, ils pourront aussi emprunter des lampes frontales et des duvets.

Puis nous prenons la route, et le sentier en direction du premier refuge à 4500 mètres d’altitude. Nous arrivons dans un bâtiment en dur très confortable. Après nous être installé dans nos chambres respectives, nous nous faisons servir un délicieux repas préparé par la cuisinière du refuge. Il s’agit d’un repas typique du pays. La soupe, et un plat principal, composé principalement de riz et de la viande, sont au menu.
 
Nous partons ensuite toute l’après-midi, avec tout l’équipement, pour s’entraîner sur un glacier au pied de la montagne que nous gravirons dès le lendemain. Nous montons durant plus d’une heure pour nous acclimater encore un peu plus à l’altitude. Arrivant au pied du glacier, magnifique, nous allons nous équiper totalement avec les chaussures spéciales, les crampons, le casque et le piolet. Nous allons apprendre comment marcher avec les crampons et comment tenir le piolet vis-à-vis de la pente. Il est intéressant de voir l’aisance acquise pour descendre des pentes très raides à l’aide de ce matériel. Très rapidement, nos sens prennent conscience de la facilité avec laquelle nous pouvons marcher sur la glace…

Après plusieurs descentes et montées, nous allons effectuer de l’escalade sur glace. Les deux guides présents avec nous, nous assurerons pendant nos montées et nos descentes en rappel. Ils nous prêterons aussi leur piolet de meilleur qualité, et beaucoup plus adaptés à cette activité, et non à la simple randonnée sur glace, comme les nôtres. Je vais vraiment prendre du plaisir lors de cette activité qui durera plus de deux heures. Puis la nuit arrivant assez rapidement, nous retournerons au premier refuge pour y passer la nuit au chaud. Le feu de bois et le bon repas participeront à nous installer dans un confort certains que nous n’aurons probablement pas le lendemain. Nous finirons la soirée autour du feu à discuter un peu de tout, de rien, d’expériences de la vie, d’éléments qui nous réunissent malgré la diversité de nos nationalités… Ou qui plutôt nous différencient, mais toujours avec cette ouverture d’esprit qui permet de comprendre l’autre… Puis, nous regagnerons nos chambres respectives et nos lits afin de passer la meilleure nuit possible pour pouvoir le lendemain attaquer l’ascension en pleine forme!
 
 
Je serais le premier réveillé et debout. Je vais aller profiter du lever du soleil à l’extérieur. Le soleil fait son retour après un temps gris la veille. Le sommet que nous allons gravir est maintenant parfaitement visible. Il me semble déjà d’une beauté incomparable. Retournant au chalet après plus d’une demi-heure, je suis encore seul dans la salle commune qui sert aussi de réfectoire. Les autres suivront au compte-goutte. Beaucoup n’auront pas vraiment bien dormis. Ils ont été pris par les problèmes du mal de l’altitude encore plus présent en position allongé et lors du sommeil. Le froid aura aussi été source de désagrément. Mais la motivation n’en est pas pour autant atteinte. C’est dans une bonne ambiance générale que nous allons profiter d’un petit-déjeuner très copieux et savoureux. Il est temps de prendre des forces avant d’attaquer notre ascension vers ce sommet qui ne semble pas insurmontable depuis le refuge.

La matinée est consacrée à la préparation de nos affaires et au repos. Une fois les sacs préparés, le reste de nos affaires mis dans un casier, nous vaquons chacun à diverses activités à l’intérieur ou l’extérieur. Le déjeuner, pris très tôt, un peu après 11h00, sera succulent, mais peu d’entre nous allons finir nos assiettes par manque d’appétit...

Il n’est pas encore midi. Nous voilà parti en direction du deuxième refuge à 5300 mètres d’altitude. Nous n’avons pas besoin de tout notre équipement lors de cette première partie car nous ne marcherons pas sur de la neige ou de la glace. Nous devons donc tout transporter sur notre dos, alourdissant très sensiblement notre sac. Nous allons effectuer une marche de plus de 2h30 pour atteindre ce lieu. La marche est des plus agréables. Nous ne sommes pas en sueur en raison du soleil, car celui-ci a disparu derrière les nuages. Plus nous montons, plus nous nous rapprochons de ce milieu humide et brumeux. Nous sommes maintenant dans les nuages mais la visibilité reste correcte. Elle est de plus d’une centaine de mètres. Chacun va à son rythme. Je suis toujours en tête avec deux des guides. Ils sont impressionnés par ma facilité à grimper à cette altitude.

 
Le temps est parfaitement choisi pour vous faire part d’une réflexion que je me suis faite. J’y ai pensé de longues minutes lors de cette ascension. Elle est sûrement le fruit de discussions, d’échanges, d’une réflexion personnelle plus ou moins poussée. Je veux vous parler de mon blog, du fait qu’il soit libre d’accès au grand public et que toute personne ayant accès à internet puisse découvrir ma vie privée que j’expose sans pudicité aucune. En effet, ces écrits ne sont pas un journal intime. Pourtant je partage déjà énormément de choses avec mes lecteurs. Je m’estime parfois un peu limites dans mes propos et dans l’exposition personnelle que j’offre à qui veut bien prendre le temps de lire ces écrits. Je ne suis forcément pas objectif dans mes propos. J’ai parfois l’impression que je pourrais passer pour quelqu’un imbus de sa personne, nombriliste, qui ne regarde pas ce qui se passe autour, et ne pense qu’à lui. Le but n’est pas de se vanter de ce que je vis et de dire au monde «Voyez-vous ce que je fais?» Je sais qu’une partie de ma personnalité est tournée vers mon propre bonheur et le fait de penser à moi en premier lieu. Sinon je ne voyagerais pas seul, autour du monde pendant plusieurs années. Je n’aurais pas le besoin d’écrire sur mon expérience. Plusieurs faits que je viens de raconter, ou que je vais vous conter dans les paragraphes à venir, sont des bons exemples de choses qu’il n’est pas évident à exprimer. C’est le cas surtout quand ils me mettent en valeur, ou peuvent faire peur à mon entourage.

Pourtant mes écrits se veulent les plus fidèles possibles, les plus proches de la réalité. Je me veux imble, j’estime que c’est un moyen de partager avec autrui. Ces écrits pourraient un jour donner l’envie à ceux que l’expérience tenterait, de finalement franchir le pas. L’idée n’est pas de dire «Regardez ce que je fais», mais plutôt de dire que si je le fais tout le monde, qui en a le désir profond, peut le faire. Si je prends le temps de faire cet exercice de style, c’est aussi et surtout, pour avoir la chance un jour, quand les années auront passées, de pouvoir analyser de nouveau mon point de vue sur la terre et les hommes, qui y habitent, à un instant donné. L’écriture apporte une dimension qu’une simple photo ne donnera jamais. Cela me permet de raconter l’histoire de ces pérégrinations, de poser avec des mots des ressentis et des expériences de vie. J’espère avoir la chance et l’humilité d’analyser un peu mieux ces passages de ma vie, marqués par ces écrits spontanés, pour peaufiner ma voie vers la sagesse, la connaissance du monde, de l’autre et de soi! Ce blog est aussi un moyen de partager avec mes proches. Ce dernier est un point fondamental, qui a fait que j’ai pris la décision d’écrire ce blog et de m’y tenir… je ne fais pas ce dernier par obligation mais plus quand j’en ai envie. Je ne me prive d’aucun autre instant de vie pour écrire ce dernier et l’accompagner de photos. Je pourrais enfin partager mon expérience en privé, qu’avec les personnes que j’aurais choisies. Mais je limiterai alors mon ouverture d’esprit et le cercle de personne y ayant accès. Cela n’est pas compatible avec l’idée actuelle que je me fais de mon voyage. La réflexion mérite encore d’être approfondie. Mais, à cet instant, je ne vois pas vraiment de raison d’arrêter l’entreprise d’écriture que j’ai commencée voilà plus de deux ans.

Je m’excuse pour mes maladresses, pour les personnes que j’aurais pu choquer ou blesser. Mais j’écrits spontanément, me relisant qu’une seule fois pour éviter le plus grands nombres de fautes d’orthographes ou grammaticales. Je sais pourtant qu’elles sont encore nombreuses. Je sais que les tournures de phrases et l’utilisation des temps serait parfois à revoir. J’espère que cela n’altère pas la lecture de mes fidèles lecteurs et que, sur ce point aussi, je vais pouvoir m’améliorer encore et encore…

Reprenons cependant le cours de cette ascension! Même si mon esprit s’évade parfois, perdu dans mes pensées, j’aime aussi profiter de l’instant présent, surtout lors de telles expériences. Je vais tenter de discuter un peu avec les deux guides. Lors des pauses pour attendre tout le monde, je discuterais avec certains des jeunes avec qui j’entreprends cette ascension. Nous nous arrêterons pour payer l’entrée dans le Parc Naturel. Deux dames sont assises, entre 4 murs de pierre, sans toit. Elles attendent là toute la journée! Je ne sais pas pourquoi mais ils y a partout dans le monde beaucoup de métier qui ne me font pas rêver. Quoi qu’il en soit, elles nous reçoivent avec un grand sourire et l’échange même bref, que nous allons avoir, est des plus agréable! Puis, nous entreprenons des passages encore plus raides. Nous grimpons maintenant sur des roches imbriquées les unes avec les autres, plus ou moins grosses. La stabilité de chacune d’entre-elles doit être remis en cause à chaque instant. Il est primordial de faire attention où nous mettons les pieds.

