J’ai souvent pris du retard dans l’écriture de mes récits de voyage, préférant profiter du moment présent, des instants avec les individus qui étaient à mes côtés, ou des lieux uniques où je me trouvais. Mais cette fois-ci, plus que jamais, je vais devoir me replonger dans un temps révolu, qui semble à une année lumière de mon présent actuel.
J’ai depuis changé deux fois de continent, vécus des moments inoubliables. Je viens de réaliser une étape inégalable, peu importe ce que ce tour du monde, inachevé, me réserve… Nous sommes le 25 février 2014, 00h20, quand je tape ces premières lignes de ce récit, relatant une énième étape, du Vol Libre qui m’habite depuis de longs mois, et continue d’être un rêve éveillé.
Retour en arrière, sur le continent Américain et sa partie se trouvant au sud de l’Equateur. Nous sommes le 3 Novembre 2013. Je me réveille, après la première nuit passée aux côtés de Karine, à Foz d’Iguazu. Nous nous apprêtons à passer nos dernières heures sur le territoire brésilien. Un passage de frontière original nous attend. Avant cela, Nous dégustons un très bon petit déjeuner à base de fruits frais, de thé, de yaourts, de sandwich chaud type croque-monsieur, et de gâteaux. Il faudrait faire la fine bouche pour ne pas y trouver son bonheur !
Après avoir regroupés nos affaires, préparés nos sac-à-dos, nous prenons la route. La combinaison d’un bus puis d’un taxi, à prix fortement négocié, nous conduira au poste frontière brésilien. Après avoir rapidement remplis les formalités administratives de sortie du territoire, nous décidons de marcher pendant 2 kilomètres, le long de la route, qui constitue la partie de « no-man’s Land » entre les deux pays. Après avoir traversé un pont suspendu à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de ce fleuve puissant, qui sillonne la région, et ce magnifique parc naturel, nous nous retrouvons, sans embûche devant le poste de contrôle argentin. Quelques minutes seront cette fois nécessaires pour remplir les formulaires et obtenir les tampons sur nos passeports, daté du jour et qui nous assure une entrée en toute légalité ! Encore quelques minutes de marche et nous nous retrouvons dans la ville de Puerto Iguazu. Elle sera notre base pour découvrir, le lendemain, un spectacle qui risque de marquer nos esprits à jamais…
Après avoir trouvés un hôtel, posés nos bagages, nous allons visiter la ville à la recherche d’un petit bijou culinaire. C’est sur un marché de produits locaux que nous allons y découvrir notre bonheur. Des petits restaurants possédant quelques tables se partagent une petite place ombragée. Nous commandons des empanadas, pâte cuite ou frit dans laquelle peut être introduit différents ingrédients. Nous les accompagnons de deux bières locales. C’est un régal ! Nous ne le savons pas encore mais nous n’en mangerons plus d’aussi bons, aussi frais et faits avec des produits ayant autant de goûts et de saveurs ! Le fromage et la viande qui garnissaient ces mets étaient exquis.
Un homme s’est assis avec sa fille à la table d’à côté ! Il va commander des quantités beaucoup trop importantes de nourriture pour satisfaire les envies de son enfant. Partant, il laisse des assiettes quasiment pleines. Nous demanderons à la propriétaire le droit de prendre l’une d’entre-elles, pleines d’olives, de bout de jambons braisés et fumés, et de fromage de la région! Cela complétera parfaitement notre dégustation. Repus nous allons nous promener sous un grand soleil. Le reste de la soirée sera calme. Une longue journée est prévue le lendemain. Nous nous n’éterniserons pas sur la terrasse de la piscine peu fréquentée.
Levés à 6h30, nous profitons du petit-déjeuner inclus avec le prix de la chambre. Le standing de ce dernier n’a rien à voir avec ce que nous avons pu déguster du côté brésilien. Nous nous en contenterons et cela aura au moins le mérite de nous remplir le ventre avant cette journée, où nous prévoyons de beaucoup marcher. Nous arrivons, avec le bus, à 8h00, à l’ouverture du parc des chutes d’Iguazu, côté argentin. Nous allons pouvoir de nouveau admirer ces chutes qui font parties des «7 nouvelles merveilles naturelles» recensées dans le mon es passerelles seront vides pendant presque 2h00. Nous profitons alors de la nature en toute quiétude. Même au pic de la journée, nous serons loin de ce que nous avions pu entendre avant de venir. Il n’y a pas de file humaine interminable sur les passerelles. Nous n’allons quasiment pas être obligé d’attendre derrière des groupes sauf à deux reprises qui dureront en cumulée moins de 5 minutes.
De plus, nous avions du mal à le croire, avant de le voir, mais nous allons très vite être forcés de constater, pour notre plus grand bonheur, que le côté argentin est en effet beaucoup plus spectaculaire que son homologue brésilien. Les superbes points de vue sur les chutes s’enchainent. En de nombreux lieux, nous nous trouvons à une distance rapprochée de ces murs d’eau qui tombent, avec force, plusieurs dizaines de mètres plus bas. Ce n’est pas la hauteur de ces chutes qui impressionnent mais leur nombre, le cadre naturel dans lesquelles elles apparaissent. Cet exceptionnel ensemble de plus de 600 chutes d’eau s’abat jusqu’à 90 mètres plus bas dans un vacarme, auditivement parlant très prenant. Visuellement, nous atteignons des sommets aussi avec les jets d’eau qui jaillissent et la brume qui se forme. Nous allons aller crescendo dans l’aspect exceptionnel de ces lieux. Traversant en bateau, nous nous rendons sur l’île qui se trouve au centre de ce site. Nous avons des points de vue imprenables. Nous allons aussi découvrir un repère pour des vautours, voire plusieurs iguanes et observés furtivement de très jolies Toucans.
