samedi 7 novembre 2015

Afrique du Sud; Kalahari, Cape Town, Karoo et la côte maritime

Retour en arrière! Perte de localisation géographique (du moins administrativement parlant). La machine spatio-temporelle est totalement déréglée. Je ne me sens pourtant pas perdu. Je n’ai  pas d’appréhension ou de doutes particuliers…

Le 13 Janvier 2015, au réveil, nous nous trouvons, avec Bethany, Adam, et Cyrille, en Namibie. La ligne de démarcation imaginaire du pays et le poste frontière de «Mata Mata» ne sont qu’à quelques dizaines de mètres. Le  précédent récit a déjà du vous mettre la puce à l’oreille. Vous souvenez-vous? Etes-vous capables de revenir avec moi en arrière pour continuer cette aventure, même si cette dernière n’est plus vraiment linéaire, temporellement parlant?

Petit rappel, pour être sûre que nous soyons bien en phase tous ensemble! Ce matin, de bonne heure, nous franchissons la frontière pour nous rendre dans un lieu très particulier que j’avais à cœur de découvrir. J’ai réussi à convaincre mes compagnons de route à venir jusqu’ici. Vais-je le regretter?

Une chose est sûre, nous sortons, en ce mardi 13 Janvier, de la Namibie. Le tampon de sortie du territoire, sur notre passeport, en est la matérialisation administrative. Comme je l’ai affirmé, et à juste titre, dans mon précédent article, nous ne rentrons légalement sur aucun territoire. Personne pour nous accueillir, ou nous bloquer le chemin. L’accès est libre. En tout cas, c’est le sentiment que nous pouvons avoir. Pourtant nous n’entrons pas dans une autre dimension créée par une distorsion spatio-temporelle. Nous ne sommes pas totalement libre de nos mouvements et de nos actions sur un territoire qui ne serait pas régit par l’homme. Non, nous n’avons pas quitté la planète terre! Non nous ne sommes pas dans un territoire de non-droit, ou un No mans land. 

En plein milieu du désert du Kalahari, la plus grande étendue désertique au monde, nous venons de pénétrer dans le Klalagadi Transborder National Park. Nous sommes bien toujours sur la planète terre. Nous ne venons pas d’atteindre une autre dimension spatio-temporelle. Pour nous raccrocher à la réalité, nous regardons sur une carte. Nous nous trouvons sur le territoire de l’Afrique du Sud. Et ce que nous nous apprêtons à vivre n’est pas le quotidien de beaucoup d’êtres humains sur notre planète terre.
Ce parc transfrontalier à la spécificité de s’étendre sur le Botswana et l’Afrique du Sud. Mais, il a aussi une large frontière avec la Namibie. La seule porte d’entrée légale est celle que nous venons d’emprunter.  En vue des accords et pour éviter de multiplier les postes frontières peu usités, il a été décidé de ne pas en mettre un dans ces lieux, concernant l’entrée sur le territoire sud-africain. Il est donc possible de rester plusieurs jours à l’intérieur du parc, sans officiellement être en possession d’un papier qui justifie de notre présence dans le pays. Voilà un peu pour l’aspect légal, que je trouve amusant de tourner en dérision et qui m’a permis d’imaginer ce script original, où je peux me permettre de partir dans un délire imaginaire, ou la fiction, voir la science-fiction, s’invite dans le tableau de notre belle réalité. D’ailleurs cette dernière est plutôt exceptionnelle. Je n’ai rien besoin d’inventer pour vous emporter dans une belle épopée. J’ai simplement besoin de poser des mots sur une feuille blanche en vous décrivant des faits. Laissez-moi donc vous compter nos aventures…

Nous vivons notre deuxième safari en autonomie complète (après celui d’Etosha), sans guide et sans chauffeur. C’est un vrai luxe dont nous avons pleinement conscience. Ce parc est aussi très renommé pour la concentration de ces fauves et la présence des plus gros lions du monde avec une grande crinière noire… Pourtant, à l’entrée du par cet après les premiers kilomètres, nous n’avons pas du tout un visuel qui correspond à ce descriptif. Il n’y a que très peu d’animaux. Le premier sur lequel nous tombons est un vieux lion malade, et rachitique. Il est à l’agonie! Il fait quelques pas, puis il s’assoit… Je n’en n’avais jamais vu un comme cela. Nous ne savons pas s’il se relèvera encore une fois! Même le roi de la jungle n’est pas éternel. Même pour lui, il existe le cycle de la vie avec un début mais aussi une fin! Pour ce lion, son dernier soupir est proche! Pour nous, qui croyions, que nous verrions les plus gros et beaux spécimens au monde de l’espèce, cette introduction est assez inattendue. Nous ne pouvons malheureusement pas lui venir en aide, et nous devons continuer notre chemin!

Au départ, nous ne croisons pas beaucoup d’animaux sur les bords des pistes. Heureusement des écureuils de savane, des suricates, et des oiseaux nous divertissent et même  plus que cela. Certains de ces spécimens sont présents en liberté seulement dans cette partie du monde. J’ai aimé, par exemple, avoir un suricate dans ma main. Mais c’est tellement plus sympa de les voir en groupe, sur un monticule de terre, debout sur leurs pattes arrières, à scruter l’horizon! Ils sont les proies des rapaces. Ils se replient dans leur terrier à la moindre alerte. Aucune scène de massacre à déplorer, ou de petits rongeurs qui se fait happer par les griffes d’un aigle! Nous verrons les différents protagonistes de cette possible scène morbide, en décalé et dans différents lieux, pour le meilleur déroulement d’un scénario jamais écrit à l’avance…
Et puis, plus nous nous éloignons de la frontière namibienne, plus nous commençons à voir des animaux. Ça commence par une famille d’autruche, qui nous fait front sur la piste. Puis, nous tombons sur 3 guépards, à l’ombre d’un arbre. Ils attendent que les grosses chaleurs passent et guettent leur future proie pour leur repas du soir. Ils ne sont pas très actifs mais ne dorment pas non plus. Ils sont la plupart du temps assis. Ils tournent la tête, souhaitant à chaque fois maîtriser l’environnement qui les entoure. Parfois, ils se lèvent, font quelques pas, en veillant de toujours rester à l’ombre, puis ils se rassoient de nouveau. Il n’y aura pas d’action mémorable, à leur côté, dans les heures à venir. Nous poursuivons donc sur les pistes, qui nous mèneront au campement de la soirée. En chemin, nous avons la chance de voir des gazelles, des oryx, mais aussi des lions. Ils se reposent, un œil à moitié ouvert, à quelques centimètres de nous. Ils ne bougent pas d’un poil. Pourtant, il y a pleins de proies à proximité, dont une gazelle, qui nourrit son petit. Les oiseaux tournoient dans le ciel et participent à cet état de torpeur, où tout peut arriver à chaque instant.  Nous voyons encore de très belles scènes de vie avec les différents animaux présents dans ce parc naturel.
Puis, nous arrivons au campement. Après avoir pris les informations auprès du ranger et payé la nuit, je reprends le volant. Je viens de conduire plus de 4h00 sur des pistes défoncées. Les 20 derniers jours, j’ai conduit sur des milliers, et milliers des kilomètres. Et rien ne s’est passé!  Mais, avec la fatigue, je vais avoir un petit moment d’inattention. Il ne me restait plus qu’au maximum quelques dizaines de mètres à faire à la place du chauffeur, avant que je ne touche plus jamais à ce volant.

Alors que nous hésitons sur la place de camping que nous allions prendre, je fais une manœuvre pour repartir sur un autre emplacement. J’avais vu deux gros arbres que j’évite. Mais dans l’angle mort, je n’en ai pas vu un plus petit. Même si je vais doucement, le choc a lieu à l’arrière du véhicule! «Boum, trop tard!» Rien de très violent se passe mais le véhicule n’est va peut-être non plus ressortir indemne  J’arrête tout de suite le moteur. Je descends du Nissan pour constater les dégâts, pensant que vu la force minime du choc, il ne devrait pas y avoir de dommages. Le mal est fait! Pourtant, au niveau du pare-chocs arrière, l’impact est énorme. Celui-ci est enfoncé sur quasiment toute sa profondeur. Tout de suite, je pense aux conséquences et me prend la tête dans les bras.


En effet, je ne peux plus quitter l’équipage dès le lendemain pour continuer mon périple en Afrique du Sud. Je vais devoir rebrousser chemin jusqu’en Namibie, jusqu’à Windhoek.  Bizarrement à cet instant, je n’arrive pas à positiver. Cette seconde d’inattention va me coûter chère dans tous les sens du terme. Je prends rapidement conscience de l’ampleur des conséquences. Cela m’énerve un peu, et j’ai besoin de l’extérioriser. Puis très vite, je passe à l’action et étudie les différentes possibilités qui s’offrent à moi.


Redressez le pare-chocs? Impossible! Laissez  mes compagnons se débrouiller seuls, à Windhoek, avec la propriétaire? Inconcevable!... et eux  non plus, ils  ne voudront plus me laisser partir.  Ce que je comprends très bien car même si nous passons de très bons moments, ils ne peuvent pas gérer un dégât sur la voiture que j’ai occasionné. Nous n’avons pas de téléphone portable et, ici, à part un téléphone satellitaire, rien ne passera. Nous sommes tout de même au milieu de désert. Mais nous n’arrêtons pas le progrès. Internet est déjà arrivé jusqu’ici. Dans la boutique, il est possible d’acheter une carte rechargeable pour obtenir de la Wifi. Je me dis qu’il serait mieux de régler cela à distance, au lieu d’avoir à retourner à 800 kilomètres au Nord, pour retourner ensuite à plus de 1500 kilomètres  de nouveau vers le Sud. Surtout que j’ai déjà trouvé des personnes susceptibles de m’emmener à Johannesburg. Je réussi à envoyer un mail et même faire un Skype avec la responsable de l’agence. Elle me dit qu’elle va regarder mon message, que j’ai accompagné de photos, et qu’elle reviendra vers moi dans les minutes à venir… Je reste ensuite sans nouvelles d’elle pendant plus d’une heure puis la connexion internet coupe. Mes derniers espoirs de ne pas avoir à retourner en Namibie, et à Windhoek s’envolent par la même occasion…


Cette situation m’affecte particulièrement. Je mentirais si je vous disais le contraire. Une seconde d’inattention va sûrement me coûter cher en temps, en argent, en énergie psychique et en embarras, alors que ce voyage se passait tellement bien. Je vais pourtant assez facilement relativiser la situation. Et même si cet événement fâcheux restera gravé dans mon esprit pendant la soirée, je réussis à m’en détacher et à profiter de toutes les belles choses que nous vivons. Même si ma personnalité n’a pas fondamentalement changée, de grandes évolutions, et assouplissements sont déjà en cours…


Nous ressortons du campement sécurisé pour essayer d’observer des animaux au niveau des points d’eau à proximité. Nous ne sommes pas déçus du voyage. Nous nous retrouvons nez-à-nez avec une lionne et un lion, à la crinière noire; le plus gros spécimen qui existe sur notre planète terre. C’est incroyable de voir l’adaptation de tels animaux à leur environnement. Nous les regardons de longues minutes avant de faire demi-tour et de retourner au campement. Je n’ai pas vraiment de motivation  pour cuisiner, monter ma tente, ou faire tout autre chose en rapport avec notre voiture de location. Le coucher de soleil me réchauffe déjà le cœur grâce à ces couleurs ardentes.
J’ai simplement envie de me laver, de prendre une douche et que cette soirée se passe rapidement et avec le sourire. Pourtant, je ne sais pas encore ce qui m’attend. Me sentir propre me fait déjà un bien fou en sortant de la douche. Ensuite, je rejoins les autres autour du barbecue. Au menu de la viande, des légumes grillées, une boîte de conserve de flageolets qui viennent de bouillir dans leur contenant. J’avais acheté une bouteille de vin et même si je n’ai pas trop le cœur à boire, c’est un plaisir d’en offrir un verre à tout le monde.


Alors que nous sommes autour du feu, je vais observer une des plus belles étoiles filantes que je n’ai jamais été amené à voir. Sa traînée, dans le ciel, dure plusieurs secondes. Avec Adam, nous sommes les deux seuls à l’avoir vu, et nous en restons bouches-bée. Je vais, sans hésiter une seconde, faire un vœu, qui concerne un sujet bien plus grand que les seuls événements de cette journée! Puis, j’ai envie d’aller faire un tour pour voir ce qui se passe au niveau du point d’eau et de la cabane d’observation. Les trois autres parlent de religion, de vision de la pratique religieuse, de la place de la foi, de leur foi dans leurs vies… Le sujet est vaste et passionnant mais au bout d’un certain temps, j’ai envie d’être beaucoup plus terre-à-terre. J’ai surtout envie de profiter du moment présent et de la possibilité de voir des choses exceptionnelles que nous réservent Dame Nature et que l’on ne peut pas voir dans la vie de tous les jours en occident. Les autres restent à discuter autour du feu. Mais bien m’en a pris! Quand j’arrive, une lionne avec neufs petits lionceaux sont venus s’abreuver après cette journée torride. Le spectacle est exceptionnel. Les torches des différents visiteurs éclairent le moindre de leurs mouvements. Je n’ai pas pris mon appareil photo mais je ne veux quitter les lieux sous aucun prétexte, de peur, de perdre une miette de ces moments uniques me concernant.

