jeudi 15 décembre 2016

Un autre voyage; le retour et l'accident!!!

Nous voici de retour en France en ce mercredi 15 Juin. Après la nuit à l’aéroport Charles de Gaulle, nous rentrons à Angers en train. Anne, amie très proche de la famille, a réussi à avoir les clés de la maison, qu’elle garde normalement en l’absence de mes parents. Ces derniers partiront la semaine d’après pour 8 jours, à la montagne, payé par l’entreprise de papa. Il s’agit d’un séminaire de préparation à la retraite. 

En tout cas, nous pouvons ainsi leur faire une bonne surprise. En attendant, nous voulons voir Marie, Yann, Alice  et, Adonis. Nous prenons la seconde voiture des parents. Je conduis pour la première fois une 206+, qui vient de remplacer la 205, qu’ils avaient depuis plus de 15 ans. Nous conduisons jusqu’à Saint-Saturnin-sur-Loire. La maison semble vide. En ce milieu d’après-midi, ils doivent tous être à la sieste. Quatre jours auparavant, Marie accouchait.

En attendant, nous décidons donc d’aller faire la surprise à Lucille, qui travaille dans un camping à seulement quelques kilomètres. Il ne va pas être facile non plus de la voir, mais lors de notre deuxième venue, nous arrivons à lui faire un petit coucou. Elle est très contente de notre surprise. Il en sera de même pour Nico, même s’ils sont bien occupés à leur travail respectif. Date est prise pour se revoir dès que possible!

Ce n’est qu’à la troisième tentative que nous allons réussir à voir la petite famille de Marie. Nous entendons Alice depuis la fenêtre de sa chambre à l’étage. Entendant nos voix, elle regarde à travers le carreau, puis elle repart. Mais elle prévient sa mamie qui est avec elle. Elle viendra alors nous ouvrir. Nous avons la chance de passer quelques minutes avec toute la famille après qu’ils aient émergés de leur sieste. Je suis tellement heureux de pouvoir faire la connaissance de mon petit neveu; Adonis, alors qu’il n’a que quatre jours.

Nous ne pouvons pas tarder car la fin de l’après-midi approche et nous voulons être à la maison lorsque les parents rentreront du travail. Le timing va être parfait. La surprise est un succès car mes parents ne nous attendaient pas avant 3 semaines. Marie a invité les parents à manger le soir. Nous nous joignons à eux, pour profiter tous ensemble d’un bon moment. C’est tellement agréable de retrouver notre famille, sachant que le lendemain, ça sera celle de Lucie.

Le vendredi 17 juin, papa nous dépose près du parc de Pignerolle. A pied, nous rejoignons l’arrière de la maison des parents de Lucie. Nous pensions, qu’à midi, ils seraient tous dans le jardin, attablé, avec un verre d’apéritif à la main. Ce n’est pas du tout le cas, Didier; son papa, est seul, lavant le sol de la terrasse. Sa maman avec sa sœur, son beau-frère et leurs enfants sont partis faire des courses. Ils rentreront quelques minutes plus tard. La surprise a fonctionnée, mais elle est moins forte que pour ma famille. Cela ne concerne pas l’intensité du moment mais le fait qu’ils savaient que nous devions rentrer ces jours-ci. En effet, demain, c’est le baptême de Tiana; la nièce de Lucie. Ils savent qu’elle n’aurait manqué cela pour rien au monde! Nous passons une très belle journée à l’heure côté, en commençant par un barbecue. C’est un réel plaisir de passer des moments simples avec nos familles, autour de belles discussions, d’un bon repas, d’aliments savoureux, de jeux et de franches rigolades.

Le jour du baptême va être une belle journée. Après une cérémonie fort agréable à l’église de Saint-Barthélemy-d’Anjou, nous mangeons tous au restaurant. Je fais plus ample connaissance avec la famille de Guillaume; mari de Mathilde, sœur de Lucie. Les discussions iront dans tous les sens, tout azimut. Nous passons des moments avec les adultes mais aussi avec les enfants. C’est la fête et rien ne viendra entacher cet instant...

La semaine suivante, nous passons beaucoup de temps au 78 Rue de la Madeleine, alors que mes parents sont dans les Alpes. Nous revoyons beaucoup de nos amis le temps d’un verre, d’un repas, d’un instant sportif, d’un cinéma. Lucie recherche, en même temps du travail. Très rapidement plusieurs pistes vont se dessiner, non pas dans le tourisme, à proprement dit, comme elle faisait auparavant, mais dans l’hôtellerie. Son père travaille à la réception d’hôtels depuis plus de 30 ans, et elle a toujours voulu essayer aussi une expérience de la sorte. Après un premier entretien, où elle ne sera pas prise, le deuxième sera le bon. Dans ces domaines, les conditions assez difficiles et la rémunération faible fait que les candidats ne se pressent pas à la porte. Les besoin sont qui plus est importants et il n’est pas possible de faire sans un réceptionniste. Elle a son entretien le lundi 27 Juin et elle commencera le lendemain. Contrairement aux autres propositions, il s’agit d’un CDI. Nous étions plutôt partis sur l’idée d’un CDD pour l’été pour qu’elle puisse ensuite me suivre lorsque j’aurais trouvé du travail. Finalement, et au vu des événements qui vont suivre, cela va se révéler être la meilleure option.

La coupure est totale. Ils ont de gros besoins pour l’été. L’apprentissage d’un nouveau métier, de nouveaux logiciels, de nouvelles techniques de travails ne s’acquièrent pas en un instant. Pour Lucie la transition est difficile. Ces heures de travail sont lissées sur l’année. Elle est au 39h00 par semaine, mais elle va plutôt effectuer plus de 60h00 ces premières semaines. Elle est en plus perfectionniste et elle veut bien faire. Après plus de 6 mois, sans aucunes contraintes, après avoir pu respecter ces besoins en sommeil, elle se retrouve avec un métier ayant des horaires décalés. Elle accumule la fatigue, le stress. Lors de ces deux seuls jours de repos pendant les 15 premiers jours, elle a en plus l’enterrement de vie de jeune fille de sa meilleure amie; Pauline! Elle ne dort presque pas!

Cela n’est pas évident pour moi non plus. Elle est absente. Le peu de temps passait ensemble, elle n’est pas avec moi. Elle ne pense qu’au travail. Elle ne parle que de cela. Elle refuse presque le moindre bisou ou câlin. Elle est fatiguée, parfois exécrable.  Je n’arrive pas à accepter cela. Nous sommes passés d’un moment en total connexion, où notre relation avait énormément évoluée, à un instant où nous nous éloignons beaucoup. Avec nos peurs, nos sensibilités nous recréons des tensions qui ne vont que s’amplifier au cours de l’été. Plusieurs sujets sont cause de discordes, don la prise d’un appartement. Nous n’arrivons pas à nous comprendre, nous restons bloqués sur de petits détails sans prendre en compte tout ce que nous partageons. Heureusement, nous vivons aussi de beaux moments, et nos sentiments ont toujours été très forts, même dans les épreuves.  Nous arriverons même à comprendre et à prendre conscience que nous avons souvent fait tout ce qu’il faut pour détruire nos relations lorsqu’elles commençaient à être sérieuses par le passé et que nous avons encore recommencés le même processus concernant notre relation. Heureusement, l’Amour est fort et nous allons passer ces étapes de vie difficiles grâce à nos entourages, en raison de grosses discussions et échanges ensemble, ou avec des personnes proches de nous.

Un retour à la réalité n’est jamais facile. Il est encore plus quand la situation ne permet pas de rassurer aucune des personnes concernées. Il va nous falloir du temps mais nous allons petit-à-petit surmonter nos épreuves et prendre conscience de l’incroyable potentiel que nous avons ensemble.

Ce bel été français, avec un beau soleil, est ponctué aussi de nombreux beaux événements. En plus des moments en famille, des barbecues, des amis avec qui nous passons du temps, certaines dates étaient bloquées d’avance pour des rendez-vous immanquables.

Au mois de juillet,  nous assistons au mariage à la Baule de Mélanie et Arnaud. Le beau temps, le cadre dans ce château avec vu sur la mer, la foule présente et l’organisation feront de ce week-end un moment magique. La cérémonie laïque est ponctuée de textes forts écrits par les amis et la famille. Le  vin d’honneur entre grands classiques français et mets de différents horizons est un régal. Nous passons aussi une très bonne soirée. Le retour le lendemain est grandiose. Nous profitons du beau temps pour nous rendre sur la plage et nous baigner. Ça fait du bien de quitter un peu Angers et prendre du temps ensemble.

Le week-end suivant, je gagne, à Allonnes, mon premier trail de 31 kilomètres en moins de 2h00. Le deuxième est à plus de 6 minutes de moi. Après les places d’honneur de l’année précédente, je suis heureux de ce premier succès. Je vais surprendre tout le monde en arrivant à toute vitesse et en criant de joie sur la ligne d’arrivée.

En août, nous assistons au mariage d’un des cousins de Lucie. Là encore, ce moment de communion, que nous vivons tous ensemble, pour une union reste un moment de joie et de jouissance.

Le week-end suivant, je rejoins mes parents et ma sœur à Agon-Coutainville pour passer quelques jours fort sympathiques. Malheureusement, Lucie n’a pas pu se joindre à nous car elle travaille. J’aurais vraiment aimé qu’elle découvre ce lieu, où j’ai vécu tant de bons moments, où j’ai appris tellement et pris tellement de bons temps pendant nos vacances d’été dans ma jeunesse.

A la fin du mois, j’obtiens ma deuxième victoire sur un trail de 32 kilomètres, avec 1000 mètres de dénivelés positifs. Le deuxième terminera à plus de 8 minutes. J’en avais déjà envie mais cette victoire me donne définitivement envie de m’attaquer à des trails de plus longues distances, avec plus de dénivelés. J’ai toujours aussi ce rêve de faire dès l’année prochaine des triathlons longues distances et pourquoi pas un Ironman.

De beaux projets à venir, mais des projets personnels, qui ne font pas avancer nos projets de couple! Lucie aurait besoin que je lui montre un peu plus mon envie de créer une relation durable à deux. En tant que femme, du fait aussi qu’autour d’elle, les amis et la famille construisent leurs vies, s’installent et aient des enfants, cela lui donnes des idées. Son instinct maternel s’est réveillé. Elle a envie de concret. De mon côté, j’ai besoin de stabilité, j’ai envie d’un travail qui me plait, pour envisager de m’installer dans «un chez nous» et penser à la construction d’une vie de famille…

Au mois de septembre, je gagnerais le trail de Juignée-sur-Loire, où habitent les amis qui m’ont initié, quelques années auparavant, à la pratique de cette activité, à Rouen, juste avant que je ne parte réaliser mon tour du monde. Je ne me sens pas au meilleur de ma forme quand je prends le départ de cette course, mais la continuité de mon entrainement, le fait de me connaitre de mieux en mieux, et de mieux gérer ma course, va me permettre de terminer encore une fois avec plus de 6 minutes d’avance sur mon poursuivant. A l’inverse des deux mois précédents, notre troisième mariage de l’été arrivera par la suite.

