Entre les deux volontariats, nous prenons trois jours pour profiter
de la ville de Banos, de tous ces attraits autour de la nature et des activités
sportives. Je reviendrais un peu plus longuement sur ceux-ci, dans le prochain
article du blog, consacré à nos visites de différents lieux en Equateur
continental.
En ce 28 Mai, nous arrivons au refuge des animaux, qui se
trouve, près de la ville de Puyo. Ce dernier a été créé en 2007, par Yvan
Bouvier et sa compagne Véronique Grand, qui est depuis parti. De nationalité
Suisse, et après avoir vécu depuis 2002 à Puyo, ils décident de créer la
fondation suisse-équatorienne «Los Monos, Selva y vida» (Les singes, jungle et
vie). L’idée est simple; se
consacrer à la conservation de la faune,
de la flore et des traditions indigènes amazoniennes. Au jour d’aujourd’hui,
l’idée principale est de sauver les animaux qui peuvent encore l’être, malgré
la destruction d’une grande partie de l’écosystème équatorien. La déforestation
est une catastrophe pour l’Amazonie et les animaux qui y vivent.
Malheureusement, l’environnement n’est pas la principale préoccupation du
gouvernement, qui tente d’exploiter un maximum de ressources naturelles et
donnent des autorisations non contrôlées, pour augmenter la domination des
activités humaines sur l’ensemble de son territoire. Après seulement quelques
années d’exploitations intensives de cette partie du pays, la forêt amazonienne
est en grand danger.
L’idée principale de ce centre fut au début de se considérer
comme un centre de réhabilitation puis de libération. Ils ont récupérer et
récupèrent encore des animaux, principalement des singes qui ont été élevés
comme des animaux domestiques, puis laissés à l’abandon. Beaucoup d’entre-eux
ont été maltraités, parfois gravement. Il y a aussi les animaux qui ont été
retrouvés blessés, en pleine nature, souvent en raison de pièges de
braconniers. Il y a aussi les orphelins qui ont perdus leurs parents pour telle
ou telle raison et qui ne pouvait pas encore vive indépendamment dans la
nature… De multiples raisons font que ces animaux ont pu être adoptés, dans ce
centre, après qu’ils y aient été emmenés. Le projet était donc de les soigner,
de leur procurer les besoins primaires et d’étudier ensuite la possibilité de
les relâcher en nature. Mais l’aboutissement de ce cycle complet semble
vraiment incertain. En effet la disparition de leur habitat naturel complique
grandement leurs réintroductions, pour qu’ils puissent survivre dans le temps.
Ensuite, beaucoup n’ont jamais connu la vie sauvage. Ils ont toujours eu besoin
des hommes pour subvenir à leurs besoins primaires. Ce n’est pas sûr, que seuls
leurs instincts primaires leur suffisent pour chasser, se nourrir et savoir où
en trouver. Un projet de plus grands ampleurs serait d’obtenir un terrain dans
une réserve naturel et assurer un suivi important avant, pendant et après la
réintroduction de chaque animal. Mais pour la réussite d’une telle mission, il
faudrait un appui important des autorités locales et le soulèvement de fonds
très importants. «El Paseo de Los Monos» comme le conçoit Yvan verra-t-il un
jour son avènement?
Nous savons en tout cas, en arrivant, que cette fondation
est très loin de cet objectif ultime. Elle doit se contenter, pour survivre,
des visites touristiques dans ces locaux mais aussi des volontaires qui paient
une certaine somme, assez importante. En
effet, en comparaison avec ce que nous avions vu dans le reste du pays et suite
à l’expérience avec Ahuana, nous ne comprenons pas vraiment ce différentiel.
Mais nous étions vraiment tentés par cette expérience, surtout que nous avions
eu de très bons échos de volontaires qui avaient faits des missions auparavant
sur place. Nous n’avions pourtant pas tous les éléments à notre connaissance
pour savoir ce qui nous attendait. Ces volontaires sont venus quelques années
auparavant, quand la femme d’Yvan était encore présente. Nous n’avons pas eu de
retours très récents. Quelques brides d’informations reçues par Ophélie, qui
travaille pour l’Alliance Française, ne sont pas si réjouissantes que cela.