Quand les premiers lionceaux  s’éloignent dans la nuit noire, je décide d’aller prévenir les autres et d’en profiter pour récupérer mon appareil.  Le temps de marcher jusqu’à notre campement, de les prévenir, de récupérer le matériel et d’y retourner, l’activité autour du point n’est pas la même. Tous les lions ont disparus. Seul un petit renard boit sa portion d’eau. Il est ensuite rejoint par d’autres de ces compères. Finalement des hyènes font leur apparition, en chassant les plus petits qu’eux. Ils reviennent pourtant, autour de l’eau, sans se démonter face à ces charognards, mais aussi des chasseurs, plus grands qu’eux. Ça serait un peu le combat entre David et Goliath, si ces derniers, se battaient jusqu’à ce que mort s’en suive. Mais les renards ne sont pas très intéressants pour les hyènes. Ils arrivent donc à cohabiter. Les minutes passent ensuite mais plus rien ne se produit. Nous décidons donc d’aller nous coucher, car le lendemain, nous comptons bien nous lever aux aurores, pour voir le moment où les animaux sont le plus actifs!
Cela ne serait pas la nuit la plus sereine que j’ai eu depuis le début du voyage et même depuis bien plus longtemps que cela. Je vais tout de même réussir à me reposer un peu avant d’attaquer de nouvelles aventures. 5h00 vient tout juste de sonner quand j’ouvre un premier œil. Les premières lueurs du jour commencent à faire leur apparition. Encore une fois, la nature  nous honore d’un lever de soleil somptueux, avec un ciel qui s’embrasse de milles couleurs, fluctuant avec le temps qui s’écoule. La journée ne fait que commencer mais nous allons en voir de toutes les couleurs. Une fois tout notre barda rangé, un petit-déjeuner «expédié au lance-pierre», nous reprenons les pistes du parc en sens inverse. A peine quelques minutes de conduite et nous tombons directement sur deux lions impériaux, qui sont tranquillement assis sur le sol sableux, encore frais, de ce désert du Kalahari. Ils sont magnifiques avec leurs crinières noires de plusieurs dizaines de centimètres qui donnent un volume incomparable à leur tête. Une fois de plus des petits renards ne sont pas loin et malgré qu’ils soient 30 à 40 fois plus petits, ils ne semblent vraiment pas craindre les rois de la savane. Continuant, quelques kilomètres plus tard, nous tombons sur un jeune lion, dont la crinière est encore très peu développée et toute dorée. Puis, au point d’eau suivant, nous observons à moins d’une dizaine de mètres, trois lionnes qui s’abreuvent. A chaque fois, nous restons quelques minutes à les observer mais devons ensuite continuer notre chemin, car nous avons encore des centaines de kilomètres à mordre la poussière dans la journée. Nous espérons toujours voir un peu d’action dans ce parc. Les oiseaux sont dans le ciel, les rapaces tournoient à la recherche d’une proie, les troupeaux de gazelles, d’oryx sont sur le qui-vive, se nourrissent et se rafraîchissent aux point d’eau, pour la plupart aménager par les êtres humains à partir de sources souterraines existantes. 
Puis le summum de la journée se produit vers 9h00 alors que nous ne croyons plus que quelque chose de palpitant pourrait se produire devant nous. A quelques minutes d’intervalles, nous assistons à un vrai hymne à la Vie et à la Mort!

Nous allons commencer par la fin de vie. Trois guépards sont tapis à l’ombre d’un grand arbre. Tout d’un coup l’un d’eux détale et fonce faire une gazelle. Les deux autres suivent de très près. La vitesse de pointe de ces trois guépards est impressionnante. Il est facile de comprendre pourquoi ce fauve est l’animal plus rapide au monde au sol. Le premier saute au coup de sa proie alors que les deux autres lui attrapent la proue. Ils ne mettent pas longtemps à la coucher par terre. Cette dernière est vite à l’agonie. Quelques secondes plus tard, alors qu’elle n’a pu rien faire, elle pousse son dernier soupir. Les guépards sont réputés pour la rapidité à laquelle ils dévorent leur festin, de peur que des fauves plus puissants viennent leur voler leur butin. Nous pouvons découvrir ce fait en direct live. Ils s’attaquent aux parties les plus nutritives comme le foie, le cœur, et les autres organes centraux… Quelques minutes plus tard, il ne reste que la carcasse principale et la chair autour. Les entrailles de la bête ont été dégluties.

Les guépards sont plus ou moins rassasiés.  Ils retournent se poser à l’ombre d’un arbre, tout en guettant d’un œil la carcasse encore fraîche. Des profiteurs se trouvent rapidement sur les lieux. Deux renards s’approchent rapidement de la carcasse pour essayer d’en soutirer de la viande encore toute fraîche. Mais les guépards ne sont pas encore décidés à laisser cette dernière au premier venu. L’un puis l’autre vont détaler pour chasser ces opportunistes. Les renards fuient à quelques dizaines de mètres mais restent à proximité. Dès qu’elle se présentera, ils saisiront l’opportunité de se nourrir à leur tour. En attendant, ils regardent d’un mauvais œil, un des guépards qui s’est remis à piocher dans la carcasse éventrée. C’est très drôle de voir le jeu du «chat et de la souris» qui s’installe entre les deux espèces. Ceux sont toujours les plus gros qui décident mais les plus petits ne seront pas perdants. Sans efforts, ils vont quand même pouvoir se nourrir à l’œil, sans prise de risque! En effet, les trois guépards sont repus. Ils abandonnent finalement les restes de la gazelle pour se reposer à l’ombre d’un autre arbre, alors que la chaleur commence à envahir ces plaines arides. C’est intéressant de voir comment les animaux écoutent encore avec attention leur instinct et leur besoin. Ces guépards sont arrivés à satiété. Ils ne cherchent pas à conserver leur reste de leur proie pour plus tard. Cela permet donc d’instaurer un équilibre dans le monde animal de ce désert et de laisser la place à d’autres animaux pour vivre ou survivre.

L’équilibre est fragile! Mais il semble tout de même marcher assez bien, surtout là, où l’homme n’a pas imposé sa main mise!
D’ailleurs nous n’allons pas tarder à voir un autre moment du cycle de la vie du monde animal. Après une vie prise par des animaux pour se nourrir, nous allons observer un autre mettre au monde un petit. En effet, quittant les lieux où les léopards se sont nourris, nous faisons seulement quelques kilomètres, avant de nous retrouver à côté de deux autres véhicules stationnés. Ils se tiennent à côté d’une gazelle. Nous comprenons très vite pourquoi. Cette dernière a un gros ventre. Elle semble affaibli mais trouve tout de même des ressources incroyable alors qu’elle s’apprête à réaliser une étape magnifique de la vie. Nous la voyons pousser très fort. Puis au fur et à mesure, une masse sort de son utérus. Un petit sort doucement. Il connait pour la première fois la sensation de respirer à l’air libre avant de tomber délicatement sur le sol. 

Il semble encore tout frêle et tout fragile. Il est assis au sol, la tête appuyée sur ces pattes avant. Pourtant, sa survie dépend de sa faculté à pouvoir échapper aux prédateurs. Sa progression va être fulgurante. En comparaison, l’être humain est vraiment très lent pour sa période d’apprentissage. Il faut presque un an pour un être humain pour marcher, voire plus. La scène, à laquelle nous assistons, ne va durer que quelques minutes. La maman lèche d’abord son nouveau-né, pour lui enlever le liquide amniotique, le sang et son placenta visqueux qui l’entoure. Très rapidement, il commence à prendre des forces. Immédiatement, il semble être capable de mouvements exceptionnels pour un être tout juste sorti du ventre de sa maman. Il bouge la tête… Un échange extrêmement intéressant a lieu entre la maman et son bébé. Elle prend soin de lui mais observe aussi attentivement les environs. Je trouve même cela un peu dur que cette maman soit seule dans la nature, à la merci de nombreux prédateurs, alors que ces animaux vivent habituellement en groupe. Mais cela se déroule à merveille! Très rapidement, le petit commence à bouger son corps. Il se dandine sur le sol, puis il fait les premiers efforts pour essayer de se mettre sur ces jambes. La première fois, il n’arrive même pas à soulever une patte. Puis les deux pattes avant se lèvent à angle droit, avant qu’il s’écroule de nouveau sur le sol. Mais il ne baisse pas les bras et il essai de nouveau. Sa maman est derrière lui pour le pousser et essayer de le soulever, en le soulageant de ce poids pour l’instant trop lourd pour qu’il puisse réussir à tenir debout. En essayant de nouveau, il arrive presque, à un moment, à se tenir sur ces quatre pattes. Mais, il n’arrive pas à tenir cette position plus d’une seconde. Sa maman est de temps en temps à ces côtés, de temps en temps à surveiller les environs en effectuant des cercles de plusieurs dizaines de mètres. Mais elle revient toujours près de lui, pour le rassurer, pour l’embrasser et le lécher. Elle le motive à se mettre aussi vite que possible debout. Les progrès sont fulgurants. Encore quelques minutes et il va pour la première fois se tenir debout pendant plusieurs secondes. Nous observons ce miracle de la nature. Ce petit est loin d’être hors de danger mais il a appris très vite à se tenir debout pour essayer de fuir le danger, si jamais un jour il se présente. Sa maman le materne et reste à ces côtés. Nous avons eu la chance de voir ce moment d’exception en pleine nature, mais nous ne voulons plus maintenant les importunés plus longtemps. Nous reprenons notre route et nous pouvons lui souhaiter une belle et heureuse vie…
Tous ces moments d’exceptions m’ont totalement fait oublié la bourde que j’ai fait la veille et les conséquences que cela implique pour les jours à venir.

Nous descendons plus au Sud, dans une partie du parc que nous n’avons encore jamais fait. Nous nous arrêtons pour remplir un peu le réservoir d’essence, au niveau du camp qui se trouve près de la frontière sud-africaine. C’est là que j’aurais dû retrouver le couple qui pouvait me descendre jusqu’à Cape Town. Il n’en sera malheureusement rien. Nous repartons en sens inverse pour rejoindre la frontière namibienne et repartir vers Windhoek. Sur la route, dans le parc, nous avons la chance encore d’admirer de nombreux animaux. Nous ne faisons pourtant que de brèves haltes car nous avons encore un long chemin à parcourir. En fin d’après-midi de ce 14 Janvier 2015, nous sortons du Klalagadi National Park et  rentrons de de nouveau sur le territoire namibien.
La suite des 72 heures à venir vous les connaissez déjà car je les ai comptés dans mon précédent récit. J’aimerais simplement vous apporter quelques informations complémentaires. J’ai tout de même bien fait de prévenir la dame de l’agence, d’être honnête et d’essayer de résoudre le problème du mieux possible. Même si elle ne me fait pas de cadeau, elle se débrouille pour que tout soit au prix coutant et que je n’ai pas à dépenser une somme d’argent beaucoup plus importante. Le reste du récit en Namibie est assez anecdotique en cette fin de séjour, même si des instants resteront marquants auprès des locaux, tout particulièrement.  
J’effectue donc un saut de puce dans le temps et nous nous retrouvons directement le samedi 17 Janvier au matin, alors que j’atteins Noordoewer Border. Les démarches administratives se passent rapidement et sans escarmouche.  Alors que je viens de pénétrer sur le territoire sud-africain, que je n’ai fait que quelques mètres, je recommence à me positionner en bord de route, sac sur le dos, pour faire du stop. C’est un autochtone habitant plus au Sud, qui me permet de faire la première portion de route, et de me rendre finalement 200 kilomètres plus bas. Il me parle avec grand intérêt du désert que nous traversons et qui prend des couleurs magiques avec des milliers de fleurs lors de la saison des pluies… Ce n’est pas la bonne période pourtant l’endroit est déjà splendide. Nous discutons tout le long du trajet. Nous parlons de son pays, de voyage, d’expériences uniques. Nous échangeons sur nos projets, nos familles, quelques anecdotes de notre vie. Puis après 2h00 de route, après n’avoir croisé, pour ainsi dire, aucune vie, en dehors de cet axe routier, nous arrivons dans une grande ville, où la vie urbaine, les centres commerciaux, les magasins foisonnent. Il est venu depuis la frontière avec la Namibie, où il travaille au poste frontière, jusqu’ici simplement pour faire ces courses. Il y a bien le nécessaire vital qu’il est possible d’acheter directement où il habite. Mais il n’hésite pas à faire ce trajet au moins une fois tous les deux mois pour se réapprovisionner. C’est affolant de prendre conscience de ces faits et pourtant il est loin d’être le seul dans le monde à devoir faire de tels trajets. Et encore, en comparaison avec d’autres habitants de notre planète, son périple est assez luxueux et assez peu fréquent. Je l’ai déjà évoqué de nombreuses fois en écrivant ce blog, mais une des choses les plus folles concernent ces êtres humains qui font plusieurs dizaines de kilomètres chaque jour, avec des charges conséquentes, seulement pour aller chercher le minimum d’eau vitale pour leur survie. Ce n’est pas la question du jour, mais j’aime partager avec vous mes pensées, celles que j’ai pu éprouver lors de l’instant vécu, sur ces terres sud-africaines, ou au moment où je tapote sur mon clavier d’ordinateur portable pour vous faire partager cette expérience et ce périple au long cours (d’ailleurs, j’aime cette anecdote. Je suis actuellement dans le TGV, en France, en direction de Paris, pour aller chercher un camion, alors que je travaille en intérim pour Europcar, en attendant de retrouver un travail digne de ce nom et de ma qualification d’ingénieur… Le décalage est total). Il me laisse donc à l’entrée de cette ville, au milieu du désert. Pour commencer, je fais quelques courses dans un supermarché car je n’ai pas assez de vivre pour continuer l’aventure. J’ai surtout faim en cette fin de matinée. Après m’être rassasié et avoir étanché ma soif, après avoir stocké quelques denrées dans mon sac-à-dos, je marche pendant plus d’une demi-heure, en direction de la sortie de la ville. Je rejoins l’axe principal routier, et trouve un spot où d’autres personnes font déjà du stop.
Bizarrement, je suis la seule personne à la peau blanche. Ce n’est pas anecdotique si je relève ce fait. Je ne me sens pas différent, je n’ai pas envie d’établir des clichés, ou de faire un amalgame raciste, identitaire et sociétaire. Pourtant cette simple expérience d’auto-stoppeur, me prouve une fois encore, que les clivages et l’appartenance à un groupe pour des critères physiques, en Afrique du Sud, est encore majeur. Cela ne concerne pas les contacts que j’ai avec les autres auto-stoppeurs. En effet, je discute avec deux d’entre-eux et nous passons ensemble un très bon moment. Mais ceux sont les conducteurs de véhicules qui font la différence. De nombreux véhicules passent devant moi, qui suis le plus au Nord. J’ai cette place car je suis le premier à être arrivé sur les lieux. Beaucoup de véhicules ne s’arrêtent pas du tout. Mais d’autres avec des conducteurs sud-africains noirs ne s’arrêtent pas à mes côtés, mais juste quelques dizaines ou centaines de mètres plus loin, où se tiennent mes frères auto-stoppeurs noirs. Cela va marcher dans l’autre sens, mais après presque deux heures d’attentes, sous un soleil de plomb.

