Nous
voici de retour en France en ce mercredi 15 Juin. Après la nuit à l’aéroport
Charles de Gaulle, nous rentrons à Angers en train. Anne, amie très proche de
la famille, a réussi à avoir les clés de la maison, qu’elle garde normalement
en l’absence de mes parents. Ces derniers partiront la semaine d’après pour 8
jours, à la montagne, payé par l’entreprise de papa. Il s’agit d’un séminaire
de préparation à la retraite.
En tout
cas, nous pouvons ainsi leur faire une bonne surprise. En attendant, nous voulons
voir Marie, Yann, Alice et, Adonis. Nous
prenons la seconde voiture des parents. Je conduis pour la première fois une
206+, qui vient de remplacer la 205, qu’ils avaient depuis plus de 15 ans. Nous
conduisons jusqu’à Saint-Saturnin-sur-Loire. La maison semble vide. En ce milieu
d’après-midi, ils doivent tous être à la sieste. Quatre jours auparavant, Marie
accouchait.
En
attendant, nous décidons donc d’aller faire la surprise à Lucille, qui
travaille dans un camping à seulement quelques kilomètres. Il ne va pas être
facile non plus de la voir, mais lors de notre deuxième venue, nous arrivons à
lui faire un petit coucou. Elle est très contente de notre surprise. Il en sera
de même pour Nico, même s’ils sont bien occupés à leur travail respectif. Date
est prise pour se revoir dès que possible!
Ce n’est
qu’à la troisième tentative que nous allons réussir à voir la petite famille de
Marie. Nous entendons Alice depuis la fenêtre de sa chambre à l’étage.
Entendant nos voix, elle regarde à travers le carreau, puis elle repart. Mais
elle prévient sa mamie qui est avec elle. Elle viendra alors nous ouvrir. Nous
avons la chance de passer quelques minutes avec toute la famille après qu’ils
aient émergés de leur sieste. Je suis tellement heureux de pouvoir faire la
connaissance de mon petit neveu; Adonis, alors qu’il n’a que quatre jours.
Nous ne
pouvons pas tarder car la fin de l’après-midi approche et nous voulons être à
la maison lorsque les parents rentreront du travail. Le timing va être parfait.
La surprise est un succès car mes parents ne nous attendaient pas avant 3
semaines. Marie a invité les parents à manger le soir. Nous nous joignons à
eux, pour profiter tous ensemble d’un bon moment. C’est tellement agréable de
retrouver notre famille, sachant que le lendemain, ça sera celle de Lucie.
Le
vendredi 17 juin, papa nous dépose près du parc de Pignerolle. A pied, nous
rejoignons l’arrière de la maison des parents de Lucie. Nous pensions, qu’à
midi, ils seraient tous dans le jardin, attablé, avec un verre d’apéritif à la
main. Ce n’est pas du tout le cas, Didier; son papa, est seul, lavant le sol de
la terrasse. Sa maman avec sa sœur, son beau-frère et leurs enfants sont partis
faire des courses. Ils rentreront quelques minutes plus tard. La surprise a fonctionnée,
mais elle est moins forte que pour ma famille. Cela ne concerne pas l’intensité
du moment mais le fait qu’ils savaient que nous devions rentrer ces jours-ci.
En effet, demain, c’est le baptême de Tiana; la nièce de Lucie. Ils savent
qu’elle n’aurait manqué cela pour rien au monde! Nous passons une très belle
journée à l’heure côté, en commençant par un barbecue. C’est un réel plaisir de
passer des moments simples avec nos familles, autour de belles discussions,
d’un bon repas, d’aliments savoureux, de jeux et de franches rigolades.
Le jour
du baptême va être une belle journée. Après une cérémonie fort agréable à
l’église de Saint-Barthélemy-d’Anjou, nous mangeons tous au restaurant. Je fais
plus ample connaissance avec la famille de Guillaume; mari de Mathilde, sœur de
Lucie. Les discussions iront dans tous les sens, tout azimut. Nous passons des
moments avec les adultes mais aussi avec les enfants. C’est la fête et rien ne
viendra entacher cet instant...
La
semaine suivante, nous passons beaucoup de temps au 78 Rue de la Madeleine,
alors que mes parents sont dans les Alpes. Nous revoyons beaucoup de nos amis
le temps d’un verre, d’un repas, d’un instant sportif, d’un cinéma. Lucie
recherche, en même temps du travail. Très rapidement plusieurs pistes vont se
dessiner, non pas dans le tourisme, à proprement dit, comme elle faisait
auparavant, mais dans l’hôtellerie. Son père travaille à la réception d’hôtels
depuis plus de 30 ans, et elle a toujours voulu essayer aussi une expérience de
la sorte. Après un premier entretien, où elle ne sera pas prise, le deuxième
sera le bon. Dans ces domaines, les conditions assez difficiles et la
rémunération faible fait que les candidats ne se pressent pas à la porte. Les
besoin sont qui plus est importants et il n’est pas possible de faire sans un
réceptionniste. Elle a son entretien le lundi 27 Juin et elle commencera le
lendemain. Contrairement aux autres propositions, il s’agit d’un CDI. Nous
étions plutôt partis sur l’idée d’un CDD pour l’été pour qu’elle puisse ensuite
me suivre lorsque j’aurais trouvé du travail. Finalement, et au vu des
événements qui vont suivre, cela va se révéler être la meilleure option.
La
coupure est totale. Ils ont de gros besoins pour l’été. L’apprentissage d’un
nouveau métier, de nouveaux logiciels, de nouvelles techniques de travails ne
s’acquièrent pas en un instant. Pour Lucie la transition est difficile. Ces
heures de travail sont lissées sur l’année. Elle est au 39h00 par semaine, mais
elle va plutôt effectuer plus de 60h00 ces premières semaines. Elle est en plus
perfectionniste et elle veut bien faire. Après plus de 6 mois, sans aucunes
contraintes, après avoir pu respecter ces besoins en sommeil, elle se retrouve
avec un métier ayant des horaires décalés. Elle accumule la fatigue, le stress.
Lors de ces deux seuls jours de repos pendant les 15 premiers jours, elle a en
plus l’enterrement de vie de jeune fille de sa meilleure amie; Pauline! Elle ne
dort presque pas!
Cela
n’est pas évident pour moi non plus. Elle est absente. Le peu de temps passait
ensemble, elle n’est pas avec moi. Elle ne pense qu’au travail. Elle ne parle
que de cela. Elle refuse presque le moindre bisou ou câlin. Elle est fatiguée,
parfois exécrable. Je n’arrive pas à
accepter cela. Nous sommes passés d’un moment en total connexion, où notre
relation avait énormément évoluée, à un instant où nous nous éloignons
beaucoup. Avec nos peurs, nos sensibilités nous recréons des tensions qui ne
vont que s’amplifier au cours de l’été. Plusieurs sujets sont cause de discordes,
don la prise d’un appartement. Nous n’arrivons pas à nous comprendre, nous
restons bloqués sur de petits détails sans prendre en compte tout ce que nous
partageons. Heureusement, nous vivons aussi de beaux moments, et nos sentiments
ont toujours été très forts, même dans les épreuves. Nous arriverons même à comprendre et à
prendre conscience que nous avons souvent fait tout ce qu’il faut pour détruire
nos relations lorsqu’elles commençaient à être sérieuses par le passé et que
nous avons encore recommencés le même processus concernant notre relation.
Heureusement, l’Amour est fort et nous allons passer ces étapes de vie
difficiles grâce à nos entourages, en raison de grosses discussions et échanges
ensemble, ou avec des personnes proches de nous.
Un retour
à la réalité n’est jamais facile. Il est encore plus quand la situation ne
permet pas de rassurer aucune des personnes concernées. Il va nous falloir du
temps mais nous allons petit-à-petit surmonter nos épreuves et prendre
conscience de l’incroyable potentiel que nous avons ensemble.
Ce bel
été français, avec un beau soleil, est ponctué aussi de nombreux beaux
événements. En plus des moments en famille, des barbecues, des amis avec qui
nous passons du temps, certaines dates étaient bloquées d’avance pour des
rendez-vous immanquables.
Au mois
de juillet, nous assistons au mariage à
la Baule de Mélanie et Arnaud. Le beau temps, le cadre dans ce château avec vu
sur la mer, la foule présente et l’organisation feront de ce week-end un moment
magique. La cérémonie laïque est ponctuée de textes forts écrits par les amis
et la famille. Le vin d’honneur entre
grands classiques français et mets de différents horizons est un régal. Nous
passons aussi une très bonne soirée. Le retour le lendemain est grandiose. Nous
profitons du beau temps pour nous rendre sur la plage et nous baigner. Ça fait
du bien de quitter un peu Angers et prendre du temps ensemble.
Le
week-end suivant, je gagne, à Allonnes, mon premier trail de 31 kilomètres en
moins de 2h00. Le deuxième est à plus de 6 minutes de moi. Après les places d’honneur
de l’année précédente, je suis heureux de ce premier succès. Je vais surprendre
tout le monde en arrivant à toute vitesse et en criant de joie sur la ligne
d’arrivée.
En août,
nous assistons au mariage d’un des cousins de Lucie. Là encore, ce moment de
communion, que nous vivons tous ensemble, pour une union reste un moment de
joie et de jouissance.
Le
week-end suivant, je rejoins mes parents et ma sœur à Agon-Coutainville pour
passer quelques jours fort sympathiques. Malheureusement, Lucie n’a pas pu se
joindre à nous car elle travaille. J’aurais vraiment aimé qu’elle découvre ce
lieu, où j’ai vécu tant de bons moments, où j’ai appris tellement et pris
tellement de bons temps pendant nos vacances d’été dans ma jeunesse.
A la fin
du mois, j’obtiens ma deuxième victoire sur un trail de 32 kilomètres, avec
1000 mètres de dénivelés positifs. Le deuxième terminera à plus de 8 minutes.
J’en avais déjà envie mais cette victoire me donne définitivement envie de
m’attaquer à des trails de plus longues distances, avec plus de dénivelés. J’ai
toujours aussi ce rêve de faire dès l’année prochaine des triathlons longues
distances et pourquoi pas un Ironman.
De beaux
projets à venir, mais des projets personnels, qui ne font pas avancer nos
projets de couple! Lucie aurait besoin que je lui montre un peu plus mon envie
de créer une relation durable à deux. En tant que femme, du fait aussi
qu’autour d’elle, les amis et la famille construisent leurs vies, s’installent
et aient des enfants, cela lui donnes des idées. Son instinct maternel s’est
réveillé. Elle a envie de concret. De mon côté, j’ai besoin de stabilité, j’ai
envie d’un travail qui me plait, pour envisager de m’installer dans «un chez
nous» et penser à la construction d’une vie de famille…
Au mois
de septembre, je gagnerais le trail de Juignée-sur-Loire, où habitent les amis
qui m’ont initié, quelques années auparavant, à la pratique de cette activité,
à Rouen, juste avant que je ne parte réaliser mon tour du monde. Je ne me sens
pas au meilleur de ma forme quand je prends le départ de cette course, mais la
continuité de mon entrainement, le fait de me connaitre de mieux en mieux, et
de mieux gérer ma course, va me permettre de terminer encore une fois avec plus
de 6 minutes d’avance sur mon poursuivant. A l’inverse des deux mois
précédents, notre troisième mariage de l’été arrivera par la suite.
