Lundi matin 9 Septembre 2013, une fois les préparatifs terminés pour les Syséléma et l’Akilifamily, nous voici en route pour le Sud Lipez! Les papiers à la douane ne seront cette fois-ci qu'une simple formalité!
Nous reprenons alors la direction de la Cordillère des Andes. Faisant machine-arrière, la descente, pour se rendre à Atacama, devient alors une montée infernale de plus de 2000 mètres d'altitude en quelques kilomètres. Le camping-car et le camion se comportent bien! Plus que jamais, ils font partis de l'aventure! Nous allons devoir les écouter, prendre soin d'eux... Nous ne devons plus les considérer seulement comme des tas de ferraille inertes mais plus comme des membres à part entière de ce périple en altitude, dans ces lieux, qui pourraient rapidement devenir inhospitaliers!
Les appeler par leur surnom, «Gros pépère» et «Cfoussa» les aideraient peut être à se sentir plus investis. Une chose est sûre, ils vont être les stars de ce trajet, seront sous les feux des projecteurs, des caméras et des caméscopes. Et mon petit doigt me dit qu’ils vont faire leurs petits caprices dus à leur rang!
Sortant de la route menant au Paso De Jama, nous empruntons une piste menant à la douane Bolivienne et au Sud Lipez. Il s’agit de la piste qu’avait due dégager de la neige et de la glace, mètres après mètres, nos amis camping-caristes, quelques jours auparavant. Elle est maintenant praticable tout du moins pour ce début de trajet. Après 7 kilomètres de pistes, nous arrivons devant un bâtiment dans un état avancé de délabrement. Il s’agit de la douane bolivienne. Un seul douanier est présent. Il y passe plus de 28 jours par mois, seul, perdu au milieu de nul part! Les formalités pour rentrer sur le territoire bolivien sont ici d’une simplicité enfantine pour nous français. En revanche, Fabrice ne veut pas passer, avec son camping-car, dans des ornières gigantesques créaient devant la barrière frontalière. Il décide donc de contourner ce piège, sur le côté droit du bâtiment, contrairement aux indications du douanier.
Premier avertissement de «Gros pépère» qui n’était pas décidé à se faire ravaler la façade et à prendre un bain de boue. Il s’embourbe sur un talus fait de terre boueuse molle. Le camping-car est bloqué, les roues sont enfoncées sur plus de 30 centimètres et le fond du bac du châssis du camping-car touche le sol.
Heureusement, nous allons nous sortir d’affaire assez simplement grâce aux efforts combinés des 4 roues motrices arrière de « Gros pépère», d’un gros bon coup d’accélérateur de Fabrice, et de Céline et moi-même qui allons pousser. Nous sommes finalement trois à avoir eu le droit à un bain de boue des pieds, mais nous pouvons continuer la route sans encombre. Fabrice aura néanmoins le droit à une remontrance du douanier qui estime ne pas s’être fait respecter.
Sébastien et «Cfoussa» se seront, quant à eux, bien amusés, en mode 4x4, dans les grosses ornières pleines d’eau de cette entrée en Bolivie. Nous continuons tous ensemble la route. Après avoir payés les droits d’entrée dans le Parc National, au refuge d’altitude, nous gagnons la Laguna Verde qui se trouve à 4400 mètres d’altitude. Son impressionnante couleur bleu-vert est due à une importante concentration de minéraux; souffre, arsenic, plomb et calcium. Après avoir traversés notre premier rio sans encombre, nous nous installerons sur un point de vue dominant cette magnifique lagune. En arrière-plan, un magnifique cône se dessine. Il s’agit du volcan Licancabur (dont le sommet est à 5960 mètres). Nous avons pu maintenant l’observer de tous les côtés, quasiment sur une vue globale à 360°! Nous apprécierons une soirée au calme, chacun dans nos véhicules, après avoir bu ensemble un thé à la coca, boisson phare de la région de l’Altiplano…
Le lendemain matin, je me réveille au lever du soleil, que j’admire depuis ma chambre (lit simple qu’Eliott m’a prêté, alors qu’il dort pendant ce temps avec sa sœur, dans le lit inférieur des couchettes superposées)! Je me décide, après quelques minutes tranquilles dans mon lit, à explorer, à pied, les environs. Bien m’en a pris ! Je vais pouvoir observer la faune sauvage des lieux. Des vigognes se promènent au bord du lac. Des renards jouent à cache-cache. Des flamants roses se reposent tranquillement sur ces eaux limpides. Le spectacle est entier grâce à un grand ciel bleu. Le soleil réchauffe rapidement l’atmosphère. Et l’effet miroir est parfait sur ces lagunes de montagne, totalement planes en l’absence de vent! Ayant profité plus d’une heure et demie, seul, je rejoins le reste des troupes qui vient de se lever. Nous prenons alors un petit-déjeuner agréable à la française, avec chocolat chaud, pain, beurre, et confitures… Que puis-je demander de mieux? Rien!
Nous préparons alors les camions pour la continuation du trajet. Surtout sur ces pistes défoncées, il est impératif de s’assurer que tout est en place et que rien ne pourra venir s’écraser par terre, à la moindre secousse. Nous allons finalement avoir un peu plus de temps que prévu pour faire l’ensemble de ces démarches. Les deux camions ont bien démarrés après avoir craché un peu leurs poumons et suffoqués à cette altitude. Mais «gros pépère» a décidé qu’il ne voulait pas bouger immédiatement. Les câbles du frein à main ne se relâchent pas, laissant prisonnier les roues arrières dans des grosses mâchoires d’acier. Le véhicule ne bougera pas d’un pouce tant que cette équation mécanique n’aura pas été résolue. Fabrice et Sébastien se mettent au travail immédiatement. Allongés sous «Gros pépère», ils comprennent vite pourquoi ce dernier a décidé de ne pas avancer. Une accumulation monstrueuse de saleté, de poussières, de boues, s’est agglomérée au niveau de la jonction entre les câbles et les mâchoires empêchant les deux de fonctionner correctement, et de répondre instantanément à la commande des premiers pour les secondes! Un coup de soufflet à air comprimé, quelques essais plus tard, et voilà le véhicule heureux de nouveau répondre aux commandes de son propriétaire. Nous pouvons reprendre la route. Cet incident sera sans conséquence mais il sera un nouvel avertissement qu’un cavalier doit prendre soin de sa monture, qu’un propriétaire de véhicule doit être vraiment précautionneux surtout quand il fait subir à ce dernier des épreuves délicates pour son mécanisme!
Que diriez-vous si je vous faisais faire une course en pleine montagne, sur un chemin cabossé, pied nu, avec des pentes vertigineuses, de l’eau à traverser dans des conditions météorologiques exécrables, alors que vous avez été préparés et entraînés pour courir des distances moyennes, sur du bitume, au niveau de la mer, avec des chaussures de sport dernières générations? Je pense que vous auriez votre mot à dire, que vous auriez des défaillances lors de la course. Que malgré votre volonté d’aller jusqu’au bout, vous ne pourriez promettre à personne, avec certitude, que vous arriveriez à tenir le défi! Je suis persuadé que vous comprenez maintenant beaucoup mieux la configuration de l’aventure que nous sommes en train de vivre. Comme nous, vous vous attendez sûrement à de nouveaux rebondissements… Malheureusement, les faits vont vous donner raison beaucoup plus vite qu’espérer par nous; les équipages embarqués dans cette aventure! Sachez aussi que je ne crache pas dans la soupe, ou ne juge pas mes amis, qui m’ont fait partager cette expérience, que je garderai finalement toute ma vie comme un moment fort de mon voyage. C’est soudé et positif que nous abordons la suite des événements qui devraient faire parler la poudre d’escampette.
Nous nous enfonçons donc un peu plus dans ces contrées sèches et arides, de haute altitude, de la Cordillère des Andes! Regardez à 360° va nous réserver des surprises de tailles. Deux renards vont tout d’abord venir jouer tout près des roues du camping-car de l’Akilifamily. Puis nous pouvons observer des montagnes, parées de couleurs multiples. Elles leur donnent un cachet particulier et unique en son genre! Nous traversons des petites flaques d’eau plus ou moins gelées. Ils restent de la glace sculptée par le vent sur les côtés. Sur un versant totalement dénudé de montagne, les «Rocas de Dali», énormes roches esseulées, semblent avoir été déposée tel que dans une œuvre d’art du maître surréaliste en personne. La laguna Salada et le Salar de Chaviri vont nous apporter leur lot de beauté naturelle semblant sortir tout droit d’un conte de fée, ou d’un pays imaginaire incroyable où tout ne serait que perfection et simplicité. L’eau d’un bleu pur, les couleurs de la terre créées par les minéraux, les flamants-roses qui se meuvent tranquillement dans leur élément, font entre autre partie du charme de ces paysages.