La chaleur est accablante. Il n’y a aucun arbre, ou autre moyen naturel ou artificiel, pour s’abriter et se mettre à l’ombre. La bouteille d’eau de 1 litre et demi diminue à vue d’œil. Finalement, c’est un camionneur, un  Sud-africain, qui freine son camion. Il met plusieurs dizaines de mètres pour stopper son poids lourd. Il s’arrête donc devant d’autres auto-stoppeurs noirs qui se ruent sur le camion. Mais il m’a déjà fait un signe et il ne prendrait pour rien au monde une autre personne. D’ailleurs il leur fait bien comprendre. Il s’agit d’un cinquantenaire, un afrikaner blanc, chauffeur routier depuis plus de 40 ans. Il se présente. Il me dit immédiatement qu’il utilise cet axe très régulièrement mais qu’il ne s’arrête d’habitude jamais. Il a fait une exception quand il m’a vu sur le bord de la route. Il me dit qu’il est très rare de voir des personnes comme moi faire du stop dans cette partie du monde. Cela permet une bonne première introduction. Nous enchaînons sur une longue discussion, où nous évoquons nos parcours et ce qui peut expliquer que nous nous rencontrons aujourd’hui, dans ce lieu précis, à ce moment particulier (tous les moments de la vie devrait être vécu comme des instants uniques, merveilleux, où tout est possible)! Je ne le sais pas encore mais j’ai «tiré le gros lot» concernant cette expérience en auto-stop. Non seulement, cette personne est sympathique, les discussions vont bon train, mais il va me conduire directement à ma destination finale. Et ce n’est pas tout. Alors que nous traversons des paysages splendides et changeants au cours du trajet, il va s’arrêter à une station-service pour se reposer. Il en profite pour se restaurer et sans que je lui demande, il m’achète un feuilleté avec de la saucisse et une boisson. Nous les mangerons pendant le trajet. D’ailleurs ce dernier est long, et la nuit tombe. Nous sommes déjà rentrés dans la région du Western Cape, mais Le Cap est encore loin. Il habite un peu plus au nord, dans la région viticole réputée de l’Afrique du Sud.
Pourtant, j’ai cru que nous n’y arriverons jamais. En effet, alors que nous roulons depuis plus de 5 heures, le camion commence à montrer certains signes de faiblesse. Certains capteurs s’allument et signalent une avarie. Après avoir fait fît de ces signes avant-coureurs d’un problème plus grave, il décide tout de même de stopper le camion. Nous nous trouvons sur une petite route devant nous mener dans la ville où il habite. En pleine nuit noire, au milieu de nulle part, il essai de réparer. Nous allons passer plus d’une heure à lever la cabine du camion, trafiquer les câbles, essayer de régler des problèmes de pression. A plusieurs reprises, le camion ne daigne plus démarrer. Heureusement, il a l’expérience d’un conducteur, qui a conduit pendant de nombreuses années dans des conditions assez extrêmes. Il n’a beaucoup appris. Il n’a pas eu le choix à de nombreuses reprises que d’être un «roi de la débrouille». Après de nouveaux essais infructueux, il réussit finalement à ce que le camion redémarre sans que les voyants ne s’allument de nouveau. Nous reprenons la route jusqu’à Wellington, où il habite. Il fait nuit noire. Je ne sais pas vraiment où je suis. Il dépose le camion dans la cours de son entreprise, où sa femme va venir le chercher pour qu’il puisse rentrer chez lui. Il ne peut pas m’inviter chez lui. En revanche, il va faire un geste d’une gentillesse et d’une incroyable confiance envers un inconnu. Il me prête la cabine de son camion pour la nuit, me laisse les clés, me donne accès à sa glacière et me dit que je peux me servir dans cette dernière. Et il me dit que demain, dimanche, il va profiter des environs, et aller ensuite à Cape Town et qu’il pourra m’y emmener. Je me sens encore tellement chanceux. Après avoir écouté un peu de musique, je m’endors à point fermé, heureux simplement des moments de vie que je viens de vivre.
Le lendemain matin, je suis réveillé par le soleil avant 6h00! C’est agréable de se réveiller sachant que je vais passer un bon moment avec ce chauffeur routier et sa famille, avant d’arriver à destination; Cape Town, dans la journée. 2h00 après mon réveil, je les vois arriver en voiture. Ils ont un grand sourire. Je les remercie de leur confiance et suis impatient de commencer la journée avec eux. Autour de Wellington, nous sommes en plein dans la zone viticole de la région du Cap et des 110 000 ha qui commencent à avoir une renommée de plus en plus grande. Nous allons découvrir quelques propriétés qui produisent entre autre du vin rouge. Il faut savoir que les vins rouges ne représentent qu’à peine plus d’un quart de la production du pays, et ils exportent moins de 30% du volume produit. Le vin en Afrique du Sud a été développé par des huguenots venus de France et qui ont importés avec eux des cépages français. C’était pourtant les colons hollandais qui avaient tirés leur premier vin en 1659. La région du Cap a été choisie tout naturellement pour implanter les vignobles en raison de son climat méditerranéen, créé par les deux océans qui se rejoignent. Nous goûtons différents vins dont le Merlot, le syrah et le cabernet-sauvignon pour les rouges. Pour les vins blancs, le chenin blanc domine largement les productions. Mais il existe aussi du Sauvignon et du Chardonnay. J’ai aussi le plaisir de goûter le seul cépage typiquement sud-africain; le Pinotage, un vin rouge qui consiste en un mélange entre le pinot noir et le cinsault. Même si cela fait quelques mois que je n’ai pas eu en bouche, un vin français, je sens une grande différence. Leurs tanins sont très prononcés, la teneur en alcool plus élevée ce qui en fait des produits plus complexe à apprécier, surtout pour les non-initiés. Après avoir effectué de nombreuses dégustation, avoir pris plaisir à déguster ces vins, je me dis que je recommanderais aux  personnes, qui souhaiteraient découvrir le vin du pays, de déguster les vins blancs qui dévoilent de superbes bouquets de fleurs et d’agrumes…

Nous n’abusons pas non plus trop des dégustations car il est encore assez tôt et que la journée pourrait être longue sinon. Le chauffeur et sa famille ont aussi prévus d’aller dans un parc d’attraction pour l’après-midi. Nos chemins vont donc devoir se séparer. Ils me laissent dans la banlieue de Cape Town, non loin d’une gare ferroviaire ou des liaisons régionales mènent au centre-ville…
J’ai envie de visiter Cape Town et son urbanisation. Mais j’ai encore plus envie de découvrir les endroits de nature et les endroits d’exception qui se trouvent à proximité. J’effectue donc un changement  de train, non loin du centre, pour continuer encore plus vers le Sud. Dans ce train local, la mixité n’est pas de rigueur mais je me sens à l’aise et les échanges avec des enfants et des «Mama» africaine contribuent à une ambiance décontractée. A peine, suis-je monté dans la rame du train qui se présentait à moi lors de l’arrêt de ce dernier, qu’un groupe de jeunes hommes monte! Ils sont très peu vêtus, en habit traditionnel local, et accompagnés par quelques instruments de musique. Dans un rythme endiablé, ils commencent à danser et mettent le feu dans ce train. Nous passerons un bon moment en leur compagnie. Je me laisse entraîner par l’ambiance commence à suivre le rythme. Cela va durer pendant quelques minutes avant qu’ils ne changent de rame. Deux arrêts sont déjà passés. Ces instants vécus sont intemporels. J’ai une fois de plus eu l’impression de vivre quelque chose de magique… Les traditions, la musique, la danse sont tellement de bons moyens à mes yeux pour s’évader et ressentir la beauté de l’être humain et son intelligence… Un moment simple mais tellement bon car partager avec des inconnus mais des personnes semblant heureuses. 
Je descends au terminus du train, à Simon’s Town.  Les surprises ne cessent de continuer même si j’avais déjà eu vent de ce fait. Je vais immédiatement marcher, dans cette petite ville, en bord de mer Je me rends à un endroit où une surprise de taille m’attend. Cette dernière casse en une fraction de seconde les images stéréotypées que des personnes peuvent avoir de tel ou tel endroit. En effet, ce n’est pas du tout comme cela que la majorité des personnes, en Europe, imaginent le continent africain. Je suis persuadé que même très peu d’Africains savent qu’ils peuvent trouver une telle espèce animal sur leur terre continentale…

Je me retrouve nez-à-nez avec une colonie de petits pingouins, en grave menace d’extinction. Mais malgré cela et malgré l’activité humaine, ils ont le mérite d’exister. Je trouve très intéressant de les mettre en valeur et de casser les préjugés, ou les images très étroites que des personnes peuvent avoir sur telle ou telle région du monde. Dans un paysage magnifique, je découvre de petits êtres très mignons. J’aime leur façon de se déplacer, d’interagir entre-eux, de vivre en communauté, de profiter des lieux des rochers pour les transformer en toboggan, de s’amuser dans les petites vagues. Je passe de très longues minutes à les observer. Je découvre sur place d’autres mammifères et de nombreux oiseaux… Suite à cela, je sors de la ville et continue à avancer en direction d’un des caps les plus fameux au Monde. J’ai si souvent entendu parler de ce dernier, surtout quand des navigateurs sont passés à quelques miles de ce dernier. Marchant, je  m’arrête en route, dans un camping déserté, après la fin des grandes vacances des habitants de la région. Le cadre est magique. Une fois encore je rencontre des personnes adorables. La seule caravane encore présente sur ces lieux appartient à un couple de retraités adorables. Ils passent leur dernier jour, sur place avec deux de leurs petites-filles avant de retourner là où ils habitent. Après m’avoir indiqué les sanitaires pour prendre une douche chaude, ils m’invitent à prendre l’apéritif avec eux. Puis il insiste pour m’offrir le dîner. Il s’agit d’un ragoût que la grand-mère a cuisiné avant de venir et qui est disposé dans une énorme marmite. C’est un délice. Finalement, ils me proposent que je ne monte pas ma tente, mais que j’installe mon matelas sous le haut-vent. J’accepte volontiers car cela participe une nouvelle fois au partage avec des locaux. Cela permet d’apprécier leur hospitalité et de comprendre un peu mieux comment fonctionne ce pays. Lors de nos longues discussions, j’obtiens leurs points de vue, sur leur pays, la situation politique, économique et sociale. Je me couche avec un grand sourire en ayant encore vécu un moment de vie incomparable.
Je les avais prévenus que je partirais sûrement à l’aube. Ils m’avaient gentiment proposés de rester pour prendre le petit-déjeuner avec eux. Mais la liberté de mouvement, de choix et d’esprit que je voulais la plus grande possible lors ce voyage ont pris le pas sur le reste. Le plaisir que j’ai à communier avec la nature dès les premières lueurs du soleil sera aussi un des facteurs les plus importants. Dès le lever du soleil, je file en direction du Cap de Bonne Espérance. Tout y est sublime. Ce parc National, de ce bout de continent africain, me donne des ailes et l’envie d’aller encore plus loin. Même si ce n’est pas le projet actuel. Je sais qu’en partant vers le sud, en traversant cet océan, je me retrouverais dans un lieu mythique; l’Antarctique. Même si ce n’est pas une priorité dans ma vie, j’aimerais vraiment avoir la possibilité un jour de marcher sur ces terres uniques et de naviguer en bateau à voile, dans les eaux froides qui l’entourent!  Je reste quelques heures sur place, laisse mon esprit s’évader en pensant à tellement de choses différentes…
Puis je profite qu’une voiture reprenne la direction de Cape Town pour sauter dans cette dernière. Elle s’arrête à Simon’s Town mais cela m’arrange en fait. Je retourne auprès de la colonie de pingouins. J’ai la chance inouïe sur un petit chemin de sable de voir un bébé qui vient de naître. Sa maman le couve et le protège. Je suis sûrement, en ce début de matinée, la première personne à observer ce petit être frêle si ce n’est sa mère avant moi. J’essaie de m’approcher mais cette dernière m’en empêche violement en étirant son cou et donnant des coups de bec. Je ne vais même pas pouvoir traverser ce sentier et devrait faire demi-tour afin de continuer à avancer vers cette grande ville dont la réputation n’est plus à faire. Je préviens plusieurs gardiens de ce lieu protégé de ce que je viens de voir et du lieu de cette rencontre. Je veux être sûr que ce nouveau-né aura toutes les chances de son côté pour le début de sa vie.
Je retrouve rapidement une voiture qui continue vers Cape Town. Cela va me permettre de gagner un temps précieux. Non pas que je sois pressé mais le temps est maintenant compté avant que la fin de cette belle aventure arrive. Et oui, je ne vous en ai pas parlé encore dans mes écrits, mais ma décision de rentrer en ce début d’année a déjà été prise il y a quelques mois. J’ai déjà réservé mon billet d’avion et je connais la date de mon retour dans mon pays natal. J’ai encore un peu de temps devant moi, mais ce n’est rien en comparaison avec le temps que je viens de passer sur les routes de notre magnifique planète. Je n’y pense pas plus que cela mais très vite la date butoir se présentera à moi. Je n’aurais plus qu’à m’envoler cette fois-ci vers des contrées que je connais très bien…