 
Après encore un peu plus d’1h30 de randonnée intensive, nous voilà à la limite où se trouve la neige. Certaines personnes du groupe doivent déjà lutter. Elles sont exténuées par le fait d’avoir dû grimpé au second refuge en portant tout l’équipement, soit plus de 15 kilogrammes. Nous voyons notre refuge dominant un pic rocheux. Ce dernier se trouve à seulement quelques centaines de mètres de nous. Nous ne voulons pas nous équiper entièrement pour seulement quelques minutes de plus d’ascension. Nous décidons donc de passer par les nombreux rocheux volumineux qui se trouvent sur notre chemin. Les derniers efforts ne seront pas les plus évidents pour tout le monde. Je suis le premier à atteindre le refuge avec l’un des guides. Nous n’avons qu’une visibilité réduite, moins de 15 mètres car le brouillard nous entoure. Il ne fait pas vraiment froid mais je suis néanmoins heureux de découvrir un refuge bien isolé où nous devrions passer une nuit correcte. Bien sûr, le mal des montagnes, ou des problèmes de respiration pourraient encore jouer les troubles fêtes. Les autres randonneurs arrivent au compte-goutte. Je peux deviner sur certains visages que l’effort, à plus de 5000 mètres d’altitude, a déjà laissé des traces. Il sera important pour ces personnes de bien récupérer et de se coucher très tôt avant d’attaquer l’ascension vers le sommet, en plein milieu de la nuit. Nous nous installons tranquillement dans nos quartiers. Les guides ont leur propre petit refuge, tandis que nous partageons le même dortoir à 9. Il est à peine 17h00, mais en montagne la soirée touche déjà à sa fin.

Pendant que certains se reposent, les guides nous préparent le repas. Tout d’un coup, un événement inattendu se produit en seulement quelques minutes. A l’intérieur du refuge, nous voyons instantanément plus clair. Le soleil vient de percer les nuages et ces derniers se dissipent très rapidement. Nous avons alors une vue extraordinaire sur le sommet enneigé du Huayna Potosi, les autres sommets environnants et assez rapidement sur la vallée qui se vide aussi de ces nuages épais qui nous bouchaient la vue, il y a seulement quelques minutes. Le spectacle est encore plus incroyable car personne n’aurait pu imaginer cette issue, seulement quelques instants auparavant. Très vite tout le monde est de nouveau dehors pour profiter de la beauté de la nature.

Seul l’appel des guides, nous précisant que le dîner est prêt, nous fera rentrer de nouveau dans le refuge. Le repas est simple mais parfait pour l’attaque du sommet dans quelques heures. Au menu soupe, puis pâtes avec des légumes et de la viande. Certaines personnes ne mangent quasiment pas. Elles semblent souffrir assez fortement de l’altitude. J’espère qu’ils passeront alors une bonne nuit, pourrons combattre ces démons, et affronter l’ascension du Huayna Potosi dans les meilleures conditions possibles.

Je ressors seul après le dîner alors que le soleil s’apprête à disparaître derrière une montagne. La pureté des lieux, l’absence de bruits parasites, la quiétude, que j’en tire, sont très ressourçant. La montagne, le fait de devoir se dépasser pour profiter de lieux uniques, m’attirent tel un aimant dont je ne cherche pas à m’éloigner mais plutôt à me faire happer avec force et consentement. Quand je rentre dans le bâtiment, 18h30 n’a pas encore sonné, et tout le monde est déjà au lit. Nous nous levons dans moins de 7h00! Je vais donc les suivre assez rapidement.

Je vais passer une très bonne nuit. Je me réveille qu’une seul fois. Le besoin d’aller aux toilettes pour vider ma vessie est trop fort. Je me résous donc à me lever. Sortant à l’extérieur, je suis fasciné par le spectacle que la montagne me réserve. La nuit est parfaitement claire, les étoiles omniprésentes! Nous sommes chanceux car contrairement au récit des personnes revenant du sommet, avec qui nous avons discutés la veille, nous n’avons pas un brin de vent.

 
 
00h30, branle-bas combat! Tout le monde se lève et enfile les vêtements chauds, préparent un petit sac-à-dos avec le strict minimum (eau, crème solaire, et quelques aliments énergétiquement très riches pour assurer l’apport de nutriment pendant l’effort), sortent l’ensemble de l’équipement utile et nécessaire pour l’ascension. Le petit-déjeuner est sommaire mais important pour obtenir l’énergie nécessaire à de tels efforts que nous allons affronter dans les prochaines heures. Je me sens en pleine forme, j’ai bien dormi et je suis d’attaque pour effectuer cette ascension. L’australien, Leyne, m’a demandé si je voulais faire équipe avec lui pour la cordée de deux que nous devons tous former. J’accepte ayant tout de même quelques doutes quant à ces possibilités d’arriver au sommet sans devoir lutter ardemment. Nous verrons bien ce que les premiers hectomètres nous réserveront. Je suis prêt bien avant lui! Crampons aux pieds, piolet à la main, casque sur la tête, j’ai vraiment envie d’en découdre. Le guide, qui sera avec nous dans la cordée, n’est pas très optimiste. Il est même négatif quand à ces chances d’atteindre le sommet, au vu de ce qu’il avait pu voir la veille. Cela met directement dans l’ambiance. Mais je reste positif, je reste persuadé que nous allons arriver au bout et que sinon une solution sera trouvée. Fin prêt, à 2h00 du matin, nous sommes le troisième groupe à quitter le refuge, dans le noir. La lampe frontale est un élément obligatoire. Encore une fois, les conditions climatiques semblent parfaites. J’espère que cela continuera jusqu’à la fin de l’ascension puis de la descente. Nous commençons donc l’ascension en suivant les traces laissés dans la neige par les premiers groupes et toutes les expéditions qui ont tentées l’expérience les jours précédents. Comme j’ai pu déjà l’expérimenté dans le passé, l’ensemble des lampes frontales des différentes cordées forment un serpent lumineux qui s’élève en «S», vers un sommet encore invisible à nos yeux.

N’ayant aucun problème à monter, je peux profiter des paysages qui nous entourent. Après quelques centaines de mètres, nous pouvons voir des milliers de lumières de la ville de La Paz, qui se détachent dans une vallée lointaine! Après plus d’une heure de marche, la lune fait son apparition! Pendant les premières minutes sa couleur est puissante. Malgré que ce ne soit qu’un quart de lune, loin d’être plein, elle éclaire assez distinctement notre chemin. Son effet est amplifié par la réverbération sur la neige. Je profite un maximum de ce spectacle. A chaque pause, j’éteins ma lampe pour avoir une meilleure visibilité. Beaucoup de personnes du groupe luttent déjà. Chaque pas est un effort pour eux. Le fait d’arrivée au sommet n’est pas assuré et il ne l’est pour personne. Bizarrement, c’est une des personnes qui semblait le plus apte à atteindre le sommet qui va devoir rapidement renoncer. C’est un italien, habitant en montagne qui doit rebrousser chemin. Je ne tente pas de lui trouver d’excuse mais de nombreux éléments n’ont pas joués en sa faveur. Il est arrivé sur le sol sud-américain, voilà seulement une semaine. L’acclimatation à de telles altitudes a sûrement était trop rapide. Ils n’ont pas arrêté d’effectuer des activités et de remplir les journées, avec son ami italien, présent en Amérique depuis quelques mois. La fatigue, l’adaptation corporelle non complète, auront sûrement eues raisons de son envie et de sa volonté d’atteindre son objectif. Il doit faire machine arrière, alors que son ami joint la cordée qui ne contenait qu’une seule fille, une jeune allemande avec qui j’ai bien sympathisé. Leyne, dans ma cordée, n’est pas au meilleur de sa forme. Il observe des problèmes à respirer, et à trouver les forces nécessaires pour continuer à un tel rythme. J’essaie de ralentir le mien autant que possible car ce n’est apparemment pas le guide qui va faire quelque chose. Le professionnalisme de ce dernier laisse un peu à désirer car il n’adapte pas son évolution et sa vitesse, en fonction des clients qu’il a sous sa responsabilité.

La situation s’aggrave de plus en plus. Il n’arrive maintenant plus à faire 3 pas, sans avoir à reprendre son souffle. Nous arrivons à une étape critique. Je me retourne maintenant constamment. Plusieurs fois, il va mettre un genou à terre. Deux fois de suite, essayant de se relever, tout son corps tremble, comme une feuille morte propulsé dans les airs par le vent. La différence pour Leyne est qui s’écroule par terre. Je suis maintenant très perplexe sur ces chances d’arriver à continuer la montée. Pour être honnête, mes pensées sont personnelles, tournés vers moi, à ce moment-là. Je le motive encore. Mais je me dis en même temps que je ne ferais jamais demi-tour en raison d’une défaillance d’une personne que je ne connaissais pas 48h00 auparavant. Je veux atteindre le sommet. C’est encore plus frustrant quant de mon côté, je n’ai encore aucun effet dû à l’altitude. J’espère alors que notre guide va trouver une solution la plus adéquate pour tout le monde.

Un seul groupe se trouve devant nous à cet instant. Il décide que la meilleure solution est que je rejoigne l’autre cordée, après que je lui ai fait comprendre que quoi qu’il arrive je ne ferais pas demi-tour, que j’escaladerais le sommet seul si cela été nécessaire. Je peux remercier Leyne, à cet instant, de pousser dans mon sens en affirmant qu’il ne peut pas soutenir le rythme, en lui disant, je dois pourtant aller jusqu’au bout de l’aventure même s’il doit rebrousser chemin. Notre guide me détache alors de notre cordée. Je retrouve le guide et les deux personnes qui se trouvent devant nous; l’Allemande et l’Italien encore en course pour atteindre le sommet. Mon nouveau maître de cordée n’est pas vraiment heureux de me prendre dans son groupe. Il estime qu’il est beaucoup plus dangereux d’être à 4. Pour ma part, je suis content de continuer l’aventure. Mes chances d’aller au bout avec cette cordée est quasiment assurée même si l’Italien montre des signes certains de fatigue.