Le
week-end suivant, le 10, 11 et même 12 septembre au matin, nous célébrons le
mariage de Pauline; meilleure amie de Lucie, et «Ben». La cérémonie religieuse
est particulièrement réussie. Le mariage dans des salles jouxtant un château
est grandiose. Tout le monde est ravi de ces deux jours que nous passons
ensemble. De nombreuses personnes se sont impliquées pour que de belles
animations et surprises aient lieux entre des plats de qualités. Très vite même
pour les témoins femmes, le fait que leurs robes étaient trop petites, à
minuit, le jour même, est un mauvais souvenir. Pauline et Benjamin ouvrent le
bal avec une danse gracieuse. Benjamin fait ensuite une surprise à Pauline en
prenant part à une danse du ventre, avec les danseuses de la troupe, dont fait
partie Pauline. Nous nous amuserons
ensuite tous comme des petits fous, certains plus que d’autres. L’alcool et
particulièrement la bière couleront à flot. Plus de 240 litres de ce dernier
breuvage vont partir avant même la fin de la soirée. Plusieurs personnes
doivent aller chercher des futs supplémentaires, chez un ami qui tient un bar.
Le lendemain, la journée autour du barbecue est très sympathique. Pour certains,
ils renouvelleront une soirée folle qui durera jusqu’à pas d’heure. De notre
côté, nous allons rejoindre le dortoir, à côté de la salle, beaucoup plus tôt
que la veille. Le lundi matin, je pars courir plus de deux heures dans les
coteaux du Layon, pendant que d’autres prendront du temps pour émerger. Nous
clôturons ce beau week-end en aidant à ranger la salle. Encore une fois, nous
avons été totalement déconnectés de toutes réalités du quotidien. Comme les
précédents événements, je pourrais rentrer beaucoup plus dans les détails, mais
voilà déjà un résumé permettant de vous y plonger un peu. Ce moment hors du
temps restera un moment génial!
Je courre
ensuite un 10 kilomètres sur route, sans préparation spécifique pour voir ce
que je vaux. Je termine en 32’56, à la sixième place, ce qui est honorable fut
la différence de l’effort a effectué, si je le compare avec un trail et du peu
de préparation spécifique…
Cela se
passe très bien pour Lucie à son travail. Elle a une manageuse professionnelle
et bonne dans ces fonctions, des collègues impliqués, et paraît-il plutôt
sympathiques. De mon côté, je recherche alors activement un travail. Je ne veux
plus faire des petits boulots, avec différentes agences d’intérim, dans des
domaines qui ne correspondent pas du tout à mes qualifications. Ce fut bon pour
un temps donner. Cela peut me permettre de prétendre à quelques aides, alors
que j’avais eu une totale déchéance de mes droits. Mais cela n’est pas viable
dans la continuité, sur la durée et ce n’est pas ce que je veux pour ma vie,
pour notre vie future. Nous sommes alors encore dans une situation de
transition Tout semblait vouloir bouger lors de cette rentrée scolaire, au
moment, où le monde de l’entreprise est en mouvement, après une période
estivale calme.
Il faut
croire que je ne voulais pas que notre destin évolue encore d’une certaine
façon. Cette fin du mois de Septembre 2016 aurait pu être la fin tragique de
mon existence, mais une fois encore l’histoire ne s’écrira pas comme tel…
Vendredi
23 Septembre, je m’entraînais de nuit, pour préparer un trail de 75 kms, avec
3600 de dénivelé positif, près d’Aix-Les-Bains. Voilà déjà deux heures que je
courrais. Après être parti de chez mes parents en centre-ville, avoir couru le
long de la Maine, j’ai monté et descendu les pentes autour de l’étang Saint
Nicolas pendant plus d’une heure.
J’avais
prévu de courir encore deux heures de plus et, d’y retourner deux heures
l’après-midi pour le plus gros entraînement jamais effectué de toute ma vie. 3
semaines avant l’événement, je tenais à effectuer le gros de ma «charge» lors
de ce week-end!
Mais je
n’avais pas prévu, pas penser arriver devant le portal fermé du parc de la
Garenne à 7h20, côté lac. Je ne voulais pas manquer le lever de soleil près de
la croix, qui surplombe le Lac de Maine. J’ai donc, sans hésiter, décidé de
passer par-dessus ce portail de plus 3 mètres. Je n’ai pas songé à faire le
tour jusqu’au pont, au centre de l’étang. J’ai entrepris d’escalader ce
dernier. J’ai atteint sans sourciller le sommet. J’ai méticuleusement pris le
temps (peut-être un peu trop car il ne m’était encore jamais arrivé quelque
chose quand je faisais le «foufou». Et oui, c’est mon âme d’enfant qui parle
encore. Mais plutôt, à chaque fois quand j’étais au calme). Je me suis retourné
et je m’apprêtais à me laisser glisser pour redescendre progressivement.
Sûrement avec un peu de fatigue, le manque de visibilité, mais surtout de
lucidité, et la rosée du matin, un de mes pieds a glissé... Il était en fait
posé, ou plutôt en équilibre, sur un bout d’ardoise qui dépasse du montant de
cette grille. Malheureusement cet appui était trop instable.
Sentant
que je partais en arrière, j’ai dû vouloir me retenir au portail. Dans la
manœuvre, mon bras droit s’est pris sur une des pointes supérieures, qui orne
ce portail. Dans ma chute, la pointe a arraché la peau sur une partie de mon
avant-bras, à parti du plie du coude! Les organes étaient alors à vifs,
visibles sur presque dix centimètres!
Je ne le
savais pas encore mais je venais de sectionner mon artère! A partir de la
chute, les événements sont un peu flous! Je n’ai pas vraiment pris le temps de
réfléchir devant cette scène d’horreur. J’ai eu la chance de ne pas tomber dans
les pommes ou de faire un malaise.
Sans
réfléchir, sûrement par instinct de survie, je détache d’une main mon sac-à-dos
pour l’eau, j’ôte du mieux que je peux mon tee-shirt, en le passant au-dessus
de cette plaie béante. Puis je me suis fait un garrot, à l’aide de ma main
gauche et mes dents. J’ai utilisé ensuite ma main gauche pour effectuer un
point de compression, au-dessus de la plaie, pour stopper l’hémorragie…
Encore
conscient, je recommence à courir pour essayer de rejoindre des personnes
pouvant appeler des secours le plus vite possible. Je n’ai, en effet, pas de
téléphone sur moi. Heureusement, je ne me sens pas vaciller. Mon corps ne me
lâche pas. Ma seule obsession et de trouver quelqu’un.
Je vois alors de la lumière
à l’intérieur de la maison des gardiens! Tenant le garrot de la main gauche,
j’ai toqué à la porte fenêtre avec le coude de cette même main. Quelques secondes après, un des gardiens me
voit. Il ouvre et tombe sur une véritable scène
d’horreur. Choqué par cette vision, il est un peu perdu. Son collègue appelé à
la rescousse, est dans un état de choc aussi. Malgré cela, ils réagissent très
bien, en appelant rapidement les secours. Je me trouve alors semi-allongé
devant l’entrée. Ils viennent, sur le conseil des pompiers, me parler pour
éviter que je m’évanouisse ou perde connaissance. Le sang continue de couler un
peu, seulement un petit filet qui n’a rien à voir avec ce qui aurait dû arriver
sans garrot, sans point de compression. Je conserve celui-ci sans relâche.
Pendant ce
temps, encore en état de choc, commençant à souffrir un peu, j’ai un autre
réflexe, sûrement inné. Je veux voir si je peux bouger une partie de ma main.
La première délivrance a lieu à cet instant. Seul devant ma main, ne sachant pas
ce qui allait se produire, j’ai essayé! Vous ne pouvez alors pas imaginer le
bonheur de voir mes doigts répondre à mes commandes cérébrales. Après ce
nouveau moment de lucidité, je me recentre sur des images positives pour
ressentir le moins possible la douleur qui envahie petit-à-petit mon bras, mon
corps.
Les deux
gardiens enfilent des gants et me donne finalement un peu de papier pour mettre
sur la plaie. Malgré le froid matinal mon corps est chaud. Ils m’installent
tout de même une couverture de survie, juste avant que les pompiers n’arrivent
sur place. Ces derniers constatent les dégâts. Ils protègent la plaie avec des
pansements, enlèvent le tee-shirt, et ils effectuent leur propre point de
compression. Ils me mettent ensuite sur un brancard, puis dans leur camion. Ils
m’ont simplement déplacé à l’extérieur du parc. Nous attendons, quelques
minutes, l’arrivée du Samu. Ils ne peuvent pas et ils n’ont pas le droit de me
donner quoi que ce soit, même de l’eau ou un médicament… Une fois, le médecin
urgentiste sur place, ils enlèvent le premier pansement fait par les pompiers.
Ils me donnent les premières doses de morphine. Ils m’aspergent la plaie à vif
de Bétadine, provoquant une première douleur insupportable. La police est aussi
sur place pour évaluer la situation. Tout au long des premiers soins, les
démarches administratives, le fait de se rendre sur les lieux de l’accident,
ont été effectués pour être sûr de ne rien oublier. Ils veulent aussi trouver
des évidences confirmant mes dires, et surtout s’assurer qu’un bout de chair,
ou autre, n’est pas encore sur place!
Une fois
les premiers soins apportés, une fois le transport sécurisé, je suis amené au CHU d’Angers. Ils me transportent
directement au service de déchocage, plus communément appelé «les grands
traumatisés» ou «grand troma». Je suis directement pris en charge par une
équipe de soignant. Ils travaillent en accord avec le médecin urgentiste, avant
que des médecins des urgences et ensuite des internes de la chirurgie
vasculaire viennent autour de mon brancard. Je me vois administré plusieurs
doses de morphines. Autour de moi, c’est une vraie ruche. Tout le monde
s’affaire. Il faut faire vite. Je suis toujours conscient. Les internes veulent
voir la plaie. Ils commencent alors à enlever le pansement. Pour décoller ce
dernier s’en tirer sur la peau, ils utilisent de l’eau purifié. Les organes sont
à vifs. Je suis pris d’une douleur encore plus forte que la première. Je crie
violemment avant que la douleur ne retombe presqu’aussi vite qu’elle n’est
venue. Heureusement, car je n’aurais pas pu soutenir une telle horreur, pendant
de longues minutes.
Cela me
rappelle la douleur atroce que j’avais ressentie en Tasmanie. Suite à une
énième plaie infectée, due à mon staphylocoque doré, contracté en Papouasie
Nouvelle-Guinée. Un chirurgien m’a opéré le pied, en anesthésie locale.
L’infection était tellement importante, qu’il s’y est pris à quatre reprise
pour que l’anesthésiant face effet. Les trois premières fois, il a commencé à
«charcuter», alors que mon pied n’était pas endormi. J’ai hurlé plusieurs fois
à la mort... Je me rappellerais alors toujours du visage du médecin mais encore
plus de sons assistante qui avait tellement mal pour mois.
Mais
revenons à ce vendredi matin. Heureusement que je suis en France, que cet
accident s’est déroulé près de la ville, près d’un centre hospitalier pouvant
prendre en compte ce type de blessure très grave. Dans de nombreux endroits,
dans de nombreux pays, l’issue n’aurait pas été la même… Mais avec des «si», il
serait possible de refaire le monde! Hors ce n’est pas possible et pas
d’actualité!
Les
décisions sont vites prises. L’opération, qui va avoir lieu à suivre et
immédiatement, est organisé. Je leur donne le contact de mes parents et de
Lucie. Je leur dis de ne pas les inquiéter trop tôt, mais de les prévenir avant
11h00, car sinon ils vont se poser des questions…
Je suis
maintenant pris en charge par l’équipe du bloc opératoire. L’anesthésiste
commence les démarches pour m’endormir. Après un petit moment de flou, je perds
connaissance...