Le beau temps est de la partie. Les températures montent bien au cours de la journée. Cela ne nous empêche pas de prendre conscience de la dureté climatique des lieux. La quasi-absence de vent, le soleil réchauffant l’atmosphère, nous allons tout de même pouvoir déjeuner dehors, et organiser un barbecue… Tout le monde a le sourire! Après un thé à la coca pour s’acclimater à l’altitude, nous décidons de continuer notre chemin pour explorer un peu plus en profondeur ces paysages d’une autre planète.
Le début d’après-midi se passe à merveille! Quelques kilomètres suffisent pour transformer totalement ces terres arides qui nous entourent. Nous en prenons pleins les yeux! Le passage de rio pour «Cfoussa» est un plaisir intense car il peut enfin utiliser ces pleines capacités 4x4. Les gerbes d’eau produites lors du passage sont immortalisées en vidéo par Sylvie et en photo par Fabrice.
Arrivant au-dessus des «Sol de Manana», zone géothermique de grande importance, à plus de 4900 mètres d’altitude, «Gros pépère» va encore montrer un signe de fatigue. Celui-ci n’est pas aussi anodin que le premier!
La direction assistée ne répond plus. Fabrice est pris un peu de panique. Lui, qui est étonnement calme d’habitude, va sortir de ces gongs! Que se passe-t-il?! Le véhicule va-t-il nous lâcher dans ces conditions extrêmes alors que la nuit n’est pas loin de tomber? Nous nous trouvons, qui plus est, à des altitudes où certains d’entre nous commencent à ressentir des effets désagréables dus à une acclimatation délicate… Sébastien est très pessimiste quand il constate que c’et la durite du liquide de direction assistée qui est percée. Fabrice n’avait pas connaissance de la présence et l’existence de ce liquide dans son véhicule (pour ne rien vous cacher moins non plus. J’apprends encore un peu plus en mécanique pour véhicule). Des frottements répétitifs entre tuyaux ont créés cet infime trou dans la durite. Malheureusement, ce liquide nécessite d’être mis sous haute pression pour fonctionner. La moindre fuite est donc inenvisageable et condamne le véhicule à l’immobilisme.
Céline craque nerveusement! Elle pense déjà au pire! Elle regrette de s’être lancée dans cette aventure avec un véhicule pas vraiment adapté.
Heureusement, le contrecoup de l’annonce du problème passée, «Minou» et Fabrice ne restent pas inactifs. Ils se mettent au travail. Ils pensent aux solutions envisageables. Une première réparation de fortune sera effectuée avec différents éléments dont disposent Sébastien dans les antres de «Cfoussa».
Les circonstances vont totalement jouer en notre faveur. Sébastien voulait jeter son surplus de liquide de direction assisté qu’il avait conservé dans une bouteille. Le fait qu’il n’est pas pu aller à Calama pour faire vérifier totalement son véhicule, alors qu’il aidait Renan à réparer son radiateur, aura fait qu’il ait été un peu plus prudent. Après avoir terminé la première réparation, «Gros pépère» se voit donc attribuer ce liquide dans son réservoir dédié.
De plus cette réparation avec Renan, quelques jours auparavant, et son besoin en bi-composant époxy va avoir un impact majeur sur la suite de notre aventure dans ces contrées reculées. Après quelques centaines de mètres, essayant d’aller prendre un nouveau chemin pour nous rendre aux «Sol de Manana». La direction bloque de nouveau. La réparation n’a pas tenue. C’est alors qu’entre en jeux, l’époxy bi-composant. Ce produit miracle, acheté par Fabrice par simple précaution, sera le seul moyen de réparer ce problème physique de perte de pression et fuite de liquide. Sans cette suite d’événements, en fin de semaine passée, la conclusion de cette panne aurait été plus tragique. Encore une fois, tétanisés par le froid, Fabrice et Sébastien vont tout de même s’atteler à la tâche et produire une réparation qui devrait temporairement nous sortir d’affaire.
La nuit est tombée quand ils finissent les réparations. Nous ne bougerons plus pour la nuit. Le moral et au plus bas pour Céline. Mais Fabrice essai de la rassurer. Il lui dit de ne pas juger une situation dont elle ne maîtrise pas les tenants et les aboutissants. Pourtant, il est lui aussi prit d’incertitudes. Il voudrait retrouver la tête sur les épaules après avoir été énervé et pris de panique. Les discussions avec l’ensemble des protagonistes calmeront les esprits. Une bonne nuit devrait permettre de récupérer et recouvrir un mental positif. Il n’en sera pas ainsi! Les inquiétudes pour les uns et un début de mal des montagnes pour les autres les empêcheront de dormir tel que souhaité et nécessaire.
Etant une tierce partie dans l’histoire, n’ayant pas d’enfants avec moi, dont je suis responsable, et n’étant pas le propriétaire des véhicules, je n’ai sûrement pas la même pression sur les épaules. Je ne suis pas confronté aux mêmes dilemmes. Une chose est sûre, je vais passer une très bonne nuit.
Sachant qu’ils ont du travail encore à faire sur «Gros pépère» le matin et m’ayant dit que je ne peux pas vraiment les aider, je décide de partir explorer les alentours. Je me rends bien sûr aux «Sol de Manana» à quelques encablures. Les geysers espérés sont quasi-inexistants. En revanche les mares de boues bouillonnantes, les fumerolles et leurs odeurs nauséabondes sulfureuses vont me plonger dans une atmosphère lugubre de lieux habités par des mauvais esprits. La beauté des environs, les multitudes de couleurs inhabituelles, pour des roches, me raccrocheront à une réalité plus proche du paradis que de l’enfer. Une fois encore, cette balade matinale, en solitaire, sera une vraie source d’inspiration et de bonheur pour moi.
J’irai aussi, en fin de promenade, vérifier que le terrain accidenté détecté la veille en amont n’est pas aussi dangereux qu’il n’y paraissait.
Malgré un mal de tête pour Sylvie et ces enfants, la sensation de diminution des capacités physiques pour Sébastien, et une très mauvaise nuit pour Céline et Fabrice, le moral des troupes est plutôt bon! «Gros pépère» est réparé. Il n’est plus question de devoir le laisser derrière nous, de faire demi-tour ou d’avoir à choisir une solution qui aurait pu condamner Fabrice et Céline à revoir sérieusement les objectifs pour la suite de leur voyage…
«Gros pépère» ne montrerait pas aussi des signes de mécontentement? N’aurait-il pas compris que Céline et Fabrice pour des raisons pratiques et non par envies, ont décidés de s’en séparer? Dans deux mois, ils le transmettront aux mains d’autres voyageurs sans qu’il ait son mot à dire! Vous me direz que ce n’est pas quelques bouts inertes de matériaux qui seraient capables d’un tel comportement! Vous ne vous rendez pas compte alors qu’un véhicule, lors d’un tel périple, n’est pas seulement un bien matériel, il fait partie d’un ensemble qui assure un équilibre fragile!
L’ascenseur émotionnel est en route! En avons-nous atteint son apogée? Ou allons-nous redescendre pour pouvoir remonter encore plus haut, encore plus fort?
Quoi qu’il en soit, à l’instant présent, nous pouvons reprendre la route et continuer notre ascension vers la douane la plus haute du monde. En effet, au début de notre périple nous avons passés le service d’immigration pour les personnes mais nous n’avons pas fait les démarches pour l’entrée des véhicules sur le territoire. Ce service, exceptionnellement dissocié, se trouve à 5020 mètres d’altitude (douane la plus haute du monde), dans les locaux d’une entreprise d’extraction de minerais… Nous venons alors juste de franchir auparavant un col à 5030 mètres d’altitude. Ça sera notre point le plus élevé de notre périple ensemble!
Les formalités administratives dureront que quelques minutes. Nous passerons plus de temps sur place pour trouver du liquide de direction assistée. L’usine ne voudra pas nous en fournir mais un chauffeur routier les livrant nous en fera don! La réparation à bien tenue pendant plus d’une heure et demie, nous semblons donc sortir d’affaire, à cet instant T.