Il est à peine 13h00 quand nous prenons la direction du lieu qui devrait être le clou du spectacle de cette journée. C’est en petit train que nous nous y rendons. Après 15 minutes, nous sommes au point de départ d’une très grande passerelle métallique et en bois, de plus de 1 kilomètre, qui se trouve au-dessus des chutes. Sur toute la longueur, nous n’avons pas de point de vue privilégié sur les chutes. En revanche, en fin de course, la passerelle se transforme en ovale. Nous faisons face à la «Gargantua Del Diablo»!
Espérer vous voir le diable en personne sortir de ce lieu et ouvrir grand la gueule? Je ne l’espère pas car vous seriez sûrement déçus ! En revanche, il est facile de comprendre pourquoi ce lieu a été associé à une bouche menant directement aux enfers! Il est aisé d’affirmer qu’aucun être vivant ne pourrait résister à une telle chute dans ce bouillon, où l’eau s’écrase implacablement sur le sol avec une énergie démentielle. La force de la nature est ici un pléonasme, mise en abîme par les éléments! Aucun superlatif assez fort ne pourrait décrire à sa juste valeur, le spectacle qui s’offre à nos yeux. Nous surplombons la partie la plus inouïe et féérique de cette merveille naturelle.
Nous allons rester scotchés de longues minutes sans voie. Reprenant ensuite nos esprits, nous retoucherons terre et penserons aux besoins vitaux qui animent quotidiennement nos vies. Nous attendrons le calme entre deux arrivages de touristes, par le petit train, pour déguster notre pique-nique d’une banale simplicité. Mais nous avons alors une vue imprenable sur ce lieu semblant sortir des rêves les plus fous d’un mégalomane qui aurait voulu se faire mousser auprès de nous, pauvres terriens.
C’est fou le peu de temps que les gens peuvent passer devant une telle merveille. Une broutille! Comme dans la société de consommation actuelle, il faut posséder, avoir vu, ou fait ! Mais quand est-il du fait de profiter, d’apprécier les choses et les lieux où nous pouvons avoir la chance d’être! J’ai alors simplement une chose à dire : « tant mieux pour nous ». Nous avons plus de place sur la passerelle. Nous avons à jouer des coudes avec les autres touristes qui s’amassent ici, seulement pendant quelques minutes.
Nous serions bien restés jusqu’à la fermeture pendant plus de 5h00 devant ce spectacle. D’un commun accord, nous décidons tout de même de repartir pour continuer à découvrir ce côté argentin sous différents aspects. Nous jurons tout de même de revenir en fin d’après-midi et de rester jusqu’à la fermeture. Nous respecterons notre circuit de visite. Après avoir revu assez rapidement quelques beaux points de vue, nous nous pointons de nouveau à 16h30 en bout de passerelle. Nous allons y rester jusqu’à ce qu’un des gardiens nous demande de quitter les lieux. Nous serons les derniers à jeter un œil pour la journée sur ce mur d’eau, qui nous aura subjugués. Nous ne savons pas ce que nous réserve encore la suite de notre voyage ensemble avec Karine. Mais une chose est sûre, je viens d’observer un des plus beaux lieux naturels qui m’ai été donné de voir dans ma vie. Karine partage sans conteste mon point de vue.
Encore une fois, nous allons très vite revenir à la réalité de nos vies de terrien et de voyageurs. Nous devons continuer notre route. Nous avons réservé un bus de nuit pour rejoindre Buenos Aires à plus de 1300 kilomètres de là. Nous n’avons que peu de temps pour rejoindre Puerto Iguazu, récupéré nos sacs et nous rendre à la station de bus. Nous y arriverons tout de même dans un timing parfait. Les bagages enregistrés et mis en soute, nous avons plus qu’à profiter de ce trajet. Le bus est très confortable, et les services associés sont hauts de gamme. Après un beau coucher de soleil. L’assistant du conducteur nous sert un très bon repas accompagné de vins et autres boissons. Nous aurons même le droit à un mousseux et des petites gourmandises en dessert. J’avais déjà pu tester le très bon standing des bus longues distances en Amérique du Sud. Mais là, nous ne pouvons qu’être plus que satisfait de la qualité du service. Il ne reste plus qu’à espérer que cela soit toujours le cas pour les nombreux et longs autres trajets que nous avons prévus d’effectuer dans les jours à venir.
Autres bonnes nouvelles, les renseignements que nous avons sur le pays se vérifient. Quelques informations et une bonne préparation peuvent parfois faire une grande différence. Cette fois-ci, cela va se confirmer financièrement parlant. Le pays possède un gros problème budgétaire. La monnaie est constamment dévaluée depuis de nombreuses années. Les argentins ont de nombreuses fois perdus très gros, voyant leur pouvoir d’achat diminué considérablement du jour au lendemain.
Un marché noir s’est logiquement installé avec les monnaies de référence, les valeurs refuges que sont l’Euro mais surtout le Dollars. Par exemple, Les loyers doivent souvent être régler en dollars. Aussi bien Karine que moi, nous avions donc prévu le coup en nous procurant, avant notre arrivée, le plus de ces devises pour pouvoir les échanger sur place. La différence est incroyable. Le taux de change officiel, qui est ce que vous pouvez obtenir en retirant directement de l’argent dans une banque aux Distributeurs Automatique de Billets, est de 6,09 pesos pour 1 dollar. Au marché parallèle, dénommé ici «Blue Market», nous allons obtenir 9 pesos pour 1 dollar à Puerto Iguazu et quasiment 10 pesos à Buenos Aires. Le rapport est environ le même pour l’Euro. Grâce à la connaissance de cette donnée, nous avons gagnés 50% de pouvoir d’achat en plus par rapport à ce que nous aurions pu prétendre si nous avions comme habituellement retiré de l’argent dans une banque. Ce n’est pas du superflu dans ce pays aussi cher pour voyager sinon que les pays d’Europe. Nous constaterons pourtant aux cours de nos pérégrinations que beaucoup de voyageurs, dont des français ne possédaient pas cette donnée et qu’ils payaient donc par conséquent beaucoup plus que nous.