Nous avons un engagement. Nous voulons le tenir et aller voir par nous-même. De
plus, nous aimons vraiment l’idée et le concept de ce refuge. Nous aimerions
aider des animaux, leur apporter notre aide en espérant qu’un jour ils puissent
retourner dans leur habitat naturel. Mais que nous réserve ce temps passé dans
ce centre?
Nous avons très rapidement les premiers éléments de réponse.
Quand nous arrivons, un des deux employés équatoriens de l’association nous
reçoit. Il nous mène dans la maison qui trône au milieu du parc, où sont
concentrés les animaux. Nous faisons la connaissance de Samantha et Keran, qui
étaient seulement venus pour visiter les lieux après une recommandation d’amis
et qui finalement restent quelques jours avant de continuer leurs périples.
Nous rencontrons aussi Rémy, français, lui aussi, qui aura passé en tout 15
jours sur place et qui s’apprête à repartir. Ces personnes sont sympathiques
même si j’ai l’impression que nous ne vivons pas vraiment dans le même monde.
Rémy, par exemple, nous montera par la suite de nombreuses qualités. Mais au
premier abord, rien ne semble le présager. Nous arrivons dans une maison
désordonnée, sale,… Elle est, qui plus est, en pleine forêt. L’humidité y est
très forte.
La chambre qu’Yvan nous offre est sale. Il y a pleins de
terre, de crotte d’animaux. Pourtant, nous n’avons pas encore vu le pire des
cauchemars pour Lucie. Nous ne savons pas trop comment analyser la situation
mais la première impression est très spéciale. Nous commençons plus ou moins
directement par du ménage dans la maison en passant le balai et la serpillière.
Ce n’est pas vraiment ce que nous avions prévus de faire pour aider les
animaux. Ensuite, il nous parle du projet d’actualité; la construction d’une
cage pour un petit singe nocturne dénommé Kinki. Cette cage est faite à l’aide de fils métalliques entrelacés. Je
veux bien aider pour finaliser cette cage, mais je ne suis pas sûr que cela
passionne Lucie. Qui plus est, j’aimerais plutôt les aider à sortir de leur
emprisonnement plutôt que dans créer un nouveau pour eux. Nous sentons tout de
suite qu’Yvan est une personne singulière. Ce mot semble contenir de très bons
côtés, avec une passion pour les animaux et leur sauvegarde, mais d’un autre
côté aussi, un aspect pervers, narcissique, avec peu d’empathie, pour ne pas
mâcher mes mots. Il semble totalement décaler de la réalité de notre monde. Il
ne tient pas compte des besoins des personnes qui viennent lui porter un coup
de main… Pourtant, nous n’allons tout de même pas partir en courant. Nous nous
laissons quelques jours pour essayer de jauger la situation. Nous voulons
mettre en valeur les aspects positifs de cette association.
En faisant le tour du propriétaire, nous prenons conscience,
d’ores et déjà, de la beauté des lieux. Los Monos se trouve au bord d’une
magnifique forêt. Le centre est délimité par un très beau court d’eau. La
plupart des animaux vivent dans ces enclos semi-ouverts, avec de petites
barrières électrifiées. Ils pourraient sans soucis les franchir, s’ils en
avaient vraiment envie. La plupart des singes ont accès aux arbres dans leurs
enclos. Ils vivent en groupe et peuvent continuer de créer ces clans si
importants pour eux. Il y a plus de 190 pensionnaires dans ce centre. Tous ne
sont pas des singes! Il y a aussi un petit félin, des cochons sauvages, des
serpents et d’autres mammifères de petites tailles, originaires des forêts du
pays.
Avec Samantha, Lucie se voit octroyer une tâche compliqué,
totalement en dehors de ces compétences, de leurs compétences! Sissa est une
femelle singe, un singe laineux ou Lagothrix.
Elle est tombée malade quelques jours auparavant. Le centre possède un
local spécial dédié à l’isolement des animaux malades. Mais Yvan ne respecte
aucune règle. Il a décidé qu’un dortoir lui est consacré. Elle est installée
dans un lit dans une couverture. Il ne prend pas le temps de s’occuper d’elle.