Après, le passage à la douane, nous faisons demi-tour sur environ 5 kilomètres, avant de prendre à gauche à la bifurcation, en direction de la Laguna Colorado, Nous entamons la descente! Mais le parcours est encore long. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Les paysages alliant roches, glaces, déserts sont fabuleux. Les pistes ne sont pas simples à aborder mais «Cfoussa» et «Gros pépère» nous montrent alors ce qu’ils en ont dans le ventre. Ils passent aisément les passages délicats. Traverser dans l’eau et la boue, entre deux congères de glace de plus de 2 mètres, ne semble être que des formalités banales pour ces véhicules marchant de plus belle.
La vue sur la Laguna Colorada en fin de matinée est vraiment reçue et perçue comme un cadeau tombé du ciel! Nous profiterons de ce mixte de couleurs surréalistes pendant de longues minutes. Puis nous longeons le canyon qui descend vers la vallée encaissée, où se situe «ce mirage naturel»… Le terme employé n’est pas anodin!
Faisant du hors-piste, ils décident de stopper les véhicules à plus de deux kilomètres des eaux très spéciales, qui croupissent ici.
Ne pouvant pas attendre pour découvrir l’endroit, je décide de marcher en direction de cet espace qui me semble être un oasis, un mirage au milieu de ce désert d’altitude. Les effets de la chaleur et du vent combinés participent à cet effet optique intéressant. Plus je me rapproche, plus je suis à même de constater que mes yeux ne me trompaient pas. Je suis face à un lac rouge vif, situe à 4278 mètres, et qui couvre environ 6000 hectares. Ces couleurs vivent proviennent des planctons et des algues qui prospèrent dans ces eaux riches en minéraux. Des dépôts de borax, de magnésium et blanc de sodium, inondent les rives. Des sédiments et microfossiles précieux pour l’industrie pullulent. La beauté des lieux est multipliée, à l’infini, par la présence à cette époque d’une multitude de flamants roses. Trois espèces cohabitent dans cette région. Ils sont là par centaines, par milliers… Je n’espérai pas voir ce spectacle avant l’Afrique dans les lacs du Kenya. Mais c’est ici dans les hauteurs andines que je vais découvrir une nature hallucinante. Voulant en profiter pleinement, je vais me déchausser et plonger mes pieds dans ces eaux glaciales, marécageuses, boueuses… Je vais passer un moment exquis loin des questions temporelles! Peu importe, le temps que je vais y rester, je vis quelque chose de fort. Le maître-mot est profité et je ne pense à rien d’autre.
Quand je reviens finalement aux véhicules, doté d’une paire de chaussure et chaussettes en sel, ils ont tous mangés. J’aime avoir la chance de partager mes repas avec autrui, mais à cet instant, l’observation de la nature, qui m’entoure, a pris le pas sur tout le reste.
De retour parmi eux, je vais prendre part à une activité sympathique. Nous avons décidés de marquer le coup en prenant des photos de groupe, qui resteront un souvenir à jamais gravé sur la pellicule! Nous revenons ensuite tous aux camions après ces moments hors normes.
Je serais bien resté beaucoup plus longtemps sur place. Mais certains ont encore envie d’avancer et de perdre de l’altitude pour se sentir mieux que les jours précédents! Ayant la sensation d’avoir assez profité de la lagune (si l’on peut parler ainsi car je suis sûre que tout le monde serait bien resté au moins une journée de plus), la décision est prise de monter sur les hauteurs de la montagne, opposée au chemin pris à notre arrivée, pour y bivouaquer. Ils pensent y trouver un point de vue intéressant, sur la lagune, pour le coucher et lever de soleil. Nous longeons donc la Laguna. A cet endroit, elle revêt encore un aspect totalement différent. Les herbes jaunâtres contrastent énormément avec la couleur rouge-rosâtre qui la rend unique. Puis, nous commençons l’ascension.
4 ou 5 kilomètres après avoir stoppé de la longer, nous arrivons à la cabane du gardien du Parc National. Nous sortons de ce dernier et mes chances s’amenuisent au fil des kilomètres d’y retourner. Il est mieux de sortir du parc, surtout en raison de la présence de Caïna, qui n’est normalement pas autorisée dans ces lieux. Pourtant, je ne peux pas me résoudre au fait que je n’aurai pas la chance d’y passer plus de temps. Rien de perdu, j’ai déjà une idée en tête! Le gardien nous indique un lieu possible de bivouac 3 kilomètres plus loin. Nous stoppons donc les véhicules à plus de 8 kilomètres de la lagune. L’endroit est sympathique. Nous sommes plus ou moins à l’abri des vents.
Une journée sans accroche, sans problèmes mécaniques et avec une santé redevenue meilleure, permettent de requinquer le moral ambiant. Les enfants mangeront tôt tandis que, nous, adultes, allons-nous réunir pour un apéro dînatoire dans l’antre de «gros pépère»! La soirée est intéressante. Différentes discussions seront abordées. Elles touchent plus ou moins les sensibilités et émotions de plusieurs personnes, concernées d’un peu plus près par les sujets évoqués.
Sébastien voulant s’améliorer pour les clichés nocturnes sortira dehors pour faire des essais. Je vais le rejoindre assez rapidement. Finalement, ensemble, nous ne ferons pas de prise photographique, mais nous parlerons pendant plus de trois-quarts d’heure de nos expériences respectives, de l’Amour et des difficultés possibles rencontrées par un couple même, quand d’un point de vue extérieur, tout semble se passer à merveille!
Un peu congelé, car sortie sans gants, sans bonnet, et sans blouson, je serais content de retourner dans le camping-car, malgré l’intérêt de notre échange. Je gagnerai par la suite très vite le dessous de ma couette chaude…
Les yeux grands ouverts avant le lever du soleil, je n’ai plus qu’une idée en tête. Je veux retourner aux abords du rivage de cette lagune qui m’a «prise aux tripes», m’a fait vibrer tout mon corps, physiquement et mentalement parlant, depuis l’ongle de mon petit doigt de pied jusqu’à l’extrémité de mèche la plus longue de toute ma chevelure. Je vais regarder les couleurs du ciel changer depuis mon lit, à travers la fenêtre donnant directement sur la montagne, où s’apprête à sortir l’astre solaire. Une fois que le premier rayon de soleil ai fait son apparition à l’horizon, je saute dans mes affaires, prends mon appareil photo... Je repars alors en arrière, espérant passer des instants d’une intensité aussi forte que la veille. Ce que je vais vivre va très largement dépasser ce que j’avais pu imaginer.
Descendant dans un canyon, je vais très vite refranchir la limite imaginaire du Parc National. Je me retrouve ensuite dans un paysage marécageux, mélangeant végétation herbeuse jaune, une sorte de mousse verdâtre recouvrant une grande partie de la surface terrestre, et des pierres jonchant le paysage. Il y a surtout de l’eau qui s’écoule partout en petit ruisseau, en micros lacs, et qui forme la zone marécageuse. La zone est détrempée et plus ou moins gelée. Je vais sauter de mottes en mottes, évitant d’avoir les pieds détrempés. Je rejoins ensuite une zone beaucoup plus sèche et aride!
Encore quelques kilomètres et me voilà de nouveau aux abords de la «Laguna Colorado»! Je me dirige vers un groupe énorme de flamants-roses («Los Flamencos»). Le petit vent, venant du lac, va m’aider à pouvoir m’approcher de très près de ce groupe composé de plusieurs milliers d’oiseaux. Poussant un peu trop loin mon approche et mes investigations, ils s’envoleront tous dans un balais magnifique. Ils déploient leurs ailes roses produisant un mouvement ample, avant de planer au-dessus de cette surface liquide, qui les reflètent parfaitement.
L’effet miroir est grandiose. Les montagnes se reflètent parfaitement sur cette surface lisse. Au fur et à mesure que la matinée passe, l’effet rougeâtre de l’eau va être de plus en plus marqué, créant des paysages tels que je n’en n’avais jamais pu en observer de toute ma vie!