La première péripétie, entrainant la première «frayeur», va se dérouler. Après une bonne nuit, enfouie dans nos couvertures, l’assistant nous sert un petit-déjeuner, simple mais agréable. Nous nous rapprochons sérieusement de la capitale du pays. Nous venons de passer sans encombre plusieurs contrôles de police. Le jour est maintenant levé depuis plusieurs heures. Il s’agit d’un car avec un étage. Nous nous trouvons aux premières loges, en haut, avec une grande baie vitrée donnant sur la route. Karine va sentir arriver les choses. A un poste de contrôle militaire, dirigé par une femme, le bus doit se ranger sur le côté. Ils nous remarquent immédiatement. Ils procèdent à un contrôle d’identité. Nous devons sortir nos passeports. Et, je ne sais pour quelle raison, nous allons avoir le droit à un traitement de faveur négativement parlant. Après quelques secondes, nous sommes priés de sortir du bus. Je sens Karine pas du tout rassurée. Des vieux souvenirs d’expériences à Madagascar, concernant les contrôles policiers y sont sûrement en grande partie responsable. La police est-elle corrompue dans ce pays ? Allons-nous devoir subir les frasques de fonctionnaires mal attentionnés? Ils nous demandent quoi qu’il en soit d’identifier nos sacs. Puis ils commencent une fouille de ces derniers. Pendant un instant, les dires des militaires nous font croire que nous aurions peut-être à nous rendre dans leurs locaux! Quand serait-il alors de notre trajet vers Buenos Aires ? Le bus nous laisserait-il, ici, sur le bord de route?
Il n’en sera finalement rien! Un agent nous autorise rapidement à ranger nos sacs, à les remettre en soute. Ils nous rendent nos passeports et nous pouvons remonter dans le bus. Les doutes vont très vite s’atténuer quant à l’issue heureuse de cet épisode. Nous sommes tout de même soulager et heureux de pouvoir continuer notre chemin.
Nous arrivons finalement aux alentours de midi à la station de bus principale de la capitale fédérale. C’est qui plus est le jour de l’anniversaire de Karine. Il y a déjà eu de l’action et nous allons compléter le tableau avec une ballade dans les rues principales de la ville. Elle est très proche, en ce qui concerne l’architecture, et l’atmosphère des grandes capitales européennes. Cela nous permet si nécessaire de se remémorer l’histoire de ce pays. Ce territoire a été envahi par les européens voici plusieurs siècles. Les indigènes ont dans cette partie Sud du continent été totalement décimés. Les européens y ont imposés leur mode de vie et 99% de la population actuelle sont des descendants du continent où je suis né et où j’ai grandi. Plus que dans n’importe quel pays que j’ai déjà eu la chance de visiter en Amérique du Sud, je ressens ici l’influence du vieux continent. Nous finirons la journée par un repas dans un restaurant avec des produits locaux. Nous y dégusterons en délicieux ensemble de mets ayant fait la réputation culinaire du pays.
Le deuxième jour, après un réveil matinal, comme habituellement en tant que bon voyageur que nous sommes, nous allons continuer la découverte de la ville. Nous arpentons les rues de différents quartiers populaires et centraux qui vont nous dévoiler différents aspects de cette mégalopole. Nous traverserons des parcs, nous arrêterons sur de grandes esplanades, visiterons deux musées, des églises, un cimetière aux stèles impressionnantes. Au hasard des rues, nous rencontrerons des personnes ayant à bout de bras, jusqu’à plusieurs dizaine de laisses, au bout desquels gambades toutes races de notre plus fidèle compagnon; le chien! Cela a l’air d’être une vraie institution ici car nous en croiserons plusieurs pour qui, il s’agit sûrement d’un métier! Nous tomberons aussi sur une très belle poissonnerie qui donne envie d’acheter de nombreux produits frais. Cela se déroule en début de matinée, nous n’achèterons rien car nos achats ne tiendraient pas la journée dans nos sacs.
La journée va s’écouler sans que nous puissions en prendre la pleine mesure. Après avoir pris un verre sur une terrasse donnant sur de magnifiques canaux, avoir marchés dans un parc adjacent à ces derniers, nous prenons la direction de l’hôtel au soleil couchant. Comme nous l’avions envisagé, nous nous rendons dans un supermarché pour essayer un des produits phares de la cuisine argentine; la viande! Elle est réputée pour sa qualité, en raison principalement de l’élevage en pleine nature, de l’égorgement de la bête pendant sa mise à mort, et de son prix minimaliste. En effet, nous allons trouver deux tournedos très tendres, 4 ou 5 fois moins chers qu’en France. Nous avons décidés d’accompagner cette viande avec une salade, des olives, du pain et du fromage. Nous ne pourrons aussi nous empêcher d’acheter une bouteille de vin. L’argentine n’a vraiment pas à pâlir de ces produits vinicoles non plus. Nous préparerons notre festin à l’auberge ! Nous nous régalons une fois la cuisine terminée et la viande cuite à point. N’ayant pas cuisiné tard, nous allons assouvir un dernier petit plaisir culinaire, spécialité aussi du pays, en allant déguster une glace dans un des meilleurs glaciers, niveau rapport qualité-prix, de Buenos Aires! De vrais gourmands! Mais pourquoi pas se faire plaisir aux pastilles gustatives… ce n’est pas tous les jours le lendemain du 35ième anniversaire de Karine! Toutes les excuses sont bonnes, non?