Comme nous
étions en semaine, tôt le matin, j’ai la chance d’être pris en extrême urgence.
Un grand chirurgien est disponible. Ils ont revu leur planning d’opérations au
dernier moment et ont pu me prendre en charge directement…
Je passe plus
de 2h30 sur la table d’opération! Je n’aurais que, ultérieurement, des brides
d’informations sur ce qui s’est déroulé, en tout cas dans un premier temps. Ils
n’ont pas eu à me transfuser a vu de mon jeune âge et du garrot précoce, que
j’ai fait, qui a éviter une perte trop importante de sang. Ils ont réalisés un
pontage en prenant un bout d’une de mes veines du pied gauche. Mon artère a donc été recousue. Ils ont dû
abandonner l’idée de réparer plusieurs veines internes totalement détruites. Mais
le corps devrait pouvoir tout de même continuer à irriguer le bras en raison
d’un réseau latéral. Ils ont pu nettoyer la plaie, s’assurer que les muscles,
tendons, et nerfs n’étaient pas touchés (ce qui est incroyable vu où se trouve
la peau déchaussée. C’est ce que me diront plusieurs personnes qui connaissent
très bien l’anatomie du corps humain). Puis ils ont ensuite recousu mon bras
comme ils ont pu.
Dans mon
malheur, je m'en sors très bien! Je suis en vie, j'ai étais pris en charge très
vite, je n'ai pas perdu mon bras (en tout cas, en l’état actuel des choses,
suite à la première opération), et n'ayant pas touché les nerfs et tendons cela
va être normalement un peu plus facile de récupérer toutes mes facultés!
Suite à
l’anesthésie générale, après l’opération, le souvenir suivant se situe dans la
salle de réveil quand la personne qui a assuré mon suivi et mes constantes me
dit. «Vous deviez en faire de beaux rêves car vous avez mis du temps pour vous
réveiller!» Comble de la situation, je me rappelle très bien de quoi je rêvais.
Je courrais un trail dans des paysages sublimes, avec une aisance
déconcertante. Tout était beau et facile. J’étais sur mon nuage et rien ne
pouvait m’arrêter! Le retour à la réalité est donc brutal! Non, finalement pas
tant que cela car je vais réaliser petit-à-petit, tout en douceur. D’ailleurs
même plus tard, cette période de réveil de plus de 3h00 entre le début de
réveil et l’arrivée de ma chambre est un peu confuse. J’ai quelques brides de
souvenirs partiels. Après le réveil, je me rappelle de quelques moments avec
mes parents avant l’arrivée de Lucie, du fait qu’elle ne se soit pas sentie
très bien, de quelques blagues des anesthésistes ou d’infirmiers, de certains
passages de mon transfert jusqu’à ma chambre, puis encore de quelques moments
dans ma chambre jusqu’à ce que je m’endorme en début de soirée!
Les
nouvelles fraîches sont rassurantes, du moins avec les informations alors à
leurs dispositions! Le vendredi en fin
d’après-midi, le chef de service, Monsieur Piquet, en visite auprès de ces
patients me dit au passage: Rien n’est complétement assuré mais les
probabilités pour que vous vous en sortiez bien sont maintenant importantes.
Je peux
aussi vous raconter un peu comment s’est passé la journée de mes parents et de
Lucie selon leurs dires. Ils sont tous à la maison en cette journée car papa
profite de sa retraite, maman a pris deux jours de RTT et Lucie ne commence pas
avant 15h00. Ils savent tous les trois que je suis parti pour une sortie
longue. Nous avons prévus de déjeuner chez les parents de Lucie. Elle se
réveille à 10h00 et fait un faux mouvement. Pour la première fois de sa vie,
elle a un torticolis. N’ayant pas de mes nouvelles après 11h00, ils essaient de
m’appeler sur mon portable mais ils l’entendent dans le grenier. Ils vérifient
que je ne suis pas revenu chercher mon vélo ou autre. Ils se posent des
questions, commencent à s’inquiéter. Cela remémore à maman de mauvais
souvenirs. Elle se rappelle de ces inquiétudes lorsque je voyageais et qu’elle
n’avait pas de nouvelles. Elle s’est toujours demandée où elle pourrait me
chercher ne sachant pas par où commencer! J’ai pourtant essayé le plus possible
de leur donner des nouvelles quand je l’ai pu. Bref, elle se rend compte que,
même juste à côté, le constat est un peu le même. C’est une belle leçon pour
moi aussi. Je devrais partir avec mon portable et des informations me
concernant sur moi.
Dans le
service de déchocage j’avais demandé de ne pas prévenir tout de suite mes
proches, mais tout de même de donner des nouvelles avant 11h00, pour ne pas
qu’ils s’inquiètent non plus… Les consignes n’ont pas été respectées! Les
parents ont commencés à manger sans savoir. Lucie a fini par appeler son père
pour qu’il vienne la chercher. Ayant la bonne habitude de ne jamais être en
retard, elle ne comprend pas ce qu’il m’arrive. Son torticolis la gêne. Il est
12h45 quand son papa la récupère à la maison. Maman lui a passé un cousin
chauffant avec des noyaux de cerises pour aider à la guérison de ce blocage au
cou! Le médecin urgentistes choisi ce moment pour appeler tout d’abord à la
maison. Maman reconnait tout de suite le numéro. Pleins d’idées s’entrechoquent
dans son esprit, dont les pires; l’arrêt cardiaque par exemple, un accident de la
circulation… Le médecin n’a pas voulu les inquiéter, tant qu’elle n’avait pas
de nouvelles de mon bras, de savoir s’il allait pouvoir le sauver lors de
l’opération! Mais mes parents auraient bien aimés déjà savoir avant que j’étais
vivant.
Lucie est
dans la voiture. Un peu distrait, en premier lieu, son père croit qu’elle parle
au téléphone et ne lui répond pas alors qu’elle est penchée sur son petit
oreiller. En fait, depuis 3 minutes, elle essayait d’échanger avec lui! Puis,
il s’en suit un vrai coup de téléphone. La personne se présente comme étant une
personne du CHU, du service des grands traumas. Tous pleins d’idées passent
dans la tête de Lucie. Dans sa panique, elle bouge la main et fait un signe que
son papa interprète comme le fait de tourner à droite. Alors, il tourne une
première à droite, puis une deuxième, puis une troisième… Tournant en rond, il
finit par immobiliser la voiture. Ils rigoleront de cette situation plus tard
mais là n’est pas le problème de l’instant T. Il n’a pas toutes les informations
car il n’entend pas les réponses. Le médecin n’est pas très clair. Lucie doit
demander plusieurs comment je vais ? Où est-ce que je me trouve?... Ils
rentrent tout de même à Saint Barthélémy
d’Anjou. Sous les conseils de maman, Lucie ne les rejoins que vers
15h00, au lieu d’aller au travail. Elle ne se sent pas bien à son arrivée en me
voyant. Elle doit s’allonger par terre… La suite rejoint un peu mon histoire.
Nous sommes ensemble. Je suis en salle de réveil. Je prends conscience que tout
cela n’était pas un simple cauchemar mais bien un fait de la réalité, de ma
réalité, de ma vie!
Les deux
trois jours suivants, je suis dans le «coaltar». Je réalise ce qu’il m’arrive.
J’ai un peu du mal à émerger. Les sensations de mon bras droit ne sont pas des
plus agréables. Bizarrement ce dernier ne gonfle pas trop. J’ai un peu d’œdème
au niveau de la plaie mais rien de démentiel. Tout le monde, moi le premier, je
pensais que je serais sous morphine. Mais je ne prends finalement que quelques
dolipranes, et encore je ne vais pas en abuser. C’est l’idéal. En plus, quand
on est jamais malade et que l’on ne prend jamais de médicaments, ces derniers
sont effectifs quasi-immédiatement! Je
suis sous perfusion pour les antibiotiques, l’anticoagulant et un apport d’eau
salée nutritive. Sur les plaies de la jambe gauche, où ils ont prélevés la
veine pour le pontage, et sur celle du bras droit abimé, j’ai des redons pour
éviter un œdème et être sûr que les éléments étrangers soient expulsés du
corps.
Lors de
ces premiers jours, je revis plusieurs fois mentalement la scène de mon
accident. Je me souviens très bien de mon avant-bras, avec la peau dégantée, la
peau du coude arrivée au niveau du poignet. J’ai même cru plusieurs fois que
j’avais un peu exagéré cette ouverture du bras, au vu de la cicatrice. Mais les
dires de mon chirurgien à de multiples reprises confirmeront les images qui me
reviennent en tête. Je repense aussi à ces pauvres gardiens qui m’ont découvert
au pied de leur porte, après avoir frappé à cette dernière à l’aide de mon
coude gauche. J’aurais envie de revoir les pompiers et le médecin urgentiste, qui
se sont occupés de moi, pour leur exprimer ma gratitude.
Me
replongeant dans les événements vécus, je me rappelle, maintenant, un peu
plus comment cela s’est passé. En haut
de la grille, j’ai pris le temps de me retourner, de trouver des appuis pour
mes pieds avant de me laisser glisser le long des barreaux de la grille. J’ai
peut-être même était un peu trop prudent, j’ai voulu bien faire. Mon pied droit
glisse alors que je suis à plusieurs mètres du sol. J’ai le réflexe de vouloir m’agripper à la
grille alors que je pars en arrière. Malheureusement, c’est le pli du coude droit
qui reste bloqué sur le pic, la gravité m’entraînant alors vers le sol.
C’est fou,
il ne met jamais vraiment rien arrivé quand je jouais le casse-cou et cela
depuis ma plus tendre enfance. Pourtant j’en ai fait des choses un peu folles,
j’en ai sauté des grilles et des grillages, passé près de ravin, joué avec
l’équilibre.... Cette fois-ci devait être la fois de trop mais j’espère n’en
retenir que le positif, et vivre ce temps d’arrêt comme un nouveau départ.
Dès le
lundi après-midi, un peu plus de trois jours après l’opération, je commence ma
première séance de kiné. J’ai perdu beaucoup d’amplitude et de maniabilité de
ma main et mon bras. Il ne faut pas perdre trop de temps pour ne pas que le
bras s’engourdissent et que je ne puisse plus retrouver les mêmes capacités
qu’auparavant. Les infirmières refont aussi régulièrement mes pansements qui
sont imbibés de sang. Je les appelle
deux ou trois fois par jour. Même lorsqu’elles renforcent le pansement, au bout
de quelques heures, des gouttes plus ou moins liquide, du sang plus ou moins
coagulé, s’échappe de mon bras et viennent mourir sur les draps, sur les
cousins, ou tout autre endroit, au-dessus duquel se trouve mon bras. L’avantage
s’est qu’aucun œdème ne se forme, ou plutôt que le seul petit présent au début
va se résorber. Il ne faudrait pas non plus que je perde plus de force que j’en
ai déjà perdue. Une fois la situation stabilisée, un interne arrêtera ce
saignement en ajoutant un point de suture croisé, là où la peau était encore
trop ouverte. Ce dernier suffira à totalement stopper ce petit problème.
Après 5
jours, mon chirurgien; Mickaël
Daligault, est plutôt confiant concernant le pontage et le fait que mon bras
soit sauvé. Il émet tout de même des réserves car rien n’est alors encore
gagné. La plaie est importante, la peau a subit d’énormes traumatismes. Il
n’est pas possible encore de savoir comment le corps va réagir. Le fait que je
sois jeune, en bonne santé, avec un moral d’acier est plutôt une bonne chose.