Ce que je vais découvrir, en longeant la lagune, est très fort en sens! La Vie et la Mort cohabitent! Je me trouve dans le lieu de ponte des flamants-roses. De nombreux œufs, de tailles importantes, sont disséminés sur le rivage. De nombreux corps de jeunes oiseaux jonchent aussi le sol, sans vie, dans un état de décomposition plus ou moins important. Des milliers de plumes et du duvet démarquent l’ancien niveau haut de la lagune. Le cycle de la vie est ici complet avec ces milliers de flamants-roses qui se nourrissent et se meuvent devant mes yeux. La présence de tous les éléments de la vie : la terre, l’eau, l’air, et le feu, matérialisé par les flammes jaunâtres, que dessine l’herbe sèche, complètent un tableau qui me marquera à vie! En nature, c’est un des moments les plus forts que je n’ai jamais expérimenté surtout par le fait que cet instant, au contact de la faune et de la flore, s’étend sur plus de 24h00 sans perdre en intensité, bien au contraire.
Je vais me promener pendant plus de 2h00. De nombreuses fois, je me rapproche à peine à quelques mètres de groupes gigantesques de flamants-roses. Certains seront plus peureux que d’autres. Le fait de les voir évoluer dans leur environnement naturel, à plusieurs instants de leur vie, n’est pas pour me déplaire.
J’aime partager des moments forts, avec d’autres personnes de mon espèce, encore plus quand il s’agit d’un proche, pour pouvoir échanger sur nos ressentis. Mais, à ce moment, en pleine nature, j’adore le fait d’être seul, de ne pas voir âmes qui vivent, même à l’horizon. Je ressens le besoin de pouvoir me concentrer entièrement sur le visuel, l’auditif, l’odorat, que m’offrent les éléments naturels.
Ne voulant pas pénaliser les autres, et restant tout de même un peu connecté à la réalité, je décide finalement de retourner vers les camions en petites foulées, parfois en sprintant, ou en m’amusant, dans les marécages, à sautiller, sans m’arrêter, de places sèches en places sèches… Le fait d’effectuer un effort de plus de dix kilomètres (plus de 25 au total dans la matinée), à cette altitude, va amplifier mes sensations, le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’extraordinaire. C’est les larmes aux yeux que je stoppe mon effort en face des camions…
Après quelques minutes, je retrouve mes esprits, mais les souvenirs restent gravés sur mes rétines oculaires et ne sont pas prêt de disparaître de la zone de mon encéphale du cerveau dédié à la mémoire. Nous reprenons ensuite la route continuant notre périple vers le nord. Nous sommes sortis du Parc National, pourtant de belles surprises nous attendent encore! Les routes de montagne, ou de plaines de très haute altitude de l’Altiplano, que nous empruntons sont belles, colorées, et changent à chaque vallée traversée. Nous nous arrêtons au bord d’une très grande lagune, bien asséchée, et grandement exploitée par l’homme, pour y récolter principalement du sel, mais aussi d’autres minéraux.
Après un repas, à base de côtes de porc, cuitent dans le petit barbecue transportable, et de petites pommes-de-terre, très spécifiques de Bolivie, chacun va vaquer à diverses activités. Fabrice change ces pneus-avants très usés, après avoir pris de nombreuses pistes cahoteuses lors de ces dernières semaines. Céline fera la vaisselle, tandis que je me rends avec Eliott, Léa et Mathéo, sur le sommet de la colline rocheuse qui nous fait face (Je tiens à vous rassurer, cela ne s’est pas toujours déroulé comme cela. J’ai souvent préparé le petit-déjeuner, fait la vaisselle, et participé aux tâches ménagères… Il fallait que je le précise, sinon je suis sûr que je me serais fait taper sur les doigts la prochaine fois que j’aurais vu ma chère et tendre maman….Hihihi!) Mais cette fois-ci, je vais encore passer un très bon moment avec Eliott. Nous escaladons les roches, admirons les beaux paysages, qui nous entourent, jouons à créer des cabanes dans les formes rocheuses qui s’y prêtent parfaitement, espions les lapins avec leur drôle de queue, avant finalement de redescendre vers les véhicules.
Le choix de partir ou de rester, jusqu’au lendemain, n’est pas encore pris. Etant en démocratie, il se fera à la majorité. En fait, pas vraiment! L’envie des adultes penchera un peu plus dans la balance. Les adolescents des Syséléma seraient bien restés jusqu’au lendemain, pas seulement pour 1 ou 2 heures de plus comme le propose Sylvie. Nous décidons donc, finalement, à l’unanimité, un peu forcée, de partir immédiatement. Sur la route, après nous être fait une belle frayeur, en croyant devoir prendre une montée infernale, qui ne se trouve, en fait, par sur notre chemin, nous entamons enfin une grande descente. Cette dernière va nous faire perdre un peu d’altitude ce que souhaitait vraiment ceux qui avaient été atteint par le mal des montagnes. Le paysage change alors sensiblement avec de la verdure, assez parsemée, qui apparait. Sébastien, pendant le trajet, se rend compte qu’il vient de casser deux de ces suspensions. Il peut tout de même continuer à progresser. Mais, il devra réparer!
Nous nous arrêtons sur le bord de la piste, intrigués par quelques rochers qui dépassent de la surface aride. Nous allons finalement découvrir un coin que nous trouverons tous à notre goût. Ce petit canyon est formée de grands rochers, où il fait bon se promener, se cacher, jouer aux ombres chinoises sur une surface très réfléchissante. Le lieu se prête parfaitement à la détente. Nous y resterons presque jusqu’à la tombée de la nuit. Il n’y a pas vraiment de lieu où se garer. On trouvera finalement un campement paradisiaque, au bord d’un autre canyon, de l’autre côté de la route, à moins de 3 kilomètres. Les paysages sont un peu différents mais tout aussi intéressants. Certaines roches prennent des formes bien particulières, telles un champignon pour l’une d’entre-elles par exemple. Trouvant un peu de bois, nous allons faire un feu flamboyant, le temps de prendre l’apéritif dehors. La nuit est tombée très vite, et le vent glacial consume encore plus vite le peu de réserve de bois que nous possédons. Nous regagnerons alors finalement tous nos véhicules et maisons roulantes respectives.
Mathéo m’a proposé d’aller, ensemble, nous promener, le lendemain à 8h00! M’ayant vu partir chaque matin, seul, il a eu envie de partager une de ces promenades avec moi. Je vais aimer la faire avec lui. Il est très intéressant et instructif, de voir cet adolescent s’exprimer librement sur le voyage qu’il partage avec ces parents et sa sœur, de pouvoir obtenir son point de vue sur leur relation, sur ce qu’il ressent et comment il vit le voyage, et enfin de savoir quelles sont ou seraient ces envies.
Pendant ce temps, Sébastien et Fabrice ont toujours la tête dans le guidon, ou plutôt sous le capot, pour la énième fois, dans le but de réparer les problèmes mécaniques de leur engin. Il va leur falloir toute la matinée, pour réparer, plus ou moins avec fortune, les suspensions du camion «Cfoussa».
Reprenant une nouvelle fois la route, nous allons nous mouvoir pendant plus de 2h00 dans des paysages arides, dessués quasiment de végétation. Puis nous atteignons le premier grand village depuis avoir quitté San Pedro d’Atacama! Il s’agit du village militaire de Vila Mar. Nous y faisons le plein d’eau de «Gros pépère», chez des particuliers.
Nous retrouvons ensuite les Syséléma, qui nous attendent devant un passage de rio un peu délicat. Il se trouve juste avant une imposante montée. «Cfoussa» passe sans problème ce passage, qui n’est pour lui qu’une simple formalité. Fabrice s’élance alors sous le feu des caméras de Sylvie et d’Eliott. Il pousse «Gros Pépère» à fond, aplatissant la pédale d’accélérateur sur une dizaine de mètres, pour être sûr de pouvoir monter la pente après ce passage d’eau.
Le rio fait environ 7 mètres de largeur. Sortant de ce piège, «Gros Pépère» monte sans problème la pente qui lui fait suite. Fabrice fait un grand signe de satisfaction à nos compères qui filment. Il esquisse un grand sourire.
Il va pourtant très vite déchanté! Dans le feu de l’action, il n’a pas entendu l’énorme bruit que vient de produire son fidèle destrier. Ce dernier, vient de lui faire un signe de l’œil. Le voyant de liquide de refroidissement clignote!