Il ne veut pas faire appel à un vétérinaire. Il dit que ces derniers n’ont
jamais fait du bon travail et qu’ils n’ont pas de solutions à ce problème… Il
demande à Samantha et Lucie d’utiliser leur instinct maternel (même si elles
n’ont jamais eu d’enfants toutes les deux). Elles tombent toutes les deux des
nues mais elles vont essayer tout ce qu’elles peuvent, pour aider ce petit être
meurtri dans sa chair. Quand nous voyons Sissa, pour la première fois, dans sa
chambre, nous prenons conscience de son état très grave. Elle est tellement
affaiblie, qu’elle a du mal à bouger ou même à ouvrir les yeux. Les filles
essayeront de lui offrir des soins palliatifs les plus appropriés, pour éviter
les douleurs, et avec le peu de moyen à leurs dispositions. Malgré la chaleur,
elle semble frigorifiée. Les filles chauffent une bouillote et elle lui installe
sous le corps. Elle recouvre Sissa de plusieurs couvertures. Elles lui donnent
aussi à manger avec une pipette, malgré qu’elle régurgite la plupart de la
nourriture avalée. Cette situation va grandement affectée ces deux personnes
très sensibles qui sont à son chevet. Elles passent des heures et de heures,
près d’elle, dès la première journée. Elles voient alors son état de
détériorer. C’est déjà difficile, pour moi, d’assumer cette situation en ne
faisant que quelques brefs passages près de Sissa. Je n’ose pas imaginer la
difficulté pour Samantha et Lucie, qui n’ont jamais été confrontées à de
l’accompagnement palliatif. Elle est mourante. Elle a de nombreux
comportements, comparables à un être humain, ce qui rend la mission encore plus
difficile pour les filles…
Lucie ne va pas très bien dormir. Sissa ne sera pas son seul
«souci» de la soirée. Après avoir mangé, avoir eu pleins de discussions
intéressantes autour de la table, nous allons dans notre chambre. Le pire
cauchemar pour Lucie est alors en place. Sur le plafond, des dizaines de
cafards grouillent. Ils se déplacent le long des poutres en bois. Sachant la
réputation de ces derniers et l’horreur qu’en a Lucie, nous ne pouvons pas
rester dans cette situation. Encore une fois, Lucie fait face à quelque chose
qu’elle déteste. Malgré ce vrai calvaire, elle garde son sang-froid. Elle ne
part pas en courant. Elle propose même très vite une solution alternative. Elle
me dit que nous pourrions mettre la tente sur le lit. Solution très astucieuse
pour garder le confort du lit, tout en ayant une protection contre les cafards
qui pourraient venir nous chatouiller les oreilles pendant la nuit. Une fois la
tente installée, nous pourrons nous endormir! Nous ne savons pas, avec tout ce
que nous avons découvert, si nous allons pouvoir tenir aussi longtemps que nous
l’avions envisagé.
Pourtant, nous sommes presque contents de nous réveiller le
matin de voir que la tente a été hermétique et que les cafards ont un peu
disparus, au moins de notre champ de vision.
Cette journée semblera comme un vrai éclairci, après le sombre tableau
que nous avons pu dresser la veille. Sissa semble soudainement en rédemption.
Elle semble reprendre des forces. Elle peut presque bouger le haut de son corps
de façon autonome. Elle va même manger des fruits, en cette matinée, en
utilisant sa main. C’est vraiment agréable d’un point de vue visuel mais cela
sera-t-il suffisant pour qu’elle guérisse?
Suite à cela, nous préparons la nourriture pour tous les
autres animaux avec l’employé de la fondation. Puis nous faisons la
distribution auprès de chacun d’eux en prenant notre temps, en leur parlant, en
communiquant avec eux. Nous respectons un certain protocole pour être sûr que
chacun des animaux dans l’enclos aura le droit à sa part. C’est incroyable de
voir parfois la ressemblance dans leur comportement avec ceux des êtres
humains. Dans les meilleurs aspects comme dans les pires, tels que la cupidité
ou l’égoïsme et l’individualisme. Certains se jettent sur la nourriture et prennent ce qu’ils
préfèrent, comme les cacahuètes et certains fruits, puis partent en courant en
protégeant leur acquisition. D’autres dévorent leur plat en moins de quelques
secondes. C’est intéressant de voir aussi comment le félin joue avec le poulet
que l’on vient de lui jeter vivant, avant de le tuer définitivement, puis de le
dévorer.