Nous attaquons alors l’ascension finale après déjà plus de trois heures d’efforts. Nous devons sauter des crevasses peu larges mais dont nous ne voyons pas le fond. Des guides nous avaient précisés que l’ascension était de la rigolade par rapport à l’entraînement de la veille. Pourtant, nous attaquons des passages où la pente fait plus de 45°. Le piolet est alors indispensable. Il faut essayer de suivre un rythme régulier permettant à tous de suivre le mouvement, de garder la corde entre les personnes tendues, sans pour autant avoir à tirer la personne qui se trouve derrière nous, au risque de basculer en arrière et d’emporter toute la cordée. Nous allons sortir assez facilement de passages un peu compliqués. La lumière du jour commence à apparaître timidement quand nous attaquons la corniche montant jusqu’au sommet. Le passage est maintenant minimaliste. Il y a moins d’un mètre sur toute la largeur. De chaque côté, une pente très abrupte ne permet pas à la moindre erreur, car la chute serait sûrement fatale. Tous nos pas sont calculés. Le piolet est enfoncé du mieux possible dans la glace avant d’entreprendre le prochain mouvement vers le haut. On peut espérer que chacun est alors pleinement en possession de ces moyens. Espérons que la fatigue ne poussera quelqu’un à faire une erreur qui pourrait être dommageable pour le reste de la cordée. Nous montons maintenant avec une précaution très forte.

Deux fois, ayant un pied qui dérape sur de la glace trop dure, les crampons ne s’étant pas assez enfoncés, je ne vais pas être à l’aise. Mon rythme cardiaque monte alors assez rapidement et l’adrénaline joue son effet euphorisant. Je vais devoir reprendre mon souffle, me reconcentrer, avant de repartir de plus belle. Je ne ferais pas attendre mes équipiers qui sont alors en moins bonne forme et luttent déjà depuis de longues minutes.

La vue était déjà extraordinaire depuis la corniche, mais la pénombre, la concentration, et l’effort fourni ne nous permettent pas de profiter pleinement du paysage. L’arrivée au sommet est alors magique! Récompensés de nos efforts, nous pouvons admirer une vue dégagée à 360°. Le sentiment d’être le plus haut sommet de la région, de dominer les alentours sur des centaines de kilomètres est invraisemblable. Nous arrivons au moment idéal, juste avant le lever de soleil, pour observer le ciel changer de couleurs et revêtir son habit de lumière rouge-violet, qui se transformera, petit-à-petit, en orange, puis jaune foncé. Dominant toute la région sur ce manteau enneigé blanc, sur cet espace assez réduit que nous réserve le sommet, nous profitons, à quatre, d’un instant sans pareil. Mes équipiers sont frigorifiés. Nous n’attendons donc pas le lever de soleil, à proprement parlé, pour entamer la descente.


Je suis encore en pleine forme. Je ne ressens aucun effet de l’altitude. Je n’ai pas encore atteint mes limites lors de cette ascension. J’ai pourtant vraiment envie, une fois en montagne, d’approcher ces dernières, ou même à avoir à les dépasser pour réaliser un exploit. Je vais devoir une nouvelle fois gravir des échelons dans la difficulté pour espérer pouvoir y arriver. L’ascension d’un sommet à 7000 ou 8000 mètres feront donc sûrement parti de mes objectifs futurs… Il n’est pas évident pour moi d’écrire ces dernières phrases. Je me sens avec un manque certains d’humilité. Mais je suis toujours donné comme objectif lors de l’écriture de ces mémoires de rester le plus fidèle à la réalité, d’exprimer mes ressentis comme j’ai pu le vivre lors du déroulement des événements. Le but est de pouvoir faire partager, à mes lecteurs, ma réalité lors de ce voyage. Ces écrits ne me permettent pas de retranscrire la totalité des instants vécus mais ceux qui m’ont marqués, qui ont retenus mon attention, et qui resteront comme des points clés de ce voyage. Ces écrits seront aussi pour moi une source importante de remise en cause, comme expliqué ultérieurement quand, dans quelques années, je les relirais. Je pourrais alors me rappeler de ma vision du monde lors de ce chemin initiatique fort. Quoi qu’il en soit, à ce moment précis, lors de l’ascension du Huayna Potosi, je me sens assez à l’aise d’exprimer ces faits. D’autres personnes seraient à même de pouvoir confirmer mes dires. Le plus bel exemple sera la réaction des guides lorsque nous serons de retour, en fin de matinée, au premier refuge. « Ça a été facile pour toi?», «Pas de fatigue, rien! Tu devrais enchainer par des sommets plus élevés avec un niveau de difficulté plus dur! L’Illimani serait parfait!».

Après quelques minutes au sommet, nous entamons donc la descente. Les autres groupes ne sont pas encore arrivés. Nous allons les croiser sur la corniche. Je suis surpris de voir que Leyne n’a pas abandonné. Il a dû puiser dans ces ressources, dépasser ces limites, voulant absolument réussir cette ascension. Il n’est plus qu’à quelques mètres de l’atteinte de cet objectif quand nous le croisons. Le guide de cordée, qui l’accompagne toujours, n’arrête pas de pester contre lui mais il a tenu bon. Nous allons croiser les autres groupes qui étaient parti avec nous, ainsi qu’un couple de français, seul avec leur guide. Ils semblent tous exténués mais avec la ferme attention d’arriver en haut.

Nous allons pouvoir admirer un magnifique lever de soleil depuis la corniche. Nous trouverons un endroit sécurisé, où nous pouvons prendre nos aises pour prendre quelques photos. La descente, sous le soleil, dans des paysages de montagnes époustouflants enrichit encore un peu plus l’aspect extraordinaire des moments que je vis lors de cette ascension. Nous allons pouvoir voir des congères, des grottes impressionnantes, des stalactites par centaines, des paysages découpés sortant d’une mer de nuage au plafond très bas. Regardant à l’intérieur des crevasses que nous avions sautées pendant la nuit, et que nous devons refranchir, il est facile de comprendre pourquoi le fait de former des cordées était nécessaire. Ce n’était pas seulement pour la sécurité dans les passages difficile au sommet, mais aussi dans ces endroits, où la chute de plus de 50 mètres à travers la glace serait obligatoirement mortelle.

Un peu plus d’une heure et demie après le début de la descente, nous sommes déjà de retour au second refuge. Nous nous reposons un peu, reprenons quelques forces grâce à différents éléments énergétiques. Puis, nous paquetons rapidement nos gros sacs. Les autres cordées arriveront tout juste lorsque nous repartons pour la dernière partie de cette aventure. Cette dernière ne sera pas la plus amusante pour notre ami italien qui a réussi avec nous l’ascension. Le cumul de la fatigue, du froid, et le fait de devoir porter de nouveau ce sac lourd ne vont pas l’aider à garder un positivisme, et un sourire à toute épreuve. Descendre sur des pierres instables n’est pas des plus aisés. Il est important de continuer à faire attention pour ne pas risquer la chute stupide, ou la blessure inutile, qui pourraient compromettre pas mal de choses. Néanmoins, dès que je peux, je trottine dans la descente. C’est en effet la meilleure façon de dévaler des pentes pour éviter de trop jouer avec les articulations des jambes, qui sinon se bloquent, à chaque pas, créant sur ces dernières des pressions peu recommandées sur la durée. Nous retournerons sans encombre au premier refuge finalisant ainsi une expérience forte, que j’aimerais aussi renouveler dès que possible, en augmentant un peu le niveau de difficulté, et l’altitude du sommet à gravir… Ce n’est pourtant pas prévu pour les semaines à venir. Certains lieux ne peuvent pas attendre, si je veux avoir une chance d’y arriver encore en bonne saison. Et puis le plaisir de ce voyage consiste pour moi en la diversité des activités, des lieux visités et des personnes rencontrées… Je m’apprête donc dès le lendemain à vivre une autre expérience un peu folle!

 

Avant cela la journée n’est pas encore finie. Je récupère toutes mes affaires que j’avais laissées au refuge. Je réorganise mon sac et remet au guide tout l’équipement qui m’a été prêté. Nous attendrons tout le monde tranquillement au soleil, discutant et jouant aux cartes. Nous sommes 8 sur 9 à avoir atteint le sommet. La performance est belle. Beaucoup sont exténués! Plusieurs ont dépassés leurs limites. Ils sont allés jusqu’au bout d’eux-mêmes. Et ils disent sur le coup qu’on ne les reprendra jamais à faire ce genre d’activités. Leyne, par exemple, se souvient de l’expérience, dans ces grandes lignes mais il n’a pas pu en profiter, ou qu’en de rares occasions. Il a plus souvent dû lutter contre son organisme qui lui disait de stopper immédiatement cette autodestruction à petit feu… Il aura lutté, il aura vaincu! L’exploit est, pour lui, au rendez-vous!

Immédiatement après le déjeuner, nous grimperons dans le minibus en direction du centre-ville de La Paz. Encore une fois, après un temps trop court, il est déjà temps de dire au revoir à mes partenaires, avec qui j’ai partagé cette expérience forte. Repartir seul sur les routes a aussi son lot de désagréments. Mais demain, je repars pour une nouvelle expérience. Je ferais de nouvelles rencontres.