Passant un petit péage en sortie de village, où il faut régler 10 bolivianos, Fabrice stoppe le véhicule. Le liquide de refroidissement coule en flux continue. Après analyse de la situation, le constat est alarmant! Une flexion inhabituelle de parties motrices a eu lieu au niveau d’un trou béant dans le sol, en fin de passage du rio. En raison d’un déplacement en translation, simultané, du boc moteur, les pâles en plastique durs du ventilateur de refroidissement sont donc venues toucher, une autre pièce à plus de 3000 tours/minute. Le ventilateur a volé en éclats et a explosé en mille morceaux. Des fragments sont venus s’encastrer dans les radiateurs, perçant les circuits à de multiples endroits. Il est nécessaire de réparer pour pouvoir espérer continuer un peu plus loin. Sans refroidissement aucun, le moteur monterait obligatoirement en température, au risque d’exploser assez rapidement.
Les conditions ne sont pas optimums. Nous sommes en plein vent et en pente. Nous ne pensons pas être capables de bouger le véhicule. Nous sauvons pour l’instant ce qui peut l’être en récupérant, dans une bassine, le liquide. Le fait d’être près d’une ville n’est ici d’aucune utilité car cette ville ne possède pas de garage, ou d’autres facilités qui pourraient être utiles.
Heureusement, petit à petit, des solutions vont se présenter à nous. Les 4x4 des tours touristiques, des locaux, s’arrêtent. Contrairement à ce que l’on avait entendu, une solidarité se met en place. Les chauffeurs et guides ne sont pas des personnes sans cœur, qui n’en ont rien à faire des autres, ou même des propres touristes de leurs tours, si nous en croyons certains récits qui nous sont arrivés jusqu’à nos oreilles. Un chauffeur nous assure que nous pouvons démarrer le moteur pour quelques minutes sans risque de chauffer. Nous essayons donc sans attendre. Le résultat est probant. Nous garons le véhicule dans un lieu plus à l’abri, hors de la route, et à plat, où nous allons pouvoir travailler si nous en avons les moyens.
Le moral de l’Akilifamily n’est pas bon! On ne connait pas encore la gravité des dégâts. « Gros Pépère» pourrait ne pas repartir, blessé trop profondément! Une simple attèle, un emplâtre, un peu d’éozyne, ou un pansement, pourraient ne pas suffire pour ce problème. L’expérience de Sébastien, ces connaissances, et l’ensemble du matériel que porte, et transporte, «Cfoussa» vont être d’une aide très précieuse!
C’est alors que va commencer l’opération à «cœur ouvert»! Le chirurgien en chef; Sébastien, et son apprenti; Fabrice, prennent les choses en main. «Gros pépère» étant un membre de l’Akilifamily, les sentiments rentrent en compte pour Fabrice, qui a un peu de mal à faire face à la situation. L’organisation se met en place petit à petit dans le bloc opératoire de fortune. Je vais jouer les infirmiers au service des deux docteurs en chef. Pas besoin d’anesthésiant pour commencer l’opération. En revanche, il faut savoir comment tout remettre en place une fois les réparations possibles effectuées. En tant qu’assistant, je vais donc passer les outils aux chirurgiens qui manipulent, et prendre les photos de tous les boulons, vis, et pièces démontées. Avant la tombée de la nuit, le moteur est à nu, et les pièces abîmées sont isolées. Il y a du travail, mais nous devrions avoir tout le nécessaire à notre disposition pour réussir à remettre à neuf le véhicule. Tout semble possible! Malgré que «Gros Pépère» soit un membre à part entière de la tribu, il n’y a pas de problème, le concernant, pour le laisser dans le froid plusieurs heures à cœur ouvert, sans lui porter d’attention et en ne finissant pas l’opération. Nous allons donc ranger toutes les pièces détachées et recouvrir le moteur par une bâche!
La nuit vient donc de tomber. Il n’y avait aucun intérêt à continuer les travaux dans des conditions non satisfaisantes. Nous reprendrons donc nos tâches le lendemain. Réunis avec Sylvie et Sébastien dans le salon de «Gros Pépère», Céline et Fabrice vont craquer nerveusement. L’ensemble des problèmes matériels et mécaniques, les questions qui se posent pour sortir de ce pétrin, et pour la suite du voyage, englobés par l’ensemble des émotions engendrées, les mettent dans une situation délicate. Fabrice et Céline s’effondrent en larmes.
Je n’aime pas voir des personnes que j’affectionne sincèrement dans cet état. Nous allons faire ce qu’il faut pour leur remonter le moral. Nous les soutenons en positivant. Quoi qu’il arrive, ceux sont des moments forts d’un voyage qui nous rappellent à notre simple vie d’être-humain fragile, nécessitant beaucoup d’artifices pour réaliser notre vie comme nous le désirons, même en voyage.
Nous ne savons pas comment cette expérience du Sud Lipez, sans les Syséléma, sans leur camion aux mille ressources, aurait tournée. Nous ne savons pas où nous serions, et dans quelle situation difficile nous pourrions nous trouver. Le partage avec autrui, le soutien de son prochain prennent plus que jamais tout leur sens. Selon les propres dires de Fabrice, nous pensions, en partant en voyage, nous être totalement détachés de l’aspect matérialiste, exacerbé dans notre société moderne. Nous nous rendons finalement compte que ce dernier peut nous rattraper au grand galop, quand nous avons des problèmes liés aux objets que nous possédons, surtout quand il s’agit de son moyen de locomotion et de logement. Même pour moi, voyageant en sac-à-dos, sans gros moyens matériels m’appartenant à proprement parlé, je peux y être confronté beaucoup plus vite que je ne le crois. Des événements ultérieurs confirmeront ces dires.
En attendant, nous ne sommes pas encore sortis d’affaire. Mais le positivisme refait surface autant que faire se peut. La nuit est courte. Elle ne sera pas bonne pour Fabrice et Céline, mais aussi pour Sébastien, qui aura rêvé toute la nuit de la solution technique pour construire un ventilateur, à la manière de «Mac Gyver».
Un peu après le lever de soleil, nous nous remettons au travail. Une nouvelle fois, la solution bi-composante époxy va être d’une grande utilité. Grâce à elle, nous allons pouvoir colmater les fentes, et condamner les parties des tuyaux abîmés, des radiateurs de refroidissement du moteur et du turbo. Pendant que Fabrice et Sébastien s’occupent de cette partie de réparation à proprement dit, je prépare les 9 pâles, faites dans de l’acier léger, tirées d’une bobine d’environ 5 centimètres de largeur, et reproduites à partir d’un modèle créé par «Minou»!
Tout va finalement se dérouler plus vite que nous l’avions espérés. Une fois la solution bi-composante époxy appliquée et ayant fait effet, Fabrice pratique les tests d’étanchéité du circuit, à l’aide d’air-comprimé soufflé par un pistolet, relié à «Cfoussa». Je vous assure qu’il a du coffre ce dernier. L’entre-aide entre les deux véhicules, devenus des amis, est nécessaire et logique. Ça crée des liens de passer des durs épreuves ensemble, de se faire manger de la poussière alternativement quand l’un suit l’autre…
Le fait de gonfler un ballon de baudruche à l’autre extrémité du circuit, et de constater par la suite, la pression exercée sur une main posée pour obstruer cette même sortie, confirment que le circuit réfrigérant est de nouveau totalement étanche. Il en sera de même pour le radiateur du turbo. A peu près dans le même timing, nous allons finaliser l’assemblage du ventilateur de fortune en fixant les pâles, une par une, à l’aide de 4 rivets, et en mastiquant le tout à l’aide d’une pâte spéciale qui séchera au bout de quelques heures.
Aussi incroyable soit-il, en fin de matinée, nous avons effectués tous les tests nécessaires pour assurer un fonctionnement adéquate de l’engin. Voici venu le temps de refermer la plaie profonde. Remontant les pièces, unes par unes, vérifiant l’étanchéité des différents circuits déconnectés, remettant l’ensemble des vis et des boulons, « Gros Pépère» va finalement retrouver son allure d’antan! Mais qu’en sera-t-il de son réveil? Va-t-il sortir de ce coma de 18h00 sans séquelles et respirer de plus belle comme une personne que nous aurions pu totalement guérir d’une blessure profonde?
Il y aura beaucoup d’appréhension quand Fabrice va tourner pour la première fois la clé de contact! Pourtant le moteur ronronne parfaitement. Il n’y a pas de liquide de refroidissement coulant sur le sol, tel du sang, qui ressurgirait au niveau d’une plaie mal recousue, avec des points de suture qui auraient sautés. L’époxy semble alors tenir le coup. «Gros Pépère» devrait pouvoir continuer à nous transporter vers notre prochaine destination. Nous restons tout de même méfiants et prudents. Nous attendons le test grandeur-nature pour être définitivement rassurés.