Nous essayons d’établir le plus de contact avec ces animaux.
C’est drôle de voir que certains montrent leurs dents. Ils sont impressionnants.
Ils semblent menaçants. Ils seront souvent et finalement les animaux les plus
dociles et les plus sympathiques. Comme quoi, il est parfois difficile
d’analyser certains comportements quand on ne connait pas le mode de
fonctionnement de l’être qui se trouve face à nous…
Pendant que Lucie continue d’assister Sissa dans sa
réminiscence, je continue de travailler sur la cage de Kinki. Je finalise la
partie qui se trouvera à l’intérieur de la maison, au bout du tunnel. Elle
l’amènera si elle veut, la nuit, à venir partager un peu de temps avec nous.
Pour finaliser la mise en place de cette cage, je rentre par la petite porte
que j’ai aménagée. Elle servira, par la suite, à introduire sa nourriture.
Cette image est assez marrante, car c’est alors moi l’animal en cage, dans un
espace très restreint. Bizarrement pour une fois, je ne m’y sens pas si mal que
cela. Alors que je suis heureux de finir une partie du travail que les autres
ont commencé, plusieurs jours auparavant, Samantha et Lucie nous apportent, à
table, une mauvaise nouvelle. Sissa est de nouveau mal en point. Elles sont
inquiètes pour elle, mais Yvan semble impuissant, même détaché je dirais.
En ce début de soirée, Yvan part avec Rémy, pour son dernier
jour, pour réaliser une troisième et dernière séance Ayahuasca. La description
que m’en fera Rémy me fait dire que c’est sûrement une séance d’un charlatan. Car,
on ne fait pas normalement une expérience de ce type en si peu de temps, sans
préparation,… Mais une fois encore, je ne me permettrais pas de juger sans
avoir expérimenté cela avec lui, et en n’ayant qu’une expérience de la sorte,
quelques années auparavant, dans un petit village de la forêt amazonienne
péruvienne. Nous passons une bonne soirée avec Samantha et Keran. Nous parlons
de voyage, de projets, de la vie dans ce monde un peu fou!
Le lendemain, je pars avec Yvan pour faire le
réapprovisionnement de masse des fruits et légumes principalement. Nous partons
pour Ambato; ville principale de la région, le long de la panaméricaine, qui
coupe le pays. Cette route est surnommée dans la portion, qui traverse le pays;
l’allée des volcans. Avant le départ,
j’ai une surprise de taille. Je peux admirer le volcan Sangay totalement
dégagé. Culminant à 5230 mètres d’altitude, avec son cône supérieur recouvert
de neige, il est splendide! Ce qui encore plus surprenant, c’est qu’il est
actuellement encore en activité. Lors de cette journée dégagée, je peux admirer
de nombreux sommets, surtout après Banos et après que nous ayons déposés Rémy
dans cette ville. Cette partie du pays est exceptionnelle.
C’est intéressant de voir l’envers du décor, de voir qu’il
utilise encore le contact d’un équatorien. Ce dernier vient avec lui au marché.
C’est lui qui négocie les meilleurs prix pour tout ce qu’il veut acheter. Comme
quoi, malgré les années dans un pays, il est toujours difficile de s’intégrer
totalement et de pouvoir prétendre aux mêmes choses que les locaux natifs… Je
passe un très bon moment à leurs côtés, à les aider. C’est toujours intéressant
d’être plongé dans un endroit très important de la vie locale et de n’être
qu’avec des habitants du pays, qui voient rarement d’étrangers.