Le week-end suivant, le 10, 11 et même 12 septembre au matin, nous célébrons le mariage de Pauline; meilleure amie de Lucie, et «Ben». La cérémonie religieuse est particulièrement réussie. Le mariage dans des salles jouxtant un château est grandiose. Tout le monde est ravi de ces deux jours que nous passons ensemble. De nombreuses personnes se sont impliquées pour que de belles animations et surprises aient lieux entre des plats de qualités. Très vite même pour les témoins femmes, le fait que leurs robes étaient trop petites, à minuit, le jour même, est un mauvais souvenir. Pauline et Benjamin ouvrent le bal avec une danse gracieuse. Benjamin fait ensuite une surprise à Pauline en prenant part à une danse du ventre, avec les danseuses de la troupe, dont fait partie Pauline.  Nous nous amuserons ensuite tous comme des petits fous, certains plus que d’autres. L’alcool et particulièrement la bière couleront à flot. Plus de 240 litres de ce dernier breuvage vont partir avant même la fin de la soirée. Plusieurs personnes doivent aller chercher des futs supplémentaires, chez un ami qui tient un bar. Le lendemain, la journée autour du barbecue est très sympathique. Pour certains, ils renouvelleront une soirée folle qui durera jusqu’à pas d’heure. De notre côté, nous allons rejoindre le dortoir, à côté de la salle, beaucoup plus tôt que la veille. Le lundi matin, je pars courir plus de deux heures dans les coteaux du Layon, pendant que d’autres prendront du temps pour émerger. Nous clôturons ce beau week-end en aidant à ranger la salle. Encore une fois, nous avons été totalement déconnectés de toutes réalités du quotidien. Comme les précédents événements, je pourrais rentrer beaucoup plus dans les détails, mais voilà déjà un résumé permettant de vous y plonger un peu. Ce moment hors du temps restera un moment génial!

Je courre ensuite un 10 kilomètres sur route, sans préparation spécifique pour voir ce que je vaux. Je termine en 32’56, à la sixième place, ce qui est honorable fut la différence de l’effort a effectué, si je le compare avec un trail et du peu de préparation spécifique…

Cela se passe très bien pour Lucie à son travail. Elle a une manageuse professionnelle et bonne dans ces fonctions, des collègues impliqués, et paraît-il plutôt sympathiques. De mon côté, je recherche alors activement un travail. Je ne veux plus faire des petits boulots, avec différentes agences d’intérim, dans des domaines qui ne correspondent pas du tout à mes qualifications. Ce fut bon pour un temps donner. Cela peut me permettre de prétendre à quelques aides, alors que j’avais eu une totale déchéance de mes droits. Mais cela n’est pas viable dans la continuité, sur la durée et ce n’est pas ce que je veux pour ma vie, pour notre vie future. Nous sommes alors encore dans une situation de transition Tout semblait vouloir bouger lors de cette rentrée scolaire, au moment, où le monde de l’entreprise est en mouvement, après une période estivale calme.

Il faut croire que je ne voulais pas que notre destin évolue encore d’une certaine façon. Cette fin du mois de Septembre 2016 aurait pu être la fin tragique de mon existence, mais une fois encore l’histoire ne s’écrira pas comme tel…


Vendredi 23 Septembre, je m’entraînais de nuit, pour préparer un trail de 75 kms, avec 3600 de dénivelé positif, près d’Aix-Les-Bains. Voilà déjà deux heures que je courrais. Après être parti de chez mes parents en centre-ville, avoir couru le long de la Maine, j’ai monté et descendu les pentes autour de l’étang Saint Nicolas pendant plus d’une heure.

J’avais prévu de courir encore deux heures de plus et, d’y retourner deux heures l’après-midi pour le plus gros entraînement jamais effectué de toute ma vie. 3 semaines avant l’événement, je tenais à effectuer le gros de ma «charge» lors de ce week-end!

Mais je n’avais pas prévu, pas penser arriver devant le portal fermé du parc de la Garenne à 7h20, côté lac. Je ne voulais pas manquer le lever de soleil près de la croix, qui surplombe le Lac de Maine. J’ai donc, sans hésiter, décidé de passer par-dessus ce portail de plus 3 mètres. Je n’ai pas songé à faire le tour jusqu’au pont, au centre de l’étang. J’ai entrepris d’escalader ce dernier. J’ai atteint sans sourciller le sommet. J’ai méticuleusement pris le temps (peut-être un peu trop car il ne m’était encore jamais arrivé quelque chose quand je faisais le «foufou». Et oui, c’est mon âme d’enfant qui parle encore. Mais plutôt, à chaque fois quand j’étais au calme). Je me suis retourné et je m’apprêtais à me laisser glisser pour redescendre progressivement. Sûrement avec un peu de fatigue, le manque de visibilité, mais surtout de lucidité, et la rosée du matin, un de mes pieds a glissé... Il était en fait posé, ou plutôt en équilibre, sur un bout d’ardoise qui dépasse du montant de cette grille. Malheureusement cet appui était trop instable.

Sentant que je partais en arrière, j’ai dû vouloir me retenir au portail. Dans la manœuvre, mon bras droit s’est pris sur une des pointes supérieures, qui orne ce portail. Dans ma chute, la pointe a arraché la peau sur une partie de mon avant-bras, à parti du plie du coude! Les organes étaient alors à vifs, visibles sur presque dix centimètres!

Je ne le savais pas encore mais je venais de sectionner mon artère! A partir de la chute, les événements sont un peu flous! Je n’ai pas vraiment pris le temps de réfléchir devant cette scène d’horreur. J’ai eu la chance de ne pas tomber dans les pommes ou de faire un malaise.

Sans réfléchir, sûrement par instinct de survie, je détache d’une main mon sac-à-dos pour l’eau, j’ôte du mieux que je peux mon tee-shirt, en le passant au-dessus de cette plaie béante. Puis je me suis fait un garrot, à l’aide de ma main gauche et mes dents. J’ai utilisé ensuite ma main gauche pour effectuer un point de compression, au-dessus de la plaie, pour stopper l’hémorragie…

Encore conscient, je recommence à courir pour essayer de rejoindre des personnes pouvant appeler des secours le plus vite possible. Je n’ai, en effet, pas de téléphone sur moi. Heureusement, je ne me sens pas vaciller. Mon corps ne me lâche pas. Ma seule obsession et de trouver quelqu’un.

Je vois alors de la lumière à l’intérieur de la maison des gardiens! Tenant le garrot de la main gauche, j’ai toqué à la porte fenêtre avec le coude de cette même main.  Quelques secondes après, un des gardiens me voit. Il ouvre et tombe sur une véritable scène d’horreur. Choqué par cette vision, il est un peu perdu. Son collègue appelé à la rescousse, est dans un état de choc aussi. Malgré cela, ils réagissent très bien, en appelant rapidement les secours. Je me trouve alors semi-allongé devant l’entrée. Ils viennent, sur le conseil des pompiers, me parler pour éviter que je m’évanouisse ou perde connaissance. Le sang continue de couler un peu, seulement un petit filet qui n’a rien à voir avec ce qui aurait dû arriver sans garrot, sans point de compression. Je conserve celui-ci sans relâche.

Pendant ce temps, encore en état de choc, commençant à souffrir un peu, j’ai un autre réflexe, sûrement inné. Je veux voir si je peux bouger une partie de ma main. La première délivrance a lieu à cet instant. Seul devant ma main, ne sachant pas ce qui allait se produire, j’ai essayé! Vous ne pouvez alors pas imaginer le bonheur de voir mes doigts répondre à mes commandes cérébrales. Après ce nouveau moment de lucidité, je me recentre sur des images positives pour ressentir le moins possible la douleur qui envahie petit-à-petit mon bras, mon corps. 

Les deux gardiens enfilent des gants et me donne finalement un peu de papier pour mettre sur la plaie. Malgré le froid matinal mon corps est chaud. Ils m’installent tout de même une couverture de survie, juste avant que les pompiers n’arrivent sur place. Ces derniers constatent les dégâts. Ils protègent la plaie avec des pansements, enlèvent le tee-shirt, et ils effectuent leur propre point de compression. Ils me mettent ensuite sur un brancard, puis dans leur camion. Ils m’ont simplement déplacé à l’extérieur du parc. Nous attendons, quelques minutes, l’arrivée du Samu. Ils ne peuvent pas et ils n’ont pas le droit de me donner quoi que ce soit, même de l’eau ou un médicament… Une fois, le médecin urgentiste sur place, ils enlèvent le premier pansement fait par les pompiers. Ils me donnent les premières doses de morphine. Ils m’aspergent la plaie à vif de Bétadine, provoquant une première douleur insupportable. La police est aussi sur place pour évaluer la situation. Tout au long des premiers soins, les démarches administratives, le fait de se rendre sur les lieux de l’accident, ont été effectués pour être sûr de ne rien oublier. Ils veulent aussi trouver des évidences confirmant mes dires, et surtout s’assurer qu’un bout de chair, ou autre, n’est pas encore sur place!

Une fois les premiers soins apportés, une fois le transport sécurisé, je suis amené  au CHU d’Angers. Ils me transportent directement au service de déchocage, plus communément appelé «les grands traumatisés» ou «grand troma». Je suis directement pris en charge par une équipe de soignant. Ils travaillent en accord avec le médecin urgentiste, avant que des médecins des urgences et ensuite des internes de la chirurgie vasculaire viennent autour de mon brancard. Je me vois administré plusieurs doses de morphines. Autour de moi, c’est une vraie ruche. Tout le monde s’affaire. Il faut faire vite. Je suis toujours conscient. Les internes veulent voir la plaie. Ils commencent alors à enlever le pansement. Pour décoller ce dernier s’en tirer sur la peau, ils utilisent de l’eau purifié. Les organes sont à vifs. Je suis pris d’une douleur encore plus forte que la première. Je crie violemment avant que la douleur ne retombe presqu’aussi vite qu’elle n’est venue. Heureusement, car je n’aurais pas pu soutenir une telle horreur, pendant de longues minutes.

Cela me rappelle la douleur atroce que j’avais ressentie en Tasmanie. Suite à une énième plaie infectée, due à mon staphylocoque doré, contracté en Papouasie Nouvelle-Guinée. Un chirurgien m’a opéré le pied, en anesthésie locale. L’infection était tellement importante, qu’il s’y est pris à quatre reprise pour que l’anesthésiant face effet. Les trois premières fois, il a commencé à «charcuter», alors que mon pied n’était pas endormi. J’ai hurlé plusieurs fois à la mort... Je me rappellerais alors toujours du visage du médecin mais encore plus de sons assistante qui avait tellement mal pour mois.

Mais revenons à ce vendredi matin. Heureusement que je suis en France, que cet accident s’est déroulé près de la ville, près d’un centre hospitalier pouvant prendre en compte ce type de blessure très grave. Dans de nombreux endroits, dans de nombreux pays, l’issue n’aurait pas été la même… Mais avec des «si», il serait possible de refaire le monde! Hors ce n’est pas possible et pas d’actualité!

Les décisions sont vites prises. L’opération, qui va avoir lieu à suivre et immédiatement, est organisé. Je leur donne le contact de mes parents et de Lucie. Je leur dis de ne pas les inquiéter trop tôt, mais de les prévenir avant 11h00, car sinon ils vont se poser des questions…

Je suis maintenant pris en charge par l’équipe du bloc opératoire. L’anesthésiste commence les démarches pour m’endormir. Après un petit moment de flou, je perds connaissance...