Laissant le mastique séché, nous déjeunons sur place. C’est en début d’après-midi, que nous renouvellerons le démarrage de «Gros Pépère». Ce dernier ne bronche pas. Ses organes principaux répondent correctement et semblent s’accommoder de la chirurgie massive qui a été entreprise. Même l’organe subsidiaire de fortune, qu’est le ventilateur, semble parfaitement remplir son rôle dans la chaîne de fonctionnement général du moteur. Une autre bonne nouvelle, la route est plus ou moins plate jusqu’à Uyuni. Le camping-car va très bien se comporter. C’est néanmoins avec une appréhension très compréhensible, que nous aborderons la traversée de trois autres nouveaux Rio. «Gros Pépère» n’en pâtira pas.
Nous nous arrêtons, en milieu d’après-midi, à la Vallée de la Roca. Nous nous trouvons encore en présence d’un paysage hors normes, sortant totalement des standards naturels que nous connaissons en Europe. Cette vallée est constituée de milliers de roches de tailles imposantes et de formes totalement différentes, qui sortent de la Terre, quasi-vierge jusqu’à là! Ce terrain de jeu pourrait être l’opportunité de faire un cache-cache géant avec tous nos amis et notre famille. Mais le temps n’est pas vraiment à l’amusement et aux divertissements mais plutôt à la prudence afin de relier, dès que possible, la prochaine grande ville. Nous ne restons que quelques minutes dans ces paysages grandioses avant de reprendre la route. Nous nous arrêtons pour dormir dans une petite ville en chemin. Je découvre alors les prix dérisoires existant pour des repas tout préparés dans de petites gargotes. Nous commençons, en cette soirée, par un «snack», à base de saucisses et de frites.
Le soulagement d’avoir fait plusieurs centaines de kilomètres de pistes sans déceler le moindre signe de fatigue de «Gros Pépère» permettra de détendre encore un peu plus l’atmosphère. Il faut espérer que cela continue encore aussi longtemps que possible. L’idéal serait au moins jusqu’à Sucré, pour l’Akilifamily, qui veut y faire envoyer les pièces de rechange et effectuer de l’entretien et des réparations, dans un garage qu’ils ont déjà fréquentés de nombreux jours juste avant nos retrouvailles, il y a un peu plus d’un mois.
Nous voilà en attendant arrivé dans la ville d’Uyuni après avoir traversé des paysages aux allures de mirages… La traversée du Sud Lipez fut grandiose. Elle a marqué les esprits dans tous les sens du terme. Aucun acteur de ce périple ne pourra l’oublier de sitôt!
Les réparations semblant tenir, la décision est prise, comme initialement prévu, de nous rendre avec les Syséléma dans le Salar de Uyuni. Encore une belle étape de ce périple à venir dans un lieu unique! Qu’est-ce que ces lieux peuvent nous réserver comme surprises?
Le lendemain matin, je me réveille au lever du soleil, que j’admire depuis ma chambre (lit simple qu’Eliott m’a prêté, alors qu’il dort pendant ce temps avec sa sœur, dans le lit inférieur des couchettes superposées)! Je me décide, après quelques minutes tranquilles dans mon lit, à explorer, à pied, les environs. Bien m’en a pris ! Je vais pouvoir observer la faune sauvage des lieux. Des vigognes se promènent au bord du lac. Des renards jouent à cache-cache. Des flamants roses se reposent tranquillement sur ces eaux limpides. Le spectacle est entier grâce à un grand ciel bleu. Le soleil réchauffe rapidement l’atmosphère. Et l’effet miroir est parfait sur ces lagunes de montagne, totalement planes en l’absence de vent! Ayant profité plus d’une heure et demie, seul, je rejoins le reste des troupes qui vient de se lever. Nous prenons alors un petit-déjeuner agréable à la française, avec chocolat chaud, pain, beurre, et confitures… Que puis-je demander de mieux? Rien!
Nous préparons alors les camions pour la continuation du trajet. Surtout sur ces pistes défoncées, il est impératif de s’assurer que tout est en place et que rien ne pourra venir s’écraser par terre, à la moindre secousse. Nous allons finalement avoir un peu plus de temps que prévu pour faire l’ensemble de ces démarches. Les deux camions ont bien démarrés après avoir craché un peu leurs poumons et suffoqués à cette altitude. Mais «gros pépère» a décidé qu’il ne voulait pas bouger immédiatement. Les câbles du frein à main ne se relâchent pas, laissant prisonnier les roues arrières dans des grosses mâchoires d’acier. Le véhicule ne bougera pas d’un pouce tant que cette équation mécanique n’aura pas été résolue. Fabrice et Sébastien se mettent au travail immédiatement. Allongés sous «Gros pépère», ils comprennent vite pourquoi ce dernier a décidé de ne pas avancer. Une accumulation monstrueuse de saleté, de poussières, de boues, s’est agglomérée au niveau de la jonction entre les câbles et les mâchoires empêchant les deux de fonctionner correctement, et de répondre instantanément à la commande des premiers pour les secondes! Un coup de soufflet à air comprimé, quelques essais plus tard, et voilà le véhicule heureux de nouveau répondre aux commandes de son propriétaire. Nous pouvons reprendre la route. Cet incident sera sans conséquence mais il sera un nouvel avertissement qu’un cavalier doit prendre soin de sa monture, qu’un propriétaire de véhicule doit être vraiment précautionneux surtout quand il fait subir à ce dernier des épreuves délicates pour son mécanisme!
Le beau temps est de la partie. Les températures montent bien au cours de la journée. Cela ne nous empêche pas de prendre conscience de la dureté climatique des lieux. La quasi-absence de vent, le soleil réchauffant l’atmosphère, nous allons tout de même pouvoir déjeuner dehors, et organiser un barbecue… Tout le monde a le sourire! Après un thé à la coca pour s’acclimater à l’altitude, nous décidons de continuer notre chemin pour explorer un peu plus en profondeur ces paysages d’une autre planète.
Le début d’après-midi se passe à merveille! Quelques kilomètres suffisent pour transformer totalement ces terres arides qui nous entourent. Nous en prenons pleins les yeux! Le passage de rio pour «Cfoussa» est un plaisir intense car il peut enfin utiliser ces pleines capacités 4x4. Les gerbes d’eau produites lors du passage sont immortalisées en vidéo par Sylvie et en photo par Fabrice.
Arrivant au-dessus des «Sol de Manana», zone géothermique de grande importance, à plus de 4900 mètres d’altitude, «Gros pépère» va encore montrer un signe de fatigue. Celui-ci n’est pas aussi anodin que le premier!
Sachant qu’ils ont du travail encore à faire sur «Gros pépère» le matin et m’ayant dit que je ne peux pas vraiment les aider, je décide de partir explorer les alentours. Je me rends bien sûr aux «Sol de Manana» à quelques encablures. Les geysers espérés sont quasi-inexistants. En revanche les mares de boues bouillonnantes, les fumerolles et leurs odeurs nauséabondes sulfureuses vont me plonger dans une atmosphère lugubre de lieux habités par des mauvais esprits. La beauté des environs, les multitudes de couleurs inhabituelles, pour des roches, me raccrocheront à une réalité plus proche du paradis que de l’enfer. Une fois encore, cette balade matinale, en solitaire, sera une vraie source d’inspiration et de bonheur pour moi.
Malgré un mal de tête pour Sylvie et ces enfants, la sensation de diminution des capacités physiques pour Sébastien, et une très mauvaise nuit pour Céline et Fabrice, le moral des troupes est plutôt bon! «Gros pépère» est réparé. Il n’est plus question de devoir le laisser derrière nous, de faire demi-tour ou d’avoir à choisir une solution qui aurait pu condamner Fabrice et Céline à revoir sérieusement les objectifs pour la suite de leur voyage…
Après, le passage à la douane, nous faisons demi-tour sur environ 5 kilomètres, avant de prendre à gauche à la bifurcation, en direction de la Laguna Colorado, Nous entamons la descente! Mais le parcours est encore long. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Les paysages alliant roches, glaces, déserts sont fabuleux. Les pistes ne sont pas simples à aborder mais «Cfoussa» et «Gros pépère» nous montrent alors ce qu’ils en ont dans le ventre. Ils passent aisément les passages délicats. Traverser dans l’eau et la boue, entre deux congères de glace de plus de 2 mètres, ne semble être que des formalités banales pour ces véhicules marchant de plus belle.