Sur le chemin retour, je tiens à lui exprimer certaines incompréhensions,
certains mécontentements, certaines désillusions concernant l’association, les
missions, la santé des animaux, les conditions de vie pour les volontaires, le
prix à payer, qui selon nous n’est pas justifié,… Yvan fera la sourde oreille
en réponse aux différents arguments que je lui présente. Il esquive toujours la
réponse, la détourne, ou justifie tel ou tel chose avec des réponses qui, de
mon point de vue, ne tiennent pas la route. Il ne semble pas vouloir se
remettre en cause, n’y remettre en cause la façon de faire de diriger la
fondation dont il est le seul décisionnaire. L’idéologie du projet est louable.
Le rêve de sauver ces animaux, de pouvoir les réintroduire dans leur milieu
naturel est important pour la sauvegarder de notre planète et de sa biodiversité.
Mais la façon de tendre vers sa réalisation n’est pas bonne. Les chances de
voir ce projet se concrétiser de mon point de vue sont utopistes, voire quasi
nulles…
Ce que je pense va malheureusement se vérifier d’une façon
mortuaire en cette matinée. Dès que nous rentrons, Lucie et Samantha nous annonce que Sissa est
morte pendant la nuit. C’est une peine immense pour tous. Etrangement c’est
peut-être Yvan, qui semble le moins s’en préoccuper. Il nous dira simplement
qu’il devra l’emmener chez un vétérinaire spécialisé dans les animaux sauvages
pour essayer de déterminer les causes de cette maladie, qui l’a emmené à la fin
de sa vie. Les résultats reçus quelques jours plus tard ne détectent aucune
maladie connue à ce jour chez les singes. Poussant un peu Yvan dans ces
retranchements, j’apprends que Sissa n’est pas la première femelle, singe
laineuse, en captivité, à s’éteindre beaucoup plus jeune qu’elle aurait dû
(avant même la moitié d’une vie d’un singe de cette espèce). En tirant un peu
sur les ficelles, une des causes présumées pourrait être une dépression. Ces
singes, comme leur grand frère les gorilles de montagne (aucun n’a jamais
encore survécu dans une cage plusieurs mois), ne supporteraient peut-être pas
leur vie sur un territoire restreint régi par les hommes. La captivité serait
pour eux insupportables. Ils préfèrent alors à un certain moment se laisser
mourir. Beaucoup de ces singes vivent entre ces murs et cela nous attriste
alors encore plus. Même si ce n’est qu’une hypothèse, je ne suis pas vraiment,
nous ne sommes plus vraiment, en accord avec ce qui se passe au «Paseo de los
monos».
Lors de la journée, en nous occupant du mieux possible des
animaux, nous discutons avec Lucie de la situation. Nous avons pris le temps de
réfléchir, de tester, d’exprimer ce que nous ressentions et dire ce qui est
négatif mais nous avons le sentiment que rien ne changera. Voulant tenir nos
engagements, nous resterons le temps de finir la mission en cours; la cage de
Kinki. Nous pensons aussi réduire significativement notre temps de présence sur
place, car nous ne croyons pas, que nos actions futures pourront avoir un
impact positif. Nous ne sommes plus sûrs, que ce refuge soit le meilleur lieu
de vie pour eux. Surtout que leur chance d’être relâchée est quasi-inexistante.
Ce n’est pas le fait d’avoir récupérer la chambre où dormait Samantha et Keran,
dans la partie «non infectée» de la maison qui pourrait y changer quelque
chose. Surtout que la première soirée, seul tous les deux, avec Yvan est
étrange. Une atmosphère particulière règne. Lors d’un « face-à-face»,
certains comportements et aspects de la personnalité sont amplifiés. Certains
côtés d’Yvan peuvent presque faire peur. La mygale, qui rentre dans le salon,
rend encore un peu plus imagé la situation.
Le lendemain, au réveil, après une nuit un peu plus
tranquille, je me permets de laisser Lucie seul dans la maison alors que je
pars courir. Depuis Puyo, je peux admirer de magnifiques paysages dont le
volcan; El Altar, qui domine la région. Je passe un très bon moment dans les
petits chemins, le long de la route. Je rentre pourtant totalement détremper.
L’ambiance n’est pas au beau fixe, même entre nous avec Lucie. Nous traversons
encore un moment un peu difficile. Cela faisait longtemps que ce n’était pas
arrivé. Le manque de discussions, une communication que nous essayons
d’entretenir mais qui n’est pas toujours la meilleure entre nous deux, un peu
de fatigue et des blocages ridicules, font que nous nous sommes enfermés dans
nos peurs plutôt que nous entre-aider.