En arrivant à Cape Town, je commence par trouver une auberge de jeunesse où je peux poser mon barda. Je prévois d’y rester deux nuits afin de profiter de l’ambiance plaisante de cette grande ville. Depuis deux années, elle est réputée comme la ville la plus agréable à vivre dans le monde, ce qui a «reboosté» cette dernière d’un point de vue touristique, la plaçant comme une nouvelle destination à la mode.  Une fois mon sac-à-dos posé dans le dortoir où je vais passer les deux prochaines nuits, je pars déambuler dans les rues de la ville. J’y découvre son château, sa mairie, de beaux bâtiments anciens combinés avec des tours assez modernes! Puis je pars faire une première virée sur le «Water Front» très réputé. Cet espace autour du port a été restauré et conçu pour que la vie urbaine puisse y prendre place, que la société de consommation batte son plein. L’idée est tout de même de garder un espace convivial où il fait simplement bon flâné, en étant en bord de mer. Les magasins de luxe côtoient, les restaurants, mais aussi des bureaux, des hôtels, et des musées. Dans les allées, une ambiance festive se dégage, surtout quand, à différents coins de rue, des groupes de musique se produisent avec des styles tous différents. Je passe le début de soirée à siroter un verre, accoudé à une table sur une terrasse d’un café, en regardant l’animation incessante. Une fois rentrée à l’auberge, je passe de nombreuses heures en cuisine, puis sur la terrasse extérieure, à discuter avec d’autres voyageurs.
Je veux absolument escalader Table Moutain et découvrir, avec proximité, ce lieu très particulier. Mais il annonce un vent extrêmement fort, tellement fort que le téléphérique qui transporte les touristes sera fermé. Cela n’avait aucune importance car je comptais bien arriver au sommet par des sentiers escarpés en marchant! Pour profiter pleinement de ce lieu, je m’y rendrais néanmoins le lendemain où ils prévoient une vraie accalmie. En attendant, je pars profiter des joies de cette ville, des restaurants branchés, des rues avec de belles façades, ces musées, ces bords de mer avec un fort courant et des belles vagues qui forment des rouleaux. Je découvre de magnifiques voiliers en bois.

Pour le coucher de soleil, je pars escalader «Lion’s Head». Heureusement, en cette fin de journée, le vent a déjà sensiblement fléchi. Pour gravir le sommet, il y a une partie en pente raide avec des échelles. Nous sommes quelques-uns à observer un moment magnifique de cette belle journée venteuse. Puis je rentre à l’auberge de jeunesse où je passe des heures à discuter avec des voyageurs dont les histoires sont passionnantes. Comme depuis de nombreuses semaines, j’aime avoir une bonne connexion internet pour échanger sur Skype avec une personne qui prend une part grandissante dans ma vie. Cette rencontre et son souvenir restent un peu surréaliste car elle n’a duré que quelques heures, voilà de cela plusieurs mois! Les échanges par écrits et par Skype sont intenses et forts mais ne semblent pas réels. Bientôt cela changera, mais il me reste encore quelques belles péripéties à vivre avant des retrouvailles promises et une nouvelle surprise pour beaucoup de monde!
Je me couche finalement à plus de 2h00 du matin! Le réveil à 4h00 sonne le début d’une longue journée mais qui sera vraiment magnifique! Je marche seul dans les rues de Cape Town, vides de toute activité ou presque. Seuls quelques rares passants et voitures croisent mon chemin. Je me retrouve assez rapidement en bas de Table Moutain, puis je passe près du téléphérique qui devrait ouvrir aujourd’hui vu que le vent est inexistant en ce début de matinée. Mais d’ici là, j’aurais déjà pu largement profiter de la beauté du site, seul. Je prends le sentier escarpé qui monte à travers une faille dans ce mur rocailleux qui sera sinon infranchissable pour notre simple condition d’humain. La seule possibilité serait de l’escalader avec du matériel adapté. Les premières lueurs du soleil me permettent d’y voir assez clair pour ne pas avoir besoin de lampe frontale. Puis au cours de la montée, je ne vois pas directement les premiers rayons du soleil qui sont cachés par cette masse rocheuse, mais ils éclairent rapidement la montagne Lion’s Head, puis le bas de la ville. Je découvre déjà, dans la montée, une faune et une flore très particulière. Les oiseaux et les fleurs sont très colorés. Au fur et à mesure de la montée, au fur et à mesure que le jour se lève, les paysages s’agrandissent, du moins concernant mon champ de vision, et s’embellissent. La beauté des paysages est époustouflante au sommet. Cette montagne est quasiment plate sur plusieurs kilomètres de largeur. D’un côté la ville de Cape Town et l’Océan Atlantique! De l’autre, la réserve naturelle qui se poursuit jusqu’au Cap de Bonne Espérance  et sépare les deux océans. Je me balade pendant plus de 2h00, sur des sentiers plus ou moins balisés.

Je rencontre, au bout de l’un deux, un vieux monsieur de 88 ans. C’est aujourd’hui son anniversaire. Il me compte alors une belle histoire d’Amour et d’Amitié; pourquoi depuis de nombreuses années, en ce jour particulier, il gravit cette montagne rendant hommage à sa femme décédée et à un ami qui l’a pendant très longtemps accompagné! Je suis ému, presque jusqu’aux larmes. Notre entretien ne durera que quelques minutes mais j’en garde un souvenir impérissable tellement l’échange a été beau et fort! Il y a des rencontres qui peuvent marquer un Homme, celle-ci pourrait en faire partie. Ce monsieur a su conserver une forme physique et une rapidité de l’esprit pour son âge, qui pourraient faire de nombreux envieux. Cela magnifie alors encore plus l’endroit visité. J’admire le paysage dans toutes les directions, je profite de sa beauté. Je saute de grosse roche en grosse roche, je me laisse prendre par la sensation  du vide sur le flanc de la montagne puis j’entame la descente vers le centre-ville alors que le soleil est déjà haut dans le ciel.
J’ai décidé de ne pas rester plus longtemps dans cette ville car encore de belles aventures m’attendent. Je prends mon barda à l’auberge de jeunesse. Je me rends à la station de train pour emprunter une ligne régionale. Je pars à une quarantaine de kilomètres de là, dans une petite ville de la banlieue lointaine.

Après un trajet un peu plus long que prévu, j’arrive finalement à Sommerset West. Je m’arrête dans ce lieu pour y découvrir un centre animalier très particulier. Il s’agit du Cheetah Outreach, qui est un centre qui a pris en charge et continue de s’occuper de guépards qui ont été domestiqués et ne peuvent plus repartir à l’état sauvage, car ils ne sont plus capables de se nourrir seul. Il y aussi des animaux qui ont été victimes d’attaques d’agriculteurs, de chasseurs ou braconniers mal attentionnés qui ont blessés ces animaux. D’autres ont été pris dans des pièges, maltraités dans des parcs. La majorité des résidents de ce centre sont des guépards mais il y a aussi quelques autres spécimens de prédateurs carnivores comme des renards, des lynx… J’ai la chance de découvrir le centre avant qu’il ne ferme. Le repas du soir est donné par des volontaires qui passent au moins 3 mois sur place. J’ai essayé d’obtenir une place pour ne rester qu’une ou deux semaines, mais ils ne pouvaient pas faire d’exceptions aux règles fixées. J’ai donc dû me résigner à n’y venir qu’en tant que visiteur.
Je passe un bon début de soirée mais je dois ensuite sortir de ce parc. Je décide de trouver dans cette ville, un terrain public où je pourrais planter ma tente pour la nuit J’en repère un assez rapidement, un peu à l’écart de toute habitation ou au moins un peu caché par des arbres. Je peux donc retourner dans un centre commercial où je sais que je pourrais avoir la Wifi gratuite et illimitée. Encore une soirée en mode «roots», mais qui me convient très bien. Il ne suffit pas de grand-chose pour être heureux surtout quand on a de quoi se nourrir, boire, et que les conditions météorologiques extérieures ne sont pas extrêmes (ni trop froide, ni trop chaude, ni trop de pluies,…). Après avoir vérifié ma boîte mails, contacté quelques amis sur Skype, continué à écrire sur mon blog, je reprends mon gros sac sur le dos, le plus petit en ventral, et je repars sur la route. Direction ce petit terrain de nature où je plante ma tente pour la nuit. Je ne suis pas très loin des habitations mais il fait déjà nuit noire, je ne suis pas directement visible depuis la route. Je serais levé comme d’habitude très tôt le lendemain matin. Je ne devrais donc pas être dérangé pendant mon sommeil. D’ailleurs la nuit sera encore une fois assez courte mais très réparatrice. Je  me lève avant que le soleil ne fasse son apparition, avant que le centre n’ouvre ces portes. Je me rends dans un parc qui possède un lac où un mixte d’oiseaux locaux et migrateurs forment un vrai balai. Ce dernier est magnifique dans le ciel. Il est  intéressant sur la terre ferme ou sur l’eau, lorsqu’ils se nourrissent par exemple. J’y passe presque 2h00, avant de me rendre de nouveau auprès des guépards.
Je m’apprête encore à vivre un moment d’exception lors de ce Vol Libre. Un nouveau rêve est à portée de main. Celui-ci va commencer de la plus belle des manières. J’arrive devant les grilles du centre plus d’une heure avant l’ouverture. Les volontaires arrivent à peu près en même temps que moi. Un des manageurs, avec qui j’ai discuté la veille, me reconnait. Il me salue, et me demande ce que je fais là si tôt. Je luis explique ma façon de voyager, là où j’ai passé la nuit et ce que je viens de faire depuis le lever du soleil. Il reste stupéfait par ma façon de voyager, mon admiration pour ces animaux, et ma vision des choses importantes dans ce bas monde. Il va alors être très généreux avec moi. Il me propose quelque chose de très particulier. Avant d’ouvrir le parc, les volontaires et les dresseurs assistent ce matin, à un exercice particulier pour les guépards adultes. Ils les mettent en situation de chasse. Alors qu’une proie fictive, montée sur un système de treuil, est lancée à une vitesse importante, le guépard est lâché, derrière cette dernière. Il détale alors sur une courte distance mais avec une vitesse fulgurante pour aller attraper presque au vol la proie et le morceau de viande qui leur est promis. Le spectacle est splendide. Je sais la chance que j’ai surtout quand les volontaires me disent qu’ils ont très peu l’occasion de voir un tel événement et que les visiteurs qui veulent assister à ce dernier paient assez chères et de toute façon c’est très rare. J’ai pu admirer les félins les plus rapides sur terre de très près et bien plus que cela.  Et j’ai encore de nombreuses heures devant moi à leurs côtés.

Le parc ouvre finalement au public. Je suis tout seul à l’ouverture pour les admirer. Comme la veille, je les regarde à travers un fin grillage. Des personnes arrivent ensuite au compte-goutte avant que l’heure du repas ne sonne. Les volontaires procèdent à un protocole bien huilé pour leur donner à manger. Chaque guépard a sa gamelle. L’ordre pour donner à manger à l’un ou l’autre est prédéterminé en fonction des dominances, de l’âge, des rapports de force entre les uns et les autres. Je ne me lasse pas une seconde du spectacle. Je profite ensuite de cette heure matinale pour assister au repas des autres animaux qui sortent alors de leur cachette avant de s’y retirer pendant les heures chaudes de la journée. Puis va venir le moment que j’attends depuis quelques temps. Il va conclure en apothéose ce moment près de ces félins. En Namibie, il était interdit de rentrer en contact avec des guépards, d’interagir avec eux, et de les toucher. Ce n’est pas le cas en Afrique du Sud et donc un nouveau rêve va devenir réalité. Avec un volontaire, je me rends près d’un de ces félins qui vient d’être nourri. Certaines personnes pourraient me dire que ces activités nuisent à l’espèce, que cela provoque le fait que ces animaux soient détenus en cage. Ce n’est malheureusement pas le cas. Dans notre monde actuel, ces animaux seraient morts s’ils n’avaient pas été soignés. Les plus jeunes sont nés en captivités. Ils aiment beaucoup la compagnie des êtres humains, les soins particuliers qui leurs sont apportés dans ce centre, en particulier l’affection et les câlins des humains. Peu importe, j’ai la chance d’entrer en contact avec un guépard mâle adulte. Je passe de longues minutes à ces côtés. Il est, au début, endormi à même le sol. L’interaction est limitée mais intéressante tout de même. Je peux sentir la musculature de cet animal, sa respiration lente et régulière. Puis il ouvre les yeux, commence à bouger et se redresse. Je suis comblé par ce moment ces côtés, cette connexion qui se crée…