Comme nous étions en semaine, tôt le matin, j’ai la chance d’être pris en extrême urgence. Un grand chirurgien est disponible. Ils ont revu leur planning d’opérations au dernier moment et ont pu me prendre en charge directement…

Je passe plus de 2h30 sur la table d’opération! Je n’aurais que, ultérieurement, des brides d’informations sur ce qui s’est déroulé, en tout cas dans un premier temps. Ils n’ont pas eu à me transfuser a vu de mon jeune âge et du garrot précoce, que j’ai fait, qui a éviter une perte trop importante de sang. Ils ont réalisés un pontage en prenant un bout d’une de mes veines du pied gauche. Mon  artère a donc été recousue. Ils ont dû abandonner l’idée de réparer plusieurs veines internes totalement détruites. Mais le corps devrait pouvoir tout de même continuer à irriguer le bras en raison d’un réseau latéral. Ils ont pu nettoyer la plaie, s’assurer que les muscles, tendons, et nerfs n’étaient pas touchés (ce qui est incroyable vu où se trouve la peau déchaussée. C’est ce que me diront plusieurs personnes qui connaissent très bien l’anatomie du corps humain). Puis ils ont ensuite recousu mon bras comme ils ont pu.  

Dans mon malheur, je m'en sors très bien! Je suis en vie, j'ai étais pris en charge très vite, je n'ai pas perdu mon bras (en tout cas, en l’état actuel des choses, suite à la première opération), et n'ayant pas touché les nerfs et tendons cela va être normalement  un peu plus facile de récupérer toutes mes facultés!

Suite à l’anesthésie générale, après l’opération, le souvenir suivant se situe dans la salle de réveil quand la personne qui a assuré mon suivi et mes constantes me dit. «Vous deviez en faire de beaux rêves car vous avez mis du temps pour vous réveiller!» Comble de la situation, je me rappelle très bien de quoi je rêvais. Je courrais un trail dans des paysages sublimes, avec une aisance déconcertante. Tout était beau et facile. J’étais sur mon nuage et rien ne pouvait m’arrêter! Le retour à la réalité est donc brutal! Non, finalement pas tant que cela car je vais réaliser petit-à-petit, tout en douceur. D’ailleurs même plus tard, cette période de réveil de plus de 3h00 entre le début de réveil et l’arrivée de ma chambre est un peu confuse. J’ai quelques brides de souvenirs partiels. Après le réveil, je me rappelle de quelques moments avec mes parents avant l’arrivée de Lucie, du fait qu’elle ne se soit pas sentie très bien, de quelques blagues des anesthésistes ou d’infirmiers, de certains passages de mon transfert jusqu’à ma chambre, puis encore de quelques moments dans ma chambre jusqu’à ce que je m’endorme en début de soirée!

Les nouvelles fraîches sont rassurantes, du moins avec les informations alors à leurs dispositions!  Le vendredi en fin d’après-midi, le chef de service, Monsieur Piquet, en visite auprès de ces patients me dit au passage: Rien n’est complétement assuré mais les probabilités pour que vous vous en sortiez bien sont maintenant importantes.

Je peux aussi vous raconter un peu comment s’est passé la journée de mes parents et de Lucie selon leurs dires. Ils sont tous à la maison en cette journée car papa profite de sa retraite, maman a pris deux jours de RTT et Lucie ne commence pas avant 15h00. Ils savent tous les trois que je suis parti pour une sortie longue. Nous avons prévus de déjeuner chez les parents de Lucie. Elle se réveille à 10h00 et fait un faux mouvement. Pour la première fois de sa vie, elle a un torticolis. N’ayant pas de mes nouvelles après 11h00, ils essaient de m’appeler sur mon portable mais ils l’entendent dans le grenier. Ils vérifient que je ne suis pas revenu chercher mon vélo ou autre. Ils se posent des questions, commencent à s’inquiéter. Cela remémore à maman de mauvais souvenirs. Elle se rappelle de ces inquiétudes lorsque je voyageais et qu’elle n’avait pas de nouvelles. Elle s’est toujours demandée où elle pourrait me chercher ne sachant pas par où commencer! J’ai pourtant essayé le plus possible de leur donner des nouvelles quand je l’ai pu. Bref, elle se rend compte que, même juste à côté, le constat est un peu le même. C’est une belle leçon pour moi aussi. Je devrais partir avec mon portable et des informations me concernant sur moi.

Dans le service de déchocage j’avais demandé de ne pas prévenir tout de suite mes proches, mais tout de même de donner des nouvelles avant 11h00, pour ne pas qu’ils s’inquiètent non plus… Les consignes n’ont pas été respectées! Les parents ont commencés à manger sans savoir. Lucie a fini par appeler son père pour qu’il vienne la chercher. Ayant la bonne habitude de ne jamais être en retard, elle ne comprend pas ce qu’il m’arrive. Son torticolis la gêne. Il est 12h45 quand son papa la récupère à la maison. Maman lui a passé un cousin chauffant avec des noyaux de cerises pour aider à la guérison de ce blocage au cou! Le médecin urgentistes choisi ce moment pour appeler tout d’abord à la maison. Maman reconnait tout de suite le numéro. Pleins d’idées s’entrechoquent dans son esprit, dont les pires; l’arrêt cardiaque par exemple, un accident de la circulation… Le médecin n’a pas voulu les inquiéter, tant qu’elle n’avait pas de nouvelles de mon bras, de savoir s’il allait pouvoir le sauver lors de l’opération! Mais mes parents auraient bien aimés déjà savoir avant que j’étais vivant.

Lucie est dans la voiture. Un peu distrait, en premier lieu, son père croit qu’elle parle au téléphone et ne lui répond pas alors qu’elle est penchée sur son petit oreiller. En fait, depuis 3 minutes, elle essayait d’échanger avec lui! Puis, il s’en suit un vrai coup de téléphone. La personne se présente comme étant une personne du CHU, du service des grands traumas. Tous pleins d’idées passent dans la tête de Lucie. Dans sa panique, elle bouge la main et fait un signe que son papa interprète comme le fait de tourner à droite. Alors, il tourne une première à droite, puis une deuxième, puis une troisième… Tournant en rond, il finit par immobiliser la voiture. Ils rigoleront de cette situation plus tard mais là n’est pas le problème de l’instant T. Il n’a pas toutes les informations car il n’entend pas les réponses. Le médecin n’est pas très clair. Lucie doit demander plusieurs comment je vais ? Où est-ce que je me trouve?... Ils rentrent tout de même à Saint Barthélémy  d’Anjou. Sous les conseils de maman, Lucie ne les rejoins que vers 15h00, au lieu d’aller au travail. Elle ne se sent pas bien à son arrivée en me voyant. Elle doit s’allonger par terre… La suite rejoint un peu mon histoire. Nous sommes ensemble. Je suis en salle de réveil. Je prends conscience que tout cela n’était pas un simple cauchemar mais bien un fait de la réalité, de ma réalité, de ma vie!

Les deux trois jours suivants, je suis dans le «coaltar». Je réalise ce qu’il m’arrive. J’ai un peu du mal à émerger. Les sensations de mon bras droit ne sont pas des plus agréables. Bizarrement ce dernier ne gonfle pas trop. J’ai un peu d’œdème au niveau de la plaie mais rien de démentiel. Tout le monde, moi le premier, je pensais que je serais sous morphine. Mais je ne prends finalement que quelques dolipranes, et encore je ne vais pas en abuser. C’est l’idéal. En plus, quand on est jamais malade et que l’on ne prend jamais de médicaments, ces derniers sont effectifs quasi-immédiatement!  Je suis sous perfusion pour les antibiotiques, l’anticoagulant et un apport d’eau salée nutritive. Sur les plaies de la jambe gauche, où ils ont prélevés la veine pour le pontage, et sur celle du bras droit abimé, j’ai des redons pour éviter un œdème et être sûr que les éléments étrangers soient expulsés du corps.

Lors de ces premiers jours, je revis plusieurs fois mentalement la scène de mon accident. Je me souviens très bien de mon avant-bras, avec la peau dégantée, la peau du coude arrivée au niveau du poignet. J’ai même cru plusieurs fois que j’avais un peu exagéré cette ouverture du bras, au vu de la cicatrice. Mais les dires de mon chirurgien à de multiples reprises confirmeront les images qui me reviennent en tête. Je repense aussi à ces pauvres gardiens qui m’ont découvert au pied de leur porte, après avoir frappé à cette dernière à l’aide de mon coude gauche. J’aurais envie de revoir les pompiers et le médecin urgentiste, qui se sont occupés de moi, pour leur exprimer ma gratitude.

Me replongeant dans les événements vécus, je me rappelle, maintenant, un peu plus  comment cela s’est passé. En haut de la grille, j’ai pris le temps de me retourner, de trouver des appuis pour mes pieds avant de me laisser glisser le long des barreaux de la grille. J’ai peut-être même était un peu trop prudent, j’ai voulu bien faire. Mon pied droit glisse alors que je suis à plusieurs mètres du sol.  J’ai le réflexe de vouloir m’agripper à la grille alors que je pars en arrière. Malheureusement, c’est le pli du coude droit qui reste bloqué sur le pic, la gravité m’entraînant alors vers le sol.

C’est fou, il ne met jamais vraiment rien arrivé quand je jouais le casse-cou et cela depuis ma plus tendre enfance. Pourtant j’en ai fait des choses un peu folles, j’en ai sauté des grilles et des grillages, passé près de ravin, joué avec l’équilibre.... Cette fois-ci devait être la fois de trop mais j’espère n’en retenir que le positif, et vivre ce temps d’arrêt comme un nouveau départ.


Dès le lundi après-midi, un peu plus de trois jours après l’opération, je commence ma première séance de kiné. J’ai perdu beaucoup d’amplitude et de maniabilité de ma main et mon bras. Il ne faut pas perdre trop de temps pour ne pas que le bras s’engourdissent et que je ne puisse plus retrouver les mêmes capacités qu’auparavant. Les infirmières refont aussi régulièrement mes pansements qui sont imbibés de sang.  Je les appelle deux ou trois fois par jour. Même lorsqu’elles renforcent le pansement, au bout de quelques heures, des gouttes plus ou moins liquide, du sang plus ou moins coagulé, s’échappe de mon bras et viennent mourir sur les draps, sur les cousins, ou tout autre endroit, au-dessus duquel se trouve mon bras. L’avantage s’est qu’aucun œdème ne se forme, ou plutôt que le seul petit présent au début va se résorber. Il ne faudrait pas non plus que je perde plus de force que j’en ai déjà perdue. Une fois la situation stabilisée, un interne arrêtera ce saignement en ajoutant un point de suture croisé, là où la peau était encore trop ouverte. Ce dernier suffira à totalement stopper ce petit problème.