Dès en arrivant en ville, je me rends dans l’agence de Barro Biking auprès de laquelle j’avais déjà pris des renseignements quelques jours auparavant. Je réserve ma place pour l’activité du lendemain. Il m’assure aussi la continuité des transports pour la suite de mon aventure bolivienne en solitaire. Je retrouve ensuite la même chambre dans le même hôtel. Pas le temps de me reposer alors que beaucoup de mes équipiers doivent déjà faire la sieste. J’avais déjà fait des recherches sur internet pour savoir où je pourrai acheter un nouvel appareil photo. Je pars dans un quartier très commerçant où les prix devraient être les plus intéressants pour l’électronique. Je ne veux pas réinvestir dans un appareil trop cher car je planifie toujours d’en acheter un nouveau dans plusieurs semaines, au Sud du Chili, dans une ville où les prix sont libre de taxes et donc très attrayant pour l’achat. En attendant, à La Paz, je vais investir dans un petit compact Canon. Ce dernier me dépannera pour la suite et me permettra d’avoir des souvenirs, même si les photos prises seront loin d’être des clichés de professionnels. Je vais ensuite explorer un peu la ville, évitant de repasser dans la rue où s’est déroulée mon «agression». Je vais acheter des fruits et légumes en guise de repas du soir.
Le lendemain matin, à 9h00, je retrouve mes équipiers d’un jour pour une descente infernale en vélo tout-terrain (VTT). En effet, nous nous rendons, à 4700 mètres d’altitude, au lieu-dit, La Cumbre. Nous allons emprunter la route qui descend dans la vallée des Yungas, dénommé la route la plus dangereuse du monde, ou «route de la Mort». Plusieurs éléments me permettront très rapidement de comprendre les raisons de cette dénomination. En attendant, après être arrivée au point de départ de cette descente, à environ une heure du centre-ville de La Paz, nous nous équipons entièrement. Nous commençons par les genouillères et les coudières. Puis nous enfilons des tenues complètes pour nous protéger des giclures de boues. Nous terminons par le casque intégral et les gants. Après une prise en main des vélos, nous commençons la descente. Ils sont deux accompagnateurs avec nous, plus le minibus qui nous suit avec toutes nos affaires et du matériel de rechange. Sur la première portion, la route est goudronnée et large. Deux véhicules de front se croisent sans problème comme sur des routes de montagne en Europe. Cette route possède des barrières de sécurité. Il est alors encore difficile de comprendre ce qu’il lui a fallu sa réputation.

Le groupe n’est pas totalement homogène. Certaines personnes sont un peu à la traîne. Mais l’expérience va se révéler génialissime car nous ne devons pas nous suivre en file indienne. Avec le guide à l’avant, nous roulons à pleine vitesse. Les uns dépassant les autres autant que faire se peut. Nous sommes plusieurs compétiteurs nés dans le groupe. Nous allons jouer tout au long de la descente, à être toujours au plus proche du guide qui ouvre la voie. Les paysages sont sublimes. Nous nous enfonçons dans une vallée qui va évoluer très fortement au cours de cette descente. Des sommets totalement arides et sans aucune végétation, nous nous trouvons maintenant entouré par des flancs de montagnes recouverts d’herbes. Nous faisons de longues cessions de descente. Nous nous arrêtons tout de même à des points stratégiques pour admirer le paysage et attendre les retardataires. L’ambiance dans le groupe est bonne enfant. Je retrouve très vite de bonnes sensations. Je suis déjà excité par le fait d’attaquer la deuxième portion, la partie de la route qui lui a valu ce surnom diabolique.

D’ailleurs la communication avec les personnes que j’affectionne est importante. Je dois néanmoins faire un peu plus attention au message que je peux laisser sur ce fameux réseau social, qui a ces avantages mais aussi ces inconvénients. En effet, Facebook permet de partager, garder contact avec des personnes qui habitent à l’autre bout du monde, et que l’on n’est pas prêt de revoir. Sans ces moyens d’échange moderne, il aurait été surement impossible, du moins très compliqué, d’entretenir un lien avec tous. Ce type de communication moderne a aussi ces limites. Chaque personne peut en faire vraiment ce qu’elle en désire. Il est possible de contrôler les entrées et les sorties. On publie les données que l’on souhaite. Et on n’est pas obligé, comme beaucoup de personnes le font, de vivre sa vie par procuration en passant plus de temps sur internet à regarder, épier ce que les autres personnes mettent sur le mur de leur profil, qu’à vivre sa propre vie. Je m’égare un peu et m’éloigne très sérieusement du moment intense que je vis en pleine montagne dans cette descente interminable. J’aime pourtant pouvoir exprimer librement mon point de vue sur des faits de société qui joue un rôle prépondérant dans notre monde moderne, où la communication à outrance doit être prise avec des pincettes, et ou le fait de garder son jugement personnel et son intégrité reste primordiaux. D’autres personnes l’utilisent avec parcimonie. C’est le cas de mes parents qui s’y sont inscrits pour avoir un autre moyen de rester en contact avec leur progéniture, partie faire des escapades longues durées. Nous n’avons pas la chance de pouvoir nous voir tous les jours, de pouvoir discuter au téléphone ou sur Skype régulièrement. Les informations par email arrivent parfois après les données sur ce réseau. Et oui, je suis un des enfants de mes parents (jusqu’à là je pense que vous me suivez, que ça vous paraît plutôt censé! Mdr [Mort De Rire; réseau social oblige]). Ils aiment donc pouvoir garder un contact le plus proche possible. D’ailleurs je les en remercie plus que jamais. Premièrement car ils sont un lien superbe avec le reste de la famille. Ils me donnent des nouvelles de tout le monde. Ensuite car nous arrivons à garder un contact régulier quand je ne suis pas totalement coupé du monde dans des contrées lointaines, parfois à la frontière de notre monde moderne globale. Et enfin, car même si je vis mon rêve et qu’ils me soutiennent totalement dans mes choix, je ne leur fais pas toujours vivre des moments très facile.

Dans ce cas précis, je vais écrire sur le mur de ma page internent de ce réseau, à la vue de tous mes contacts, que je m’apprête à partir sur la route de la Mort. Ma maman s’interrogeant sur ce nom qui ne lui inspire pas confiance va chercher des renseignements sur cette toile mondiale d’informations, qu’est internet. Trouvant des informations, sur cette route, elle sera donc inquiète avant même que j’entreprenne l’expérience. Elle me le fera savoir lors d’un échange Skype que nous aurons quelques jours avant que j’entreprenne la descente où je me trouve actuellement. Le but est de partager mon projet, mon rêve avec eux, non pas de leur faire des frayeurs. Il est donc toujours bon de se mettre dans la peau des personnes avec qui on communique, quel que soit la façon utilisée, pour ne pas mettre son prochain dans une situation inconfortable… J’essaierai alors, la prochaine fois, d’établir l’impact que mes paroles ou mes écrits peuvent avoir sur autrui, avant de les partager. C’est encore plus le cas, quand il s’agit d’une publication en amont d’un fait, et non d’une rédaction apostériori, une fois l’expérience passée, le danger écarté…

Revenons au moment présent, dans cette descente. Après plusieurs kilomètres, nous arrivons à un poste de police, puis dans un petit village où nous devons payer notre droit de passage pour entrer dans la portion à proprement dite de la route de la Mort. Nous avons le droit à un petit en-cas. Nous remettons les vélos sur le toit du minibus. Sur quelques kilomètres, la route monte un peu. Ils préfèrent conserver les forces des participants qui, au final, durant cette longue matinée, effectueront plus de 60 kilomètres de vélo. Après plusieurs minutes, nous empruntons un chemin de terre. Nous nous y arrêtons après quelques centaines de mètres de descente en véhicule. La vue sur la vallée est magnifique. Nous pouvons voir la route en serpentin qui descend le long de la paroi rocheuse, avant de s’évanouir dans le paysage, lors d’un tournant distinct à l’horizon, dans la végétation de plus en plus luxuriante.

Nous enfourchons de nouveau nos moyens de locomotion. Nous allons très rapidement notifier la différence. L’humidité est omniprésente, la route est un chemin de boue, remplie de flaques d’eau sans aucune barrière de protection. Elle est à peine un peu plus large que la largeur moyenne d’un camion ou d’un bus. La circulation se fait dans les deux sens, et les ravins la bordant dépassent généralement et allégrement les 50 mètres de hauteur. Il est alors facile de comprendre pourquoi une chute, une mauvaise manœuvre peut s’apparenter quasiment obligatoirement à une fin fatale et sans issue. Je ne vous cache pas que je préfère alors être aux commandes de mon vélo plutôt que d’avoir à remettre ma vie entre les mains d’un inconnu qui conduirait un véhicule faisant guère moins que la largeur totale de ce chemin. Nous allons prendre un plaisir fou avec le guide à continuer à descendre à toute vitesse. Souvent bloquer dans sa roue, je vais très vite adapter une autre stratégie. Je laisse partir le gros du groupe et après un lapse de temps assez conséquent, j’entreprends la descente. Je ne suis alors plus dépendant du rythme imposé par autrui. Je vais m’amuser à dépasser les personnes possédant un rythme moyen arrivant même parfois à revenir dans les roues des premiers. L’adrénaline monte régulièrement. Je ne prends pas de risque insensé, du moins j’évite. Mais je prends beaucoup de plaisir lors de cette descente qui n’en finit plus. Une fois encore, nous allons nous arrêter de nombreuses fois pour admirer les paysages, prendre des photos, manger un petit casse-croûte. La circulation n’est heureusement pas si dense que cela sur cette portion. Une nouvelle route en cours de finalisation est déjà praticable pour les véhicules plus conséquents.

Dans la descente, je vais exploser la partie arrière du dérayeur. Ce petit bout et la chaîne pendent. Le vélo n’est alors plus utilisable. Pourtant, je n’ai fait aucune chute et n’ai pas l’impression d’avoir touché violement les rochers qui jonchent le sol. Heureusement, ils ont trois autres vélos de rechange sur le toit. Je vais pouvoir échanger le mien contre un autre et continué de prendre autant de plaisir. Cette activité touristique n’est pas du tout aseptisée avec cet organisme. Cela n’est pas pour me déplaire. Jusqu’au bout, nous allons pouvoir descendre à un rythme effréné, slalomant entre les rochers, prenant les virages en épingle à la ficelle, et essayant de prendre le dessus sur notre voisin avec qui on «se tire la bourre»!