Avoir un environnement sain pour que la guérison soit la meilleure possible,
est aussi un facteur important. Mais le corps physique a tout de même ces
limites. Le temps sera notre meilleur allié pour voir l’évolution.
Très
vite, tout de même, un problème concerne la cicatrisation de la peau
touchée et arrachée! Il y a un risque de nécrose! Pour éviter une greffe, la
première idée des chirurgiens plasties est que je prenne part à des séances spéciales
dans un caisson hyperbare. L’hôpital d’Angers en possède un pour sauver des
personnes, qui ont eu des accidents de plongées, qui ont été durement soumis à
du monoxyde de carbone, qui ont des lésions difficilement réparable même avec
la micro chirurgie, mais aussi pour améliorer la cicatrisation de plaie même
anciennes, par exemple pour les personnes diabétiques, mais aussi à vif, comme
la mienne. Dans mon cas, l’idée principale de la manœuvre est de venir
dissoudre de l’oxygène dans le sang, plus exactement dans le plasma, afin de
faciliter et améliorer grandement le pouvoir de cicatrisation de ma peau. Je
prends part alors, à partir du mercredi 28 septembre après-midi, à deux séances
de deux heures par jour, matin et après-midi, exception faite du week-end, dans
ce caisson. Je me retrouve avec plusieurs autres personnes, qui sont là pour
des cas assez différents. La majorité d’entre-eux est assez âgée comme c’est
aussi le cas dans le service de chirurgie vasculaire, où je me trouve.
L’équipement hyperbare se compose de trois caissons
dissociés mais reliés entre-eux, par des sasses. Nous ne ferons nos séances que
dans le plus grand, appelé nautilus, qui peut contenir dix patients, accompagné
d’un soignant. C’est une imposante coque métallique, ressemblant à un petit
sous-marin. Les deux autres caissons sont plus petits. Un d’entre-eux permet d’effectuer
des séances en autonomie. L’autre, au milieu, sert de sas de décompression,
pour permettre la sortie d’une personne pendant une séance. Même si ces
caissons permettent de reproduire les conditions, sur notre corps, d’une
plongée à 60 mètres de profondeur, ce n’est pas ce qui est utilisé pour les
soins. Cela serait très dangereux surtout pour des personnes diminuées qui ne
supporteraient pas cette pression. Cela n’a surtout aucun intérêt
thérapeutique. Les séances se déroulent suivant un timing bien précis. En début
de séance, une fois les portes étanches refermées, nous mettons 15 minutes,
pour «descendre» doucement à 15 mètres de profondeur. Le corps subit alors une
pression à 1,5 bar. Pendant ce lapse de temps, la chaleur augmente énormément dans
l’habitacle du caisson. Il faut faire particulièrement attention à nos tympans
qui peuvent souffrir de ce changement de pression. Dès la moindre alerte, il
faut effectuer un mouvement de Valsalva pour déboucher ces derniers. La
technique consiste à se boucher le nez et à souffler fort dedans. Aucune personne, lors des séances auxquelles
je participe, ne fera arrêter la séance car elles ne supportent pas cela.
Pourtant de nombreuses personnes, dont celles qui ont les tympans percés, ne
peuvent pas faire de la plongée ou prendre part à de telles séances.
La séance continue ensuite par 3 périodes de 20
minutes, où l’on se retrouve avec un masque, où l’on nous propulse de l’air
constitué de 100% d’oxygène (dans l’air ambiant il y a 78% d’azote et 21%
d’oxygène). Cette manipulation, associée au fait que la pression sur l’ensemble
des cellules du corps soit plus importante, permet de fixer l’oxygène
particulièrement dans le sang. L’oxygène circule habituellement en se fixant
sur les globules rouges, mais lors de cette thérapie cela va au-delà. Les
effets et bénéfices multiples sont soi-disant visibles rapidement dès les
premières séances et les effets positifs
pour le corps sont encore présentes, avec une grande intensité, lors des heures
suivantes et de façon moindre pendant plus d’un mois.
Pour beaucoup de personnes rentrer dans ce caisson est
impressionnant, prendre part à une telle thérapie est contraignant et parfois
difficilement supportable physiquement. De mon côté, lors des premières
séances, une fois que nous avons les masque sur les visages, j’ai vraiment le
sentiment de faire partie d’une «équipe de «bras cassés»», qui part explorer de
nouvelles planètes. En tout cas, j’aime bien utiliser mon imaginaire pour voir
les choses d’une bonne manière. Je ne vous dis pas non plus que je vais
«surkiffer» ces séances, mais avec la lecture possible, elles passeront à
chaque fois relativement assez rapidement…
Entre ces périodes de 20 minutes, nous avons une pose,
sans masque de 5 minutes. L’air à 100% d’oxygène est alors arrêter. En effet,
un des grands dangers à l’intérieur du caisson est l’incendie. Si l’air ambiant
contient trop d’oxygène, le risque d’inflammation est très important. C’est
pourquoi, nous ne devons porter que des vêtements en coton, que tout éléments
électroniques ou autres pouvant provoquer une étincelle sont proscrits. A
l’intérieur du caisson, il y a aussi un système de ventilation permanent pour
évacuer le surplus d’O2.
Suite à la dernière pose, il reste encore 30 minutes
avec le masque sur le visage. Les 15 premières sont comme les précédentes, et
les 15 suivantes, permettent de «remonter» progressivement à la pression de la
surface terrestre, permettant ainsi d’ouvrir les portes et de clôturer la
séance!
Je prends part à 28 séances pendant presque 3
semaines. J’ai le temps de tisser un lien assez fort avec les soignants;
Estelle, Carole, Karine, et un peu Bertrand que je vais beaucoup moins voir. Je
me rapproche aussi des personnes en soin longue durée. Nous discuterons
énormément. Ils me voient le plus souvent avec pleins d’énergie positive, le
grand sourire. Parfois, même si cela sera rarement, je serais au «fond du trou». Ça sera le cas
quand je vais apprendre une mauvaise nouvelle ou que mon corps exprimera physiquement
les maux qui le chagrine depuis cet accident.
Le service hyperbare se trouve à l’autre bout de
l’hôpital par rapport à ma chambre d’hospitalisation. Le transfert est toujours effectué avec des
ambulanciers. Je demande plusieurs fois à m’y rendre à pied. En effet, cela me
ferais marcher un peu, surtout après qu’ils m’aient enlevé la perfusion. Je
mettrais qui plus est autant de temps, voir même moins de temps. Mais pour des
questions de responsabilité, je n’obtiens pas ce droit. Si jamais quelque chose
m’arriverait il en serait de leur responsabilité. Heureusement, tous les
ambulanciers sont vraiment très sympathiques. Ils ont toujours le sourire. Nous
avons de bonnes discussions. Entre des triathlètes, des traileurs, une ancienne
joueuse de «corpo» au tennis avec maman, et des personnes pleines de vie, je
passe un très bon moment lors de ces transferts, même si je râlerais parfois un
peu car ils viennent parfois trop en avance, parfois presque une heure avant la
séance. Or je n’ai pas envie d’attendre
devant le caisson trop longtemps.
En parlant d’un aspect humain très important, j’ai la
chance d’avoir un entourage très présent, des visites quotidiennes. Lucie vient
me voir dès qu’elle le peut. Maman passe tous les jours à sa pause de midi, et
elle nous rejoint ensuite après le caisson, alors que papa est souvent déjà
arrivé. De nombreux amis vont venir me rendre visite le midi ou le soir… Je
passe de très bons moments à leur côté et leur soutien n’a pas de prix. Je vais
énormément positiver, avoir quasiment toujours le sourie. Mais j’ai aussi, même
si que rarement, des «coups de mou», des baisses de positivisme, des
difficultés ou des annonces parfois difficiles à encaisser. C’est incroyable la
sensibilité exacerbée que je développe alors.
Chacun des mails ou sms que je reçois m’émeut au plus
haut point. Vos messages de soutien, vos appels, vos pensées positives m’inondent
parfois de bonheur et me remontent le moral! De nombreuses larmes couleront sur mes
joues. Même si elles sont régulièrement des larmes de joie, j’aurais envie
parfois de crier ma détresse, de m’énerver contre ce stupide accident que
j’aurais vraiment pu éviter. Mais, je me rends compte de l’évolution de ma
personnalité ces dernières années. Je n’acceptais pas avant l’échec, le manque
de discernement, le droit à l’erreur. J’étais intransigeant avec moi-même, avec
mon corps, mon esprit, et parfois un peu avec les autres… Je suis toujours une
personne qui possède des objectifs assez important et nécessitant une certaine
exigence. Mais je ne suis pas dans la tentative de contrôle permanent et je
relativise beaucoup. Oui, nous pouvons peut-être nous plaindre de petits
problèmes anecdotiques, ou même parfois de choses un peu plus graves… Mais mes
expériences sur les routes de notre belle planète, m’ont fait et me font encore
aujourd’hui profiter, même jouir de la vie que j’aie et de toutes ces
opportunités qui s’offre à moi. Heureusement, que cet accident m’arrive en
France, alors qu’il aurait pu m’arriver de nombreuses fois auparavant. Dans une
majorité des pays traversés lors de mon périple, si je n’avais pas été si
proche d’un centre hospitalier capable de réduire les dommages infligés à mon
avant-bras, la sentence aurait été différente. Une fois encore, je ne peux que
profiter des opportunités qui me sont offertes (je ne veux pas employer le mot
chance qui est trop souvent usurpé. Il mal utilisé surtout quand nous prenons
nos repères du monde occidentale, et sans le comparer avec les populations des
«pays en développement»). L’aubaine que je sois prêt d’un CHU est forte. Mon
bras n’était plus alimenté en sang. Sans intervention dans les 5h00, les dégâts
auraient été irréversibles. C’est pour cela, une fois de plus, que je veux,
profiter pleinement de la vie qui m’est offerte et des petits instants simples
qui ont une valeur inestimable quand nous sommes proches de les perdre. Je
tente de réaliser de petites actions, à mon échelle, pour sensiblement
améliorer le monde, ou au moins mon environnement proche, en espérant que cela
pourra se propager un maximum!
En attendant, je vis dans un microcosme singulier. Alors que
l’hiver pointe le bout de son nez, que l’automne c’est tranquillement installé
et que le soleil tente encore de s’imposer, la vie suit son court… Je me trouve
dans un lieu où la vie est donnée, où la mort vient prendre des personnes plus
ou moins jeunes chaque jour, où la morosité pourrait être de rigueur. Mais les
instants de vie magiques sont aussi présents. Cela est tout d’abord dû au personnel
soignant qui est présent. Ils savent se rendre disponible pour les patients et
leurs familles. Ils sont à l’écoute de souffrances, des questions, des doutes.
Il y a des rires, des échanges, des personnes plus ou moins souriantes, plus ou
moins contentes, plus ou moins drôles, plus ou moins intéressantes et
agréables.