Après plus de 15 minutes, au moment où l’on m’en donne le signal, Je n’ai pas envie de me retirer doucement afin de le laisser tranquille. Je pourrais passer de longues heures à apprendre sur cet animal. Mais une fois encore, je ne suis qu’un visiteur. Ils se doivent de respecter certaines règles strictes. Sortant de l’enclos, je regarde encore quelques minutes les résidents de ce centre, admire leur beauté, puis décide de continuer mon chemin. J’ai de belles images plein la tête à ce moment et elles ne sont pas prêtes de s’effacer de ma mémoire.
Après avoir récupéré mon sac-à-dos à l’accueil du centre, je pars à pied, en direction de l’Est, de la sortie de la ville et de la route nationale qui relie, plus ou moins directement, les villes de la côte. Une première personne s’arrête à mes côtés, sans que je ne lui ai rien demandé. Il m’avance vers un point stratégique où il me sera plus facile de faire du stop.  Il s’excusera de ne pas pouvoir m’aider plus. J’aurais évidement les mots pour le faire déculpabiliser mais aussi et surtout le remercier. J’aurais beaucoup aimé qu’il puisse m’amener à ma prochaine destination car le caractère de la personnalité découverte en quelques minutes m’intéressait beaucoup. Mais hein si va la vie, surtout celle d’un voyageur solitaire qui fait du stop en Afrique du Sud. Je vais passer de longues minutes, plus d’une heure,  presque deux sur le goudron de cette route assez moderne, qui est un des axes principaux du pays. Personne ne daigne s’arrêter. Les deux premières touches ne seront pas concluantes car les conducteurs noirs me demandent alors beaucoup trop d’argent. Après avoir eu la sensation d’être resté des heures entières à arpenter le bitume le pousse levé, une troisième voiture s’arrête à mes côtés. Je négocie dure pour ne payer qu’un prix ridicule. Il hésite à me prendre mais il me dit finalement de monter à l’arrière de son pickup fermé. Il me conduit à l’intersection d’une route secondaire qui repart vers la mer. Les paysages de basse montagne traversés sont attrayants, sublimes par leur beauté simple qui ondule de colline en colline. Après avoir marché quelques minutes le long de la route, que plusieurs voitures soient passées sans vraiment prêter attention à moi, ou du moins prétextant de ne pas me voir pour poursuivre leur chemin, un automobiliste s’arrête finalement à mes côtés. Lors des premiers échanges, j’entends une nouvelle fois, que normalement il ne s’arrête jamais pour des auto-stoppeurs. Il a fait exception à cette règle car il a ressenti de bonnes ondes et que mon sourire lui a donné envie de m’aider. Obligatoirement ceux sont des messages qui me touchent et je suis content que mon bonheur, mon bien-être et ma simplicité actuelle se ressentent lors d’un simple échange de regard de quelques fractions de secondes, et d’un sourire authentique et fort. Cela fait longtemps que je dis que c’est «la plus belle arme pacifiste» de mon voyage. Cela se confirme aujourd’hui. Mon positivisme et ma foi dans le fait que seulement des bonnes choses peuvent m’arriver, attire indirectement ces bons moments et ces belles rencontres.
Je rejoins donc la ville d’Hermanus assez rapidement! Il prend même le temps de demander son chemin pour me déposer directement dans l’auberge de jeunesse où je m’apprête à passer la nuit. Fait rare mais j’ai réservé en avance un lit dans un dortoir. Cela s’explique car la nuit est généreusement offerte avec une activité que j’ai toujours rêver de faire et qui deviendra dès le lendemain réalité. L’ambiance est très sympa dans l’auberge. Cela se sent dès mon arrivée grâce à une atmosphère chaleureuse et accueillante. La réceptionniste est charmante. Après m’avoir donné les informations générales, elle me montre les lieux. Ils sont modernes, propres et bien entretenus. Je sens que j’y passerais un très bon séjour et que les jours à venir seront agréables. Du fait de la rapidité de mon trajet jusqu’à là, néanmoins toute relative en raison de la longue attente au départ, je peux jouir des beautés de la côté. A une certaine période de l’année, il est possible d’observer des baleines depuis le rivage. Ce n’est pas la bonne saison, mais cela ne m’attriste pas car c’est en revanche le début du meilleur moment pour observer un autre animal tout aussi mythique… 

Ce dernier a engendré certains fantasmes macabres dans l’imaginaire humain, qui se sera même transcrit sur la toile, dans des films qui ont marqués leur temps. Mais cette rencontre n’est prévue que le lendemain. 

En attendant, je me promène le long de la côté. Je regarde le soleil se coucher avec le son des vagues. Puis je rentre à l’auberge. Je pensais me reposer en cette soirée… Mais ça ne sera finalement pas du tout le cas. Je commence par me faire inviter à boire un verre, puis deux, puis trois lors d’une soirée d’anniversaire. Nous partageons ce que nous avions prévus de manger individuellement, jouons au billard, dansons et décidons avec un petit groupe de partir en ville pour écumer quelques bars… La soirée est finalement longue. Je rentre à plus de 3h00 du matin.  Cela faisait longtemps que je n’avais pas fait une soirée aussi arroser et aussi festive. 
Ce jour es particulier pour de nombreuses raisons. Je n’aurais rien changé au monde pour honorer une telle date. Quand je rentre, les personnes qui doivent m’emmener, dans quelques heures, ne sont toujours pas arrivées. Je décide de ne pas dormir dans ma chambre mais de me coucher sur un des canapés du salon pour ne pas les manquer. L’idée fut bonne! A 5h30, même si je m’extirpe d’un sommeil profond quand elles sonnent à la porte de l’auberge, cela me permet d’être présent pour notre rendez-vous. Il s’agit de trois amies mais seulement deux d’entre-elles ont décidées de prendre part à la même activité que moi. Elles ont une voiture de location à leur disposition. Elles  m’emmènent à Gansbaai  pour une expérience hors du commun… A 6h00, nous sommes déjà en route. Mon taux d’alcoolémie n’est pas encore à zéro. Mais je suis conscient de ce que je m’apprête à vivre en ce 22 janvier 2015, pour mes 33 ans. Il y a des anniversaires qui resteront mémorable comme ça déjà été le cas pour certains noël, jour de l’an, ou autres dates particulières pendant ce voyage… même s’il n’y avait pas besoin d’un événement spécial pour que cette aventure soit au quotidien quelque chose de très spécial!

Nous arrivons finalement à Gansbaai, dans les locaux de la société qui nous loue ces services pour nous permettre de profiter de leurs prestations pendant une longue matinée.

Nous commençons  par tous nous réunir lors d’un petit-déjeuner. Des consignes nous sont données pour le bon déroulement de la matinée à venir. Après des explications pendant plus de 30 minutes, nous signons une décharge et une chartre d’engagements à respecter. Puis nous gagnons le petit port et son ponton qui sont juste de l’autre côté de la rue où nous venons tous de nous retrouver. Nous serons une petite quinzaine sur le bateau. J’aime beaucoup l’échange que j’ai avec les deux anglaises qui m’ont emmenée, mais aussi avec d’autres des personnes qui s’apprêtent à monter dans la même embarcation que moi,  pour un périple assez spécial et unique.

Une fois encore les questions de déontologie peuvent se poser! Cette fois-ci plus que jamais! En effet des appâts frais et sanguinolents sont accrochés à un crochet avec flotteur, agité en permanence par un des employés pour attraper un des plus gros prédateurs marins. Les animaux se rapprochent donc du bateau car ils entrevoient la possibilité d’un festin imposant sans avoir à faire trop d’efforts. Les opposants à cette pratique vous diront que cela modifie l’équilibre biologique naturel et le cycle de la vie naturelle. Qu’en raison de ces activités, ces chasseurs innés se rapprochent de plus en plus de l’être humain, que cela modifie leurs comportements et que cela peut remettre en cause la pérennité de l’espèce, mais aussi a sécurité des hommes et des femmes qui partent en mer! Je suis pleinement conscient de ces aspects et des dérives que cela peut engendrer. Je n’ai pas un argumentaire réel et scientifique, avec de nombreuses données pour contredire les personnes qui s’opposent au «White Shark Cage Diving», je dirais même plus que j’aurais l’envie d’aller dans leur sens.
Mais aujourd’hui, je suis quasiment dans l’unique endroit au monde, où cette activité est réalisable. J’ai toujours imagé que ce rêve deviendrait réalité. La date de ce 22 janvier m’y invite plus que jamais. Je ne vais pas me mettre mes principes «au-dessus des oreilles» et ne pas en tenir compte, mais je relativise l’impact de la matinée à laquelle je participe. Cela est peut-être pour me donner bonne conscience, à moi simple être humain mortel dans la chair et à l’esprit pas toujours aussi clairvoyant qu’il le faudrait! Je peux vous assurer que cette matinée du premier jour de ma 34ième année sur terre reste mémorable.

Nous sommes sur le bateau. Sans trop nous éloigner du rivage, nous naviguons pendant une vingtaine de minutes. Puis le bateau est stoppé au beau milieu de l’océan. La côte est à une distance raisonnable. Si nous ne savions pas pourquoi nous étions venus ici, nous pourrions nous poser des questions. Mais sachant pourquoi nous sommes là, nous n’avons aucune envie de nous mettre à l’eau, ou en tout cas pas sans certaines précautions indispensable. Même si le bateau venait à tomber en panne et que physiquement beaucoup d’entre nous seraient capables de regagner la côte à la nage, je pense qu’à ce moment personne ne l’envisage une seule seconde. L’ombre macabre du film «Les dents de la mer»  est omniprésent. Nous n’avons vraiment pas envie d’en faire un remake même avec une fin heureuse. En revanche, nous espérons bien avoir quelques frissons et pouvoir observer ces monstres des océans de plus près. La légende du grand requin blanc n’est plus à faire. Sa corpulence, sa mâchoire proéminente avec plusieurs rangées de dents acérées, et les quelques attaques mortelles sur l’être humain participent à cette dernière. Une fois encore, la chance me sourit. Nous n’allons même pas attendre 15 minutes pour que le premier spécimen d’une taille raisonnable ; moins de 3 mètres, fasse son apparition. La cage en acier n’a pas encore été mise à l’eau, le responsable de l’activité n’a pas encore fini de donner ces consignes sur le pont supérieur que les premiers cris s’élèvent autour de moi… L’excitation est palpable! Elle est pourtant encore loin d’avoir atteint son paroxysme… Nous nous plaçons tous pour avoir le regard tourné vers cet océan, assez calme en ce début de matinée. Pourtant des vagues d’émotion vont emplir le bateau à maintes reprises. Cela commence par quelques ailerons qui surgissent de nulle part, se rapprochent sérieusement de l’appât, puis replonge dans une eau un peu trouble. La visibilité n’est pas la meilleure possible. Mais elle sera bien suffisante pour en prendre pleins les yeux. De plus en plus, nous voyons de grosses masses se rapprocher de la surface de l’eau. Nous sommes très rapidement loin du petit spécimen d’à peine trois mètres. 2 requins blancs de plus de 6 mètres s’invitent à notre round d’observation. La cage est à l’eau et les premiers plongeurs en apnée osent s’immerger dedans. L’appât est positionné stratégiquement pour que les requins viennent au plus près de la cage, et même qu’ils tapent dedans. Il n’est pas question de sortir les mains de cette protection physique. Les requins arrivent maintenant parfois la bouche grande ouverte pour essayer d’attraper le festin qui leur est promis. Nous en prenons pleins les yeux! Ces requins sont vraiment majestueux et, aujourd’hui, ils ont décidés de nous réserver un spectacle quasiment en continue, avec une intensité plus ou moins importante, selon s’ils se rapprochent plus ou moins du bateau et de la cage. Après quelques minutes plus calmes, la fin de l’expérience sur place va être d’une intensité sans commune mesure. Je suis le dernier dans la cage. Je vais avoir l’occasion de, plusieurs fois, voire deux spécimens de très près, au-dessus de l’eau et sous l’eau! 
Je viens de vivre pleinement un nouveau rêve. Je ne suis pas prêt d’oublier les sensations qui m’ont envahie de la tête au pied. Mon esprit vient de prendre une grosse dose d’adrénaline et d’endorphines combinées.

J’aurais forcément voulu rester plus longtemps auprès de ces légendes de la mer, mais je suis content de les laisser retrouver la tranquillité territoriale océanique, où nous sommes venus jouer les troubles fêtes! J’ai les yeux qui pétillent encore. Certaines images de cette expérience très spéciale ne sont pas prêtes de s’effacer de ma mémoire. En rentrant à l’auberge à Hermanus, nous sommes excités. Musique à fond, fenêtre ouverte, et parfois plus de la moitié du corps en dehors de l’habitacle, nous jouons et rigolons. Je ne vois pas passer le trajet et ne souhaite rien de plus que de bons moments comme ceux-là, pour partager ma journée d’anniversaire. En fin d’après-midi, nous allons nous promener. La soirée sera plus calme que la veille. Nous restons à l’auberge mais le repas partagé et les quelques verres, que je me vois offrir, égaient la soirée. Je ne sais pas de quoi je vais rêver cette nuit, mais mon sommeil sera sûrement agité d’une façon ou d’une autre.
Comme très souvent, je ne traîne pas au lit le lendemain matin. Je décide de poursuivre mon périple en auto-stop. Je voudrais aujourd’hui me rendre à plus de 500 kilomètres de là. Une nouvelle fois la route est longue et je ne sais pas ce que me réserve l’expérience. Je marche beaucoup pour partir en direction de la sortie de la ville. J’attends un peu avant d’être pris ensuite. La personne me reconduit à plusieurs dizaines de kilomètres de là, à l’intersection avec la nationale qui traverse le pays d’Ouest en Est. J’attends ensuite un long moment (tout est relatif car beaucoup d’auto-stoppeurs me diraient que ce lapse de temps est très court vu la situation), mais je vais être récompensé car le couple de cinquantenaire de suédois, qui s’arrêtent à mes côtés, va ensuite m’amener quasiment à destination.  Le trajet est agréable. Après avoir discuté avec eux, je pique même un somme. Au réveil, nous arrivons à l’intersection entre la ville où ils se rendent en bord de mer et la continuation de la nationale qui me mènera dans la ville, où je veux me rendre. J’aurais pu changer d’avis et continuer avec eux jusqu’au lieu où ils rendent. Si je n’avais pas maintenant un ultimatum c’est peut-être ce que j’aurais fait. Mais là, il y a encore quelques endroits que je ne veux manquer sous aucun prétexte. Je décide donc de continuer mon chemin. Je ne sais pas pourquoi je fais tel ou tel choix, mais depuis le début de ce voyage, j’ai toujours le sentiment que c’est le bon et que cela m’apporte toujours que du positif!... Peu de personne l’aurait vécu comme cela au moment où je sors de la voiture. Car il n’y a aucun point vraiment bien pour faire du stop. Je suis le long de la route et les voitures déboulent à plus de 90 km/h. Je ne cesse de lever mon pouce mais mes chances de succès sont maigres Je longe des bidonvilles et même si je ne me sens pas en insécurité, je ne fais pas le fière non plus. Je continue sur plusieurs kilomètres sans succès concernant le fait d’être pris en charge par un nouvel automobiliste. Encore plus d’une demi-heure de marche à pied avec mes deux sac-à-dos, puis un homme va venir me délivrer de cette longue marche qui m’était promise si personne n’avait daigné répondre positivement à mes signes. 