 
Arrivant à Yolosa, nous venons de vivre une expérience forte, nous avons traversé des paysages sublimes qui ont totalement changés. Nous sommes maintenant dans une végétation dense, digne d’une forêt tropicale humide, où de nombreux oiseaux, insectes, papillons, et autres animaux vivent. Nous sommes maintenant à un peu moins de 1200 mètres d’altitude. En une matinée, nous venons de descendre plus de 3500 mètres de dénivelés négatif. En moins de trente heures, depuis le sommet du Huayna Potosi, je viens de descendre de presque 5000 mètres d’altitude. Il y a très peu d’endroit dans le monde, où une telle descente et possible en ce temps record. Je pense que mes capacités physiques sont, à cette altitude, renforcées, après avoir passé de longues semaines en altitude. Le fait d’avoir développé des globules rouges et continuer à évoluer dans un milieu, sans pollution, ne peut qu’être positif pour mon corps.

Ayant rejoint la route goudronnée présente dans cette vallée, nous stoppons l’activité. Ils nous conduisent dans un complexe hôtelier et de restauration. Nous allons pouvoir y prendre une douche et nous restaurer. Je garderai un très bon souvenir de cette expérience en vélo.

Le temps sur cette route infernale n’est pas encore révolu pour moi. Je veux me rendre à Rurrenabaque, à plusieurs centaines de kilomètres de là, en bordure de forêt amazonienne. Avant cela, je vais passer la nuit à Coroïco, ville qui se trouve à seulement quelques kilomètres de Yolosita, nœud névralgique, dans la région, pour les transports. Cette ville possède à ce qui paraît de nombreux attraits. J’essaierais d’en profiter autant que possible, dans le temps imparti, que je m’y suis accordé.

Dans le centre-ville, je vais trouver une auberge aux chambres sommaires, qui me conviendra parfaitement pour la nuit. Une fois installé, je vais aller découvrir la ville, sa place centrale, son marché, ces rues pavées, sa proximité avec la nature. C’est agréable, après de longues semaines sur l’altiplano, et ces paysages désertiques, de se retrouver entouré de verdure. Après un repas composé d’une soupe et d’un plat principal, dans une petite gargote, je retourne dans mes quartiers d’un soir.

Réveillé de bonne heure le matin, je vais attendre que la pluie se calme pour dénier sortir le nez dehors. Il sera tombé des cordes pendant plusieurs heures. Mais la météo semble me laisser une fenêtre pour partir découvrir les environs. Je vais prendre la direction d’une fameuse chute d’eau. Je ne vais pas être déçu par le spectacle. Je vais pouvoir admirer de nombreux oiseaux, dont des perroquets et des vautours, de nombreux papillons. Je passerais au milieu de champs cultivés, de lieux avec de nombreuses fleurs colorées, avant d’atteindre l’endroit où se dessine la fameuse cascade. Sur le chemin, trois autres chutes d’eau supplémentaires, toutes avec leur charme spécifique, ajouteront à ce spectacle intéressant. Le temps n’est pas au grand soleil mais la pluie m’épargnera.

A 13h30, revenu en ville, je n’y fais qu’un passage éclair. Prenant mes affaires, je redescends dans la vallée pour attendre mon bus à Yolosita. Ayant normalement plus d’une heure et demie sur place, je vais manger un repas typique dans un petit restaurant. La nourriture est très bonne et les personnes très chaleureuses. Les enfants très curieux me poseront beaucoup de questions. Je vais essayer d’y répondre du mieux que je peux avec un espagnol limité, particulièrement concernant le vocabulaire. L’échange sera tout de même très agréable. En raison des travaux sur la nouvelle route, cette dernière est coupée pendant une bonne partie de la journée. C’est en file indienne que les véhicules vont tous arriver après 16h00. Je ne possède pas beaucoup d’informations concernant le véhicule que je dois prendre. J’ai simplement le nom de la compagnie et le lieu où je veux me rendre. Je vais scruter chaque véhicule. Les bus ne s’arrêtent ici que quelques secondes. Croyant voir ce qui pourrait être mon moyen de transport, j’interpelle l’aide du conducteur qui donne les papiers au contrôle de police. Il me dit qu’il va vérifier avec son chauffeur. Il rejoint le bus qui a stoppé quelques dizaines de mètres plus loin. Il saute dans ce dernier et ils continuent la route. Je suis un peu confus, perdu. Je ne comprends pas ce qui se passe. Je me suis peut être trompé. Je demande alors à d’autres chauffeurs de bus. J’essaie d’obtenir plus d’information auprès des policiers présents aux contrôles. Ils ont sur la feuille de route, laissée par chaque véhicule, la destination finale. Certains me disent que le bus est derrière et devrait arriver, d’autres me disent que le bus est déjà passé. Un des policiers change d’avis et de version quand je lui répète ma demande. Je vais attendre plus d’une heure de plus, la nuit tombe alors rapidement. C’est maintenant une certitude, je me suis fait avoir par l’agence touristique qui n’a pas réserver le billet et m’a donné un faux bon, ou qui n’a pas bien fait la réservation. En effet, je peux lire sur mon billet de transport «La Paz – Rurrenabaque». La compagnie, ne m’ayant pas vu à La Paz, a donné ma place à quelqu’un d’autre. Pris au dépourvu, ils ont alors préférer fuir me laissant sur le bord de la route. Je n’ai donc pas d’autres choix que de retourner à Coroïco.

L’office de tourisme est fermé quand j’arrive ne ville. Je peux heureusement reprendre la même chambre que la veille. J’aviserai le lendemain matin pour savoir comment je vais continuer mon voyage. Des pluies torrentielles vont s’abattre toute la nuit. Elles continueront une bonne partie de la matinée. Je me rends à l’ouverture du bureau de l’office de tourisme. Je leur explique ma situation. Ils ne peuvent malheureusement rien faire. Un rapport sera fait auprès du service de régulation du tourisme pour éviter que cela se reproduise à quelqu’un d’autre. Je perds financièrement le prix de mon billet, et je dois en acheter un sur place, qu’ils me vendent plus cher. Je vais donc partir 24h00 plus tard que prévu. Redescendant en avance, temporellement parlant, à Yolosita, je vais passer encore plusieurs heures à attendre dans cette petite bourgade constituée de restaurants et petits magasins. Le point positif sera le fait de pouvoir déguster les bons plats dans le même restaurant que la veille. Je vais aussi pouvoir assister à la préparation de la fête du village, et passer de nouveaux bons moments avec les enfants.

J’ai cette fois toutes les informations nécessaires pour pouvoir identifier le bus (numéro de plaque d’immatriculation, type et couleur du véhicule, nom du chauffeur). La compagnie est au courant du fait qu’elle doit prendre un passager à cette intersection. A l’ouverture de la route, de nombreux véhicules vont défiler les uns derrière les autres. Une certaine tension m’envahira dans l’attente du véhicule qui doit me conduire à ma prochaine destination. Je reste patient et serein concernant la conclusion de cette deuxième tentative. Je vais voir le bus arriver. Pouvoir y mettre mes affaires et grimper dedans sera tout de même perçu comme une petite délivrance.


Pourtant, il n’y a pas de quoi se réjouir, car nous attaquons la deuxième partie de cette route ultra-dangereuse. Je n’ai cette fois-ci plus aucune maîtrise sur la prise de risque dans ces lacets d’une route en piteuse état. Nous allons passer les parties les plus dangereuses de cette deuxième portion, quand il fait encore jour. Je me trouve sur la gauche du bus, côté donnant sur le bord du ravin dans le sens de la descente. Il faut être honnête, une fois encore je ne serais pas le plus serein du monde. Nous passons au bord de ces précipices qui nous tendent les bras. Une petite erreur du conducteur pourrait entraîner une fin cauchemardesque. Nous roulons toujours sur un chemin de terre qui, en de nombreux endroits, ne permet pas aux véhicules de se croiser. Parfois les véhicules s’organisent d’eux-mêmes et font une circulation alternée. De temps en temps, il est nécessaire à l’un ou l’autre des véhicules de reculer sur plusieurs dizaines de mètres pour laisser passer l’autre en face. La manœuvre peut être périlleuse. Les ravins sont impressionnants. Il n’y a pourtant rien d’autre à faire que de croire en sa bonne étoile et de penser que rien de majeur ne puisse arriver à ce véhicule dans un état d’entretien laissant à désirer.

De nombreux travaux sont en cours, construction de ponts, de tunnel, de portions de route plus grande. Mais rien n’est achevé encore et je ne pense pas que la fin des travaux soient prévus pour demain. La route n’a donc pas perdue de sa dangerosité.

Plus nous descendons dans cette superbe vallée encastrée, moins la route surplombe le cours d’eau de haut. Mais une chute de trente mètres ne devrait toujours pas nous laisser beaucoup de chance. La nuit tombe assez rapidement alors que nous ne sommes pas encore sortis de cette dernière portion dangereuse. Il sera plus facile d’être rassurée quand nous nous arrêterons pour manger, vers 20h00, dans la première grande ville, au début des contreforts de la cordillère des Andes. Nous sommes alors à peine à 400 mètres d’altitude. Nous avons alors effectué la partie du voyage la plus terrifiante. «Ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué», mais après un bon repas, en période de digestion, il est alors beaucoup plus aisé de se laisser bercer par le rythme du transport et de s’endormir. Je ne dors jamais d’un sommeil très profond mais je vois rarement le temps passé.

Je vais être réveillé plusieurs fois. Une d’entre-elle sera pour une panne technique. Un tuyau est percé. Ils vont pouvoir faire les réparations à l’aide d’un tuyau de chambre à air, qui servira de pansement, mais aussi et surtout en mettant à l’intérieur de la colle bi-composante époxy. Une nouvelle fois pour moi, dans les moyens de transports utilisés, ce produit va être salvateur. Après une petite demi-heure de transport, le bus est de nouveau roulant. La nuit se passera sans d’autre encombre. Le lever de soleil dans les plaines menant à la destination voulue, est superbe. Je vais déjà pourvoir observer depuis les fenêtres, de nombreux oiseaux, des paysages très différents, des habitations en bois ne ressemblant en rien à ce que j’avais pu voir avant dans ce pays.