L’humain est au centre des attentions. Pourtant
l’aspect psychologique des patients n’est pas toujours pris en compte par des
personnes un peu débordées, avec trop de responsabilités, et peu de temps à
consacrer aux personnes qu’ils traitent. Exemple de mon voisin de chambre;
Jean-Claude, qui apprend un matin, par l’aide-soignante, qu’il doit être à
jeun, car il va se faire amputer un doigt de pied. Il avait entendu parler de
cette probabilité forte, mais les internes n’ont pas pris le temps de venir lui
dire que cela avait été programmé. Comment voulez-vous alors que la personne
puisse se préparer psychologiquement à ce «deuil»... La journée de la chambre
402 du service de chirurgie vasculaire ne devait pas être la meilleure, que les
deux occupants auraient connue lors de ce séjour, pourtant nous garderons le
sourire! C’est incroyable ce que la vie peut nous réserver comme surprise. Je
n’aurais jamais rencontré mon voisin de chambre dans ma vie de tous les jours.
Pourtant, là, nous passons presque que 4 semaines dans la même chambre à
partager des moments de vie forts, plus ou moins drôles. Je ne peux pas vous
dire que j’ai aimé quand il souffrait de douleur, quand il se plaignait, quand
il ronflait, comme je n’ai jamais entendu personne ronfler. Pourtant nous
allons créer un lien fort que nous entretiendrons même à la sortie de
l’hôpital.
Malgré toutes les imperfections, les problèmes de
communication, le manque de temps par patient des internes, médecins et professeurs pour
prendre en compte les aspects psychologiques, je tiens à souligner la «chance»
que j’ai eue. Mon chirurgien est près de ces patients. Il aura su prendre le
temps de m’expliquer, de positiver. Par son comportement, en ma présence, j’ai
eu envie d’y croire. J’ai compris l’intervention qui m’a été faite et les
suites à donner pour soigner mon bras. Malgré le sous-effectif du personnel
soignant, parfois le manque de matériel adapté, je tiens à souligner encore une
fois leur énorme disponibilité et le
fait qu’ils rendent le séjour beaucoup plus agréable. Comme toujours en
communication, nous adaptons notre comportement dans l’échange, en fonction des
personnes que nous avons en face de nous. Du fait que, dans la chambre 402,
nous soyons toujours avec le sourire, le plus agréable possible (et ce n’est
pas moi que le dit mais toutes les personnes qui sont intervenus près de nous),
aura sûrement contribué à cette bonne entente cordiale et détendue.
Les personnalités sont encore un peu plus mise à nu
par ce lieu révélateur, où il est un peu dur de tricher devant le bonheur des
uns, la détresse des autres. C’est un vrai lieu de vie…
Après
un peu plus d’une semaine passée à l’hôpital, ils m’enlèvent la perfusion que
j’avais depuis le début! Maintenant, les médicaments passeront par voie oral et
par une piqûre. Le matin suivant, je sors un peu pour profiter du soleil et de
sa chaleur, de la bonne odeur des fleurs, de la brise sur mon visage et sur ma
nuque!
Le
8 et 9 Octobre, j’obtiens une permission pour le week-end. C’est un peu bizarre
de sortir de ce cocon hospitalier. Je ne vous dis pas que je voulais rester,
mais j’éprouve quelques difficultés à sortir par ce temps gris. Assis à côté de
Lucie en voiture, prendre la rocade en voiture, et tomber dans le trafic, ne me
fait pas rêver. Pourtant je passe un week-end
magique au 78 rue de la Madeleine. C’est plaisir d’être tous réunis. Nous
fêtons les anniversaires en retard d’Alice et de Marie, et celui de Maman à
deux jours près. La surprise de mon frère ; Maxime m’a touchée au plus
haut point. Nous avons vécus des moments forts, les émotions ont été intenses.
Même si je savais que ce lapse de temps ne durerait que 48h00, je l’ai vécu
pleinement. J’ai profité de chaque seconde. J’étais alors confiant pour la
suite, poussé par les élans positifs autour de moi, y compris des avis positifs
dans le milieu médical, même si certaines interrogations restées… Je rentre le
dimanche soir à l’hôpital, sans aucun blues, sans aucune envie de repartir car je
sais pourquoi je me trouve là. C’est pour mon bien, pour le traitement de cette
blessure. J’étais vraiment confiant pour que ma peau guérisse grâce à la
suroxygénation du caisson hyperbare. Je me disais que la revascularisation se
faisait tranquillement par le dessous et qu’il n’était maintenant qu’une
question de jours avant la sortie. Je récupérais déjà énormément d’amplitude du
bras avec la kiné et les exercices pratiqués seul…
Malheureusement, cela ne va pas suffire. La «sanction» est tombée un midi,
de la semaine suivante, juste avant de repartir au caisson quand des internes
plasticiens sont passés. La nécrose est présente sur une grande surface. Il
faut que je repasse sur la table d’opération pour une greffe… Ils ne savent pas
encore l’ampleur de la nécrose et donc l’importance de la greffe qui devra être
faite. Seule au moment de l’opération, programmée le mercredi 19 Octobre, ils
seront l’importance des tissus touchés. L’hospitalisation sera donc plus longue
et il ne s’agit plus seulement que de rééducation. Il faut maintenant revoir
l’échéance à plus long terme.
Je n’arrête pas d’entendre parler du fils Romy
Schneider, qui s’est embroché sur une
grille et qui lui perdu la vie! Les
références des personnes sont toujours assez étranges mais si cela leur fait plaisir. En tout cas, cette
chute arrive, comme souvent, au plus mauvais moment, alors que j'avais trois
entretiens, dont un deuxième à Grenoble. C’était pour un poste à Chambéry, La proposition semblait correspondre à mes
attentes, dans un lieu où j’aimerais vivre, au moins pour quelques années! Ironie
du sort, l’ingénieur d’affaire m’a laissé un message le jeudi 22 au soir, que
je n’avais pas vu. Je le découvrirais finalement en retrouvant mes esprits
quelques jours après. J’avais sinon un entretien à Bordeaux, un autre à
Chalonnes-sur-Loire, et une proposition pour un master en gestion de projet en
alternance avec un emploi en industrie…
«C'est
le jeu, pas le choix, c'est la santé d'abord»! Les accidents sont toujours
«bêtes»! Mais je ne peux pas changer le passé, juste penser au futur! C’est la
première fois qu’il m’arrive un accident alors que je fais quelque chose d’un
peu fou, que je «sors du cadre»! A chaque fois, les accidents me sont arrivés
dans des situations où je n’avais rien provoqué. La première cicatrice
au-dessus de l’arcade gauche quand j’avais quelques années, quand un voisin m’a
poussé dans un grillage. En petite section, ensuite, pour une fois que je ne
faisais pas le fou, au niveau des trois petites marches qui reliaient les
sanitaires à la classe. Je ne les ai pas enjambés comme d’habitude. Je me suis fait
un croche-pied à moi-même, entraînant une chute. Ma tête a lourdement chuté sur
le coin d’un meuble en bois. Heureusement, ce n’est pas l’œil qui a pris mais
la paupière. Seulement quelques millimètres plus loin, et l’œil aurait pu être
transpercé. Un peu plus tard, en colonie de vacances, lors d’un cache-cache,
j’étais sagement assis sur une branche quand celle-ci a cassée. Dans ma chute,
mon bras droit est passé en dessous de mon corps. Sous le poids de ce dernier,
le cubitus et radius se sont brisés en
deux parties. Autre exemple, beaucoup plus tard. . De retour de Miami, en 2009, nous
sommes allés faire une virée à Rennes avec Anthony et Nicolas. Après une très
bonne soirée, dans un appartement, nous sommes sortis en discothèque. Alors que
je danse avec une jeune femme, elle glisse et manque de se retrouver par terre. J’ai
voulu la rattrapé alors qu’elle chutait violemment. J’ai perdu l’équilibre et
je me suis explosé l’arcade sourcilière sur un podium. Nous passerons la nuit à
l’hôpital et je m’en sors encore avec quelques points de sutures. Mes potes se
moqueront de moi quelques temps, me disant: «voilà ce qu’il arrive quand on est
trop gentlemen!»… Et tellement d’autres petites blessures dans d’autres
situations où j’étais assez calme… Il y a eu des situations rocambolesques où
j’ai pris des risques et où la sanction aurait pu être terrible, mais j’étais,
à chaque fois, passé à travers les mailles du filet accidentogène!
Je me trouve dans une situation inconfortable, non
choisie et non désirée, mais j’aime tout de même relativiser car cela aurait pu
être bien plus grave. Il y a 15 jours mon pronostic vital aurait pu être
remis en cause, mon bras aurait pu être amputé. Aujourd’hui nous sommes loin de
cela. J’espère bien encore croquer la vie à pleine dent. Non, le moral n’est
pas toujours au beau fixe, j’aurais parfois envie que ça aille plus vite, de ne
jamais avoir commis cette petite erreur de discernement en décidant de grimper
sur ce grillage et en calant un de mes pieds sur une trop petite surface
d’ardoise du montant de ce dernier. Je me revois encore partir en arrière et
essayer de me rattraper. J’ai encore en image ce bras déchiqueté par ce pic
entraîné par le poids de mon corps et par la gravité vers le sol.
Voilà plusieurs semaines que je suis à l’hôpital, ne
pouvant pas revenir en arrière, devant faire avec cet évènement de vie…
Beaucoup de personnes proches de moi sont très inquiètes concernant la mise à
l’épreuve de ma patience sur ce lit d’hôpital, un peu bloqué à ne pas faire
grand-chose, à ne pas jouir d’une certaine liberté de mouvement, à ne pas faire
de sport. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je réagis très bien à cet
enfermement, le fait d’être bloqué, de ne pas pratiquer d’activités physiques
Vous pourriez dire que je ne suis pas le
mieux placé pour savoir si je vivais bien cet état. Je peux tout de même
partager avec vous un ressenti personnel. Qui plus est, il est partagé par les
personnes les plus proches qui auront été présentés au quotidien près de moi.
Elles m’ont renvoyée cette image de moi-même, me demandant parfois même comment
je faisais. J’ai toujours aimé l’image de moi-même tel un vrai caméléon,
capable de m’adapter à de nombreuses situations. Ce fut assez aisée, pour moi,
de passer d’une vie agréable d’un petit garçon qui avait tout pour être
heureux, à un adolescent pris dans le tourment de l’incompréhension du monde
qui l’entoure et de ces injustices. Puis j’ai été un jeune adulte capable de
partir étudier à l’étranger, puis de travailler, avant de vivre dans un monde
de «jetset et de paillettes» à Miami.
J’ai ensuite travaillé, dans le Secret Défense, en construisant des
sous-marins. Puis j’ai pris mon sac-à-dos pour voyager de la plus simple des
manières pendant plusieurs années… Je me suis assez bien adaptée aux situations
agréables et choisies, même si pas toujours aussi facile que l’on ne le croit.
Cet événement, qui est un vrai frein dans ma vie, prouve que je peux aussi gérer
l’adaptabilité dans un schéma moins aisé. Le relativisme et, le pouvoir de
pointer son énergie sur les aspects positifs de la situation, m’aident à
franchir le mieux possible les étapes de la vie et ces imprévus, ces
incongruités mais aussi tous les bonheurs
associés.
Nous sommes mi-octobre au CHU d’Angers. Les jours se
sont égrenés. Malheureusement avec ce bras déganté, la peau n’a pas pu
complétement survivre au choc subi. Les séances dans le caisson hyperbare ont
participées à la cicatrisation mais elles n’ont pas pu éviter qu’une certaine
partie de la peau nécrose. Je repasse donc une nouvelle fois sur la table
d’opération. Seulement, à ce moment-là, ils seront l’importance de la nécrose et ce
qu’ils feront en conséquence pour palier à cela. Plusieurs solutions sont
envisagées. La simple greffe superficielle de l’épiderme est possible, mais
elle semble avoir été écartée. Les chirurgiens de plastie qui m’opéreront, en
présence d’un chirurgien vasculaire, envisagent deux greffes plus importantes.