Après 5 jours, mon chirurgien;  Mickaël Daligault, est plutôt confiant concernant le pontage et le fait que mon bras soit sauvé. Il émet tout de même des réserves car rien n’est alors encore gagné. La plaie est importante, la peau a subit d’énormes traumatismes. Il n’est pas possible encore de savoir comment le corps va réagir. Le fait que je sois jeune, en bonne santé, avec un moral d’acier est plutôt une bonne chose. Avoir un environnement sain pour que la guérison soit la meilleure possible, est aussi un facteur important. Mais le corps physique a tout de même ces limites. Le temps sera notre meilleur allié pour voir l’évolution.

Très vite, tout de même, un problème concerne la cicatrisation de la peau touchée et arrachée! Il y a un risque de nécrose! Pour éviter une greffe, la première idée des chirurgiens plasties est que je prenne part à des séances spéciales dans un caisson hyperbare. L’hôpital d’Angers en possède un pour sauver des personnes, qui ont eu des accidents de plongées, qui ont été durement soumis à du monoxyde de carbone, qui ont des lésions difficilement réparable même avec la micro chirurgie, mais aussi pour améliorer la cicatrisation de plaie même anciennes, par exemple pour les personnes diabétiques, mais aussi à vif, comme la mienne. Dans mon cas, l’idée principale de la manœuvre est de venir dissoudre de l’oxygène dans le sang, plus exactement dans le plasma, afin de faciliter et améliorer grandement le pouvoir de cicatrisation de ma peau. Je prends part alors, à partir du mercredi 28 septembre après-midi, à deux séances de deux heures par jour, matin et après-midi, exception faite du week-end, dans ce caisson. Je me retrouve avec plusieurs autres personnes, qui sont là pour des cas assez différents. La majorité d’entre-eux est assez âgée comme c’est aussi le cas dans le service de chirurgie vasculaire, où je me trouve.

L’équipement hyperbare se compose de trois caissons dissociés mais reliés entre-eux, par des sasses. Nous ne ferons nos séances que dans le plus grand, appelé nautilus, qui peut contenir dix patients, accompagné d’un soignant. C’est une imposante coque métallique, ressemblant à un petit sous-marin. Les deux autres caissons sont plus petits. Un d’entre-eux permet d’effectuer des séances en autonomie. L’autre, au milieu, sert de sas de décompression, pour permettre la sortie d’une personne pendant une séance. Même si ces caissons permettent de reproduire les conditions, sur notre corps, d’une plongée à 60 mètres de profondeur, ce n’est pas ce qui est utilisé pour les soins. Cela serait très dangereux surtout pour des personnes diminuées qui ne supporteraient pas cette pression. Cela n’a surtout aucun intérêt thérapeutique. Les séances se déroulent suivant un timing bien précis. En début de séance, une fois les portes étanches refermées, nous mettons 15 minutes, pour «descendre» doucement à 15 mètres de profondeur. Le corps subit alors une pression à 1,5 bar. Pendant ce lapse de temps, la chaleur augmente énormément dans l’habitacle du caisson. Il faut faire particulièrement attention à nos tympans qui peuvent souffrir de ce changement de pression. Dès la moindre alerte, il faut effectuer un mouvement de Valsalva pour déboucher ces derniers. La technique consiste à se boucher le nez et à souffler fort dedans.  Aucune personne, lors des séances auxquelles je participe, ne fera arrêter la séance car elles ne supportent pas cela. Pourtant de nombreuses personnes, dont celles qui ont les tympans percés, ne peuvent pas faire de la plongée ou prendre part à de telles séances.

La séance continue ensuite par 3 périodes de 20 minutes, où l’on se retrouve avec un masque, où l’on nous propulse de l’air constitué de 100% d’oxygène (dans l’air ambiant il y a 78% d’azote et 21% d’oxygène). Cette manipulation, associée au fait que la pression sur l’ensemble des cellules du corps soit plus importante, permet de fixer l’oxygène particulièrement dans le sang. L’oxygène circule habituellement en se fixant sur les globules rouges, mais lors de cette thérapie cela va au-delà. Les effets et bénéfices multiples sont soi-disant visibles rapidement dès les premières séances et les effets  positifs pour le corps sont encore présentes, avec une grande intensité, lors des heures suivantes et de façon moindre pendant plus d’un mois.

Pour beaucoup de personnes rentrer dans ce caisson est impressionnant, prendre part à une telle thérapie est contraignant et parfois difficilement supportable physiquement. De mon côté, lors des premières séances, une fois que nous avons les masque sur les visages, j’ai vraiment le sentiment de faire partie d’une «équipe de «bras cassés»», qui part explorer de nouvelles planètes. En tout cas, j’aime bien utiliser mon imaginaire pour voir les choses d’une bonne manière. Je ne vous dis pas non plus que je vais «surkiffer» ces séances, mais avec la lecture possible, elles passeront à chaque fois relativement assez rapidement…

Entre ces périodes de 20 minutes, nous avons une pose, sans masque de 5 minutes. L’air à 100% d’oxygène est alors arrêter. En effet, un des grands dangers à l’intérieur du caisson est l’incendie. Si l’air ambiant contient trop d’oxygène, le risque d’inflammation est très important. C’est pourquoi, nous ne devons porter que des vêtements en coton, que tout éléments électroniques ou autres pouvant provoquer une étincelle sont proscrits. A l’intérieur du caisson, il y a aussi un système de ventilation permanent pour évacuer le surplus d’O2.
Suite à la dernière pose, il reste encore 30 minutes avec le masque sur le visage. Les 15 premières sont comme les précédentes, et les 15 suivantes, permettent de «remonter» progressivement à la pression de la surface terrestre, permettant ainsi d’ouvrir les portes et de clôturer la séance!

Je prends part à 28 séances pendant presque 3 semaines. J’ai le temps de tisser un lien assez fort avec les soignants; Estelle, Carole, Karine, et un peu Bertrand que je vais beaucoup moins voir. Je me rapproche aussi des personnes en soin longue durée. Nous discuterons énormément. Ils me voient le plus souvent avec pleins d’énergie positive, le grand sourire. Parfois, même si cela sera rarement,  je serais au «fond du trou». Ça sera le cas quand je vais apprendre une mauvaise nouvelle ou que mon corps exprimera physiquement les maux qui le chagrine depuis cet accident.


Le service hyperbare se trouve à l’autre bout de l’hôpital par rapport à ma chambre d’hospitalisation.  Le transfert est toujours effectué avec des ambulanciers. Je demande plusieurs fois à m’y rendre à pied. En effet, cela me ferais marcher un peu, surtout après qu’ils m’aient enlevé la perfusion. Je mettrais qui plus est autant de temps, voir même moins de temps. Mais pour des questions de responsabilité, je n’obtiens pas ce droit. Si jamais quelque chose m’arriverait il en serait de leur responsabilité. Heureusement, tous les ambulanciers sont vraiment très sympathiques. Ils ont toujours le sourire. Nous avons de bonnes discussions. Entre des triathlètes, des traileurs, une ancienne joueuse de «corpo» au tennis avec maman, et des personnes pleines de vie, je passe un très bon moment lors de ces transferts, même si je râlerais parfois un peu car ils viennent parfois trop en avance, parfois presque une heure avant la séance. Or je n’ai  pas envie d’attendre devant le caisson trop longtemps.

En parlant d’un aspect humain très important, j’ai la chance d’avoir un entourage très présent, des visites quotidiennes. Lucie vient me voir dès qu’elle le peut. Maman passe tous les jours à sa pause de midi, et elle nous rejoint ensuite après le caisson, alors que papa est souvent déjà arrivé. De nombreux amis vont venir me rendre visite le midi ou le soir… Je passe de très bons moments à leur côté et leur soutien n’a pas de prix. Je vais énormément positiver, avoir quasiment toujours le sourie. Mais j’ai aussi, même si que rarement, des «coups de mou», des baisses de positivisme, des difficultés ou des annonces parfois difficiles à encaisser. C’est incroyable la sensibilité exacerbée que je développe alors.


Chacun des mails ou sms que je reçois m’émeut au plus haut point. Vos messages de soutien, vos appels, vos pensées positives m’inondent parfois de bonheur et me remontent le moral! De nombreuses larmes couleront sur mes joues. Même si elles sont régulièrement des larmes de joie, j’aurais envie parfois de crier ma détresse, de m’énerver contre ce stupide accident que j’aurais vraiment pu éviter. Mais, je me rends compte de l’évolution de ma personnalité ces dernières années. Je n’acceptais pas avant l’échec, le manque de discernement, le droit à l’erreur. J’étais intransigeant avec moi-même, avec mon corps, mon esprit, et parfois un peu avec les autres… Je suis toujours une personne qui possède des objectifs assez important et nécessitant une certaine exigence. Mais je ne suis pas dans la tentative de contrôle permanent et je relativise beaucoup. Oui, nous pouvons peut-être nous plaindre de petits problèmes anecdotiques, ou même parfois de choses un peu plus graves… Mais mes expériences sur les routes de notre belle planète, m’ont fait et me font encore aujourd’hui profiter, même jouir de la vie que j’aie et de toutes ces opportunités qui s’offre à moi. Heureusement, que cet accident m’arrive en France, alors qu’il aurait pu m’arriver de nombreuses fois auparavant. Dans une majorité des pays traversés lors de mon périple, si je n’avais pas été si proche d’un centre hospitalier capable de réduire les dommages infligés à mon avant-bras, la sentence aurait été différente. Une fois encore, je ne peux que profiter des opportunités qui me sont offertes (je ne veux pas employer le mot chance qui est trop souvent usurpé. Il mal utilisé surtout quand nous prenons nos repères du monde occidentale, et sans le comparer avec les populations des «pays en développement»). L’aubaine que je sois prêt d’un CHU est forte. Mon bras n’était plus alimenté en sang. Sans intervention dans les 5h00, les dégâts auraient été irréversibles. C’est pour cela, une fois de plus, que je veux, profiter pleinement de la vie qui m’est offerte et des petits instants simples qui ont une valeur inestimable quand nous sommes proches de les perdre. Je tente de réaliser de petites actions, à mon échelle, pour sensiblement améliorer le monde, ou au moins mon environnement proche, en espérant que cela pourra se propager un maximum!

En attendant, je vis dans un microcosme singulier. Alors que l’hiver pointe le bout de son nez, que l’automne c’est tranquillement installé et que le soleil tente encore de s’imposer, la vie suit son court… Je me trouve dans un lieu où la vie est donnée, où la mort vient prendre des personnes plus ou moins jeunes chaque jour, où la morosité pourrait être de rigueur. Mais les instants de vie magiques sont aussi présents. Cela est tout d’abord dû au personnel soignant qui est présent. Ils savent se rendre disponible pour les patients et leurs familles. Ils sont à l’écoute de souffrances, des questions, des doutes. Il y a des rires, des échanges, des personnes plus ou moins souriantes, plus ou moins contentes, plus ou moins drôles, plus ou moins intéressantes et agréables.