L’homme, qui vient de me récupérer, se promène en fourgonnette. Il s’appelle John. Il a sa propre entreprise de rénovation de maison, d’installation d’équipements de récupération d’eau et de de matériels pour la production d’énergies renouvelables. Nos échanges sont immédiatement intenses et passionnés. Il semble que nous partagions une idéologie assez similaire, de nombreux rêves en commun. Je ne sais pas si cela est superficiel ou non, si la connexion sera si forte que cela mais en tout cas cela permet, de prime abord, d’établir une forte connexion qui le pousse à le prendre sous son aile sans que je ne demande rien de spécial. Il ne va pas seulement m’emmener à Plettenberg Bay! Il me propose très rapidement de m’accueillir chez lui. 

En chemin, nous nous arrêtons dans une forêt originelle, qui comporte des centaines d’espèces, ayant plusieurs milliers d’années. Comme partout dans le monde, elles ne cessent de reculer au profit de terres cultivables, que l’être humain peut plus facilement dompter. Nous prenons un malin plaisir à nous promener sur des passerelles, qui se promènent à travers un havre de paix paradisiaque et luxuriant. Les quelques minutes passés dans ces entrailles verdoyantes sont comme un nouveau souffle acquis dans ce monde, qui suffoque un peu en raison de l’activité humaine intensive… Remontant dans la camionnette, nous nous retrouvons très rapidement de nouveau dans ce monde « qui ne tourne pas rond», en tout cas une planète où tout va vite et où les rapports humains ne sont toujours les plus sains possibles. John est un homme au grand cœur. Avec moi, il se montre généreux. Il me fait visiter la ville dans laquelle il a grandi, nous allons au niveau de supers points de vue sur la côte de l’océan indien, comme nous nous rendons dans des bidonvilles à proximité de l’endroit où il habite. Mais derrière cette personne au premier abord sympathique, je sens quand nous arrivons chez lui qu’il cache de nombreuses parts d’ombres de sa personnalité, qui ressurgissent en présence de ces proches, de sa femme en particulier… Je n’ai pas pu, en cette première soirée assez courte, prendre la pleine mesure du mal-être de cette personne. Mon séjour à ces côtés, d’à peine trois jours, me permettra de cerner différemment le personnage! 

Je devance un peu ce que va être la suite du portrait que je vais finalement pouvoir dresser. En attendant, je suis super content de cette rencontre. Je dors chez lui et dès demain, nous gagnons l’intérieur des terres et le Karoo, que beaucoup considère comme l’Afrique du Sud authentique. En tout cas, il s’agit de territoires beaucoup plus désertiques, où la population réside avec une faible densité. Il a déjà travaillé chez un particulier, qui possède un ranch et une réserve particulière exceptionnelle. Il a, avec ces ouvriers, des travaux de maintenance à faire sur le matériel qu’il a installé il y a plus de 6 mois. Nous y partons pour le week-end. Après une soirée, avec certains de ces amis.
Le réveil sonne à 5h00 du matin. Il fait nuit quand nous quittons Plettenberg. Nous avons pris la camionnette et une remorque bien chargée avec pas mal de matériel et surtout la gazinière qu’il vient de réparer! Nous prenons une route qui passe à travers les montagnes séparant la côté au Sud et une partie beaucoup plus désertique au Nord. Nous assistons à un magnifique lever de soleil entre deux vallons, au-dessus des cimes des arbres. Les paysages traversés sont splendides. Une fois sortie de la petite chaîne de montagnes, nous entrons directement dans des paysages plats et désertiques. La réserve privée de ce couple se trouve près de la petite ville d’Abedeen. Nous sommes très bien accueillis par un couple de retraité chaleureux. Leur maison est immense. Ils ont un nombre de dépendances incroyables, où vit aussi tout leur personnel. Ils ont des centaines et des centaines d’hectares à eux, autour de cette maison, qui se trouvent à proximité d’une falaise. Ils ont plusieurs étangs autour de ce ranch grandiose.

J’aide John et ces deux ouvriers à préparer leurs travaux. Pleins de tâches diverses et variées sont prévues pendant ces deux jours. Puis, j’obtiens un quartier libre, un moment où je vais randonner dans cette réserve privée. Les paysages sont sublimes. Le fait d’escalader le promontoire rocheux me donne accès à une vue imprenable. Je tombe aussi nez-à-nez avec pleins d’animaux. Je passe plus de 2h00 en extase devant le spectacle naturel qui s’offre à moi. Redescendant ensuite dans la vallée, je retourne à la maison des propriétaires de cette réserve. Je finis la fin de journée en aidant pour diverses tâches.

Puis, nous sommes invités avec John à la table de nos hôtes. Le repas servi est exquis. Les vins sont fins et plaisants pour le palais. Nous refaisons ensuite le monde en évoquant divers sujets de géopolitiques, économies, ressources naturelles et les libertés plus ou moins réelles que l’on pense avoir dans tel ou tel pays. Ensuite, nous regagnons la maison tout en bois, réservé à leurs hôtes et qui se trouvent juste à l’extérieur de l’enclos électrifié. Nous dormons vraiment bien. Au réveil, nous avons la chance que le troupeau de girafes de la réserve se trouve juste devant notre maison. Cela annonce encore une belle journée. Encore une fois, nous allons un peu travailler pour finaliser la remise en état de leurs installations mais nous allons aussi et surtout bien profiter de la nature. 

Quand tout est finis, nous remballons le matériel et reprenons la route pour repartir à Plettenberg. Une fois encore, j’ai eu une chance inouïe de rencontrer John et qui me fasse vivre une telle aventure. En revanche, de retour chez lui, les mauvais côtés de sa personnalité resurgissent immédiatement. Il est violent, même si ce n’est que par la parole, avec sa femme mais aussi ces deux enfants. Je n’aime vraiment pas assister à de telles scènes. C’est frustrant de ne pas pouvoir prendre parti et exprimer le fait que je trouve cela vraiment horrible. Ces altercations entre-eux et le non-respect de l’autre viendra entacher cette expérience qui était sinon mémorable. 
Dès le lendemain matin, je repars sur les routes, seul! L’idée est de visiter plusieurs villes de cette partie de la côte sud-africaine qui est réputée comme une des plus belles du pays. Le temps est un peu couvert mais cela ne m’empêche pas de découvrir de belles choses autour de Knysna. En marchant, le long d’un lac, je tombe dans un quartier résidentiel très préservé, il est possible de donner à manger à des animaux semi-sauvages qui se sont faits plus ou moins domestiqués par des humains qui ont commencés à les nourrir. En tout cas, j’aimer le fait de pouvoir leur donner à manger directement dans la main. Il y a un mâle de couleur foncée, un tout petit d’à peine quelques jours, et plusieurs femelles. Je passe de longues minutes avec un anglais venu rendre visite à des amis, et qui me fournit de quoi nourrir ces animaux, dont la beauté est encore plus embellie par un caractère craintif. Après avoir marché de longues minutes, avoir exploré une côté assez belle et sauvage, je trouve une nouvelle personne pour m’amener à la prochaine ville, que je veux découvrir. 
Il s’agit de Sedgefield. Seulement quelques minutes nous suffisent pour atteindre cette nouvelle destination.  Il me dépose sur la national, qui coupe la ville en deux. Je marche quelques mètres avant d’atteindre l’office de tourisme. Renseignement pris, je pars toujours en marchant, portant mes deux sac-à-dos, vers la côté qui est bien entendu la principale attraction de ces lieux. Chemin faisant, je fais alors la rencontre d’un personnage haut en couleurs et qui a une personnalité forte. Ce monsieur a changé de vie quand sa femme l’a quittée quelques années auparavant, il a tout arrêté. Il a tout perdu. Il s’est perdu aussi dans quelques histoires, dans quelques aventures plus ou moins fructueuses. Quand il est revenu sur ces terres natales, il n’avait plus rien. Il n’avait pas non plus envie de vivre comme avant, comme les autres, avec trop de contraintes et des standards imposés par une société capitaliste. Il a donc décidé de vivre dans une petite grotte, en bord de mer. Il a commencé à vivre de ce que lui donnait la nature et depuis plus de dix ans, il continue. Il vend même maintenant des huitres pour pouvoir acheter d’autres choses à manger et malheureusement, je pense, trop souvent à boire. Il est alcoolisé, dès ce matin, cela se voit et se sent! Nous avons, pour autant, un échange très intéressant! Il me propose de mon montrer son «chez lui», où il vit depuis des années. Je décide de le suivre. Sur le chemin, je me rends compte qu’il est intégré à la communauté. Plusieurs  personnes le saluent et lui demandent comment il va. Même s’il est devenu marginal, il n’est pas nuisible aux autres, bien au contraire. D’ailleurs sa grotte se trouve juste en dessous de belles villas. La cohabitation se fait sans problème. Je passe de longues minutes avec lui. Nous continuons à discuter. Je lui propose de lui donner un peu de mes vivres mais il les refusera à plusieurs reprises. Je le salue et continue finalement mon chemin.
Je rejoins les plages que l’on m’a indiquées précédemment. Elles sont magnifiques! J’y passe une bonne partie de l’après-midi. Je profite du soleil, des couleurs dans le ciel, sur le sable ou sur les roches. Elles sont quasiment vide de monde et un sentiment puissant de liberté gagne comme souvent mon esprit. Devant cette immensité bleue plane, qui semble infinie, je me sens vivre. Je respire les poumons grands ouverts. Il me semble ne plus avoir de barrières, ne plus avoir de frontières, de limites à tel ou tel projet. Je vis simplement. Cela me ferait plaisir de le partager, d’échanger avec une autre personne sur ces ressentis et les miens. Mais je vis très bien le fait de vivres ces moments en communion simplement avec la nature.
Revenant sur l’axe principal, c’est une maman et sa fille. Cette dernière commence des études dans la région. Elles me déposent à la prochaine ville. J’aime la dénomination de ce petit village; Wilderness! Je rejoins rapidement la côte pour observer s’il existe ou non une différence avec celle de la ville voisine. Nous ne sommes pas du tout sur les mêmes configurations. Des dunes de sable imposantes, recouvertes de végétation, trônent en face de la mer. Des parapentistes s’y élancent et profite des vents ascendants dû à ces «petites murailles naturelles» qui viennent bloquer la progression du vent. Ce dernier s’est déplacé sans obstacle depuis des centaines et des centaines de kilomètres. Buttant sur ce relief, il monte rapidement et permet aux parapentistes de rester très longtemps à quelques mètres de hauteurs et de jouer devant ces paysages splendides. Mais l’intérêt de Wilderness est aussi à l’intérieur de ces terres. Je pars directement découvrir ces merveilles naturelles. Je commence par me promener dans un écosystème très particulier, encore intact, avec une végétation de petite taille qui entoure un ruisseau mêlant eau salée et non salée. Puis je passe la nuit, dans ma tente au beau milieu de cet endroit protégé.
Le lendemain matin, 27 janvier, je vais devoir attendre que la pluie s’arrête avant de sortir le bout du nez dehors. Vers 8h00, le temps semble vouloir s’améliorer. Je décide donc de plier bagage et me lancer dans la randonnée. J’avais prévu de la faire. Elle est sur les collines environnantes qui arrivent en deuxième rideau après les dunes de sable et les zones marécageuses. La végétation est une nouvelle fois complétement différente de ce que j’avais pu voir à quelques centaines de mètres. La pluie tombe, ici, beaucoup plus abondamment. La forêt est protégée de la salinisation de l’océan. Je pénètre rapidement dans une forêt dense composée d’arbres imposants. La balade longe un cours d’eau magnifique, qui a des reflets ocre-orangés. Je le traverse à plusieurs reprises. Je profite d’une nature verdoyante et dense. J’atteins assez rapidement de belles petites chutes d’eau qui glissent le long de gros rocs. Ces derniers divisent le cours en plusieurs petits ruisseaux qui prennent de la vitesse en raison d’une pression plus forte. Puis l’eau retrouve un peu son calme après être tombé dans de petits bassins. La pluie, qui se joint de nouveau à la fête, pendant quelques minutes, va me faire accélérer le pas. En premier je me mets à l’abri sous les arbres. Puis je regagne la ville de Wilderness. 
Mon escapade sur cette fameuse partie de la côte sud-africaine se termine. Je souhaite maintenant reprendre mon chemin en avant, vers l’Est. Je veux me rendre dans un endroit non moins réputé, qui est Jeffreys Bay! Cette ville côtière est fameuse pour son spot de surf, qui accueille chaque année une épreuve de la coupe du monde! Il y a plus de 400 kilomètres à faire pour l’atteindre. Après que première personne m’ait déposé à la sortie de Plettenberg Bay. J’attends plus d’une heure pour être finalement pris en auto-stop. Mais mon destin me fait rencontrer deux jeunes qui m’offrent une possibilité, que je n’avais pas du tout envisagée. En effet, ceux sont deux voyageurs allemands qui se rendent aussi dans la ville qui est ma destination finale. Ils ont néanmoins sur la route un stop très spécial. Il me demande si cela me dérange. Bien au contraire, mais j’ai maintenant un choix à faire. Vais-je y participer avec eux ou non? L’imprévu a parfois du bon! Je m’étais dit que je ne reprendrais pas forcément part à une telle activité. Elle me plait moins que d’autres dans le même domaine, mais qui sont pour moi beaucoup plus intéressantes au niveau des sensations, du temps passé à vivre l’expérience et bien plus encore… Mais là, je me trouve devant un cas très spécial.