Ils sont persuadés que la peau est nécrosée sur tout son épaisseur, que le
pontage est menacé, qu’il pourrait céder, étant entouré d’une peau «morte». Ils
envisagent alors une greffe «en lambeau», ou l’utilisation d’un muscle fléchisseur de mon
avant-bras pour combler ce trou dans ma peau. Dans le premier cas, ils
découperont un bout de peau profond relié à un système artériel et veineux
fonctionnel. Ils retourneront alors cette partie de peau sur le trou laissé par
la peau nécrosé. Avec quelques astuces chirurgicales poussées, ils pourront ensuite
refermer l’ensemble de mon bras et attendre que
la greffe prenne. Le problème de cette technique en forme de «raquette
de tennis» (avec au niveau du manche l’artère et la veine viable), c’est que le
«tamis» ne pourra pas être trop grand. Sinon il y a un risque que la partie
supérieure de ce dernier ne soit pas alimentée et nécrose encore. Le lambeau de
peau qu’ils pourraient prendre, en assurant la viabilité du pontage, se trouve un
peu loin. Ils ne sont pas encore sûrs de pouvoir utiliser cette technique.
C’est pourquoi, il est envisagé d’utiliser un de mes 4 muscles fléchisseurs de
mon avant-bras (mon bras et ma main pourront retrouver leur totale
fonctionnalité après un temps d’adaptation), et de retourner de la même façon
cette partie de peau au niveau du trou laissé par la peau nécrosée. Dans ce
cas, il faudra attendre plusieurs jours, car le muscle, ne remplissant plus sa
fonction de mise en mouvement, se rétracte. La possibilité que la peau immobile
soit alors suralimentée en sang est forte. Si c’est le cas, ils auront recours
à des sangsues pour palier à cet afflux
trop important de sang, en attendant que cela se régularise. Suite à cela, ils
referont une greffe de peau de l’épiderme par-dessus…
Devoir subir, une opération avec une anesthésie
générale, est toujours impressionnant. Ce n’est plus le fait d’être endormi,
qui de nos jours est plutôt bien maîtrisé et avec un risque quasi-nul. C’est surtout
le cas pour des personnes de mon âge, avec l’état de santé que j’ai par
ailleurs. Mais le fait de ne pas savoir ce qui va m’arriver, le fait de ne pas
être sûr du résultat au réveil, sont un peu angoissant. Surtout pour une
personne comme moi, qui a toujours été dans un contrôle plus ou moins poussé de
ma vie. Mais je n’ai pas le choix. Je n’ai pas d’autre solution que de m’en
remettre à ces chirurgiens, ces internes, ces personnes du bloc. C’est toujours
agréable, très rassurant pour ma maman de savoir que le professeur Rousseau,
très réputé sur Angers, avec un carnet plein pendant plus de 2 ans pour de la
chirurgie esthétique, orchestra cette opération.
Aux blocs opératoires, il fait toujours froid pour
éviter toutes contaminations mais aussi en raison que l’air soit en permanence
renouvelé. Cela fait bizarre d’arriver
allongé, dans cette pièce sobre, avec des énormes lampes articulées, de plus
d’un mètre de diamètre, au plafond. Puis toute l’équipe d’anesthésie arrive et
prépare l’endormissement… Tu sens une pression à au niveau de la tête, puis tu
t’endors…
Tu ne sais pas combien de temps s’écoule. Tu ne sais
pas ce qui est fait à ton bras… Et la première sensation, que tu éprouves, est
la suffocation dès que tu retrouve conscience lors de cette deuxième opération…
J’ai l’impression de ne plus pouvoir respirer. J’ai mal à la gorge et je ne
comprends pas pourquoi je n’arrive pas à reprendre de l’air. J’ai vraiment le
sentiment que je vais mourir. J’éprouve la même sensation que si j’étais sous
l’eau, que mon corps soit bloqué immergé, et que je commence à avaler de l’eau
en voulant prendre ma respiration. Vivre cela n’est pas agréable. Peut-être que
le fait d’enlever l’intubation est, cette fois-ci, pour moi, plus compliqué. Je
ne souhaite à personne de vivre une telle sensation!
Puis tu te retrouves en salle de réveil. Tu es encore
dans les vapes et l’on t’annonce que ni le lambeau, ni la greffe avec le muscle
fléchisseur n’ont été faits. Tu ne comprends pas, tu t’inquiètes. Tu te
demandes ce qui est arrivé à ton bras. Et là, tu penses au pire. Tu ne sens pas
encore ton bras et tu te demandes s’il est encore relié à ton corps. Tu ne
comprends pas ce que te dis l’infirmière. Tu lui redemandes encore une fois
puis une autre.
Essayant finalement de bouger mon bras, j’ai
conscience que mes doigts bougent. Je relâche la pression. Je me calme
doucement, dans mon fort intérieur. Je ne sais pas si les gaz avec lesquels ils
t’endorment ont des effets euphorisant, mais lors de ce réveil, je passe des
sanglots, aux rires aux éclats. Des petites choses anecdotiques sont
amplifiées. Le personnel soignant m’aide. Ça sera le cas principalement d’une
infirmière qui restera près de moi et me rassurera. Ayant un peu plus
conscience de la situation, je suis alors heureux d’être revenu dans le monde
réel.
Dans cette salle de réveil, je revois deux élèves
infirmiers qui ont été présents, différemment, lors de ma première
intervention. La première, une jeune fille, était présente à mon arrivée à
l’hôpital. Elle était en salle de déchocage, toute timide, en observation. Elle
est restée dans un petit coin pour ne pas gêner et voir comment cela se passer.
C’était au début de son stage dans cette unité.
Le deuxième, un garçon, je n’ai pas souvenir de lui. En effet, il était
au bloc, quand je me suis fait opérer. C’est vraiment intéressant d’avoir son
retour sur la situation. Il me révèle alors les dessous de l’opération et des
échanges qui ont eu lieux. Les chirurgiens n’étaient vraiment pas confiant
quand je suis arrivé. Très vite le pronostic vital n’était plus remis en cause,
mais ils ne voyaient pas comment ils allaient pouvoir sauver mon bras. Il a
assisté à toutes les étapes pour nettoyer la plaie, définir avec certitude les
dégâts causés, réaliser le pontage, et voir s’ils pourraient refermer mon bras.
Ma curiosité exacerbée a été cette fois-ci assouvis. Je m’estime chanceux
d’avoir eu cette opportunité de les rencontrer et d’en savoir un peu plus.
Je sais maintenant ce qu’ils m’ont fait pour cette
deuxième opération aussi. En commençant à déterger, en supprimant la nécrose,
couche après couche, ils se sont assez rapidement rendu compte que la peau
avait d’une façon assez exceptionnelle bourgeonnée. Une couche saine de
plusieurs millimètres a recouvert le pontage sur l’intégralité de la surface.
Il est alors sauvé. Surtout qu’il est
maintenant en place depuis presqu’un
mois, ce qui indique que les sutures entre l’artère humérale et le bout de
veine, de plusieurs centimètres pris sur ma jambe gauche, ont bien tenus. C’est
pourquoi ils n’ont pas été obligés de faire un lambeau ou d’utiliser le muscle
fléchisseur. J’apprendrais d’ailleurs que la quasi-totalité du service de
plastie était présent lors de mon bloc, car ils voulaient tous assister à une
opération chirurgicale assez rare si les prévisions avaient été respectées.
Pour eux, l’intérêt a été moindre. Mais pour moi, j’évite une opération
beaucoup plus lourde. Ces deux opérations auraient sûrement eu des conséquences
à long terme, avec par exemple une rétraction de la peau qui m’aurait
énormément gêné au cours des années.
Je ne vois la plaie, que le lendemain matin, lors du
passage du professeur Rousseau et de l’interne Anne-Sophie. Elle est importante
et impressionnante. Ils ont supprimés la peau nécrosée sur plusieurs
centimètres carrés et avec une profondeur de plusieurs millimètres. Lucie
emploiera le terme «cratère», pour qualifier le trou, qui se trouve sur mon
avant-bras, et part du pli du coude. La première fois que je le vois, je trouve
cela presque terrifiant. J’ai presque le sentiment d’être dans un film
d’horreur et que quelque chose vient de me dévorer une partie du bas. J’ai un
peu de mal à me faire à cette idée, mais je dois m’en fier aux spécialistes qui
disent que la nouvelle est bonne. Je la comprends car mon pontage est sauvé,
mais la route de la guérison sera encore longue.
Avant cela, je me sens mieux dès le premier soir après
l’opération. Le fait que cette dernière n’est durée que cinquante minutes et
que mon corps aille mieux physiquement m’aide à retrouver mes esprits assez
rapidement. Le matin du 20 Octobre, ils me confirment que je sors le jour même,
après un passage du professeur. Ils me retirent alors la perfusion, et m’obtiennent des prescriptions médicales. Le
professeur me confirme que mon bras est sauvé, car le pontage est recouvert. Il
me dit que mon bras est précieux et que je devrais y faire particulièrement
attention. En effet, toutes les veines intérieures ont été détruites. Le retour
sanguin de mon avant-bras et de ma main ne se fait maintenant que par
l’intermédiaire des deux dernières veines superficielles qui me reste et d’un réseau
parallèle déjà existant, qui s’agrandira avec le temps… Après une douche, avoir
été revoir le personnel soignants du service de chirurgie vasculaire et du
caisson hyperbare, et avoir rempli les papiers de sortie, je rentre à la maison
avec mon papa, qui est venu me récupérer. Ça fait du bien de se dire que je ne
vais plus être hospitalisé et pouvoir petit-à-petit retourner à une vie
«normale»!
Pourtant le nombre de soins à venir est encore grand.
Cela commence, trois jours plus tard par l’installation d’un «VAC». C’est une
machine qui permet une thérapie par pression négative (T.P.N.). Elle relié en
permanence à mon bras par un tube et aspire en permanence 24h/24. Elle assure
un bourgeonnement plus rapide et permet à la peau de se régénérer. Je dois la
garder 15 jours, avant de subir une nouvelle opération générale pour un implant
d’une membrane. Enfin après acceptation de cette membrane par mon corps, trois
semaines plus tard, ils procéderont à une greffe de peau…
Lors de la visite, suivant l’installation de la
machine VAC, 6 jours plus tard, elle m’est retirée car la peau a déjà presque
intégralement régénérée. Il reste encore quelques étapes avant que cela ne soit
plus qu’un mauvais souvenir mais je commence à percevoir le bout du tunnel.
Plus j’utilise ma main, moins elle est endolorie, moins je sens de douleurs au
niveau du poignet ou dans les muscles de mon avant-bras. Plus les jours
passent, plus je retrouve l’extension de ce bras, grâce aux séances de kinésithérapeute
et à des exercices que je pratique régulièrement.