L’humain est au centre des attentions. Pourtant l’aspect psychologique des patients n’est pas toujours pris en compte par des personnes un peu débordées, avec trop de responsabilités, et peu de temps à consacrer aux personnes qu’ils traitent. Exemple de mon voisin de chambre; Jean-Claude, qui apprend un matin, par l’aide-soignante, qu’il doit être à jeun, car il va se faire amputer un doigt de pied. Il avait entendu parler de cette probabilité forte, mais les internes n’ont pas pris le temps de venir lui dire que cela avait été programmé. Comment voulez-vous alors que la personne puisse se préparer psychologiquement à ce «deuil»... La journée de la chambre 402 du service de chirurgie vasculaire ne devait pas être la meilleure, que les deux occupants auraient connue lors de ce séjour, pourtant nous garderons le sourire! C’est incroyable ce que la vie peut nous réserver comme surprise. Je n’aurais jamais rencontré mon voisin de chambre dans ma vie de tous les jours. Pourtant, là, nous passons presque que 4 semaines dans la même chambre à partager des moments de vie forts, plus ou moins drôles. Je ne peux pas vous dire que j’ai aimé quand il souffrait de douleur, quand il se plaignait, quand il ronflait, comme je n’ai jamais entendu personne ronfler. Pourtant nous allons créer un lien fort que nous entretiendrons même à la sortie de l’hôpital.

Malgré toutes les imperfections, les problèmes de communication, le manque de temps par patient des  internes, médecins et professeurs pour prendre en compte les aspects psychologiques, je tiens à souligner la «chance» que j’ai eue. Mon chirurgien est près de ces patients. Il aura su prendre le temps de m’expliquer, de positiver. Par son comportement, en ma présence, j’ai eu envie d’y croire. J’ai compris l’intervention qui m’a été faite et les suites à donner pour soigner mon bras. Malgré le sous-effectif du personnel soignant, parfois le manque de matériel adapté, je tiens à souligner encore une fois leur énorme disponibilité et  le fait qu’ils rendent le séjour beaucoup plus agréable. Comme toujours en communication, nous adaptons notre comportement dans l’échange, en fonction des personnes que nous avons en face de nous. Du fait que, dans la chambre 402, nous soyons toujours avec le sourire, le plus agréable possible (et ce n’est pas moi que le dit mais toutes les personnes qui sont intervenus près de nous), aura sûrement contribué à cette bonne entente cordiale et détendue.

Les personnalités sont encore un peu plus mise à nu par ce lieu révélateur, où il est un peu dur de tricher devant le bonheur des uns, la détresse des autres. C’est un vrai lieu de vie…

Après un peu plus d’une semaine passée à l’hôpital, ils m’enlèvent la perfusion que j’avais depuis le début! Maintenant, les médicaments passeront par voie oral et par une piqûre. Le matin suivant, je sors un peu pour profiter du soleil et de sa chaleur, de la bonne odeur des fleurs, de la brise sur mon visage et sur ma nuque! 

Le 8 et 9 Octobre, j’obtiens une permission pour le week-end. C’est un peu bizarre de sortir de ce cocon hospitalier. Je ne vous dis pas que je voulais rester, mais j’éprouve quelques difficultés à sortir par ce temps gris. Assis à côté de Lucie en voiture, prendre la rocade en voiture, et tomber dans le trafic, ne me fait pas rêver. Pourtant je passe un week-end magique au 78 rue de la Madeleine. C’est plaisir d’être tous réunis. Nous fêtons les anniversaires en retard d’Alice et de Marie, et celui de Maman à deux jours près. La surprise de mon frère ; Maxime m’a touchée au plus haut point. Nous avons vécus des moments forts, les émotions ont été intenses.

Même si je savais que ce lapse de temps ne durerait que 48h00, je l’ai vécu pleinement. J’ai profité de chaque seconde. J’étais alors confiant pour la suite, poussé par les élans positifs autour de moi, y compris des avis positifs dans le milieu médical, même si certaines interrogations restées… Je rentre le dimanche soir à l’hôpital, sans aucun blues, sans aucune envie de repartir car je sais pourquoi je me trouve là. C’est pour mon bien, pour le traitement de cette blessure. J’étais vraiment confiant pour que ma peau guérisse grâce à la suroxygénation du caisson hyperbare. Je me disais que la revascularisation se faisait tranquillement par le dessous et qu’il n’était maintenant qu’une question de jours avant la sortie. Je récupérais déjà énormément d’amplitude du bras avec la kiné et les exercices pratiqués seul…

Malheureusement, cela ne va pas suffire. La «sanction» est tombée un midi, de la semaine suivante, juste avant de repartir au caisson quand des internes plasticiens sont passés. La nécrose est présente sur une grande surface. Il faut que je repasse sur la table d’opération pour une greffe… Ils ne savent pas encore l’ampleur de la nécrose et donc l’importance de la greffe qui devra être faite. Seule au moment de l’opération, programmée le mercredi 19 Octobre, ils seront l’importance des tissus touchés. L’hospitalisation sera donc plus longue et il ne s’agit plus seulement que de rééducation. Il faut maintenant revoir l’échéance à plus long terme.

Je n’arrête pas d’entendre parler du fils Romy Schneider,  qui s’est embroché sur une grille et qui  lui perdu la vie! Les références des personnes sont toujours assez étranges mais  si cela leur fait plaisir. En tout cas, cette chute arrive, comme souvent, au plus mauvais moment, alors que j'avais trois entretiens, dont un deuxième à Grenoble. C’était pour un poste à Chambéry,  La proposition semblait correspondre à mes attentes, dans un lieu où j’aimerais vivre, au moins pour quelques années! Ironie du sort, l’ingénieur d’affaire m’a laissé un message le jeudi 22 au soir, que je n’avais pas vu. Je le découvrirais finalement en retrouvant mes esprits quelques jours après. J’avais sinon un entretien à Bordeaux, un autre à Chalonnes-sur-Loire, et une proposition pour un master en gestion de projet en alternance avec un emploi en industrie…

«C'est le jeu, pas le choix, c'est la santé d'abord»! Les accidents sont toujours «bêtes»! Mais je ne peux pas changer le passé, juste penser au futur! C’est la première fois qu’il m’arrive un accident alors que je fais quelque chose d’un peu fou, que je «sors du cadre»! A chaque fois, les accidents me sont arrivés dans des situations où je n’avais rien provoqué. La première cicatrice au-dessus de l’arcade gauche quand j’avais quelques années, quand un voisin m’a poussé dans un grillage. En petite section, ensuite, pour une fois que je ne faisais pas le fou, au niveau des trois petites marches qui reliaient les sanitaires à la classe. Je ne les ai pas enjambés comme d’habitude. Je me suis fait un croche-pied à moi-même, entraînant une chute. Ma tête a lourdement chuté sur le coin d’un meuble en bois. Heureusement, ce n’est pas l’œil qui a pris mais la paupière. Seulement quelques millimètres plus loin, et l’œil aurait pu être transpercé. Un peu plus tard, en colonie de vacances, lors d’un cache-cache, j’étais sagement assis sur une branche quand celle-ci a cassée. Dans ma chute, mon bras droit est passé en dessous de mon corps. Sous le poids de ce dernier, le  cubitus et radius se sont brisés en deux parties. Autre exemple, beaucoup plus tard. . De retour de Miami, en 2009, nous sommes allés faire une virée à Rennes avec Anthony et Nicolas. Après une très bonne soirée, dans un appartement, nous sommes sortis en discothèque. Alors que je danse avec une jeune femme, elle glisse et manque de se retrouver par terre. J’ai voulu la rattrapé alors qu’elle chutait violemment. J’ai perdu l’équilibre et je me suis explosé l’arcade sourcilière sur un podium. Nous passerons la nuit à l’hôpital et je m’en sors encore avec quelques points de sutures. Mes potes se moqueront de moi quelques temps, me disant: «voilà ce qu’il arrive quand on est trop gentlemen!»… Et tellement d’autres petites blessures dans d’autres situations où j’étais assez calme… Il y a eu des situations rocambolesques où j’ai pris des risques et où la sanction aurait pu être terrible, mais j’étais, à chaque fois, passé à travers les mailles du filet accidentogène!


Je me trouve dans une situation inconfortable, non choisie et non désirée, mais j’aime tout de même relativiser car cela aurait pu être bien plus grave. Il y a 15 jours mon pronostic vital aurait pu être remis en cause, mon bras aurait pu être amputé. Aujourd’hui nous sommes loin de cela. J’espère bien encore croquer la vie à pleine dent. Non, le moral n’est pas toujours au beau fixe, j’aurais parfois envie que ça aille plus vite, de ne jamais avoir commis cette petite erreur de discernement en décidant de grimper sur ce grillage et en calant un de mes pieds sur une trop petite surface d’ardoise du montant de ce dernier. Je me revois encore partir en arrière et essayer de me rattraper. J’ai encore en image ce bras déchiqueté par ce pic entraîné par le poids de mon corps et par la gravité vers le sol.

Voilà plusieurs semaines que je suis à l’hôpital, ne pouvant pas revenir en arrière, devant faire avec cet évènement de vie… Beaucoup de personnes proches de moi sont très inquiètes concernant la mise à l’épreuve de ma patience sur ce lit d’hôpital, un peu bloqué à ne pas faire grand-chose, à ne pas jouir d’une certaine liberté de mouvement, à ne pas faire de sport. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je réagis très bien à cet enfermement, le fait d’être bloqué, de ne pas pratiquer d’activités physiques Vous pourriez dire que  je ne suis pas le mieux placé pour savoir si je vivais bien cet état. Je peux tout de même partager avec vous un ressenti personnel. Qui plus est, il est partagé par les personnes les plus proches qui auront été présentés au quotidien près de moi. Elles m’ont renvoyée cette image de moi-même, me demandant parfois même comment je faisais. J’ai toujours aimé l’image de moi-même tel un vrai caméléon, capable de m’adapter à de nombreuses situations. Ce fut assez aisée, pour moi, de passer d’une vie agréable d’un petit garçon qui avait tout pour être heureux, à un adolescent pris dans le tourment de l’incompréhension du monde qui l’entoure et de ces injustices. Puis j’ai été un jeune adulte capable de partir étudier à l’étranger, puis de travailler, avant de vivre dans un monde de «jetset et de paillettes» à Miami.  J’ai ensuite travaillé, dans le Secret Défense, en construisant des sous-marins. Puis j’ai pris mon sac-à-dos pour voyager de la plus simple des manières pendant plusieurs années… Je me suis assez bien adaptée aux situations agréables et choisies, même si pas toujours aussi facile que l’on ne le croit. Cet événement, qui est un vrai frein dans ma vie, prouve que je peux aussi gérer l’adaptabilité dans un schéma moins aisé. Le relativisme et, le pouvoir de pointer son énergie sur les aspects positifs de la situation, m’aident à franchir le mieux possible les étapes de la vie et ces imprévus, ces incongruités mais aussi  tous les bonheurs associés.