Nous arrivons avec 2h00 de retard à Rurrenabaque. Il est pourtant à peine que 9h00 du matin. La journée encore longue me laisse donc le temps d’envisager pas mal de choses. Je vais prendre la meilleure option me concernant. Je n’essaye pas de me reposer ou de trouver un hôtel pour passer la nuit et organiser ensuite les excursions, que j’aurais envie de faire. Je file directement dans le centre-ville. Je me rends dans les bureaux d’une agence qui m’a été recommandée et dont les commentaires sur les forums sont positifs. Le tour part dans quelques minutes avec 6 personnes; Direction la Pampa, meilleur endroit pour observer les animaux! Je ne vais pas hésiter très longtemps. Etant une personne supplémentaire, je vais obtenir un prix battant toute concurrence. Ils me demandent, comme habituellement, de ne pas révéler à mes compères le prix obtenu.

Pas le temps de faire une pause, je monte mon sac sur le toit du 4x4. Puis je rejoins les 6 autres personnes à l’intérieur. Ils étaient prêts à partir! C’est donc dans un timing parfait que l’aventure se poursuit.

Nous allons passer plus de 2h00 dans le véhicule tout-terrain, roulant sur une route cahoteuse. Les ornières sont parfois gigantesques. La boue omniprésente après qu’il est plu les derniers jours. Ce trajet me permet de faire la connaissance des autres voyageurs, 4 amies espagnoles et 2 jeunes canadiens, mais aussi du guide et de la femme en charge de l’intendance et de la cuisine pour les jours à venir. Nous nous arrêtons dans le centre d’une petite bourgade pour déjeuner. Au menu de ce repas traditionnel bolivien; de la soupe avec morceaux de légumes et de viande, puis du poulet avec riz et autres légumes en pagaille. Nous gagnions finalement l’entrée du Parc National. Nous allons donc découvrir ici la Pampa qui borde cette ville de Rurrenabaque. Nous pénétrons dans une zone marécageuse, bien assécher avant que la saison des pluies ne commence. Le niveau de l’eau augmentera très vite, dans un peu moins d’un mois, avant de venir recouvrir la majorité des terres que nous allons pouvoir fouler ou admirer.

Après avoir payé le droit d’entrée dans cet espace protégé, nous embarquons sur un bateau en bois à fond plat, propulsé par un moteur assez puissant. Nous allons passer plus de 3h00, sous un soleil radieux, à admirer la faune et la flore, très facilement observable de ces lieux. Le Lodge se trouve en pleine nature, sur les rivages de ce petit cours d’eau qui subsiste pendant la période sèche. Le fait que tout être vivant a besoin d’eau pour survivre provoque un regroupement important de nombreuses espèces animalières autour de ce point principal. Ce cours d’eau, très poissonneux, est aussi une source majeure d’alimentation pour les oiseaux et autres reptiles. Nous allons très vite pouvoir observer les premiers oiseaux, de grands échassiers et des rapaces. Puis les premiers alligators et caïman nous accueilleront dans leur habitat de prédilection. Ces derniers vont être omniprésents durant tout le séjour.

La découverte de l’étrange créature, qu’est le capibara, est intéressante. Il se rapproche de quelques animaux que j’ai déjà pu observer mais ces pattes, adaptées pour la nage, et le non prolongement de son corps par une queue, ou autre forme profilé, lui profère un caractère unique. Nous allons pouvoir en voir et revoir des dizaines lors de cette après-midi. Ils sont souvent en groupe, avec de nombreux petits. Ils ont tendance à fuir un peu plus loin lorsque nous essayons de les approcher mais ils ne sont tout de même pas trop craintifs. De nombreux oiseaux vont s’envoler à notre arrivée, d’autres pêchent. Ils pavanent parfois avec un trophée, encore en vie, et frétillant dans leur bec. Je vais faire la connaissance des faucons Caracaras, d’un oiseau très particulier, le Hoatzin, et de quelques autres spécimens, dont les noms m’échappent à cet instant. Je vais redécouvrir de nombreux autres oiseaux déjà aperçu auparavant, sans que le plaisir en soi altéré, bien au contraire. La taille de ces derniers est très variable. Il est intéressant de pouvoir admirer le tout petit colibri, des oiseaux tout coloré, jaune ou rouge par exemple. Ceux sont souvent de tous petits oiseaux, sans charme physique particulier, qui poussent un chant enivrant, participant à la magie des lieux. Les sons sont multiples et incessant dans cet environnement naturel. J’aime quand nous laissons aller le bateau au rythme du courant, pouvant profiter pleinement de l’ensemble des paramètres qui composent cet environnement riche. Nous allons pouvoir admirer des dizaines et dizaines de tortues prenant le soleil sur des branches qui dépassent de l’eau. Les alligators de couleurs jaune-orange et noir sont déjà impressionnants. Il y a beaucoup de petit bébé, pouvant atteindre jusqu’à 3 mètres à l’âge adulte. Mais ils paraissent ridicules quand ils se trouvent à proximité des caïmans beaucoup plus imposants, qui peuvent allégrement dépasser les 5 mètres. C’est intéressant de voir qu’ils peuvent vivre en symbiose, se côtoyer. Ils se partagent les ressources multiples de ce cours d’eau, abondant en poissons. Nous allons aussi tomber nez-à-nez avec un petit groupe de singe, de couleur jaune, qui nous feront un spectacle pendant de longues minutes à quelques centimètres de notre embarcation.

Le temps sur le bateau s’évanouie dans l’intensité du moment vécu. Voilà plus de 3h00 que nous sommes partis. Nous arrivons au Lodge sur pilotis qui domine la berge de ce petit ruisseau. Nous nous installons dans les dortoirs, dont les fenêtres sont des moustiquaires et les lits surplombés par d’autres. La douche est la bienvenue. Les hamacs, suspendus avec la vue sur la rivière, sont parfaits pour se relaxer et profiter de cet environnement où la sensation de se sentir seul au monde réapparait. La nuit tombe rapidement, créant de belles couleurs dans le ciel pendant le coucher de soleil. Elle apporte un peu de douceur après cette journée très chaude. Le repas est très vite servi. Nous dégustons alors des plats à base de produits locaux. Nous continuons à faire un peu plus connaissance. Nous prolongerons la soirée sur la terrasse en buvant du vin rouge avec tout le monde. Nous invitons le guide, l’intendante, et le responsable de la surveillance du camp. La soirée est bonne-enfant avec des personnes simples qui désirent passer ensemble un bon moment. Les crapauds, des insectes, les chauves-souris viendront se joindre à la fête. Heureusement, le contingent de moustiques est beaucoup moins conséquent que ce que je pouvais craindre. Cette première journée promet déjà un séjour intéressant dans ce lieu prolifique, naturellement parlant.

Le lendemain matin, je me réveille au cours du lever de soleil. J’aime cet instant de la journée, cette transition entre l’obscurité et la lumière. La nature est alors en pleine ébullition. Les bruits d’oiseaux et d’insectes sont omniprésents. Me promenant dans la clairière qui entoure les bâtiments, je vais pouvoir observer de très près un groupe imposant de capibaras venus praires. Petit à petit, le campement va prendre vie. Après un petit-déjeuner copieux, nous partons en bateau un peu plus loin, au fil du cours d’eau. Nous nous sommes munis de bottes en caoutchouc. Nous nous arrêterons après de longues minutes de navigation sur le rivage. Des alligators sont tranquillement installés sur le bord. Je vais aller m’amuser à les titiller un peu, à l’aide d’un bâton, pour leur dire bonjour. Le tête-à-tête, yeux dans les yeux, et alors intéressant. Je reste néanmoins attentif à ces moindres mouvements.

Nous partons explorer les marécages environnants pour y découvrir des paysages différents, une faune encore omniprésente. Nous sommes surtout à la recherche d’un animal rampant, qui habite ces lieux, l’Anaconda. Les marécages sont un lieu de vie où prolifère les insectes, les poissons attirant donc les oiseaux, les serpents et autres animaux tels que les biches ou sanglier sauvage. Nous nous séparons pour ratisser l’ensemble de la surface du premier marécage. Ces fleurs d’eau sont en fleurs, créant un paysage sublime. Nos recherches restent vaines lors de cette première tentative. Mais nous avons déjà pu observer de nombreux autres animaux. La zone marécageuse suivante, assez sèche, ne nous donnera pas plus de satisfaction. Nous arrivons finalement aux abords d’un petit lac. De petits oiseaux de couleurs virevoltent dans cette immensité verte. Nous explorons alors la zone marécageuse qui entoure le lac. Après plusieurs minutes, avançant progressivement, très concentrés à regarder à mes pieds, ces quelques centimètres d’eau qui recouvrent une zone boueuse dans laquelle nous nous enfonçons, je vois dans le dédale de fleurs d’eau, un corps tacheté marron et noir. Je me fige instantanément pour ne pas effrayer l’animal qui me fait face. J’appelle immédiatement le guide. Il va extraire avec une dextérité impressionnante l’animal de son milieu naturel. Il va le déposer un peu plus loin sur la terre ferme, où nous aurons tout le temps de pouvoir l’admirer.