Mardi 8 Novembre 2016, je retourne à l’hôpital pour la
troisième opération chirurgicale avec anesthésie générale. J’avais rendez-vous
à 7h30, mais l’infirmière m’appelle la veille pour me dire de ne venir qu’à
partir de 10h00. Bien lui en a pris, car l’attente sera déjà bien assez longue
comme cela. Je rentre alors dans ma chambre dans le service de chirurgie
plastie, où je passerais une nuit pour s’assurer que tout va bien après l’acte
chirurgicale. L’opération n’est pas prévue avant 13h15. J’ai donc le temps de
lire, d’écrire, de penser, réfléchir à de tas de choses. J’ai, entre autre, des
pensées pour un ami; Oliver, qui s’est fait opérer la veille, pour lui enlever
un kyste sous le pied, et Suzanne qui se fait opérer le lendemain pour
reconstruire une cicatrice abdominale, qui avait été mal faite ultérieurement
et, qui l’a gênée…
Toujours à jeun depuis la veille 20h00, j’ai, assez
exceptionnellement pour moi, la sensation de faim, avec le ventre qui
gargouille. Heureusement, j’ai de quoi m’occupé. Je lis entre-autre, un très
bon livre que ma tante; Marie-Françoise, m’a fait parvenir. Il s’agit du «vieux qui lisait des romans
d’amour»! L’histoire se passe dans la forêt amazonienne. J’ai la sensation d’être
transporté sur place, de m’évader de nouveau. Je préférerais vivre l’aventure
en direct sur place, mais j’aime aussi utiliser mon imagination pour m’évader
de cette chambre, où règne un calme étrange.
Heureusement, plusieurs infirmières et infirmiers
viennent me rendre visite. Ils me prennent «les constantes», me posent quelques
questions. Nous discutons aussi de nombreux sujets divers et variés, même si
mon accident revient souvent sur le tapis, pas forcément par choix me
concernant. A 12H45, les ambulanciers viennent me chercher. Je les connais
bien, au vu du nombre de fois, où ils m’ont emmené à tour de rôle, pour prendre
part aux séances de caisson hyperbare. Une fois, en salle pré-bloc opératoire,
dans les toutes nouvelles pièces du bâtiment Robert Debré, je patiente encore
plus d’une heure. Heureusement qu’une infirmière aura un peu de temps à passer
à mes côtés. Nous discutons de voyage, d’une de ces amies, parti ouvrir un
dispensaire en Inde, à Bénarès, mais
aussi des beautés de ce monde… Puis, sans transition, après avoir été perfusé,
vient le temps de mon bloc. Il est plus de 14h00. Ils m’emmènent dans un de ces
nouveaux blocs. La différence par rapport à ceux des urgences est incroyable.
Je rentre dans une salle toute neuve, où un mur est décoré de fleurs. Le
matériel surtout est beaucoup plus moderne. C’est le cas des lampes qui sont
moins impressionnantes. L’ambiance n’est donc pas la même. Comme l’opération
est moins longue que les autres fois. Ils ne doivent cette fois-ci pas m’intuber.
Je ne garderais qu’un masque sur le visage…
L’idée est de m’installer, à l’endroit où ma peau a
été endommagé, un Intégra. Il s’agit d’une membrane bicouche, comprenant du
collagène et une surface supérieure en silicone. Ils remplacent le derme détruit
pour éviter que la cicatrisation ne se fasse pas proprement, pour que je puisse
retrouver la complète amplitude et extension de mes mouvements au niveau de mon
coude. La partie collagène va donc se faire coloniser par les cellules
environnantes. Cette membrane est intégrée à ma peau et fixée à l’aide de
grosses agrafes sur tout le pourtour. Après trois semaines, la greffe sera
considérée comme saine. Ils pourront alors enlever la partie protectrice en
silicone, et procéder à une greffe de peau…
En attendant, je prends, une nouvelle fois, le temps
pour me réveiller de cette énième opération. Comme je me l’entends dire à
chaque fois, je devais faire de beaux rêves car je ne voulais pas sortir de ce
sommeil artificiel dans lequel ils m’ont plongé. Comme d’habitude, il est
nécessaire de rester un certains moment sur surveillance pour s’assurer que je
vais bien et que je n’ai pas de soucis post-opératoire. Les chirurgiens m’ont
réservés une «surprise» de taille qui n’est pas des plus agréables. Pour être sûr
que la membrane prenne bien et que je ne la détériore pas, lors de mouvement
trop ample, ils ont enveloppés mon bras dans une demie attelle plâtrée, sur
toute sa longueur et un bandage qui le maintien. Je ne peux donc pas plier mon
bras. Il est en complète extension alors que je commençais à peine à pouvoir
l’étendre de cette façon, deux jours auparavant. Cela va-t-il être agréable ou
du moins supportable? Les heures et jours suivants me le diront!
Une nouvelle fois, je tombe sur une infirmière très intéressante,
avec qui nous discutons de santé, d’hygiène de vie, de façon de se nourrir, du
bienfait de l’activité physique et du sport…. Puis à 18h00, je regagne
finalement ma chambre. Mes parents sont là pour m’accueillir. C’est vraiment
agréable d’avoir les personnes que l’on aime autour de soi, pour nous soutenir
et seulement nous honorer de leur présence. Lucie nous rejoins quelques minutes
après. Les chirurgiens passent dans le service pour me confirmer que tout s’est
bien passé. Les parents partent ensuite car ils ont à faire. Nous mangeons donc
avec Lucie qui a prévu son repas. J’ai un peu plus d’appétit que les deux
dernières fois, mais pour quelqu’un n’ayant rien avalé depuis 24h00, je ne vais
pas manger beaucoup non plus. Après un bon moment de partage, Lucie rentre chez
mes parents car elle travaille tôt le lendemain. Réveil à 6h00, pour être à
l’hôtel à 6h40.
De mon côté, la nuit ne vas pas être des plus
agréable. D’habitude, je ne suis jamais malade donc je ne prends jamais de
médicaments. En effet, à part de grosses maladies physiques: le staphylocope
doré en voyage, en 2012-2013, la mononucléose avant de partir en classe
découverte en CM2, et quelques maladies enfantines, je me souviens seulement de
toutes petites choses, comme un doliprane pris un soir en revenant du travail
car j’avais beaucoup de fièvre, plus de 39°C, avec les jambes toutes flagada…
le lendemain, j’étais en pleine forme et à 7h00 je retournais au travail. Je
n’ai donc jamais, ou presque, besoin de soins médicamenteux.
Pourtant là, après un début de nuit compliqué, je
demande un doliprane 1000. Cela me tire sur les muscles de l’avant-bras, je
suis gêné au niveau de mon coude. C’est surtout l’acceptation par mon corps de
la membrane qui n’est pas être de tout repos. Ce n’est pas agréable du tout
cette attelle plâtrée. Mon bras semble peser une tonne. Je ne sais pas comment
me mettre, comment dormir. Je vois toutes les heures passées. J’écoute la radio
sur mon téléphone portable, entre autre le résultat des élections
présidentielles américaines. Je suis presque content quand je vois le jour
pointer le bout de son nez. Après une nuit avec de fortes averses, une accalmie
semble avoir pris le dessus. Je peux même profiter d’un beau lever de soleil
avec la vue sur la chapelle du CHU. Personne n’est disponible pour venir me
chercher avant le début d’après-midi. En ce mercredi matin, je tiens à ne pas
m’éterniser sur place. Après avoir obtenu les ordonnances et les consignes pour
la suite des opérations, je sors donc et rentre à pied à la maison, en tenant
ce lourd bras droit avec ma main gauche. Très marrant d’avoir ce bras tout
étendu qui sort de la polaire que mon papa m’a prêté. Je sens des regards
compatissants dans la rue. C’est drôle car ils ne savent pas par quoi je suis
passé. Et ça c’est rien. Ils ne peuvent pas imaginer que je suis heureux de
porter ce bras, car ça signifie qu’on le soigne et que je retrouverais
prochainement son utilisation presque totale. Ce n’est pas le plus évident mais
cela fait tout de même du bien de prendre l’air…
Les jours suivants sont assez similaires. La journée
se passe plutôt bien malgré ce handicap certains. La nuit est plus compliquée.
Elle n’est pas évidente non plus pour Lucie. En effet, des douleurs se
déclenchent car mon corps travaille. Je n’en prends pas conscience directement de mon état. Je mélange sûrement la réalité
avec des rêves ou cauchemars. Bref, je gémis, je bouge, sans réellement le
réaliser. Lucie essaie de me réveiller plusieurs fois. Après avoir pris un
antalgique, le reste de la nuit se passe un peu mieux. Malgré mon énergie, cela
me fatigue un peu. Je dors plus qu’au quotidien mais beaucoup moins bien. En ce
moment 5 ou 6 heures ne me suffisent plus. De plus, mon corps travaille pour se
réparer. J’ai subi trois anesthésies générales. Comme le précise ma maman, tout
mon corps réagit à cela et ça lui demande beaucoup d’énergie…
Tous les trois jours, je retourne à l’hôpital pour un
pansement stérile. Dès le premier rendez-vous, il est possible de voir que la
membrane semble parfaitement intégrée. Lors du deuxième, après une semaine, ils
m’enlèvent le plâtre. C’est un vrai soulagement, mais cette fois-ci, je suis
prévenu. Pour la greffe de peau, j’aurais le droit à un autre similaire. A
chaque jour suffit sa peine. Sans plâtre, je suis un peu plus libre de mes
mouvements et les contraintes sont moindres. Encore quelques étapes, et le plus
dur sera derrière moi!
Je n’ai quasiment pas bougé d’Angers et ces environs les
mois précédents, depuis notre retour. Avant la quatrième opération, j’ai envie
de prendre une «bouffée d’oxygène». Je décide alors de partir à Paris… Bizarre
d’écrire cela pour quelqu’un qui adore la nature, les beaux paysages,… Mais
pourtant c’est vrai, ce week-end va me faire un bien fou. J’aurais aimé que
Lucie m’accompagne, mais elle travaille malheureusement. Je pars le vendredi
après-midi, en bus, après mon changement de pansement en stérile à l’hôpital.
Je suis heureux qu’ils aient enfin développé ce moyen de transport en France.
Premièrement, il est très économique, même en comparaison du covoiturage.
Ensuite cela me plonge, tout de suite, dans une atmosphère de voyage. En effet,
j’ai parcouru des milliers et milliers de kilomètres avec ce moyen de
transport, au cours de mes pérégrinations. J’effectuerai le trajet retour le
lundi matin de la même manière. C’est bien quand on a le temps.
C’est un vrai bonheur ce week-end! J’ai la chance de
passer du temps avec des amis et des membres
de ma famille. Nous serons plus ou moins en gros comité. Mais à chaque
fois, des moments exquis permettent d’échanger sur des sujets divers et variés,
de rire, de profiter de petites merveilles de Paris, de marcher, me promener,
seul ou accompagné. J’ai la chance de revoir des personnes que je n’avais pas
vu depuis fort longtemps, de me rendre compte que mes petits cousins et
cousines ont tellement grandis. Oui ce week-end fut assez simple mais il a été empli
de moments de vie très intéressant que j’ai savouré autant que faire se peut.
C’est vraiment sympa aussi de revoir, en tête à tête, ou en petit comité, des
personnes que l’on avait l’occasion de ne voir quasiment que lors de gros
événements familiaux. L’échange est totalement différent, beaucoup plus
profond. Il est moins parasité par des interférences, même sympathiques, venant
de telle ou telle autre personne mais qui ne permet pas au final de vivre la
chose avec la même intensité. Et puis, même si je n’ai pas besoin de voir ma
famille tous les jours, nous avons passés des moments de vie très forte depuis
mon enfance. Ces liens, même s’ils se sont parfois un peu distendus, sont
finalement toujours aussi forts. Paris aura été, je le répète, une vraie «bouffée
d’oxygène».