Nous sommes mi-octobre au CHU d’Angers. Les jours se sont égrenés. Malheureusement avec ce bras déganté, la peau n’a pas pu complétement survivre au choc subi. Les séances dans le caisson hyperbare ont participées à la cicatrisation mais elles n’ont pas pu éviter qu’une certaine partie de la peau nécrose. Je repasse donc une nouvelle fois sur la table d’opération. Seulement, à ce moment-là, ils seront l’importance de la nécrose et ce qu’ils feront en conséquence pour palier à cela. Plusieurs solutions sont envisagées. La simple greffe superficielle de l’épiderme est possible, mais elle semble avoir été écartée. Les chirurgiens de plastie qui m’opéreront, en présence d’un chirurgien vasculaire, envisagent deux greffes plus importantes. Ils sont persuadés que la peau est nécrosée sur tout son épaisseur, que le pontage est menacé, qu’il pourrait céder, étant entouré d’une peau «morte». Ils envisagent alors une greffe «en lambeau», ou  l’utilisation d’un muscle fléchisseur de mon avant-bras pour combler ce trou dans ma peau. Dans le premier cas, ils découperont un bout de peau profond relié à un système artériel et veineux fonctionnel. Ils retourneront alors cette partie de peau sur le trou laissé par la peau nécrosé. Avec quelques astuces chirurgicales poussées, ils pourront ensuite refermer l’ensemble de mon bras et attendre que  la greffe prenne. Le problème de cette technique en forme de «raquette de tennis» (avec au niveau du manche l’artère et la veine viable), c’est que le «tamis» ne pourra pas être trop grand. Sinon il y a un risque que la partie supérieure de ce dernier ne soit pas alimentée et nécrose encore. Le lambeau de peau qu’ils pourraient prendre, en assurant la viabilité du pontage, se trouve un peu loin. Ils ne sont pas encore sûrs de pouvoir utiliser cette technique. C’est pourquoi, il est envisagé d’utiliser un de mes 4 muscles fléchisseurs de mon avant-bras (mon bras et ma main pourront retrouver leur totale fonctionnalité après un temps d’adaptation), et de retourner de la même façon cette partie de peau au niveau du trou laissé par la peau nécrosée. Dans ce cas, il faudra attendre plusieurs jours, car le muscle, ne remplissant plus sa fonction de mise en mouvement, se rétracte. La possibilité que la peau immobile soit alors suralimentée en sang est forte. Si c’est le cas, ils auront recours à des sangsues pour palier  à cet afflux trop important de sang, en attendant que cela se régularise. Suite à cela, ils referont une greffe de peau de l’épiderme par-dessus…

Devoir subir, une opération avec une anesthésie générale, est toujours impressionnant. Ce n’est plus le fait d’être endormi, qui de nos jours est plutôt bien maîtrisé et avec un risque quasi-nul. C’est surtout le cas pour des personnes de mon âge, avec l’état de santé que j’ai par ailleurs. Mais le fait de ne pas savoir ce qui va m’arriver, le fait de ne pas être sûr du résultat au réveil, sont un peu angoissant. Surtout pour une personne comme moi, qui a toujours été dans un contrôle plus ou moins poussé de ma vie. Mais je n’ai pas le choix. Je n’ai pas d’autre solution que de m’en remettre à ces chirurgiens, ces internes, ces personnes du bloc. C’est toujours agréable, très rassurant pour ma maman de savoir que le professeur Rousseau, très réputé sur Angers, avec un carnet plein pendant plus de 2 ans pour de la chirurgie esthétique, orchestra cette opération.

Aux blocs opératoires, il fait toujours froid pour éviter toutes contaminations mais aussi en raison que l’air soit en permanence renouvelé.  Cela fait bizarre d’arriver allongé, dans cette pièce sobre, avec des énormes lampes articulées, de plus d’un mètre de diamètre, au plafond. Puis toute l’équipe d’anesthésie arrive et prépare l’endormissement… Tu sens une pression à au niveau de la tête, puis tu t’endors…

Tu ne sais pas combien de temps s’écoule. Tu ne sais pas ce qui est fait à ton bras… Et la première sensation, que tu éprouves, est la suffocation dès que tu retrouve conscience lors de cette deuxième opération… J’ai l’impression de ne plus pouvoir respirer. J’ai mal à la gorge et je ne comprends pas pourquoi je n’arrive pas à reprendre de l’air. J’ai vraiment le sentiment que je vais mourir. J’éprouve la même sensation que si j’étais sous l’eau, que mon corps soit bloqué immergé, et que je commence à avaler de l’eau en voulant prendre ma respiration. Vivre cela n’est pas agréable. Peut-être que le fait d’enlever l’intubation est, cette fois-ci, pour moi, plus compliqué. Je ne souhaite à personne de vivre une telle sensation!

Puis tu te retrouves en salle de réveil. Tu es encore dans les vapes et l’on t’annonce que ni le lambeau, ni la greffe avec le muscle fléchisseur n’ont été faits. Tu ne comprends pas, tu t’inquiètes. Tu te demandes ce qui est arrivé à ton bras. Et là, tu penses au pire. Tu ne sens pas encore ton bras et tu te demandes s’il est encore relié à ton corps. Tu ne comprends pas ce que te dis l’infirmière. Tu lui redemandes encore une fois puis une autre.

Essayant finalement de bouger mon bras, j’ai conscience que mes doigts bougent. Je relâche la pression. Je me calme doucement, dans mon fort intérieur. Je ne sais pas si les gaz avec lesquels ils t’endorment ont des effets euphorisant, mais lors de ce réveil, je passe des sanglots, aux rires aux éclats. Des petites choses anecdotiques sont amplifiées. Le personnel soignant m’aide. Ça sera le cas principalement d’une infirmière qui restera près de moi et me rassurera. Ayant un peu plus conscience de la situation, je suis alors heureux d’être revenu dans le monde réel.

Dans cette salle de réveil, je revois deux élèves infirmiers qui ont été présents, différemment, lors de ma première intervention. La première, une jeune fille, était présente à mon arrivée à l’hôpital. Elle était en salle de déchocage, toute timide, en observation. Elle est restée dans un petit coin pour ne pas gêner et voir comment cela se passer. C’était au début de son stage dans cette unité.  Le deuxième, un garçon, je n’ai pas souvenir de lui. En effet, il était au bloc, quand je me suis fait opérer. C’est vraiment intéressant d’avoir son retour sur la situation. Il me révèle alors les dessous de l’opération et des échanges qui ont eu lieux. Les chirurgiens n’étaient vraiment pas confiant quand je suis arrivé. Très vite le pronostic vital n’était plus remis en cause, mais ils ne voyaient pas comment ils allaient pouvoir sauver mon bras. Il a assisté à toutes les étapes pour nettoyer la plaie, définir avec certitude les dégâts causés, réaliser le pontage, et voir s’ils pourraient refermer mon bras. Ma curiosité exacerbée a été cette fois-ci assouvis. Je m’estime chanceux d’avoir eu cette opportunité de les rencontrer et d’en savoir un peu plus.

Je sais maintenant ce qu’ils m’ont fait pour cette deuxième opération aussi. En commençant à déterger, en supprimant la nécrose, couche après couche, ils se sont assez rapidement rendu compte que la peau avait d’une façon assez exceptionnelle bourgeonnée. Une couche saine de plusieurs millimètres a recouvert le pontage sur l’intégralité de la surface. Il est alors sauvé.  Surtout qu’il est maintenant  en place depuis presqu’un mois, ce qui indique que les sutures entre l’artère humérale et le bout de veine, de plusieurs centimètres pris sur ma jambe gauche, ont bien tenus. C’est pourquoi ils n’ont pas été obligés de faire un lambeau ou d’utiliser le muscle fléchisseur. J’apprendrais d’ailleurs que la quasi-totalité du service de plastie était présent lors de mon bloc, car ils voulaient tous assister à une opération chirurgicale assez rare si les prévisions avaient été respectées. Pour eux, l’intérêt a été moindre. Mais pour moi, j’évite une opération beaucoup plus lourde. Ces deux opérations auraient sûrement eu des conséquences à long terme, avec par exemple une rétraction de la peau qui m’aurait énormément gêné au cours des années.

Je ne vois la plaie, que le lendemain matin, lors du passage du professeur Rousseau et de l’interne Anne-Sophie. Elle est importante et impressionnante. Ils ont supprimés la peau nécrosée sur plusieurs centimètres carrés et avec une profondeur de plusieurs millimètres. Lucie emploiera le terme «cratère», pour qualifier le trou, qui se trouve sur mon avant-bras, et part du pli du coude. La première fois que je le vois, je trouve cela presque terrifiant. J’ai presque le sentiment d’être dans un film d’horreur et que quelque chose vient de me dévorer une partie du bas. J’ai un peu de mal à me faire à cette idée, mais je dois m’en fier aux spécialistes qui disent que la nouvelle est bonne. Je la comprends car mon pontage est sauvé, mais la route de la guérison sera encore longue.

Avant cela, je me sens mieux dès le premier soir après l’opération. Le fait que cette dernière n’est durée que cinquante minutes et que mon corps aille mieux physiquement m’aide à retrouver mes esprits assez rapidement. Le matin du 20 Octobre, ils me confirment que je sors le jour même, après un passage du professeur. Ils me retirent alors la perfusion, et  m’obtiennent des prescriptions médicales. Le professeur me confirme que mon bras est sauvé, car le pontage est recouvert. Il me dit que mon bras est précieux et que je devrais y faire particulièrement attention. En effet, toutes les veines intérieures ont été détruites. Le retour sanguin de mon avant-bras et de ma main ne se fait maintenant que par l’intermédiaire des deux dernières veines superficielles qui me reste et d’un réseau parallèle déjà existant, qui s’agrandira avec le temps… Après une douche, avoir été revoir le personnel soignants du service de chirurgie vasculaire et du caisson hyperbare, et avoir rempli les papiers de sortie, je rentre à la maison avec mon papa, qui est venu me récupérer. Ça fait du bien de se dire que je ne vais plus être hospitalisé et pouvoir petit-à-petit retourner à une vie «normale»!

Pourtant le nombre de soins à venir est encore grand. Cela commence, trois jours plus tard par l’installation d’un «VAC». C’est une machine qui permet une thérapie par pression négative (T.P.N.). Elle relié en permanence à mon bras par un tube et aspire en permanence 24h/24. Elle assure un bourgeonnement plus rapide et permet à la peau de se régénérer. Je dois la garder 15 jours, avant de subir une nouvelle opération générale pour un implant d’une membrane. Enfin après acceptation de cette membrane par mon corps, trois semaines plus tard, ils procéderont à une greffe de peau…

Lors de la visite, suivant l’installation de la machine VAC, 6 jours plus tard, elle m’est retirée car la peau a déjà presque intégralement régénérée. Il reste encore quelques étapes avant que cela ne soit plus qu’un mauvais souvenir mais je commence à percevoir le bout du tunnel. Plus j’utilise ma main, moins elle est endolorie, moins je sens de douleurs au niveau du poignet ou dans les muscles de mon avant-bras. Plus les jours passent, plus je retrouve l’extension de ce bras, grâce aux séances de kinésithérapeute et à des exercices que je pratique régulièrement.
Mardi 8 Novembre 2016, je retourne à l’hôpital pour la troisième opération chirurgicale avec anesthésie générale. J’avais rendez-vous à 7h30, mais l’infirmière m’appelle la veille pour me dire de ne venir qu’à partir de 10h00. Bien lui en a pris, car l’attente sera déjà bien assez longue comme cela. Je rentre alors dans ma chambre dans le service de chirurgie plastie, où je passerais une nuit pour s’assurer que tout va bien après l’acte chirurgicale. L’opération n’est pas prévue avant 13h15. J’ai donc le temps de lire, d’écrire, de penser, réfléchir à de tas de choses. J’ai, entre autre, des pensées pour un ami; Oliver, qui s’est fait opérer la veille, pour lui enlever un kyste sous le pied, et Suzanne qui se fait opérer le lendemain pour reconstruire une cicatrice abdominale, qui avait été mal faite ultérieurement et, qui l’a gênée…

Toujours à jeun depuis la veille 20h00, j’ai, assez exceptionnellement pour moi, la sensation de faim, avec le ventre qui gargouille. Heureusement, j’ai de quoi m’occupé. Je lis entre-autre, un très bon livre que ma tante; Marie-Françoise, m’a fait parvenir.  Il s’agit du «vieux qui lisait des romans d’amour»! L’histoire se passe dans la forêt amazonienne. J’ai la sensation d’être transporté sur place, de m’évader de nouveau. Je préférerais vivre l’aventure en direct sur place, mais j’aime aussi utiliser mon imagination pour m’évader de cette chambre, où règne un calme étrange.