L’excitation d’avoir trouvé cet anaconda, moi-même, est forte. Je ne sais pas si j’aurais été assez téméraire pour pouvoir extraire, de moi-même, cet animal si j’avais été seul. Il n’est pas dangereux car ne possédant pas un venin mortel mais faut-il encore être sûr d’avoir à faire à ce dernier, et non à un de ces confrères qui pourrait ne pas avoir les mêmes caractéristiques d’attaque. En effet, c’est un serpent constrictor qui étrangle ces proies avant de les avaler. Ce spécimen est un petit d’environ 2,50 mètres (à l’âge adulte, ils peuvent atteindre plus de 6 mètres et avoir une circonférence 3 fois plus importante que celui que nous avons en face de nous). Nous allons pouvoir l’admirer, le toucher. Je vais plusieurs fois le prendre par la queue. Nous avons été chanceux d’en trouver un et de pouvoir l’admirer. Nous continuerons à explorer les environs, passant devant un grand lac habité par de grands caïmans, nous suivrons un cours d’eau presque à sec, où nous pouvons observer dans le sol des empreintes d’alligator, de sanglier.

 
Retournant à l’embarcation, nous reprenons le chemin de notre logement. Chaque passage sur le cours d’eau est une chance de voir et revoir les nombreux animaux qui occupent ce territoire. Je vais revoir des animaux avec lesquels j’avais passé un moment magique à Manaus, au Brésil. C’était lors de mon séjour, pour créer la ligne de production pour les imprimantes Evolis. C’est il y a déjà 5 ans quand je travaillais pour eux dans la filiale de Miami. Les animaux, dont je parle, sont les dauphins roses de rivière de l’Amazonie. Les deux canadiens se mettront à l’eau pour essayer de les approcher. Ils ne seront jamais loin d’eux mais sans jamais vraiment sans approcher, pas plus près que les quelques alligators présents dans l’eau ou sur le rivage. Sachant que nous renouvellerons l’expérience dans un lieu un peu plus approprié, je ne vais pas les suivre.

Après un repas copieux et une sieste au cours des heures les plus chaudes, deux espèces de singe vont venir aux abords du campement. Avec les deux canadiens, nous établirons un lien de proximité en les nourrissant avec des bouts de banane. L’après-midi, à l’aide de simples bouts de fil de pêche, un hameçon, et des bouts de viande fraîche, nous partons à la pêche aux Piranhas. La pêche ne sera pas miraculeuse mais le moment partagé agréable. Nous aurons finalement extrait une dizaine de petits poissons, aux dents acérés du milieu où ils évoluent. Nous les cuisinerons le soir venu en espérant que notre cuisinière n’aura pas attendu de notre part une pêche miraculeuse pour préparer d’autres mets. Avant de rentrer, nous nous enfoncerons encore un peu plus dans ce lit de rivière, passant près d’autres nombreux Lodges. Nous allons retrouver d’autres groupes dans un bar, ouvert par un local, et qui bat son plein au coucher du soleil. Partager ce moment avec d’autres jeunes, faire de nouvelles rencontres, est sympa. Un gaucho menant son troupeau, passera dans les prairies qui nous font face juste, après que le soleil est disparu derrière l’horizon, que le ciel est commencé à s’habiller de son habit multicolore révélant une palette partant du jaune claire pour se finir au mauve. Notre guide négociera, pour nous, une bouteille de rhum local auprès du propriétaire, avant que nous regagnions notre campement. Notre guide va faire preuve d’une maîtrise impressionnante, conduisant le bateau, dans le noir, à une vitesse de croisière assez élevée, jusqu’à destination. Il prendra la meilleure trajectoire possible dans les nombreux méandres de ce cours d’eau pour éviter ces pièges. Une lampe frontale et sa connaissance très poussée des lieux, nous auront sûrement évités de nombreux désagréments comme le fait de se planter lamentablement dans de gros troncs. La soirée sera dans le prolongement de ce séjour extra, à la découverte d’un environnement très riche, en bonne compagnie et dans la bonne ambiance. Nous goûterons la chair très tendre des piranhas, heureusement accompagnés par d’autres mets très bons cuisinés par notre hôte. Puis nous enchainerons en partageant un verre de rhum, de nouveau sur cette terrasse au beau milieu de cette pampa du nord bolivien.

Le lendemain matin, nous réveillons tout le monde avant le lever du soleil. Nous allons admirer ce dernier dans une clairière à quelques centaines de mètres derrière le Lodge. Le ciel va une nouvelle fois prendre des couleurs superbes. L’ambiance est encore un peu différente avec la brume très basse et peu épaisse qui recouvre la plaine qui nous fait face. Le soleil, après être apparu, au niveau de l’horizon, et avoir transpercé les nuages, va rester rouge très longtemps filtré par une atmosphère très humide.

Lors de la matinée, nous allons encore nous déplacer en bateau, profitant une nouvelle fois des nombreux oiseaux nichant dans les environs. Les alligators et caïmans sont légions dans l’eau et sur le rivage. C’est dans ces conditions, dans les lieux où nous avons pêché la veille des piranhas que nous allons nous mettre à l’eau avec les dauphins roses. Même si nous faisons confiance à notre guide, même si nous voulons croire que nous soyons totalement en sécurité, je ne lâcherais pas très souvent des yeux les alligators qui se trouvent à quelques mètres à peine de l’embarcation. Plus le temps passe, plus on s’éloigne de l’embarcation. Nous allons passer de très bons moments en leur compagnie. Ils viendront se frotter à nous à quelques reprises. Ils resteront assez près de nous, faisant parfois des sauts, plongeant parfois dans ces eaux saumâtres sombres. L’expérience semble sûrement un peu folle d’un point de vue extérieur. Je peux vous assurer que même après l’avoir vécu on se demande parfois si on n’a pas était un peu inconscient et si le jeu en valait vraiment la chandelle. Quoi qu’il arrive, j’ai encore passé un très bon moment dans cette pampa bolivienne.

J’aimerais passer un peu plus de temps sur place, simplement à profiter de la quiétude des lieux, des sons, des odeurs, de la richesse naturelle. Je ne peux malheureusement pas rester seul dans ce lieu privé. Le tour prend fin en cet après-midi. Après le déjeuner, nous embarquons avec toutes nos affaires et repartons vers l’entrée de ce parc national. A 17h00, deux heures et demi, après avoir refait la route en sens inverse, nous sommes de nouveau dans le centre-ville de Rurrenabaque. Je serais bien resté plus de temps aussi dans cette ville pour en explorer ces autres merveilles surtout dans sa périphérie avec la présence de la dense forêt amazonienne, d’un fleuve puissant et d’autres merveilles. Mais je me dois d’avancer, d’explorer d’autres régions qui me tiennent à cœur. J’ai maintenant une date butoir. Dans moins d’un mois une amie me rejoint au Brésil, aux chutes d’Iguaçu, pour aller explorer l’Argentine. Avant son arrivée, j’ai envie de découvrir d’autres lieux de ce pays qui m’avait accueilli de la meilleure des façons voilà maintenant déjà plus de 5 ans.

Je rejoins donc la gare routière pour acheter mon billet de bus vers Trinidad, une ville plus à l’Est. Le départ est à 22h00. J’ai donc plusieurs heures encore à passer dans la ville. Je peux laisser mon sac-à-dos à la gare routière dans les locaux de l’agence. Je vais donc aller admirer le coucher de soleil en empruntant la ballade en bord du fleuve. Retrouvant les 4 espagnoles, je passe ensuite la soirée dans un restaurant avec elles. Regagnant la gare routière, je vais attendre plus de 3h00. Après nous avoir dit que le bus avait du retard, après que l’activité dans les rues se soit exténuée, après que la gare soit devenue quasi-déserte, nous apprenons, à 00h30 que notre bus a eu un problème technique. Nous devons revenir le lendemain à 5h00. Autant vous dire, que je n’envisage pas vraiment d’aller chercher un hôtel pour moins de 4h00 de sommeil. Je vais donc prendre mon tapis de sol, trouver un coin d’herbe sur un terrain en construction et m’endormir dans un coin de la propriété. Je me réveillerais au moins deux fois. A 4h30, je serais de nouveau debout pour me rendre à la station de bus. Le responsable de l’agence routière n’arrivera qu’à 6h00, après que je me sois rendormi sur le banc faisant face à ces bureaux. Il me dit que le bus a pris encore plus de retard, pendant la nuit, et que je peux revenir seulement à 11h30. La ponctualité des moyens de transport en Bolivie laisse à désirer. Je ne sais pas pourquoi mais tout laisse à penser que cette partie ne sera pas encore la plus chaotique du voyage que je vais entreprendre.

Je ne vais pas me lamenter sur son sort en attendant misérablement le bus dans cette petite gare routière. Après avoir confirmé, le nouvel horaire, je pars explorer les environs de la ville. Je vais très rapidement m’enfoncer dans une très dense forêt qui borde le cours d’eau. L’humidité de cette forêt amazonienne est impressionnante. J’entends de nombreux bruits. Je ne vais pourtant distinguer presque aucun animal. Après plusieurs heures de balade sur des chemins glissants, traversant des ponts en bois mal entretenus où il manque des planches et dont celles qui restent ne sont pas toujours fixés, je fais demi-tour pour ne pas rater un bus qui s’est fait tant attendre. Il arrivera finalement à 12h30. 14h00, après l’horaire initial, nous partons finalement.
 
Les deux premières heures du voyage se passe bien. Je ne suis qu’avec des locaux. Nous engageons des conversations intéressantes. Je vais des efforts pour comprendre le maximum des choses dites, essayant de leur apporter une réponse qui aura un sens pour eux. Quoi qu’il en soit, l’expérience vaut le coup. C’est pour cela que j’aime voyager seul, surtout dans cette configuration, où les personnes s’interrogent sur «le pourquoi et le comment», je suis arrivé là!