Le temps va se gâter le lendemain. La pluie sera de la partie. Cela ne va pas nous empêcher d’aller découvrir le quartier populaire le plus connu de Buenos Aires. Lieu de naissance de la légende vivante du football argentin, Maradona, il s’agit du quartier de la Boca. Ce quartier tient sa réputation de ces maisons colorées, tôles peintes avec les restes de peintures entreposées par les dockers. Ce quartier n’est pas le plus sûr de la capitale. Nous ne ressentirons pourtant aucune menace au cours de notre visite diurne. Cela ressemble même à un parc d’attraction pour touristes. Nous sommes des centaines à fouler les pavés de ce quartier populaire. Tout est fait pour pousser à la consommation avec des magasins de souvenirs, des restaurants proposant des démonstrations telle que le Tango, sport national. Cela ne nous empêchera pas d’y passer de bons moments et de profiter de ces animations. Nous allons nous sentir très bien dans cette grande ville. Nous aurions pu y rester encore plusieurs jours. Mais la nature nous appelle. Notre programme chargé et une durée fixée ne nous permettent pas une flexibilité énorme sauf si nous ne portons aucune importance à supprimer certaines étapes. Ce n’est pas notre intention!
Nous prenons donc le soir un bus de nuit pour descendre très fortement en direction du Sud. Nous allons encore effectuer cette fois-ci plus de 1500 kilomètres, en longeant, de plus ou moins près, la côté atlantique sur la «Ruta 3». Il est très facile de prendre alors conscience de l’immensité de ce pays. A notre arrivée, Nous serons à peine au milieu de ce dernier si nous prenons en compte la latitude la plus petite et celle la plus grande. Les paysages ne sont pas très changeants. Nous sommes rentrés de pleins pieds dans ces plaines assez arides qui constituent la plus grande partie de l’Argentine. Il s’agit de la Pampa. C’est déjà assez monotone d’effectuer ce trajet en bus. Alors je n’imagine même pas parcourir ces distances à pied ou en vélo… De quoi vous rendre fous, ces lignes droites interminables et ces paysages qui défilent sans jamais évoluer ou presque. Après plus de 18h00 de trajet, nous arrivons en fin d’après-midi à Puerto Madryn.
Sur Hostelworld, j’ai dégoté une adresse tenue par un français dont tous les internautes font l’éloge! Nous n’avons pas réservés car il y a une surcharge financière sur le site internet, 10% prélevé en plus. L’adresse se trouve à quelques encablures de la gare routière. Nous obtenons son emplacement exact et un plan au centre d’informations situé dans son enceinte.
L’hôtesse n’est pas porteuse que de bonnes nouvelles. D’un point de vue logistique, nous sommes le lendemain, dimanche. Il n’y a alors qu’un bus qui part le matin et un qui revient le soir pour se rendre à la péninsule de Valdès. Un peu juste alors que nous voulions nous essayer au stop!
C’est surtout l’élément suivant qui va être, pour moi, sujet à une baisse de morale. La période pour observer les baleines à bosse s’étend bien, comme j’avais pu le lire, d’Août à début Décembre, dans ce lieu unique. Cette dernière se situe à une centaine de kilomètres, au Nord-Est, du lieu actuel où nous trouvons. Ce lieu est le site le plus important de regroupement de baleines au monde, pour la mise à bas de leur baleineau, une fois par an! Un sixième sens, un instinct les pousse inexorablement à remonter des mers froides et tumultueuses de l’Antarctique, où elles se nourrissent, pour donner naissance dans cette péninsule où règne calme et tranquillité. Mais la période la plus propice s’étend surtout de mi-août à fin septembre. La population de milliers de baleines présente dans la péninsule est en constant décroit après ces dates. Certaines ayant déjà entrepris la descente, avec leur baleineau, vers le Sud. Elles repartent pour se nourrir, pour se refaire une santé physique, après plusieurs mois de jeûne forcé. L’hôtesse ne peut pas nous promettre que nous pourrons les observer depuis le rivage ce qui est le cas en pleine saison! La seule façon d’être sûr d’observer cet animal serait de prendre un tour en bateau; dépense budgétaire importante que nous n’avions pas envisagé. Nous aviserons sur place.
Les mauvaises nouvelles vont continuer de tomber. L’hôtel, où nous désirions dormir, est plein pour la nuit. Nous sommes tout de même très bien reçus par le propriétaire français de l’établissement. Il va nous expliquer diverses choses concernant la région. Il nous présente deux allemands, dormant dans son hôtel, qui recherchent des personnes, 2 ou trois, pour louer ensemble une voiture. Ils ne veulent pas se rendre dans la péninsule le lendemain mais 300 kilomètres, plus au Sud, à Punta Tombo, où se trouve la plus grande colonie de pingouins vivant sur des terres habitées par l’être humain. Cela fait beaucoup trop d’informations d’un seul coup. Nous avons envie de réfléchir aux différentes possibilités et ne pas prendre une décision précipitée. Premier impératif, trouver un logement pour la nuit. Cela sera fait assez rapidement. Pour un prix un peu plus élevé, nous sommes loin de ce que l’auberge visitée avant nous proposer. Mais nous n’avons pas le choix. C’est ça parfois les plaisirs du voyage quand on ne prévoit pas tout à l’avance. Nous voulons ensuite voir les meilleurs prix pour les locations de voiture. Une des agences est déjà fermée quand nous arrivons, l’autre est occupée par deux jeunes qui discutent avec la vendeuse. Le cours de la vie veut que nous décidons de ne pas attendre. Nous devons retourner voir nos possibles compagnons de voyage, pour le lendemain, avant qu’ils ne réservent un tour. C’est la solution qu’ils ont prévue s’ils ne trouvaient personne.