Nous aurions besoin de rediscuter mais cela ne semble pas
vraiment possible en cette journée. Nous vaquons alors, tous les deux, à nos
occupations. Lucie fait beaucoup de ménage, prépare les différents repas. Ce n’est
pour cela qu’elle était venue. Avec Yvan, je finalise la mise en place de la
cage. Je passe aussi du temps, seul, dans la forêt, ou auprès des animaux.
C’est aussi le cas pour Lucie. Nous nous accordons tout de même du temps
ensemble, nous esquissons quelques sourires et échangeons autour des animaux. C’est
le cas, par exemple, autour de la maison.
En fin de journée, je pars, une nouvelle fois, auprès des
singes araignées. Ces singes aux membres démesurés, sont d’une incroyable
sensibilité. Les femelles particulièrement aiment nous prendre dans les bras.
Elles aiment nous faire des câlins pendant de longues minutes. C’est incroyable
de voir la complicité que cela crée entre nous même si cela se passe à travers
le grillage. Lucie m’y rejoins. Elle vivra, nous vivrons ensemble de beaux
moments avec ces singes, dans cette forêt… Pour eux, pour les autres animaux de
cette fondation, nous pourrions rester longtemps pour passer du temps à leurs
côtés. Mais cela serait alors un peu égoïste car nous ne sommes pas sûrs, voir
de plus en plus certains, qu’ils ne sont pas heureux ici.
La soirée est encore spéciale. Elle commence bien car Kinki
vient d’intégrer sa cage. Il semble la découvrir avec plaisir. Après avoir fait
un tour à travers le tunnel, être allé dans l’endroit où il passera la majorité
de son temps, il revient nous voir à travers cette avancée de maillons
métalliques. C’est un plaisir de voir qu’il s’y adapte très vite, qu’il mange
même directement des fruits. Yvan décide, tout de même, de le remettre dans la
maison pour qu’il s’adapte doucement. Yvan a des propos étranges encore ce soir,
il joue avec Kinki d’une façon peu décente. Cela nous conforte dans le choix
que nous avons faits de partir quelques jours plus tôt que prévu après lui
avoir annoncé au cours de la journée. Nous lui reconfirmons cela le soir même.
Même si c’est vrai, nous utilisons l’argument que des amis doivent nous
rejoindre, à Puyo, plus tôt que prévu. Avec Kassandra, Gaëlle, Alexis et Paul,
nous partons dans un village, qui se trouve, un peu plus loin, un peu plus
enfoncé, dans la forêt amazonienne.
Cela semble lui faire ni chaud ni froid même s’il nous
complimentera sur nos actions et comportements. Je lui transmets toutes les
photos que j’ai prises lors de ce séjour. Puis nous allons nous coucher…
Le lendemain nous passons beaucoup de temps avec les
animaux. Nous les nourrissons une dernière fois. Nous les prenons dans nos
bras, les caressons. Cette expérience n’aura pas répondu à nos espérances. Elle
ne se sera pas passée comme nous l’avions envisagé. Mais cela fait partie de la
vie, des expériences de voyage. Il y a, tout de même eu, des moments intenses
et des instants de vie à jamais gravés dans nos mémoires.
Yvan nous dépose avec sa camionnette dans le centre de Puyo.
Nous y prenons une chambre d’hôtel propre, où il sera agréable de se laver et
de s’allonger sur un lit doux et sans insectes, grouillant partout autour. Nous
décidons même d’aller dans une pizzeria, chaudement recommandée par différentes
personnes que nous avons croisées. Ce restaurant est très chic. Les prix sont les
mêmes qu’en France, donc excessif pour le pays, mais nous mangerons des pizzas
succulentes, comme j’ai rarement eu l’occasion d’en déguster en dehors de
l’Italie. Puis nous regagnons notre lit pour y passer une bonne nuit.
Nous attaquerons alors un peu plus en forme la dernière
partie de notre voyage. Le temps passe et des impératifs vont bientôt nous
faire rentrer en France!