Ne pouvant pas attendre pour découvrir l’endroit, je décide de marcher en direction de cet espace qui me semble être un oasis, un mirage au milieu de ce désert d’altitude. Les effets de la chaleur et du vent combinés participent à cet effet optique intéressant. Plus je me rapproche, plus je suis à même de constater que mes yeux ne me trompaient pas. Je suis face à un lac rouge vif, situe à 4278 mètres, et qui couvre environ 6000 hectares. Ces couleurs vivent proviennent des planctons et des algues qui prospèrent dans ces eaux riches en minéraux. Des dépôts de borax, de magnésium et blanc de sodium, inondent les rives. Des sédiments et microfossiles précieux pour l’industrie pullulent. La beauté des lieux est multipliée, à l’infini, par la présence à cette époque d’une multitude de flamants roses. Trois espèces cohabitent dans cette région. Ils sont là par centaines, par milliers… Je n’espérai pas voir ce spectacle avant l’Afrique dans les lacs du Kenya. Mais c’est ici dans les hauteurs andines que je vais découvrir une nature hallucinante. Voulant en profiter pleinement, je vais me déchausser et plonger mes pieds dans ces eaux glaciales, marécageuses, boueuses… Je vais passer un moment exquis loin des questions temporelles! Peu importe, le temps que je vais y rester, je vis quelque chose de fort. Le maître-mot est profité et je ne pense à rien d’autre.
Un peu plus tard, tout le monde est d’attaque! J’ai pu les rassurer sur le fait que le terrain meuble était praticable pour les véhicules. Nous nous rapprochons donc de la Laguna.
Rejoignant un semblant de piste, tracé par les jeeps, nous stoppons à moins de 500 mètres du rivage du lac. Malgré un vent de plus en plus fort, et constant, chacun prendra son courage à deux mains pour aller admirer cette merveille de la nature. La couleur de l’eau, la quantité astronomique de flamants roses, leurs envols ne laisseront personne indifférent. Nous allons tous en profiter à notre façon avec un passé et un âge qui ne laissent pas entrevoir les mêmes choses à travers les yeux de chacun. Après avoir partagé sur la rive, leur découverte des lieux, je me replonge, en solo, dans les eaux glacées de cette lagune, pour me morfondre un peu plus encore dans ce paysage.
Je serais bien resté beaucoup plus longtemps sur place. Mais certains ont encore envie d’avancer et de perdre de l’altitude pour se sentir mieux que les jours précédents! Ayant la sensation d’avoir assez profité de la lagune (si l’on peut parler ainsi car je suis sûre que tout le monde serait bien resté au moins une journée de plus), la décision est prise de monter sur les hauteurs de la montagne, opposée au chemin pris à notre arrivée, pour y bivouaquer. Ils pensent y trouver un point de vue intéressant, sur la lagune, pour le coucher et lever de soleil. Nous longeons donc la Laguna. A cet endroit, elle revêt encore un aspect totalement différent. Les herbes jaunâtres contrastent énormément avec la couleur rouge-rosâtre qui la rend unique. Puis, nous commençons l’ascension.
Les yeux grands ouverts avant le lever du soleil, je n’ai plus qu’une idée en tête. Je veux retourner aux abords du rivage de cette lagune qui m’a «prise aux tripes», m’a fait vibrer tout mon corps, physiquement et mentalement parlant, depuis l’ongle de mon petit doigt de pied jusqu’à l’extrémité de mèche la plus longue de toute ma chevelure. Je vais regarder les couleurs du ciel changer depuis mon lit, à travers la fenêtre donnant directement sur la montagne, où s’apprête à sortir l’astre solaire. Une fois que le premier rayon de soleil ai fait son apparition à l’horizon, je saute dans mes affaires, prends mon appareil photo... Je repars alors en arrière, espérant passer des instants d’une intensité aussi forte que la veille. Ce que je vais vivre va très largement dépasser ce que j’avais pu imaginer.
Descendant dans un canyon, je vais très vite refranchir la limite imaginaire du Parc National. Je me retrouve ensuite dans un paysage marécageux, mélangeant végétation herbeuse jaune, une sorte de mousse verdâtre recouvrant une grande partie de la surface terrestre, et des pierres jonchant le paysage. Il y a surtout de l’eau qui s’écoule partout en petit ruisseau, en micros lacs, et qui forme la zone marécageuse. La zone est détrempée et plus ou moins gelée. Je vais sauter de mottes en mottes, évitant d’avoir les pieds détrempés. Je rejoins ensuite une zone beaucoup plus sèche et aride!
Encore quelques kilomètres et me voilà de nouveau aux abords de la «Laguna Colorado»! Je me dirige vers un groupe énorme de flamants-roses («Los Flamencos»). Le petit vent, venant du lac, va m’aider à pouvoir m’approcher de très près de ce groupe composé de plusieurs milliers d’oiseaux. Poussant un peu trop loin mon approche et mes investigations, ils s’envoleront tous dans un balais magnifique. Ils déploient leurs ailes roses produisant un mouvement ample, avant de planer au-dessus de cette surface liquide, qui les reflètent parfaitement.
L’effet miroir est grandiose. Les montagnes se reflètent parfaitement sur cette surface lisse. Au fur et à mesure que la matinée passe, l’effet rougeâtre de l’eau va être de plus en plus marqué, créant des paysages tels que je n’en n’avais jamais pu en observer de toute ma vie!
Ne voulant pas pénaliser les autres, et restant tout de même un peu connecté à la réalité, je décide finalement de retourner vers les camions en petites foulées, parfois en sprintant, ou en m’amusant, dans les marécages, à sautiller, sans m’arrêter, de places sèches en places sèches… Le fait d’effectuer un effort de plus de dix kilomètres (plus de 25 au total dans la matinée), à cette altitude, va amplifier mes sensations, le sentiment d’avoir vécu quelque chose d’extraordinaire. C’est les larmes aux yeux que je stoppe mon effort en face des camions…
Après un repas, à base de côtes de porc, cuitent dans le petit barbecue transportable, et de petites pommes-de-terre, très spécifiques de Bolivie, chacun va vaquer à diverses activités. Fabrice change ces pneus-avants très usés, après avoir pris de nombreuses pistes cahoteuses lors de ces dernières semaines. Céline fera la vaisselle, tandis que je me rends avec Eliott, Léa et Mathéo, sur le sommet de la colline rocheuse qui nous fait face (Je tiens à vous rassurer, cela ne s’est pas toujours déroulé comme cela. J’ai souvent préparé le petit-déjeuner, fait la vaisselle, et participé aux tâches ménagères… Il fallait que je le précise, sinon je suis sûr que je me serais fait taper sur les doigts la prochaine fois que j’aurais vu ma chère et tendre maman….Hihihi!) Mais cette fois-ci, je vais encore passer un très bon moment avec Eliott. Nous escaladons les roches, admirons les beaux paysages, qui nous entourent, jouons à créer des cabanes dans les formes rocheuses qui s’y prêtent parfaitement, espions les lapins avec leur drôle de queue, avant finalement de redescendre vers les véhicules.
Mathéo m’a proposé d’aller, ensemble, nous promener, le lendemain à 8h00! M’ayant vu partir chaque matin, seul, il a eu envie de partager une de ces promenades avec moi. Je vais aimer la faire avec lui. Il est très intéressant et instructif, de voir cet adolescent s’exprimer librement sur le voyage qu’il partage avec ces parents et sa sœur, de pouvoir obtenir son point de vue sur leur relation, sur ce qu’il ressent et comment il vit le voyage, et enfin de savoir quelles sont ou seraient ces envies.
Pendant ce temps, Sébastien et Fabrice ont toujours la tête dans le guidon, ou plutôt sous le capot, pour la énième fois, dans le but de réparer les problèmes mécaniques de leur engin. Il va leur falloir toute la matinée, pour réparer, plus ou moins avec fortune, les suspensions du camion «Cfoussa».
Reprenant une nouvelle fois la route, nous allons nous mouvoir pendant plus de 2h00 dans des paysages arides, dessués quasiment de végétation. Puis nous atteignons le premier grand village depuis avoir quitté San Pedro d’Atacama! Il s’agit du village militaire de Vila Mar. Nous y faisons le plein d’eau de «Gros pépère», chez des particuliers.