Retournant à leur hôtel, nous apprenons qu’il est trop tard. Ils ont déjà réservé ce tour en bus. Les petits événements s’enchainent. Nous faisons la connaissance de deux danoises qui seraient intéressé finalement pour louer une voiture avec nous. Les rebondissements sont multiples. Nous essayons de prendre toutes les informations entrantes, pouvant nous être données par ceux ayant déjà fait les deux sites pour prendre une décision. Après avoir pesés le pour et le contre, avoir hésités, changés d’avis maintes fois, nous décidons de ne rien réserver et de tenter notre chance le lendemain. Nous prévoyons trois jours, deux nuits dans la péninsule. Nous réservons par avance la nuit suivante dans cet hôtel, sachant qu’en plus, avant de partir, le lendemain matin, nous pourrons y laisser nos affaires superflues! Aucune certitude quant au séjour que nous nous apprêtons à vivre. Mais nous avons faits nos choix. Nous pouvons donc aller faire les courses, manger, préparer nos sacs pour le lendemain. Nous nous couchons le plus tôt possible après avoir tout fait, à minuit passé, pour être le plus en forme possible dans quelques heures.
Après un petit-déjeuner compris dans le prix de la chambre mais très restreint, nous allons déposer nos affaires dans l’hôtel qui nous accueillera après nos trois jours passés à la péninsule. Il est 8h00, le bus public part à 9h30. Nous avons donc décidés de faire du stop pendant 1h30. Sinon, nous sortons bredouilles de cette expérience, nous prendrons le transport en commun. Nous avançons, marchons vers la péninsule, sans grand succès tout d’abord. Il fait un peu froid et peu de personnes passent. Un pick-up va s’arrêter à notre hauteur. Il s’excuse mais il ne va pas très loin et cela ne sert donc pas à grand-chose qu’il nous amène quelque part.
Ceux sont les deux mêmes personnes que nous retrouvons quelques minutes plus tard, garées sur le bord de la route. Le conducteur nous fait finalement signe de monter. Nous prenons la route après que son acolyte est fait quelques courses dans la superette du coin. Nous ne savons pas jusqu’à où ils vont nous emmener. Une chose est sûre pourtant, nous n’aurons pas l’occasion de prendre la navette jusqu’à Puerto Pyramides. Nous sommes maintenant beaucoup trop loin de la gare routière. Sans nous le dire, ils vont pousser leur chemin beaucoup plus loin que ce qu’ils avaient prévus. Ils vont nous déposer à plus de trente kilomètres de là, à l’intersection qui mène directement vers la péninsule de Valdès. Nous les remercions chaleureusement. Comme je l’avais pressenti, ils font ensuite demi-tour et repartent dans la direction d’où nous sommes arrivés. La bonté des hommes est parfois simple et sans mesure. Cela va grandement nous facilité la tâche pour nous rendre jusqu’à Puerto Pyramides. Deux, au plus trois, minutes plus tard, nous sommes déjà dans la voiture de deux touristes néerlandais en partance directement pour notre objectif de la matinée. Ils vont, quant à eux, faire un tour en bateau. De notre côté, nous nous réservons cette activité en tant que dernier recours. En effet, nous avons toutes les raisons d’être un peu sceptique sur la formule. Deux heures de bateau pour voir les baleines. Des personnes nous ont parlées de plus de 45 minutes pour approcher la première et la seule qu’ils ont vue. Un peu moins de 20 minutes à ces côtés, puis il était déjà temps de revenir en direction des terres. Tout cela se passe bien sûr dans un bateau bondé avec plus de 100 personnes…
Après avoir payé le droit d’entrée à la péninsule, nous arrivons quelques minutes plus tard à Puerto Pyramides. Nous allons marcher 5 kilomètres en longeant la côte vers l’Ouest. Nous nous rendons sur un perchoir qui domine une colonie de phoques. Nous allons facilement pouvoir les observer. Il y a plusieurs petits qui s’amusent dans les vagues, de gros pépères mâles qui se prélassent au soleil, et des mères qui sont entrain de pêcher du poisson, ou à surveiller leur progéniture. Nous allons pouvoir observer aussi plusieurs oiseaux dont des goélands, des mouettes. Mais ce qui va retenir le plus notre attention sera plusieurs sauts d’une baleine dans la baie de Puerto Pyramides, non loin de quelques bateaux qui naviguent dans ces eaux.
On va voir ce que nous réserve les prochaines heures de notre visite mais nous avons une soudaine envie de monter dans une de ces embarcations quel que soit le nombre de personnes présentes ou le prix. Pour l’instant, nous avons trouvés un jeune couple d’allemand en van, qui va pouvoir nous déposer au départ de la piste qui s’enfonce dans la péninsule pour se rendre sur les principaux sites. Après avoir un peu marché, regarder et analyser la carte, nous savons que nous ne pouvons pas y arriver par nos propres moyens en marchant. En effet, plus de 70 kilomètres nous sépare du point au centre de la côte orientale, où sont observables des pingouins, des phoques et avec un peu de chance des orques. En effet, les plus grands prédateurs des mers viennent souvent naviguer dans ces eaux pour s’y nourrir. La meilleure période, pour assister à une attaque sur les plages par les orques des phoques, est Janvier-Mars! Mais sait-on jamais, une chance inouïe nous accompagnera peut-être lors de ce séjour?