C’est le plus haut du monde depuis un pont, et le moins cher dans la catégorie des sauts à l’élastique d’exception. Il s’agit de celui de «Bloukrans Bridge». Je vais vite prendre ma décision. Mon voyage se termine dans quelques jours, l’aspect financier n’est pas un frein à ce que je puisse faire ce saut. J’ai plus d’une heure trente pour me décider sur la route. Seulement quelques minutes suffisent, je décide de me joindre à eux pour vivre cette expérience. Ils n’ont pas réservé non plus, mais à cette période de l’année, ce n’est soi-disant pas un problème. En effet, quand nous arrivons sur place, il est encore temps de réserver pour s’élancer avec la prochaine vague de sauteurs qui se rendront sous le tablier du pont. Nous achetons donc nos places et pouvons aller admirer, depuis un promontoire, le spectacle des personnes réalisant cette activité avant nous. Je n’ai malheureusement plus de batterie sur mon portable et ma caméra Gopro n’est pas rechargée non plus. Et puis le temps nous est compté. Nous devons partir dans moins de trente minutes. Je n’aurais donc pas forcément de souvenirs vidéo et photos comme pour le précédent. Mais cela n’a alors vraiment pas d’importance. J’y vais pour le plaisir, pour partager cette fin d’après-midi avec des deux jeunes allemands, qui n’ont encore jamais sautés à l’élastique de leur vie. Avec une dizaine d’autres personnes, nous nous apprêtons à vivre un moment intenses. Même si j’avais dit que ce type de saut était beaucoup trop rapide, trop court, par rapport à un saut en chute libre, la sensation de tomber dans le vide et de pouvoir s’écraser au sol, sans l’aide d’une voile de parachute ou de parapente est tout de même impressionnant. Et puis, je n’ai pas fait de «sports extrêmes» depuis trop longtemps, donc je ne pouvais pas passer à côté de cette opportunité qui s’est présentée à moi sur un plateau en or. L’appréhension et l’adrénaline sont toujours présentes même si ça sera mon troisième saut. C’est d’ailleurs ce qui fait que ce type d’activité est si excitant et qu’elle pourrait très vite devenir une addiction, qui transforme cette personne en «adrénaline junky»! Je n’en suis pas du tout à ce point, mais j’aime vraiment ce plaisir de pouvoir défier la gravité et les limites du corps humain. Bref, en cette fin d’après-midi, je vis un nouveau moment fort de ce deuxième séjour en Afrique du Sud. Et je ne suis pas au bout de mes surprises lors de cette journée décidemment très spécial.

Le saut est intense et les sensations très fortes. Je prends un plaisir énorme à revivre un tel moment.   Après avoir été remonté sur la structure du pont, nous regagnons la terre ferme. Je  ne regrette évidemment pas mon choix, bien au contraire. Nous nous séparons du reste du groupe, avec qui nous avons vécu un instant très particulier. Nous mangeons, près de la voiture, sur le parking.
Puis nous reprenons la route, traversons de beaux paysages, avant d’arriver à Jeffreys Bay, deux heures plus tard. Ils vont dormir dans une auberge de jeunesse, où ils ont réservés une chambre pour les deux nuits à venir. J’ai décidé que je dormirais une nouvelle fois dans ma tente, en bord de mer. Mais une fois de plus, le destin et une rencontre vont en décider autrement. Je prends la direction de la plage. Alors que je cherche un peu mon chemin, je passe devant un bar où de nombreuses personnes sont attablées. Un monsieur d’une cinquantaine d’année m’interpelle. Il me demande où je vais et où je pense dormir. Très rapidement l’échange amical s’installe. Il est peut-être un peu sous les effets de breuvages alcoolisés mais il est tout de même conscient de ce qu’il dit et fait. Il est le propriétaire d’une très grande maison qu’il a transformé en appart-hôtel luxueux. Sans hésiter, il me propose de m’y héberger pour les deux nuits à venir et tout cela gratuitement. J’ai du mal à y croire de prime abord et de savoir si cela est quelque chose de vrai et de plausible, ou si ceux ne sont que les paroles d’une personne ayant trop bu. Pourtant la gérante est à ces côtés. Il lui donne l’ordre de prendre soin de moi et de m’assurer que tout se passera bien. Je suis stupéfait de cette nouvelle chance qui s’offre à moi et de la générosité de certaines personnes… En attendant, il est avec trois autres amis, et il m’a invité à sa table! Nous y buvons et mangeons très bien! 

Etonnant, non? Je serais intéressé de connaître le nombre de personnes à qui une histoire comme celle-ci est déjà arrivée. En tout cas, en cette soirée, je me sens le plus chanceux du monde. Nous restons assez longtemps autour de cette petite table, avant finalement que la gérante m’emmène à cet  hôtel. Je découvre un lieu ultra-moderne, un design épuré et des couleurs qui créent une atmosphère bien particulière à chaque pièce et une chaleur différente permettant de se sentir tout de suite à l’aise. Les peintures qui sont exposées sont colorées et très modernes aussi. Après avoir découvert toutes les parties communes, je me rends dans ma chambre qui est juste splendide. Hier je dormais dans ma tente qui prenait un peu l’eau et aujourd’hui je m’apprête à passer la nuit dans une chambre qui se loue normalement plus de 80 euros la nuit. L’inattendu, l’imprévu sont le lot quotidien de ce voyage. Le fait de vivre tout le temps des expériences uniques restera une constante qui m’aura suivi tout le long  de ce périple, de ce Vol Libre autour du Monde. 

En tout cas, après avoir pris une douche relaxante dans une splendide salle de bain, je m’endors dans un lit double au matelas très confortable. Je vais vivre les deux prochains jours dans ce luxe indéniable. 
Il n’y a pas beaucoup de personnes qui résident dans ce bel endroit pendant que je m’y trouve mais cela me convient parfaitement. Le premier jour, le temps est maussade, voire parfois un peu pluvieux. Je me promène pour découvrir la ville et en bord de mer. Les vagues ne sont pas vraiment au rendez-vous. Cette journée ne sera pas à classer dans les annales concernant la météorologie mais elle aura eu au moins le mérite de me donner encore plus envie de profiter de cet hôtel. La gérante est très sympathique et nous allons échanger sur de nombreux sujets. Dans un supermarché, je m’achète de quoi cuisiner pour le déjeuner et le dîner. Je passe une finalement une journée agréable. A ce moment-là, peu importe presque où je me trouve dans le monde, je prends juste le temps de prendre le temps! 

Le soir, nous allons boire un verre avec deux touristes, la gérante et une des personnes, qui était présente la veille. La soirée ne prendra pas la même ampleur que la précédente soirée mais cela est sûrement mieux comme cela… Il annonce grand beau temps pour le lendemain et j’ai vraiment envie d’en profiter avant de continuer ma route. 
Dès le lever du soleil, je suis donc en bord de mer avec mon maillot de bain. Les vagues ne sont pas démentes, mais j’avais tout de même envie de faire une petite séance de surf avec une des planches de l’hôtel. L’eau n’est pas vraiment chaude mais je prends un malin plaisir à monter  sur la planche et essayer quelques glissades plus ou moins contrôlées… Je pourrais détailler de manière beaucoup plus approfondi cette séance de surf, mais comme beaucoup  d’activités de cet acabit, il n’y a rien de mieux que de la vivre pour comprendre le plaisir éprouvé lors de sa pratique.

Puis, ayant remis la planche à l’hôtel, je profite de ce soleil pour me promener le long de la côte. Le spectacle est simplement splendide. Les heures passées au soleil sont mémorables. Je profite de ces derniers moments en bord de mer. 
J’aurais aimé découvrir un peu plus cette côte et continuer vers l’Est, qui est connu pour être au moins aussi belle et de plus en plus sauvage. Mais les heures, les jours s’écoulent. Mon vol est programmé dans moins de 4 jours et il me reste plus de 1100 kilomètres à faire pour rejoindre Johannesburg. Comme depuis le début de ce deuxième périple dans le pays, je veux l’effectuer en auto-stop. Je n’ai aucune d’idée de combien de temps cela pourra me prendre. Je veux aussi revoir Naledi, rencontrée à Windhoek, Namibie.  Mon séjour à Jeffreys Bay se terminant, je décide de prendre directement la direction du plus grand pôle économique de l’Afrique…

Alors que je marche le long de la route pour sortir de Jeffreys Bay, un des employés de l’hôtel s’arrête à ma hauteur et me propose de m’emmener jusqu’à la national. Le début de ce périple est prometteur et cela se confirme très rapidement. C’est ensuite deux personnes, qui déménagent, qui me prennent dans la benne de leur pick-up. Je suis coincé entre un meuble et la rambarde extérieure. J’ai suffisamment de place pour ne pas avoir peur de tomber, mais à peine pour être à l’aise. Ils me laissent  80 kilomètres plus loin alors qu’ils bifurquent vers une ferme, où le fils s’installe. Ils me trouvent immédiatement un autre camion qui continue plus loin vers l’est. Une fois encore, je me retrouve à l’arrière, les cheveux volant au vent, et une vue imprenable pour profiter des paysages.  Dans un pays, où souvent les personnes font payer les auto-stoppeurs, je m’en sors très bien en trouvant toujours la gratuité et cela va plutôt vite. Ce travailleur m’emmène jusqu’à la jonction de deux routes majeures. Il continue vers l’est alors que je m’apprête maintenant à remonter vers le Nord. Bientôt la boucle dans le sud de l’Afrique sera bouclée. J’ai vécu et je vis une aventure unique!

Ce ne sont pas les prochaines heures de ce voyage qui contrediront cet état de fait et comment je perçois cela mentalement parlant. A ce carrefour, je marche pour trouver un bon endroit pour lever mon pouce et requérir la possibilité  de continuer mon trajet dans un autre véhicule… La route n’est pas très fréquentée mais des véhicules passent régulièrement. Pendant plus d’une heure, je n’ai pas la chance qu’une personne s’arrête. Mais le monsieur qui finalement stoppe son véhicule pour moi me donne l’opportunité d’avancer encore grandement vers la destination finale. Nos discussions sont intéressantes. Il n’a jamais pris d’auto-stoppeur avant moi, mais il s’est totalement senti en sécurité quand il m’a vu. Il a donc décidé de faire une exception et de s’arrêter. Nous arrivons là où il habite vers 16h00. Je ne pense alors pas avoir beaucoup de chance de trouver une autre voiture avant la nuit. Je décide tout de même de sortir une nouvelle fois de la ville, tenter ma chance. Au pire, je me résignerais ensuite à passer la nuit sur place dans ma tente.  Plusieurs voitures passent encore et encore. L’auto-stop est un art de patience, de persuasion, de sourire, et de petits détails qui peuvent faire la différence.

Je ne sais pas ce qui provoquera la prochaine rencontre, mais ces deux sud-africains conduisant un camion vont être la plus belle option que je pouvais trouver. Ils me demandent où je me rends, et combien je serais prêt à payer. Je leur explique ma philosophie du voyage, pourquoi je n’ai pas envie de procéder comme cela. Ils me disent tout de même de monter avec eux. J’ai toujours une bonne étoile au-dessus de ma tête. En effet, premièrement, ils se rendent à Johannesburg et ensuite ils comptent s’y rendre le plus rapidement possible. Ils ne savent pas encore s’ils feront le trajet d’une traite ou non, mais je sais que je devrais être dès le lendemain arrivé à destination.  Je suis heureux de voir que la couleur de peau n’a cette fois-ci pas d’influence dans le choix de tel ou tel auto-stoppeur. J’ai déjà pu le constater tellement de fois lors de ce voyage, que ce soit en «ma faveur» ou non. Et cela peut se comprendre assez facilement. L’Apartheid est officiellement fini mais cela persiste plus que jamais dans la vie de tous les jours. J’aime finir ce périple par une telle démonstration. J’aimerais tellement que l’on n’est plus à évoquer de tel sujet, ici, dans ce pays, et partout ailleurs dans le monde. Pour moi aucune différence. Je n’aurais pas évoqué ce sujet, si nous n’en avions pas débattu avec ces sud-africains très ouverts d’esprit. Le long trajet de plus de 12h00 est très plaisant. Nous discutons, partageons un repas… Ils prennent la décision de ne pas faire de long stop. Nous ferons des pauses seulement pour remplir le réservoir, aller aux toilettes et se dégourdir les jambes quelques minutes.  Je somnole plusieurs fois pendant la nuit, mais je ne dormirais jamais vraiment. La vie s’arrête toujours un peu lors de ces trajets de nuit. C’est encore mieux qu’en bus, dans ce camion, où j’ai une grande vue sur la route alors que je ne conduis pas.
J’aurais vraiment cru que j’allais mettre plus de 48h00. Je mets finalement  moins de 24h00. Nous arrivons au petit matin. 