Je suis vraiment heureux de rentrer à Angers pour voir
des personnes qui comptent tellement à mes yeux! Je dois finir ce processus de
guérison de mon bras pour repartir de plus belle…
Vendredi 25 Novembre, à 15h00, une nouvelle fois à jeun depuis la veille,
un nouveau retour au service de chirurgie plastie du CHU d’Angers, je passe
pour la quatrième fois au bloc opératoire. Cette opération aura lieu avec une
anesthésie générale. Je suis maintenant rôdé pour le protocole, aux obligations
et questions posées, à l’attente dans ma chambre depuis 10h00, au transfert par
les ambulanciers plus d’une heure en avance, à l’attente au niveau de la salle
«pré-op.», à la mise en place de la perfusion sur ma main gauche et à
l’endormissement à l’aide du masque sur mon visage et du produit injecté à
travers mes veines. Il s’agit cette fois-ci, et normalement, de l’étape finale
pour la guérison de mon bras.
La greffe ou transplantation cutanée est un prélèvement autologue, avec une
prise de substance sur la face intérieure de ma cuisse droite. C’est une greffe
de peau mince qui est effectuée. Le prélèvement se fait à l’aide d’un
dermatome, qui permet de prendre des grandes bandes de peau ne choisissant une
largeur donnée. Pour mon cas, la bande fait à peu près 10 centimètres sur
quatre. Ils l’ont ensuite positionner au-dessus de la membrane Intégra, qui a
été mise en place précédemment. La greffe est fixée à l’aide de grosses
agrafes. Sa survie étant lié à sa revascularisation à partir de la profondeur,
elle doit être parfaitement immobilisée. Ils m’ont installé alors, par-dessus,
un bourdonnet. Ils l’ont plaqué contre ma peau avec des fils passés sous
cutanée. Vu que cette greffe se trouve au niveau du pli du coude, ils m’ont de
nouveau bloqué le bras dans une attelle plâtrée. L’opération était prévue pour
«52 minutes», selon les dires de l’infirmière. C’est impressionnant de se
rendre compte du planning chargé des blocs opératoires et des actes des
chirurgiens.
D’ailleurs, plus que jamais, je sens d’énorme tensions entre les soignants.
Avant le bloc, des aides-soignantes s’énervent. Je les entends se plaindre de
la cadence de travail, du problème de communication avec certains chirurgiens.
Parfois la peur de «se faire engueuler», pour telles ou telles raisons, est
présente. Malgré que le personnel soit agréable avec moi, je peux voir en
direct, ce dont j’entends parler depuis longtemps concernant le malaise dans le
milieu hospitalier, avec des conditions de travail se dégradant de plus en
plus… Cela ne change pas au réveil. De mon côté, je mets toujours autant de
temps pour me réveiller; plus d’une heure et demi. Je me sens très rapidement
en forme, mes constantes sont signes d’une bonne santé. Du côté du corps
médical, j’entends que des infirmières se plaignent et n’arrivent pas à tout
faire, à prendre les consignes. J’entends même dire qu’une infirmière a craquée
sous la pression. Elle pleure et elle s’est enfermée dans un bureau.
«L’ambiance est au beau fixe à ce que je vois!» il faut mieux en rigoler mais
c’est tout de même dramatique pour tout le monde…
A 19h00, je suis enfin de retour dans ma chambre. Mes parents voulaient me
voir, mais ils ont une obligation ce soir, donc ils sont partis avant que je
remontre au «218» du bâtiment des quatre services. En revanche, Lucie est
arrivée. C’est très agréable de la voir et de pouvoir passer ce début de soirée
avec elle. Nous passons un bon moment. Elle a été très présente lors de cette épreuve
en venant dès que possible à mon chevet. Elle a pris soin de moi avec pleins de
belles attentions et surtout beaucoup d’Amour…
Mon pansement va ensuite être refait à la jambe car il n’a pas tenu et la
peau n’est plus protégée. Je ne m’endors pas tout de suite, bien au contraire.
Je ne dormirais finalement qu’à peine 1h30. Lors de cette première nuit, je
n’ai pas mal mais mes pensées s’évadent dans de multiples directions et je ne
trouve pas le sommeil. Après chaque opération, mes sentiments, ma sensibilité
sont exacerbés. Je passe par des phases d’euphorie et des phases un peu plus
nostalgiques. Je retiens néanmoins l’essentiel. Je suis bien entouré et assez
rapidement je pourrais retrouver la pleine utilisation de mon bras et sa
mobilité.
Après une nuit à l’hôpital pour observation, après que la perfusion a été
enlevée, que mon pansement ai été refait, mes parents me récupèrent en fin de
matinée. Après un petit tour au marché, nous rentrons déjeuner à la maison avec
Lucie. Nous passerons l’après-midi à faire les magasins pour acheter les
premiers cadeaux de noël et voir ce que nous voudrions. Ça me tire au niveau de
la jambe, les frottements, malgré le pansement, ne sont pas agréables, ça fait
comme une brûlure permanente, je suis un peu fatigué, mais je ne m’écoute pas
trop.
Le soir, nous mangeons chez les parents à Lucie. Les
discussions et le repas sont plaisants. Une fois de plus, nous passons un bon
moment en leur compagnie. Vers la fin du repas, je me lève pour débarrasser. Je
sens que c’est humide au niveau de l’intérieur de mon genou droit. Je pense au
début que je me suis mis un peu de soupe par inadvertance. Passant un bout
d’essuie-tout dessus, je constate de longues traînées rouges. C’est du sang.
Une partie de mon pantalon en est imbibé. J’enlève mon pantalon et je découvre
ma jambe ensanglantée. C’est une nouvelle fois, assez impressionnant, mais
finalement ce n’est pas si grave que cela. Lucie va jouer les infirmières avec
moi. C’est elle qui me prodigue les soins en nettoyant ma jambe et la plaie, en
enlevant le pansement et procédant à son remplacement. Le fait d’enlever le
film adhésif protecteur est pire qu’une épilation. La plaie est propre mais
très sensible. Le soin sera un peu douloureux même si Lucie exécute
parfaitement les tâches incombées. Je finis donc par prendre un Doliprane dans
le but de passer la meilleure nuit possible. Au fur et à mesure des opérations,
les désagréments et les douleurs post-opératoires augmentent, cette fois-ci au
niveau de la jambe. La sensation de brûlure est quasi-permanente. En revanche,
la pose de la greffe ou le maintien par l’attelle ne sont plus alors source de
souffrance, même si c’est assez handicapant au moment T. Il est pourtant facile
de relativiser. Je sens mon bras et très vite je l’utiliserais comme
auparavant. Il sera parfaitement fonctionnel sans séquelles. N’ayant ni
touché les nerfs, ni les tendons, ni les muscles, je pourrais l’utiliser avec
la même force et amplitude qu’avant, comme si rien ne s’était passé.
Le lendemain, nous nous rendons à Saumur avec le papa de Lucie et sa
grand-mère. Nous allons voir une voiture, pour en faire une acquisition commune.
Nous passons un bon moment dans la famille de Lucie et nous prenons conscience
de la bonne affaire que nous pouvons faire lors de cet achat. Ça sera d’ailleurs
alors le vraie premier achat ensemble, même si pendant le voyage nous avons
fait de grosses dépenses communes.
Les jours suivants passent rapidement. Je suis, nous sommes bien occupés.
Entre les soins, les démarches administratives, la recherche d’un appartement
et les démarches liées, la fin de l’écriture de mon blog, le travail pour
Lucie, un peu de sport, pas le temps de s’ennuyer. D’ailleurs ça n’a jamais été
le cas et je pense que ça ne le sera jamais. J’ai le moral, je suis positif
mais je suis aussi assez pressé que cela finisse maintenant. Vivement que je
puisse, que nous puissions envisager sérieusement, les projets personnel mais
surtout de couple, d’avenir professionnel que j’ai mis un peu en suspens, et
dont Lucie fait les frais indirectement.
Le 30 Novembre, en consultation dans le service de plastie, ils enlèvent
les pansements. La plaie à la jambe est presque cicatrisée. Ça me brûle encore
un peu, les frottements ne sont pas encore très agréables, quand je marche,
mais ce n’est plus qu’une question de jours. Concernant la greffe de peau sur
mon bras droit, l’interne n’est, à prime à bord, pas très confiant après qu’ils
aient enlevé le bourdonnet. La greffe n’est pas parfaite. Pourtant, après avoir
enlevé des couches mortes, il peut constater une prise sur une grande partie de
la surface à recouvrir, exception faite du pourtour de la plaie. Les
infirmières me rassurent aussi. Ce n’est pas toujours très beau quand ils
enlèvent le bourdonnet, mais le résultat devrait être beaucoup plus flagrant et
propre, dans un peu plus d’une semaine. Je dois garder l’attelle plâtrée
pendant 9 jours jusqu’à la prochaine visite dans le service. Je ne pensais pas
que cela serait si long encore. Ma patience est mise à rude épreuve mais je
tiens le coup et envisage maintenant sérieusement la suite. Encore 15 jours
pour que la greffe soit totalement viable, un mois pour que je puisse aller de
nouveau me baigner. Un doppler, le 20 décembre, un peu de rééducation, et
j’espère bien pouvoir tourner cette page de ma vie. Je prends conscience, plus
que jamais, de la chance d’être en bonne santé, d’avoir la possibilité
d’utiliser l’ensemble des membres de mon corps.
Cela fait longtemps que je n’ai pas été aussi pressé d’être aux fêtes de
fin d’année. J’ai une envie monstrueuse de croquer la vie à pleines dents. Je
souhaite que ces projets pour construire ma vie, ceux, qui me faisait peur
auparavant, deviennent maintenant réalité et participent à mon bonheur,
indirectement à celui de mes proches, mais surtout à celui de la femme que
j’aime… Bien sûr, je compte bien vivre
encore des expériences fortes, folles, sortant parfois du quotidien de tout le
monde mais compatibles avec des projets à long termes.
Cet article sera l’avant-dernier (au moins pour l’instant). J’avais
vraiment besoin de finaliser ce projet, en parlant de ce retour, et de ce
nouveau «voyage», beaucoup moins dépaysant, mais peut-être tout aussi
important, qu’à était cet accident. Ce fut un vrai coup d’arrêt, peut-être,
salvateur. A force de toujours en faire trop, en faire plus, je n’ai pas
toujours pris le temps de discerner ce qui était vraiment important. Je n’ai
pas mis les priorités là, où elles devaient être mises.
J’ai vécu et vis l’écriture de ce blog comme un vrai moyen de partage; un lien
indispensable avec les personnes proches restées à la maison, un véritable
outil pour mes souvenirs. Mais ce fut aussi une vraie «thérapie» me permettant
de revivre les moments forts de ces cinq dernières années, de poser noir sur
blanc des idées sur le monde qui m’entoure et sur ce que je suis.
Il va pourtant être temps de passer à autre chose, de tourner la page,
d’aller vraiment de l’avant et d’arrêter de tourner en rond dans certains
domaines de ma vie. En cette fin d’année 2016, la prise de conscience est
grande. J’espère que je suis, avec cette blessure, tombé au «fond du trou».
J’espère surtout que je vais me relever plus fort que jamais, plus heureux que
jamais, avec une envie débordante de vivre pleinement chaque instant, non
seulement par la parole, mais surtout par les actes au quotidien, encore plus
que jamais, encore plus que pendant ces années merveilleuses de voyage…
.
Après m’être libéré du passé, étant libre de choisir mon destin, je veux
écrire de nouvelles pages magiques de ma vie. Je désire, que les personnes, que
j’aime, soient partie prenante de la suite de mon histoire, et que j’écrive
avec eux, dès aujourd’hui, les plus beaux chapitres de mon existence!!!