En attendant, la première voiture, qui passe sur le chemin, s’arrête à nos côtés! Vous ne devinerez sûrement jamais de qu’il s’agit? Ceux sont des têtes familières pourtant nous leur avons jamais encore parlés! Le hasard est parfois drôle! Nous concernant cela nous donne un grand sourire. Nos bons-samaritains doivent, quant à eux, «rire jaune». Il s’agit de deux jeunes français, en vacances, que nous avons aperçus la veille dans la vitrine du magasin de location de voiture. Nous voyant, ils avaient eu l’idée de venir nous voir pour nous demander si nous voulions louer la voiture ensemble. Ils n’en ont rien fait, et le résultat n’est pas vraiment identique. Pourtant nous nous retrouvons tout de même tous les 4, roulant dans la péninsule. Nous allons passer plus d’une heure à rouler sur ces pistes poussiéreuses mais en très bon état. Descendant de la voiture une première fois, nous sommes alors au niveau de la partie centrale de la côté orientale. Nous découvrons quelques pingouins aux aguets près de leur nid. La pondaison a eu lieu quelques jours auparavant. Ils les couvent maintenant et les protègent contre toutes attaques de prédateurs. Ils se trouvent là, à porter de mains. C’est une chance que de pouvoir assister à un tel balai et spectacle. Nous voyons aussi au loin quelques phoques et otaries. Les paysages sont splendides. Cela sera le cas tout au long du séjour dans cette partie de terre qui dépasse nettement du reste des côtes argentines. Reprenant pour quelques centaines de mètres la voiture, nous nous retrouvons sur d’un petit sentier de randonné avec vue sur la mer et en prime quelques explications sur la région, sa faune, sa flore et ces caractéristiques. Les lions de mer sont maintenant proches. C’est un délice de pouvoir les observer se mouvoir, interagir entre-eux…
Soudainement à un autre point de vue, je constate quelqu’un qui s’agite un peu plus que la normale. Il s’agit d’un guide qui dit avoir vu une attaque d’un groupe d’orques contre un baleineau. Ces derniers se dirigeraient vers le sud. L’excitation monte pour Karine et moi. Pourtant le couple de français ne semble pas partager ce sentiment. Il pense poursuivre leur chemin comme prévu vers la pointe nord! Que faire? La journée est déjà bien avancée ! Nous avons déjà la chance d’avoir trouvé un moyen de locomotion donc nous ne pouvons pas nous en séparer comme cela. De plus ce guide vient de me fournir quelques précieux conseils qui pourraient bien changer le cours de notre séjour sur place. Pour cela, il nous faut donc continuer avec ce couple qui nous a pris en charge! Le choix, ou plutôt le non-choix s’impose donc à nous. Et puis les orques sont sûrement déjà bien loin car nous ne pouvons pas les observer à l’horizon, soit plusieurs kilomètres à la ronde.
Nous embarquons de nouveau dans la voiture. Nous nous dirigeons 45 kilomètres plus haut pour atteindre la pointe nord qui est splendide et surtout le lieu de prédilection pour l’attaque des orques contre les lions de mer.
Il n’en sera rien en cette fin de journée. Après avoir exploré les lieux pendant quelques minutes, nous reprenons la route en direction de Puerto Pyramides, où ce couple va passer la nuit. Nous profitons autant que possible de ce transport gratuit et confortable. Avec Karine, nous surveillons pourtant la route pour détecter une barrière verte, ou un panneau indiquant une lagune. Karine sera la première à visionner ce que nous cherchions. Nous allons surprendre nos deux compères en leur demandant de s’arrêter au beau milieu de la pampa, alors que le soleil descend dangereusement vers l’horizon. Le conducteur mettra un peu de temps pour percuter, comprendre l’information et s’arrêter. Nous leur expliquons alors ce choix, prenons nos bagages et partons à pied, en sens inverse, vers un lieu que l’on nous a décrit comme onirique. Nous ne savons pas combien de kilomètres à pied nous aurons à effectuer mais espérons que cela restera dans la mesure du raisonnable. Nos calculs approximatifs, avec une carte peu détaillée, évaluent la marche d’approche à 6-7 kilomètres. Ces derniers se révéleront être très proche de la réalité du terrain. Après avoir rejoint la barrière verte que nous avait indiqué le guide, avoir franchi la deuxième sur la route, nous rejoignons en une heure la baie qui se trouve au Nord de la péninsule. Ce lieu est un secret bien gardé car compliqué d’accès en véhicule. Seul ceux ayant été rancardé peuvent en connaître son existence ou plutôt la possibilité de la rejoindre. C’est ici que nous allons faire du camping sauvage, abrité du vent par un petit bosquet d’arbustes typique du bord de mer. Les surprises vont aller en crescendo. C’est tout d‘abord un accueil orchestré par un vol combiné de plusieurs rapaces. Nous profitons ensuite du soleil qui se couche petit à petit sur les collines environnantes laissant apparaître des couleurs aux teintes évolutives et aux nuances prononcées selon l’endroit du ciel où nous levons les yeux. L’apothéose va nous paraître en premier lieu énigmatique. Nous entendons des bruits sourds tel quelqu’un qui tapait sur une surface particulière. D’où ces bruits peuvent-ils venir? Suivant ce son qui envahie nos tympans, nous nous tournons naturellement vers la mer. Qu’elle sera notre surprise de voir plusieurs baleines jouant avec les éléments; l’eau, l’air, le vent? Elles font des bonds hors de l’eau, tape avec leurs nageoires ou leur queue. Nous n’en revenons pas! A moins de deux cents mètres de nous se déroule des choses que nous n’avions même pas pu imaginer en rêver. Elles sont là, nombreuses. Nous les admirerons jusqu’à ce que l’obscurité nous empêche définitivement de les distinguer. Elles continueront pourtant ce capharnaüm toute la nuit. Que dis-je, ce bruit mélodieux qui va encore plus que les vagues ou le vent, en habitué de bords de mer, combler mon sommeil de doux rêves.
Nous installons la tente à l’aide de nos lampes frontales. Je vais chercher du bois pour faire un feu tandis que Karine prépare notre gamelle composée d’une soupe et de pâtes lyophilisées. La soirée sera agréable et très calme. Karine me dira un peu plus tard que j’avais eu les yeux fixés sur les flammes provenant du feu une grande partie de la soirée et que je n’avais pas décroché un mot. Pourtant j’aime bien partager ce genre de moment. Peut-être alors que la seule présence de l’autre est suffisante et que les mots seraient superflus… Nous nous couchons relativement tôt sachant qu’une longue journée nous attend encore le lendemain.