La suite du voyage va largement se compliquer. Premier arrêt en raison d’une crevaison de la roue arrière droite. Le deuxième arrêt obligatoire est encore plus problématique. La roue que nous venons de changer est maintenant bloquer dans une énorme ornière, présente sur le chemin en terre, au niveau de travaux. Le conducteur n’arrive plus à passer les vitesses. A la vue de l’état de l’embrayage, de la puissance du moteur, nous ne sortirons jamais de ce piège seul. C’est frustrant de voir motos et autres voitures passées sans encombres à nos côtés. La chaleur monte et personne ne sait encore comment nous allons continuer. Heureusement, un tractopelle travaillant sur le chantier va venir nous sortir de cette partie de route, où nous nous étions empêtrés. L’attache entre les deux véhicules cédera plusieurs fois, mais il nous sortira finalement de ce trou. Le conducteur et ces aides doivent encore réparer la boîte de vitesses qui n’est plus fonctionnelle. C’est grâce au «Système D» et à un bout de fil de fer qu’ils réussiront à réparer la panne. La route, ou plutôt devrais-je dire le chemin de terre, est sèche! Je comprends alors très bien pourquoi aucun véhicule de transports publics n’emprunte cette voie durant la saison humide. Nous allons continuer pendant un peu plus d’une heure avant de rester bloqué une nouvelle fois dans une zone de travaux. Un autre engin, servant à aplatir la route, viendra nous sortir d’affaire. Une pièce de la direction est maintenant défectueuse. Après analyse de la situation, nous apprenons que nous ne bougerons pas avant de recevoir une pièce de rechange. Des personnes perdent patience. Elles trouvent d’autres moyens pour gagner le point qu’elles souhaitaient atteindre, ou retourner au point de départ sans avoir à patienter pour une durée indéterminée. Nous trouvant presqu’au milieu de nulle part, j’ai pour mon cas que le choix d’attendre! Je vais beaucoup écrire concernant des expériences passées pour pouvoir, par la suite, les publier sur mon blog. Mais je vais aussi passer du temps à échanger avec les locaux. Ils me proposeront de l’eau, du Coca Cola. Puis, avant que la nuit tombe, avec 3 d’entre-eux, nous allons rejoindre le petit village à proximité. Nous nous arrêtons au niveau d’un petit stand. Je vais découvrir de nouveaux produits locaux fait à base de riz et de légumes, ainsi qu’un jus de fruit très original. Il est plus de 22h00 quand la pièce arrive finalement. Une fois les réparations effectuées, nous pouvons finalement reprendre l’avancée lors de ce trajet en bus qui devient une vraie aventure. La nuit n’est pas des plus confortables mais le bus semble tenir le coup. En début de matinée, après le lever de soleil le bus monte sur une barge en bois, où il passe tout juste en longueur et largeur. La qualité de la barge semble à désirer. Mais encore une fois, lors de mes pérégrinations, je vais me sortir d’une situation pouvant être délicate, sans encombre. Nous arrivons en début de matinée à Trinidad.
 
Cette ville est le lieu de départ d’excursion dans la forêt amazonienne profonde à l’aide de barques à moteur. Je savais avant de m’y rendre que je n’aurais pas le temps d’entreprendre ce genre de voyage qui pourtant me plairait énormément, à la rencontre de tribus vivant dans des coins reculés. Même dans le voyage, le temps est compté et il faut faire des choix. Pour entreprendre une telle aventure, il m’aurait fallu des semaines, aller à la rencontre des locaux et trouver le moyen de pouvoir avancer encore plus profondément dans cette forêt impénétrable. Ca ne sera pas pour ce voyage. Mais, si l’envie est un jour forte, je reviendrai sur ces terres.

J’ai décidé tout de même de faire cette boucle pour ne pas revenir sur mes pas, et retourner vers La Paz, avant de me rendre à Santa Cruz. Je voulais avoir un aperçu de cette ville reculée, y passer la journée entière avant de repartir directement en bus de nuit. Le centre-ville animé, sa place centrale avec la très belle cathédrale, le marché local avec les jus de fruits frais, des personnes qui s’afférent dans les rues commerçantes, les cireurs de chaussures qui jouent avec moi quand je les prends en photos, sont des éléments qui vont tout de suite me faire apprécier l’atmosphère de cette ville. Les oiseaux colorés tels que les perroquets, le musée sur une civilisation révolue qui avait développé un système gigantesque de canaux, me donnent encore une fois l’envie de partir explorer ces contrées reculées. Je vais me contenter d’aller explorer une lagune à quelques encablures. Sortant de la ville et prenant la direction de ce point, un homme en moto s’arrête alors que je n’ai même pas essayer de faire du stop! Il me conduira jusqu’à l’entrée de cette lagune. C’est un vrai bonheur de se déplacer les cheveux au vent en admirant les paysages. Je vais découvrir un plan d’eau sympathique, pouvoir y admirer quelques oiseaux typiques de la région, mais surtout prendre le temps de me reposer tranquillement, de faire une sieste sous l’ombre d’arbres, me protégeant de la chaleur harassante de ce début d’après-midi! En rentrant, tendant le pouce, un monsieur ave ces enfants et petits-enfants, va s’arrêter! Il me conduira dans un vieux véhicule délabré mais avec un charme immense, jusqu’à la ville. Je vais flâner au coucher de soleil et à la nuit tombée dans les ruelles animées de cette ville que je n’aurais pas vraiment pris le temps de découvrir, mais qui restera comme une très belle étape d’un jour!

J’ai la bonne surprise de découvrir à 20h30, un bus moderne et confortable! La route et le trajet jusqu’à Santa Cruz ne seront pas du même acabit que la veille! Je vais passer une bonne nuit, en position semi-allongée. Je ne me réveille que quelques minutes avant d’atteindre le terminus dans la grande gare routière moderne de la ville, à 5h30. J’attends tranquillement que le jour se lève en écrivant sur un petit carnet. Une fois les premières lueurs apparus, je me rends sur les trottoirs de la route, demande mon chemin, et obtient le numéro du bus qui se rend à la place centrale. Quelques minutes plus tard, je me retrouve dans le centre historique.

Si l’on écarte ce quartier un peu spécial, la ville de Santa Cruz ne présente pas un intérêt majeur touristiquement parlant. Je vais attendre sur la place principale que tous les magasins, le centre d’information, des agences organisant des excursions et tours, ouvrent! Après avoir évité quelques gouttes de pluies au-dessous d’un cloître, dans la continuité de la cathédrale, je vais me rendre à un petit marché local pour prendre mon petit-déjeuner. Ce dernier sera composé d’empanadas au fromage, et d’une salade de fruit au yaourt très copieuse. Echangeant ensuite avec divers organismes, je vais très vite me rendre compte qu’il est quasiment impossible de me rendre dans les deux parcs naturels que j’aurais voulu visiter. C’est surtout le cas pour le parc national Noel Kampf, qui se trouve à l’Est du pays, sur la frontière avec le Brésil. En effet, les transports en commun sont inexistants, les routes et chemin y menant quasiment pas fréquenté, et aucune agence n’organise de tour à cette période de l’année. Ayant alors besoin de beaucoup trop de temps, je vais très vite abandonner l’idée. Obtenant d’autres renseignements auprès du centre d’information, je vais découvrir que le train, que je veux prendre pour me rendre à la frontière brésilienne, passe seulement en fin de journée, ou trois jours plus tard. Après avoir pesé «les Pour et les Contres», je décide d’écourter un peu mon séjour en Bolivie, me laissant ainsi un peu plus de temps sur place dans le prochains pays, au Brésil. Je vais donc réserver mon billet de train pour la fin de l’après-midi.
 
A 15h30, après avoir validé mon ticket, auprès du contrôleur, avant de pénétrer sur le quai, je monte dans ce train de la «Ferroviaria Oriental». Je suis étonné de me retrouver dans un train aux allures extérieures veillottes, mais à l’intérieur très moderne. Les sièges sont neufs et confortables. Le train est doté de la climatisation, et de télévisions écran plat dernière génération. Le service de restauration est aussi luxueux comparé à mon standard de voyage. En effet, les commandes et le service sont directement faits dans les wagons par l’intermédiaire du personnel passant pour prendre les commandes. Je vais donc passer les 17 prochaines heures, à voyager dans un moyen de transport que j’affectionne, et que je n’avais pas utilisé depuis longtemps. Il est peu bondé et peu fréquenté en cette journée. Je me retrouve simplement avec des locaux. Ces derniers moments dans ce pays complètent alors un séjour très spécial. J’ai aimé sa diversité culturelle et naturelle. J’espère pouvoir refouler les terres de la Bolivie un jour, pour aller encore plus haut, pour explorer encore plus profondément ces contrées sauvages, impliquant parfois préparation et temps pour vivre des expériences uniques.

Au petit matin, le train s’arrêtera au niveau d’un aiguillage pour laisser passer un autre train de marchandises. Des jeunes locaux viendront vendre des petites viennoiseries locales. Une relation décontractée se crée rapidement quand je sortirai l’appareil photo. Ils désireront tous être dans le cadre.

Je n’ai aucune amertume non plus quand je descends à Quijarro, ville frontière de la Bolivie. Au contraire, je viens de découvrir un pays avec des coutumes encore très fortes, et la Nature qui l’a dotée d’un terrain de jeu aux multiples visages. Je prends le temps dans cette ville de déguster quelques derniers produits locaux, de faire quelques derniers achats, avant de gagner le poste frontière à l’arrière d’une moto. C’est les cheveux au vent que j’effectue mes derniers mètres. Les formalités de sortie sont d’une facilité déconcertante. Je pénètre alors à pied dans un No Man Lands de seulement quelques dizaines de mètres, avant de me retrouver aux portes de ce pays dont je voulais refouler les terres. Les couleurs jaune et verte du drapeau brésilien flottant au-dessus du poste frontière me replongent immédiatement dans des souvenirs forts! Mais le plus important est devant moi. Comme à chaque changement de pays, l’excitation monte! Cette dernière a néanmoins un goût bien particulier!