Heureusement, plusieurs infirmières et infirmiers viennent me rendre visite. Ils me prennent «les constantes», me posent quelques questions. Nous discutons aussi de nombreux sujets divers et variés, même si mon accident revient souvent sur le tapis, pas forcément par choix me concernant. A 12H45, les ambulanciers viennent me chercher. Je les connais bien, au vu du nombre de fois, où ils m’ont emmené à tour de rôle, pour prendre part aux séances de caisson hyperbare. Une fois, en salle pré-bloc opératoire, dans les toutes nouvelles pièces du bâtiment Robert Debré, je patiente encore plus d’une heure. Heureusement qu’une infirmière aura un peu de temps à passer à mes côtés. Nous discutons de voyage, d’une de ces amies, parti ouvrir un dispensaire en Inde, à Bénarès,  mais aussi des beautés de ce monde… Puis, sans transition, après avoir été perfusé, vient le temps de mon bloc. Il est plus de 14h00. Ils m’emmènent dans un de ces nouveaux blocs. La différence par rapport à ceux des urgences est incroyable. Je rentre dans une salle toute neuve, où un mur est décoré de fleurs. Le matériel surtout est beaucoup plus moderne. C’est le cas des lampes qui sont moins impressionnantes. L’ambiance n’est donc pas la même. Comme l’opération est moins longue que les autres fois. Ils ne doivent cette fois-ci pas m’intuber. Je ne garderais qu’un masque sur le visage…

L’idée est de m’installer, à l’endroit où ma peau a été endommagé, un Intégra. Il s’agit d’une membrane bicouche, comprenant du collagène et une surface supérieure en silicone. Ils remplacent le derme détruit pour éviter que la cicatrisation ne se fasse pas proprement, pour que je puisse retrouver la complète amplitude et extension de mes mouvements au niveau de mon coude. La partie collagène va donc se faire coloniser par les cellules environnantes. Cette membrane est intégrée à ma peau et fixée à l’aide de grosses agrafes sur tout le pourtour. Après trois semaines, la greffe sera considérée comme saine. Ils pourront alors enlever la partie protectrice en silicone, et procéder à une greffe de peau…

En attendant, je prends, une nouvelle fois, le temps pour me réveiller de cette énième opération. Comme je me l’entends dire à chaque fois, je devais faire de beaux rêves car je ne voulais pas sortir de ce sommeil artificiel dans lequel ils m’ont plongé. Comme d’habitude, il est nécessaire de rester un certains moment sur surveillance pour s’assurer que je vais bien et que je n’ai pas de soucis post-opératoire. Les chirurgiens m’ont réservés une «surprise» de taille qui n’est pas des plus agréables. Pour être sûr que la membrane prenne bien et que je ne la détériore pas, lors de mouvement trop ample, ils ont enveloppés mon bras dans une demie attelle plâtrée, sur toute sa longueur et un bandage qui le maintien. Je ne peux donc pas plier mon bras. Il est en complète extension alors que je commençais à peine à pouvoir l’étendre de cette façon, deux jours auparavant. Cela va-t-il être agréable ou du moins supportable? Les heures et jours suivants me le diront!

Une nouvelle fois, je tombe sur une infirmière très intéressante, avec qui nous discutons de santé, d’hygiène de vie, de façon de se nourrir, du bienfait de l’activité physique et du sport…. Puis à 18h00, je regagne finalement ma chambre. Mes parents sont là pour m’accueillir. C’est vraiment agréable d’avoir les personnes que l’on aime autour de soi, pour nous soutenir et seulement nous honorer de leur présence. Lucie nous rejoins quelques minutes après. Les chirurgiens passent dans le service pour me confirmer que tout s’est bien passé. Les parents partent ensuite car ils ont à faire. Nous mangeons donc avec Lucie qui a prévu son repas. J’ai un peu plus d’appétit que les deux dernières fois, mais pour quelqu’un n’ayant rien avalé depuis 24h00, je ne vais pas manger beaucoup non plus. Après un bon moment de partage, Lucie rentre chez mes parents car elle travaille tôt le lendemain. Réveil à 6h00, pour être à l’hôtel à 6h40.
De mon côté, la nuit ne vas pas être des plus agréable. D’habitude, je ne suis jamais malade donc je ne prends jamais de médicaments. En effet, à part de grosses maladies physiques: le staphylocope doré en voyage, en 2012-2013, la mononucléose avant de partir en classe découverte en CM2, et quelques maladies enfantines, je me souviens seulement de toutes petites choses, comme un doliprane pris un soir en revenant du travail car j’avais beaucoup de fièvre, plus de 39°C, avec les jambes toutes flagada… le lendemain, j’étais en pleine forme et à 7h00 je retournais au travail. Je n’ai donc jamais, ou presque, besoin de soins médicamenteux.  

Pourtant là, après un début de nuit compliqué, je demande un doliprane 1000. Cela me tire sur les muscles de l’avant-bras, je suis gêné au niveau de mon coude. C’est surtout l’acceptation par mon corps de la membrane qui n’est pas être de tout repos. Ce n’est pas agréable du tout cette attelle plâtrée. Mon bras semble peser une tonne. Je ne sais pas comment me mettre, comment dormir. Je vois toutes les heures passées. J’écoute la radio sur mon téléphone portable, entre autre le résultat des élections présidentielles américaines. Je suis presque content quand je vois le jour pointer le bout de son nez. Après une nuit avec de fortes averses, une accalmie semble avoir pris le dessus. Je peux même profiter d’un beau lever de soleil avec la vue sur la chapelle du CHU. Personne n’est disponible pour venir me chercher avant le début d’après-midi. En ce mercredi matin, je tiens à ne pas m’éterniser sur place. Après avoir obtenu les ordonnances et les consignes pour la suite des opérations, je sors donc et rentre à pied à la maison, en tenant ce lourd bras droit avec ma main gauche. Très marrant d’avoir ce bras tout étendu qui sort de la polaire que mon papa m’a prêté. Je sens des regards compatissants dans la rue. C’est drôle car ils ne savent pas par quoi je suis passé. Et ça c’est rien. Ils ne peuvent pas imaginer que je suis heureux de porter ce bras, car ça signifie qu’on le soigne et que je retrouverais prochainement son utilisation presque totale. Ce n’est pas le plus évident mais cela fait tout de même du bien de prendre l’air…

Les jours suivants sont assez similaires. La journée se passe plutôt bien malgré ce handicap certains. La nuit est plus compliquée. Elle n’est pas évidente non plus pour Lucie. En effet, des douleurs se déclenchent car mon corps travaille. Je n’en prends pas conscience directement  de mon état. Je mélange sûrement la réalité avec des rêves ou cauchemars. Bref, je gémis, je bouge, sans réellement le réaliser. Lucie essaie de me réveiller plusieurs fois. Après avoir pris un antalgique, le reste de la nuit se passe un peu mieux. Malgré mon énergie, cela me fatigue un peu. Je dors plus qu’au quotidien mais beaucoup moins bien. En ce moment 5 ou 6 heures ne me suffisent plus. De plus, mon corps travaille pour se réparer. J’ai subi trois anesthésies générales. Comme le précise ma maman, tout mon corps réagit à cela et ça lui demande beaucoup d’énergie…

Tous les trois jours, je retourne à l’hôpital pour un pansement stérile. Dès le premier rendez-vous, il est possible de voir que la membrane semble parfaitement intégrée. Lors du deuxième, après une semaine, ils m’enlèvent le plâtre. C’est un vrai soulagement, mais cette fois-ci, je suis prévenu. Pour la greffe de peau, j’aurais le droit à un autre similaire. A chaque jour suffit sa peine. Sans plâtre, je suis un peu plus libre de mes mouvements et les contraintes sont moindres. Encore quelques étapes, et le plus dur sera derrière moi!

Je n’ai quasiment pas bougé d’Angers et ces environs les mois précédents, depuis notre retour. Avant la quatrième opération, j’ai envie de prendre une «bouffée d’oxygène». Je décide alors de partir à Paris… Bizarre d’écrire cela pour quelqu’un qui adore la nature, les beaux paysages,… Mais pourtant c’est vrai, ce week-end va me faire un bien fou. J’aurais aimé que Lucie m’accompagne, mais elle travaille malheureusement. Je pars le vendredi après-midi, en bus, après mon changement de pansement en stérile à l’hôpital. Je suis heureux qu’ils aient enfin développé ce moyen de transport en France. Premièrement, il est très économique, même en comparaison du covoiturage. Ensuite cela me plonge, tout de suite, dans une atmosphère de voyage. En effet, j’ai parcouru des milliers et milliers de kilomètres avec ce moyen de transport, au cours de mes pérégrinations. J’effectuerai le trajet retour le lundi matin de la même manière. C’est bien quand on a le temps.

C’est un vrai bonheur ce week-end! J’ai la chance de passer du temps avec des amis et des membres  de ma famille. Nous serons plus ou moins en gros comité. Mais à chaque fois, des moments exquis permettent d’échanger sur des sujets divers et variés, de rire, de profiter de petites merveilles de Paris, de marcher, me promener, seul ou accompagné. J’ai la chance de revoir des personnes que je n’avais pas vu depuis fort longtemps, de me rendre compte que mes petits cousins et cousines ont tellement grandis. Oui ce week-end fut assez simple mais il a été empli de moments de vie très intéressant que j’ai savouré autant que faire se peut. C’est vraiment sympa aussi de revoir, en tête à tête, ou en petit comité, des personnes que l’on avait l’occasion de ne voir quasiment que lors de gros événements familiaux. L’échange est totalement différent, beaucoup plus profond. Il est moins parasité par des interférences, même sympathiques, venant de telle ou telle autre personne mais qui ne permet pas au final de vivre la chose avec la même intensité. Et puis, même si je n’ai pas besoin de voir ma famille tous les jours, nous avons passés des moments de vie très forte depuis mon enfance. Ces liens, même s’ils se sont parfois un peu distendus, sont finalement toujours aussi forts. Paris aura été, je le répète, une vraie «bouffée d’oxygène».