Le vent est glacial lorsque je me réveille. Le soleil n’a pas encore pointé sa lueur jaunâtre à l’horizon et les baleines continuent pourtant de jouer avec l’océan. Nous prenons un petit-déjeuner succinct, nous plions la tente et cachons nos sacs dans les fourrées. Nous allons essayer de marcher sur la plage pour nous rapprocher au plus près des baleines. Nous pourrons alors les admirer d’un peu plus près mais pas autant que nous le souhaiterions. La plage mélange de sable et de vase ne facilite pas notre avancée. Après plus d’une heure, nous faisons finalement demi-tour le long des falaises, où le sol jonché de gros rochers est plus ferme. Nous allons découvrir le corps d’un baleineau en décomposition. Il a dû sûrement s’échouer en jouant trop près du rivage et n’a jamais pu regagner les eaux libres de l’océan. C’est un spectacle peu ragoutant qui pourtant ne révèle que d’un procédé normal de la vie.
Ayant récupérés nos sacs-à-dos, nous repartons en direction de la piste que nous avions quittés la veille. Un drôle d’animal nous ouvrira la route à distance raisonnable, toujours très loin de portée. Il s’arrêtera de nombreuses fois regardant dans notre direction, puis reprendra son chemin après que nous ayons faits quelques pas de plus. Il sera juste assez proche pour, qu’avec le zoom X20 de l’appareil photographique de Karine, nous arrivons à en prendre une image nette qui nous permettra de l’identifier ultérieurement. Il s’agit d’un type de lapin, une mutation de la région. Il nous laissait penser à un hybride entre un lapin, un renard, et un chien, auquel vous ajouteriez une sorte de carapace fine, si nous le comparions avec ce que nous avons l’habitude de voir régulièrement. Ayant encore plus d’une journée et demie sur place, nous ne voulons pas rater la chance de pouvoir observer un ou des orques. Nous repartons vers la pointe nord de la péninsule. C’est un argentin, habitant dans la région de Salta, au nord, qui nous y déposera, dans son 4x4 professionnel flambant neuf. Nous resterons plusieurs heures, sous à un grand soleil, à admirer le paysage sous un soleil radieux. Hier, nous avions les sacs dans la voiture, donc nous n’étions pas source de questionnements pour les gardes. Aujourd’hui, en revanche, cela les interpelle. Une mégère, peu aimable par déduction, viendra nous questionner. Elle nous exprimera son mécontentement disant que nous sommes inconscients de faire du stop comme cela. Elle nous reprécise que nous n’avons pas le droit de dormir dans la péninsule (si jamais elle savait ce que nous avions fait la veille, elle serait folle!), que nous devons repartir et que nous pouvons risquer une amende. Nous hocherons la tête poliment, faisant semblant d’être en total adéquation avec ces dires. Cela ne nous empêchera pas de finir tranquillement notre déjeuner, de retourner voir les lions de mer et otaries et prendre le soleil en guise de sieste.
Plus nous regagnerons la sortie de la pointe Nord pour y faire du stop! Un car de touristes passera pour la énième fois devant nous après s’être arrêté une première fois le matin. Ils sont complets et le chauffeur n’a pas le droit de prendre des passagers «clandestins»! De plus, ils vont pour l’instant visiter le site et ne repartent donc pas vers Puerto Pyramides. Ils sont tout de même attristés que nous attendions sous un soleil de plomb. Coïncidence, ce n’est que de longues minutes plus tard qu’une voiture s’arrêtera à nos côtés pour nous offrir un bout de route. Cela se produit juste au moment où ressort ce bus de touristes. Voyant que nous avons trouvés quelqu’un pour nous convoyer vers d’autres cieux, ils ont le sourire aux lèvres. Ils nous félicitent à travers les carreaux de leur minibus. C’est assez incroyable de voir l’engouement que peut générer notre situation « précaire » auprès de personnes inconnues voici moins de quelques heures. Une fois encore lors de cette journée, nous allons faire le trajet dans un 4x4 grand confort. Il s’agit cette fois-ci de deux amis italiens. L’homme au volant n’aurait pas dû être présent ici. Son ami, le mari de la très belle femme, présente à ces côtés, a eu un empêchement de dernière minute dû à un pépin physique. Voici alors comment ce dernier s’est retrouvé propulsé dans ce voyage, qui les conduira dans quelques jours en Antarctique. «Le malheur des uns fait le bonheur des autres» ne serait donc pas un simple adage mais plutôt une réalité de tous les jours…
Quoi qu’il en soit, de notre côté, nous avons profité d’aucun malheur, mais plutôt d’une belle générosité… Ils sont entrain de finir une journée marathon, un programme ils auront donc parcourus plus de 800 kilomètres de route auxquels il faut rajouter les visites. Je vous laisse imaginer l’incroyable course poursuite qu’ils ont entamée tôt ce matin. Heureusement, cet italien n’a pas le pied tendre sur l’accélérateur. A plus de 110 km/h sur la piste, cela ne semble pas lui poser de problème. Attention tenez-vous, nous passons en mode rallye. Après avoir visité de nouveau le point central de la côte orientale de cette péninsule, nous repartons en direction de Puerto Pyramides. Nous essayons de donner des arguments en faveur d’une pointe conseillée la veille par le guide. Après un tel marathon, et surtout en raison du risque de tomber en panne, il ne daignera pas faire ce détour de plus de 24 kilomètres aller-retour. Nous ne pourrons pas lui en tenir rigueur. Nous allons donc passer la fin de la journée près des lions de mer aux abords de Puerto Pyramides. Nous allons assister depuis un point de vue à un spectacle grandiose.