Nous retrouvons ensuite les Syséléma, qui nous attendent devant un passage de rio un peu délicat. Il se trouve juste avant une imposante montée. «Cfoussa» passe sans problème ce passage, qui n’est pour lui qu’une simple formalité. Fabrice s’élance alors sous le feu des caméras de Sylvie et d’Eliott. Il pousse «Gros Pépère» à fond, aplatissant la pédale d’accélérateur sur une dizaine de mètres, pour être sûr de pouvoir monter la pente après ce passage d’eau.
Le rio fait environ 7 mètres de largeur. Sortant de ce piège, «Gros Pépère» monte sans problème la pente qui lui fait suite. Fabrice fait un grand signe de satisfaction à nos compères qui filment. Il esquisse un grand sourire.
Il va pourtant très vite déchanté! Dans le feu de l’action, il n’a pas entendu l’énorme bruit que vient de produire son fidèle destrier. Ce dernier, vient de lui faire un signe de l’œil. Le voyant de liquide de refroidissement clignote!
Passant un petit péage en sortie de village, où il faut régler 10 bolivianos, Fabrice stoppe le véhicule. Le liquide de refroidissement coule en flux continue. Après analyse de la situation, le constat est alarmant! Une flexion inhabituelle de parties motrices a eu lieu au niveau d’un trou béant dans le sol, en fin de passage du rio. En raison d’un déplacement en translation, simultané, du boc moteur, les pâles en plastique durs du ventilateur de refroidissement sont donc venues toucher, une autre pièce à plus de 3000 tours/minute. Le ventilateur a volé en éclats et a explosé en mille morceaux. Des fragments sont venus s’encastrer dans les radiateurs, perçant les circuits à de multiples endroits. Il est nécessaire de réparer pour pouvoir espérer continuer un peu plus loin. Sans refroidissement aucun, le moteur monterait obligatoirement en température, au risque d’exploser assez rapidement.
Les conditions ne sont pas optimums. Nous sommes en plein vent et en pente. Nous ne pensons pas être capables de bouger le véhicule. Nous sauvons pour l’instant ce qui peut l’être en récupérant, dans une bassine, le liquide. Le fait d’être près d’une ville n’est ici d’aucune utilité car cette ville ne possède pas de garage, ou d’autres facilités qui pourraient être utiles.
Heureusement, petit à petit, des solutions vont se présenter à nous. Les 4x4 des tours touristiques, des locaux, s’arrêtent. Contrairement à ce que l’on avait entendu, une solidarité se met en place. Les chauffeurs et guides ne sont pas des personnes sans cœur, qui n’en ont rien à faire des autres, ou même des propres touristes de leurs tours, si nous en croyons certains récits qui nous sont arrivés jusqu’à nos oreilles. Un chauffeur nous assure que nous pouvons démarrer le moteur pour quelques minutes sans risque de chauffer. Nous essayons donc sans attendre. Le résultat est probant. Nous garons le véhicule dans un lieu plus à l’abri, hors de la route, et à plat, où nous allons pouvoir travailler si nous en avons les moyens.
Le moral de l’Akilifamily n’est pas bon! On ne connait pas encore la gravité des dégâts. « Gros Pépère» pourrait ne pas repartir, blessé trop profondément! Une simple attèle, un emplâtre, un peu d’éozyne, ou un pansement, pourraient ne pas suffire pour ce problème. L’expérience de Sébastien, ces connaissances, et l’ensemble du matériel que porte, et transporte, «Cfoussa» vont être d’une aide très précieuse!
C’est alors que va commencer l’opération à «cœur ouvert»! Le chirurgien en chef; Sébastien, et son apprenti; Fabrice, prennent les choses en main. «Gros pépère» étant un membre de l’Akilifamily, les sentiments rentrent en compte pour Fabrice, qui a un peu de mal à faire face à la situation. L’organisation se met en place petit à petit dans le bloc opératoire de fortune. Je vais jouer les infirmiers au service des deux docteurs en chef. Pas besoin d’anesthésiant pour commencer l’opération. En revanche, il faut savoir comment tout remettre en place une fois les réparations possibles effectuées. En tant qu’assistant, je vais donc passer les outils aux chirurgiens qui manipulent, et prendre les photos de tous les boulons, vis, et pièces démontées. Avant la tombée de la nuit, le moteur est à nu, et les pièces abîmées sont isolées. Il y a du travail, mais nous devrions avoir tout le nécessaire à notre disposition pour réussir à remettre à neuf le véhicule. Tout semble possible! Malgré que «Gros Pépère» soit un membre à part entière de la tribu, il n’y a pas de problème, le concernant, pour le laisser dans le froid plusieurs heures à cœur ouvert, sans lui porter d’attention et en ne finissant pas l’opération. Nous allons donc ranger toutes les pièces détachées et recouvrir le moteur par une bâche!
Il y aura beaucoup d’appréhension quand Fabrice va tourner pour la première fois la clé de contact! Pourtant le moteur ronronne parfaitement. Il n’y a pas de liquide de refroidissement coulant sur le sol, tel du sang, qui ressurgirait au niveau d’une plaie mal recousue, avec des points de suture qui auraient sautés. L’époxy semble alors tenir le coup. «Gros Pépère» devrait pouvoir continuer à nous transporter vers notre prochaine destination. Nous restons tout de même méfiants et prudents. Nous attendons le test grandeur-nature pour être définitivement rassurés.
Laissant le mastique séché, nous déjeunons sur place. C’est en début d’après-midi, que nous renouvellerons le démarrage de «Gros Pépère». Ce dernier ne bronche pas. Ses organes principaux répondent correctement et semblent s’accommoder de la chirurgie massive qui a été entreprise. Même l’organe subsidiaire de fortune, qu’est le ventilateur, semble parfaitement remplir son rôle dans la chaîne de fonctionnement général du moteur. Une autre bonne nouvelle, la route est plus ou moins plate jusqu’à Uyuni. Le camping-car va très bien se comporter. C’est néanmoins avec une appréhension très compréhensible, que nous aborderons la traversée de trois autres nouveaux Rio. «Gros Pépère» n’en pâtira pas.
Nous nous arrêtons, en milieu d’après-midi, à la Vallée de la Roca. Nous nous trouvons encore en présence d’un paysage hors normes, sortant totalement des standards naturels que nous connaissons en Europe. Cette vallée est constituée de milliers de roches de tailles imposantes et de formes totalement différentes, qui sortent de la Terre, quasi-vierge jusqu’à là! Ce terrain de jeu pourrait être l’opportunité de faire un cache-cache géant avec tous nos amis et notre famille. Mais le temps n’est pas vraiment à l’amusement et aux divertissements mais plutôt à la prudence afin de relier, dès que possible, la prochaine grande ville. Nous ne restons que quelques minutes dans ces paysages grandioses avant de reprendre la route. Nous nous arrêtons pour dormir dans une petite ville en chemin. Je découvre alors les prix dérisoires existant pour des repas tout préparés dans de petites gargotes. Nous commençons, en cette soirée, par un «snack», à base de saucisses et de frites.
Le soulagement d’avoir fait plusieurs centaines de kilomètres de pistes sans déceler le moindre signe de fatigue de «Gros Pépère» permettra de détendre encore un peu plus l’atmosphère. Il faut espérer que cela continue encore aussi longtemps que possible. L’idéal serait au moins jusqu’à Sucré, pour l’Akilifamily, qui veut y faire envoyer les pièces de rechange et effectuer de l’entretien et des réparations, dans un garage qu’ils ont déjà fréquentés de nombreux jours juste avant nos retrouvailles, il y a un peu plus d’un mois.
Nous voilà en attendant arrivé dans la ville d’Uyuni après avoir traversé des paysages aux allures de mirages… La traversée du Sud Lipez fut grandiose. Elle a marqué les esprits dans tous les sens du terme. Aucun acteur de ce périple ne pourra l’oublier de sitôt!
Les réparations semblant tenir, la décision est prise, comme initialement prévu, de nous rendre avec les Syséléma dans le Salar de Uyuni. Encore une belle étape de ce périple à venir dans un lieu unique! Qu’est-ce que ces lieux peuvent nous réserver comme surprises?
Encore des paysages magnifiques et des péripéties mécaniques surprenantes. Félicitations aux mécaniciens magnifiques. Bon vol et à bientôt pour de nouvelles aventures.
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