Je suis vraiment heureux de rentrer à Angers pour voir des personnes qui comptent tellement à mes yeux! Je dois finir ce processus de guérison de mon bras pour repartir de plus belle…

Vendredi 25 Novembre, à 15h00, une nouvelle fois à jeun depuis la veille, un nouveau retour au service de chirurgie plastie du CHU d’Angers, je passe pour la quatrième fois au bloc opératoire. Cette opération aura lieu avec une anesthésie générale. Je suis maintenant rôdé pour le protocole, aux obligations et questions posées, à l’attente dans ma chambre depuis 10h00, au transfert par les ambulanciers plus d’une heure en avance, à l’attente au niveau de la salle «pré-op.», à la mise en place de la perfusion sur ma main gauche et à l’endormissement à l’aide du masque sur mon visage et du produit injecté à travers mes veines. Il s’agit cette fois-ci, et normalement, de l’étape finale pour la guérison de mon bras.

La greffe ou transplantation cutanée est un prélèvement autologue, avec une prise de substance sur la face intérieure de ma cuisse droite. C’est une greffe de peau mince qui est effectuée. Le prélèvement se fait à l’aide d’un dermatome, qui permet de prendre des grandes bandes de peau ne choisissant une largeur donnée. Pour mon cas, la bande fait à peu près 10 centimètres sur quatre. Ils l’ont ensuite positionner au-dessus de la membrane Intégra, qui a été mise en place précédemment. La greffe est fixée à l’aide de grosses agrafes. Sa survie étant lié à sa revascularisation à partir de la profondeur, elle doit être parfaitement immobilisée. Ils m’ont installé alors, par-dessus, un bourdonnet. Ils l’ont plaqué contre ma peau avec des fils passés sous cutanée. Vu que cette greffe se trouve au niveau du pli du coude, ils m’ont de nouveau bloqué le bras dans une attelle plâtrée. L’opération était prévue pour «52 minutes», selon les dires de l’infirmière. C’est impressionnant de se rendre compte du planning chargé des blocs opératoires et des actes des chirurgiens.

D’ailleurs, plus que jamais, je sens d’énorme tensions entre les soignants. Avant le bloc, des aides-soignantes s’énervent. Je les entends se plaindre de la cadence de travail, du problème de communication avec certains chirurgiens. Parfois la peur de «se faire engueuler», pour telles ou telles raisons, est présente. Malgré que le personnel soit agréable avec moi, je peux voir en direct, ce dont j’entends parler depuis longtemps concernant le malaise dans le milieu hospitalier, avec des conditions de travail se dégradant de plus en plus… Cela ne change pas au réveil. De mon côté, je mets toujours autant de temps pour me réveiller; plus d’une heure et demi. Je me sens très rapidement en forme, mes constantes sont signes d’une bonne santé. Du côté du corps médical, j’entends que des infirmières se plaignent et n’arrivent pas à tout faire, à prendre les consignes. J’entends même dire qu’une infirmière a craquée sous la pression. Elle pleure et elle s’est enfermée dans un bureau. «L’ambiance est au beau fixe à ce que je vois!» il faut mieux en rigoler mais c’est tout de même dramatique pour tout le monde…
A 19h00, je suis enfin de retour dans ma chambre. Mes parents voulaient me voir, mais ils ont une obligation ce soir, donc ils sont partis avant que je remontre au «218» du bâtiment des quatre services. En revanche, Lucie est arrivée. C’est très agréable de la voir et de pouvoir passer ce début de soirée avec elle. Nous passons un bon moment.  Elle a été très présente lors de cette épreuve en venant dès que possible à mon chevet. Elle a pris soin de moi avec pleins de belles attentions et surtout beaucoup d’Amour…

Mon pansement va ensuite être refait à la jambe car il n’a pas tenu et la peau n’est plus protégée. Je ne m’endors pas tout de suite, bien au contraire. Je ne dormirais finalement qu’à peine 1h30. Lors de cette première nuit, je n’ai pas mal mais mes pensées s’évadent dans de multiples directions et je ne trouve pas le sommeil. Après chaque opération, mes sentiments, ma sensibilité sont exacerbés. Je passe par des phases d’euphorie et des phases un peu plus nostalgiques. Je retiens néanmoins l’essentiel. Je suis bien entouré et assez rapidement je pourrais retrouver la pleine utilisation de mon bras et sa mobilité.

Après une nuit à l’hôpital pour observation, après que la perfusion a été enlevée, que mon pansement ai été refait, mes parents me récupèrent en fin de matinée. Après un petit tour au marché, nous rentrons déjeuner à la maison avec Lucie. Nous passerons l’après-midi à faire les magasins pour acheter les premiers cadeaux de noël et voir ce que nous voudrions. Ça me tire au niveau de la jambe, les frottements, malgré le pansement, ne sont pas agréables, ça fait comme une brûlure permanente, je suis un peu fatigué, mais je ne m’écoute pas trop.

Le soir, nous mangeons chez les parents à Lucie. Les discussions et le repas sont plaisants. Une fois de plus, nous passons un bon moment en leur compagnie. Vers la fin du repas, je me lève pour débarrasser. Je sens que c’est humide au niveau de l’intérieur de mon genou droit. Je pense au début que je me suis mis un peu de soupe par inadvertance. Passant un bout d’essuie-tout dessus, je constate de longues traînées rouges. C’est du sang. Une partie de mon pantalon en est imbibé. J’enlève mon pantalon et je découvre ma jambe ensanglantée. C’est une nouvelle fois, assez impressionnant, mais finalement ce n’est pas si grave que cela. Lucie va jouer les infirmières avec moi. C’est elle qui me prodigue les soins en nettoyant ma jambe et la plaie, en enlevant le pansement et procédant à son remplacement. Le fait d’enlever le film adhésif protecteur est pire qu’une épilation. La plaie est propre mais très sensible. Le soin sera un peu douloureux même si Lucie exécute parfaitement les tâches incombées. Je finis donc par prendre un Doliprane dans le but de passer la meilleure nuit possible. Au fur et à mesure des opérations, les désagréments et les douleurs post-opératoires augmentent, cette fois-ci au niveau de la jambe. La sensation de brûlure est quasi-permanente. En revanche, la pose de la greffe ou le maintien par l’attelle ne sont plus alors source de souffrance, même si c’est assez handicapant au moment T. Il est pourtant facile de relativiser. Je sens mon bras et très vite je l’utiliserais comme auparavant. Il sera parfaitement fonctionnel sans séquelles. N’ayant ni touché les nerfs, ni les tendons, ni les muscles, je pourrais l’utiliser avec la même force et amplitude qu’avant, comme si rien ne s’était passé.

Le lendemain, nous nous rendons à Saumur avec le papa de Lucie et sa grand-mère. Nous allons voir une voiture, pour en faire une acquisition commune. Nous passons un bon moment dans la famille de Lucie et nous prenons conscience de la bonne affaire que nous pouvons faire lors de cet achat. Ça sera d’ailleurs alors le vraie premier achat ensemble, même si pendant le voyage nous avons fait de grosses dépenses communes. 
Les jours suivants passent rapidement. Je suis, nous sommes bien occupés. Entre les soins, les démarches administratives, la recherche d’un appartement et les démarches liées, la fin de l’écriture de mon blog, le travail pour Lucie, un peu de sport, pas le temps de s’ennuyer. D’ailleurs ça n’a jamais été le cas et je pense que ça ne le sera jamais. J’ai le moral, je suis positif mais je suis aussi assez pressé que cela finisse maintenant. Vivement que je puisse, que nous puissions envisager sérieusement, les projets personnel mais surtout de couple, d’avenir professionnel que j’ai mis un peu en suspens, et dont Lucie fait les frais indirectement.

Le 30 Novembre, en consultation dans le service de plastie, ils enlèvent les pansements. La plaie à la jambe est presque cicatrisée. Ça me brûle encore un peu, les frottements ne sont pas encore très agréables, quand je marche, mais ce n’est plus qu’une question de jours. Concernant la greffe de peau sur mon bras droit, l’interne n’est, à prime à bord, pas très confiant après qu’ils aient enlevé le bourdonnet. La greffe n’est pas parfaite. Pourtant, après avoir enlevé des couches mortes, il peut constater une prise sur une grande partie de la surface à recouvrir, exception faite du pourtour de la plaie. Les infirmières me rassurent aussi. Ce n’est pas toujours très beau quand ils enlèvent le bourdonnet, mais le résultat devrait être beaucoup plus flagrant et propre, dans un peu plus d’une semaine. Je dois garder l’attelle plâtrée pendant 9 jours jusqu’à la prochaine visite dans le service. Je ne pensais pas que cela serait si long encore. Ma patience est mise à rude épreuve mais je tiens le coup et envisage maintenant sérieusement la suite. Encore 15 jours pour que la greffe soit totalement viable, un mois pour que je puisse aller de nouveau me baigner. Un doppler, le 20 décembre, un peu de rééducation, et j’espère bien pouvoir tourner cette page de ma vie. Je prends conscience, plus que jamais, de la chance d’être en bonne santé, d’avoir la possibilité d’utiliser l’ensemble des membres de mon corps.

Cela fait longtemps que je n’ai pas été aussi pressé d’être aux fêtes de fin d’année. J’ai une envie monstrueuse de croquer la vie à pleines dents. Je souhaite que ces projets pour construire ma vie, ceux, qui me faisait peur auparavant, deviennent maintenant réalité et participent à mon bonheur, indirectement à celui de mes proches, mais surtout à celui de la femme que j’aime…  Bien sûr, je compte bien vivre encore des expériences fortes, folles, sortant parfois du quotidien de tout le monde mais compatibles avec des projets à long termes.

Cet article sera l’avant-dernier (au moins pour l’instant). J’avais vraiment besoin de finaliser ce projet, en parlant de ce retour, et de ce nouveau «voyage», beaucoup moins dépaysant, mais peut-être tout aussi important, qu’à était cet accident. Ce fut un vrai coup d’arrêt, peut-être, salvateur. A force de toujours en faire trop, en faire plus, je n’ai pas toujours pris le temps de discerner ce qui était vraiment important. Je n’ai pas mis les priorités là, où elles devaient être mises.

J’ai vécu et vis l’écriture de ce blog comme un vrai moyen de partage; un lien indispensable avec les personnes proches restées à la maison, un véritable outil pour mes souvenirs. Mais ce fut aussi une vraie «thérapie» me permettant de revivre les moments forts de ces cinq dernières années, de poser noir sur blanc des idées sur le monde qui m’entoure et sur ce que je suis.
Il va pourtant être temps de passer à autre chose, de tourner la page, d’aller vraiment de l’avant et d’arrêter de tourner en rond dans certains domaines de ma vie. En cette fin d’année 2016, la prise de conscience est grande. J’espère que je suis, avec cette blessure, tombé au «fond du trou». J’espère surtout que je vais me relever plus fort que jamais, plus heureux que jamais, avec une envie débordante de vivre pleinement chaque instant, non seulement par la parole, mais surtout par les actes au quotidien, encore plus que jamais, encore plus que pendant ces années merveilleuses de voyage…
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Après m’être libéré du passé, étant libre de choisir mon destin, je veux écrire de nouvelles pages magiques de ma vie. Je désire, que les personnes, que j’aime, soient partie prenante de la suite de mon histoire, et que j’écrive avec eux, dès aujourd’hui, les plus beaux chapitres de mon existence!!!

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