Nous sommes vendredi et Naledi travaille jusqu’en début de soirée. Je vais explorer un peu le quartier où ils m’ont déposé. C’est un quartier populaire avec des petits marchés, beaucoup de vie et d’affluence autour de la gare routière. Il est très animé en ce début de journée; heure où tout le monde part au travail, fait son trajet entre son domicile et le lieu qui lui permet de gagner sa vie... En fin de matinée, je me rends près du lieu de rendez-vous que nous avons fixés avec Naledi. Pour cela, je dois passer par le centre-ville de Johannesburg, que j’avais déjà visité lorsque j’étais arrivé la première fois dans le pays. A la gare routière, je demande lequel, parmi des dizaines et des dizaines de minibus, se rend dans le centre de Johannesburg, près de la station de Gautrain. Ce dernier me dépose dans une rue quelconque, qui est son terminus. Je ne veux pas prendre le Gautrain, mais un minibus qui se rendra dans un grand centre commercial, où Naledi viendra me chercher. En quête de la bonne direction pour me rendre à la station, je demande mon chemin à une première personne. Celle-ci est surprise mais heureuse d’essayer de m’indiquer au mieux l’itinéraire à suivre. Soit, je n’ai pas vraiment compris les renseignements donnés, soit ces derniers n’étaient pas si précis que cela, mais je ne retrouve pas directement la bonne direction à suivre. Un homme m’interpelle alors et me demande si je cherche quelque chose. Je lui dis alors l’endroit où je désire me rendre. Ce jeune homme d’une vingtaine d’année semble heureux, non seulement de m’indiquer le chemin, mais il veut se charger lui-même de m’emmener sur place. Je lui dis que c’est très généreux mais qu’il peut m’indiquer simplement la direction que je dois prendre. Il insiste. Puis son comportement va petit-à-petit changer. Je sens déjà que ces intentions ne sont pas que de la simple générosité pure. Plus nous nous rapprochons de l’endroit où je veux me rendre, plus il insiste, avant finalement de me demander de l’argent. Il demande une somme énorme par rapport au service rendu. Je lui dis que je n’ai pas cette somme avec moi, que j’ai juste ce qu’il faut pour prendre le minibus et me rendre à l’endroit choisi. Il continue de persévérer dans ces demandes. Il est néanmoins hors de question que je cède. Il en arrive donc très rapidement au chantage. Puis se rapprochant de moi, il sort un couteau et me menace de me le planter dans l’abdomen. Dans d’autres situations, je n’aurais pas insisté et j’aurais donné une somme d’argent, somme toute dérisoire, si on le rapporte à de nombreux autres choses. Mais mon instinct me dit qu’il ne passera pas à l’acte, encore moins dans les rues bondées de cette fin de matinée, où son acte ne passerait pas inaperçu. Déjà, tout le monde ne cesse de se retourner sur mon passage, ou de me fixer du regard. Ça doit être déjà assez rare de voir un homme blanc se promener seul dans ces rues du centre-ville, et encore plus je pense avec deux sacs-à-dos qu’il porte lui-même. J’ai peut-être pris un risque en choisissant cette option, en résistant. J’ai peut-être été dans une situation où ma vie était en danger… il n’en est finalement rien! Ce jeune est un «opportuniste» qui s’est servi de la peur et intimidation pour essayer de gagner de l’argent facilement. Voyant que je ne céderais pas, il décide de s’éloigner de moi, de m’insulter, avant de disparaitre à un coin de rue. Même si j’avais confiance en mon jugement, et ma force de persuasion contraire, mon cœur a palpité à mille à l’heure. Avec l’adrénaline de l’action, je ne l’avais pas ressenti. Mais maintenant que le danger est écarté, je ressens vraiment l’état psychique et physique dans lequel s’est trouvé mon corps pendant quelques longues minutes… Je suis dans la rue où les minibus partent pour «Rose Bank», la tension retombe finalement. Mon rythme cardiaque ralentit progressivement. C’est assez étonnant ce sentiment fort d’être en vie quand on a envisagé, pendant une seconde, de perdre cette dernière. Je n’ai peut-être jamais été aussi heureux de monter dans un minibus. C’est fou comme le danger se trouve toujours prêt de nos semblables et très souvent dans les grandes villes où la jalousie et l’envie sont démultipliés par les standards d’une société de consommation capitaliste, où il faut toujours avoir plus, pour soi-disant s’offrir son bonheur. C’est fou de n’avoir eu aucun problème alors que je viens de faire du stop pendant des milliers de kilomètres dans un pays réputé dangereux et que c’est finalement lors d’une étape banale, à l’arrivée dans une grande ville, que j’aurais pu avoir des problèmes. Mais je ne veux retenir que les aspects positifs de cette fin de séjour, de me dire qu’une bonne étoile a toujours veillé sur moi. Même ce dernier événement est en fait une très bonne chose, ou en tout cas cela n’a pas de conséquences physiques et cela n’altérera en rien ma vision de ce séjour… Le minibus démarre! Une page un peu spécial de cette fin de voyage se tourne.

A Rose Bank, j’ai le sentiment d’être atterri dans un monde complétement différent de celui que j’ai quitté il y a quelques minutes seulement. Je me pose dans un centre commercial gigantesque. J’y profite de la gratuité de la Wifi.  C’est ensuite, en fin d’après-midi, un plaisir de retrouver mon hôte pour les derniers jours dans ce pays. Je le dis et le pense depuis le début de ce voyage. Ce Vol Libre a quelque chose d’’exceptionnel en raison des personnes rencontrées, des territoires visités, de la magie de certaines sites ou de certains moments vécus! Mais c’est aussi la vie dans toute sa simplicité. Il y a des constantes qui font que, malgré nos différences, nous sommes tous égaux. Nous avons des envies et besoins très similaires… Par exemple, la première chose, que nous faisons avec Naledi, est faire des courses avant de rentrer chez elle. Cette soirée se passera au calme. Nous allons cuisiner, discuter autour d’un bon repas et d’une bonne bouteille de vin. 
Le programme du week-end est assez chargé. Nous choisissons donc de ne pas veiller trop tard surtout que nous avons accumulés tous les deux un peu de fatigue. Au réveil, le samedi matin, je commence par aller courir, pendant que Naledi part à sa gymnastique, comme tous les week-ends. Je découvre le quartier dans lequel elle habite, avec un autre regard. Quand chacun à finit son début de matinée sportive, nous partons pour diverses activités. Nous commençons par rejoindre une colline qui surplombe le quartier, où elle habite. Depuis sa hauteur, je prends conscience de la topographie où a été construite cette ville. Elle est en altitude, dans une zone très vallonnée. Comme d’habitude, j’aime prendre de la hauteur pour observer ce qui m’entoure, le monde. Naledi ne le savait pas mais elle me fait un vrai cadeau pour continuer cette matinée… 

Ensuite, elle m’emmène à «Down Town», ou «Johannesburg city center». Même si ce quartier est encore malfamé, la mairie de la ville essai depuis quelques années de le réhabiliter. Elle veut lui redonner une vie décente, alors qu’il était tombé dans la déchéance la plus totale. Certains grands groupes sont restés sur place, des bâtiments ont été remis à neuf, des habitations ont été remises au goût du jour, mais aussi des anciennes usines ont été utilisées pour en faire des lieux de rencontre, de partage et d’échange avec des petits marchés, des galeries d’art, des restaurants, des bars! Nous nous rendons dans un de ces lieux qui a ouvert il y a seulement quelques mois. L’endroit est très sympa et «branché». Nous prenons le temps de prendre part à diverses dégustations sur des étals de produits de qualité. Puis nous nous accoudons à une table et sirotons un cocktail très agréable. Des amis à elle nous rejoignent. Sans que je me rende compte, les heures s’égrènent et le début de soirée arrive à grands pas. Nous saluons ce premier groupe d’amis, et rentrons pour nous changer. Son appartement est sur la route de l’endroit, où nous allons passer la soirée. 

Nous rejoignons un groupe d’expatriés et de locaux, qui souhaitent vivre un bon moment, partager leurs expériences et couper cette solitude qui peut exister, parfois, lorsque l’on se trouve loin de chez soi. Nous avons rendez-vous dans un restaurant branché et chic. Ce genre de soirée peut être rapidement assez glauques et ennuyantes, si les individus qui si rendent ont des personnalités peu intéressantes. Nous sommes aux antipodes de ce stéréotype en ce 31 janvier. Les personnes ont toutes des parcours très intéressants, des histoires et des anecdotes de vie, qui valent le coût d’être partagées. Je passe une belle soirée. Les discussions sont infinies. Nous prenons tous des tapas différentes, que nous partageons. Autour de minuit, les premières personnes quittent les lieux. Comme un effet de domino, tout le monde décide de rentrer sachant qu’ils ont des vies bien chargées, même pendant le week-end. Je me suis surtout rapproché des cinq individus, très différents, soit dit en passant, qui étaient proches de moi à la tablée. Nous nous remercions mutuellement du moment que nous avons partagés. Ils sont heureux d’avoir fait ma connaissance. Ils me disent tous qu’ils espèrent bien me voir lors du prochain rendez-vous. Je leur explique que je ne reste pas et que je serais très loin d’ici, lors de leur prochaine rencontre.

Cette question ou affirmation me fait prendre conscience plus que jamais de quelque chose d’important et parfois dur dans ce voyage. J’ai fait des dizaines, même des centaines de belles rencontres pendant ce Vol Libre. Avec certaines j’ai partagé quelques minutes, quelques heures et avec d’autres plusieurs jours ou semaines. Il y a beaucoup d’être humain, des deux sexes, avec qui j’aurais pu lier de forts liens d’amitié. Mais le constat est à chaque fois le même! Je pars, je continue mon aventure et je ne reverrais probablement jamais tel ou tel individu. Dans toutes les «belles personnes» que j’ai rencontrées, avec qui j’ai partagé des moments plus ou moins forts, je pense que je n’aurais pas la chance d’en revoir plus de 2%. Le monde est tout petit mais gigantesque à la fois. Je ne peux pas faire un tour du monde de 3 ans et demi tous les ans, pour revoir tout le monde. Peu de personne voyage finalement et même s’ils arrivaient, qu’ils se déplacent, près de l’endroit où je me trouve, d’ici là, la communication aurait sûrement été coupée. Nous ne serons même pas que nous nous trouvons seulement à quelques kilomètres l’un de l’autre alors que des milliers de kilomètres nous ont séparés pendant très longtemps. Je suis conscient que c’est la vie qui veut cela et encore plus la vie d’un voyageur au long cours toujours en mouvement. Je sais simplement pourquoi, j’ai envie de me poser quelque part pour construire et avoir la chance de voir, revoir et voir encore des personnes avec qui j’aurais décidé de construire, au moins une partie de ma vie, que ce soit avec mes proches, des amis, ma petite-amie, des collègues, des habitués de lieux que je fréquenterais…. C’est un facteur très intéressant lors de ce voyage. Au cours de ces derniers jours j’en ai pleinement conscience et cela m’atteint plus que jamais. 

Personne ou presque est motivé pour prolonger la soirée et sortir en discothèque. Avec Naledi et deux autres personnes, nous n’avons tout de même pas envie de l’arrêter à ce moment-là. De plus, ils lui ont demandés si elle pouvait les déposer chez eux. Arrivé à destination, ils nous proposent alors si nous voulons boire un dernier verre. Nous acceptons et allons rester jusqu’à quatre heure du matin. 
La journée du lendemain est un peu dans la même dynamique. Nous fréquentons plusieurs endroits branchés de la capitale économique du pays. Entre galerie d’art, bars dansants, et partage avec des amis à Naledi, la journée s’évapore comme neige au soleil…
La transition est toute trouvée. Ici c’est la fin de l’été, mais la destination où je me rends dès le lendemain est encore en pleine période hivernale… le week-end fut intense et animé et le lundi matin, 2 février 2015, se profile alors.

Je pacte mon sac-à-dos pour une des dernières fois avant très longtemps. Naledi me dépose à Rose Bank avant de partir travailler. Je file au consulat récupérer mon passeport qui a été renouvelé. Il avait été compliqué d’en faire la demande, en raison d’un problème informatique, mais ce n’est qu’une simple formalité pour l’obtenir. Sur mon ancien passeport, le deuxième de ce voyage, un visa est en cours. La femme en charge de la remise du passeport, y impose juste un tampon qui le rend obsolète. Je peux et dois néanmoins le conserver pour la sortie du territoire et donc aussi, je pourrais le conserver avec moi. C’est un des plus beaux souvenirs physiques de ce périple au long cours. Je ne réalise pas encore mais par choix, j’ai décidé, en ce jour, de mettre fin à mon Vol Libre. Plusieurs paramètres et facteurs rentrent en compte pour cette prise de cette décision. J’aurais pu rester encore quelques mois sur les routes, pourquoi pas une ou deux années, mais quelque chose et surtout quelqu’un me poussent un peu à rentrer. Je ne réalise pas encore vraiment, mais le vol d’Etihad que je prends en fin d’après-midi va me conduire à Abu Dhabi, puis à l’aéroport Charles de Gaulle en France. Je ne rentre pas pour un court séjour, comme pour surprendre tout le monde à Noël 2013. Je rentre pour un temps indéfini. Une nouvelle fois, personne n’est vraiment au courant. Je tenais à effectuer un nouveau retour comme cela, pour rester dans la même dynamique  de mon voyage, où l’imprévu a toujours été légion… Je décolle donc de l’Afrique du Sud avec pleins de souvenirs en tête… L’épilogue et son histoire ne sont pas encore écrits sur le marbre, mais je les envisage de la meilleure des façons!
Je vous conterais ces derniers dans un prochain article...