Cette fois-ci, ce dernier n’a pas lieu dans l’eau mais juste au-dessus avant l’horizon. Les quelques nuages qui sont apparus en fin d’après-midi nous faisait craindre le pire concernant l’observation d’un beau coucher de soleil. Finalement ces derniers vont participer au caractère unique de ce moment entre jour et nuit, lumières et ombres… Le ciel va petit à petit prendre des couleurs puissantes. Le fait que le soleil disparaisse un peu derrière cette barrière nuageuse ne va qu’amplifier le caractère démentiel de cette fin de journée. Quand il ressort finalement partiellement, sa lumière va se diffuser sur toutes ces surfaces réfléchissante et embrassé le ciel. Ce terme a rarement été aussi approprié pour un coucher de soleil. Le ciel va littéralement se transformer en un brassier jaune vivifiant qui petit à petit va devenir orange, puis rouge et enfin violet-mauve. Nous allons tous rester subjugués devant l’intensité de ce moment.
Il est de plus en plus difficile de faire un classement avec les plus beaux d’entre-eux car ils ont chacun leur charme, leur cachet, leur expérience de partage… C’est pourtant une certitude celui que nous venons de vivre fait partie du haut du panier!
Ils vont nous déposer dans la ville où ils feront le plein avant de rentrer à Puerto Madryn. Nous allons nous installer dans le camping en construction et donc encore gratuit de l’unique ville de la péninsule. Après avoir installée la tente, dînée, Karine ira rapidement se coucher. De mon côté, je vais discuter avec un couple de jeunes français, heureux propriétaire d’un véhicule tout terrain aménagé. Je m’éterniserais à leurs côtés, jusqu’à tard dans la nuit.
D’ailleurs il n’est pas évident de se mouvoir sur ce plateau corallien qui est un ensemble de boursouflures et de trous contenant de l’eau salée. Il faut faire attention à chaque pas que nous faisons sur ces surfaces très glissantes. Pourtant nos efforts vont être récompensés au centuple. Après quelques minutes, nous voyons déjà les premières baleines jouant dans ces eaux assez profondes. L’une d’elle fera un bond gigantesque sortant totalement de ce milieu liquide dans lequel elle évolue normalement. Une autre jouera avec sa queue et nageoires, apprenant à sa progéniture comment se mouvoir et communiquer avec ces congénères. Plusieurs d’entre- elles passeront dans une périphérie de moins de 200 mètres. Notre cadeau suprême, nous l’obtiendrons après 45 minutes, quand deux baleines avec leur baleineau vont se caler à moins d’un dizaine de mètre du bord de ce plateau sur lequel nous évoluons. Nous allons les avoir pour nous, et nous seuls. Nous pouvons les observer de très près pendant plus d’une demi-heure.
Ceux sont des embarcations avec des touristes, se rapprochant de trop près, qui casseront cet échange avec Dame Nature que nous avions entrepris, en admirant ces magnifiques animaux marins. Nous sortons instantanément de ce monde onirique où nous serions bien allés rejoindre ces baleines dans l’eau. Peu importe, personne ne pourra nous enlever ces instants inoubliables. De plus, les plus gros mammifères au monde (le plus gros spécimen étant la baleine bleu) n’ont pas dits leur dernier mot. Le show ne fait que commencer et cette interruption brutale ne servira que d’entracte pour que nous puissions retrouver notre souffle et profiter encore un peu plus des moments à venir. En parlant de souffle, les jets d’eau caractéristique de la respiration de ces mammifères marins nous permettent facilement de les repérer au loin. Après avoir pu en observer quelques-unes à distance respectable, nous arrivons finalement à l’extrémité de ces terres. Nous allons découvrir un havre de paix dans un nouveau paysage grandiose, un peu différent de ces confrères de la péninsule. Des campings-caristes ne s’y sont pas trompés. Ils s’y sont implantés et font du camping sauvage. Montant sur un petit promontoire, en haut de la falaise, nous voyons des baleines se mouvoir à gauche, à droite, devant nous! Elles sont finalement partout. Il fallait simplement savoir où les chercher! Je ne peux alors qu’avoir une pensée gratifiante pour cette personne qui nous a promulgués, deux jours plus tôt, ces précieux conseils!
Ce séjour dans la péninsule touche à sa fin. Quelques bonus vont encore égailler notre journée. En premier, nous constatons que deux trajectoires de couples baleine-baleineau tendent à se rejoindre. Nous redescendons alors de notre perchoir, pour nous approcher au plus près de l’action. Ces baleines viennent à la rencontre l’une de l’autre. Elles ont s’observer, discuter, échanger, pendant que leurs baleineaux jouent ensemble pendant de longues minutes. Une fois l’échange terminé, elles vont reprendre respectivement leur route partant dans une direction totalement opposée.
Nous concernant, nous n’avons guère le choix pour repartir. Les flots de l’océan ont envahis le plateau que nous avions emprunté moins d’une heure et demie auparavant. Ni Karine, ni moi n’avons la prétention de pouvoir séparer les eaux comme Moïse. Nous devons donc rebrousser chemin en prenant la route. Cette dernière est longue avant de rejoindre l’axe principal goudronné qui nous propulsera en dehors de cette péninsule. Nous décidons donc de couper à travers les collines, de longer un maximum les bords de mer. Ce choix nous conduira dans des dunes. L’espace d’un instant nous avons le sentiment d’être en plein dessert. D’ailleurs les températures participent à cette sensation. Je ne sais pas combien le mercure du thermomètre affiche mais, au soleil, cela doit allégrement dépasser les 30°C. La randonnée de 2h00, dans ces conditions, sera d’une intensité assez éprouvante. Nous ne pouvons cacher notre bonheur d’atteindre vers 16h00 le croisement de la route entre Puerto Pyramides et Puerto Madryn, et la piste menant dans la partie la plus intéressante de la péninsule. Notre joie sera totale quand finalement une voiture daignera se ranger à nos côtés. Il s’agit d’un couple de français en vacances pendant 15 jours sur place. Notre vision du voyage, nos besoins, nos moyens de locomotions, nos aptitudes à l’économie, sans palier au qualitatif, mais aussi à se laisser aller à l’imprévu et à l’improvisation, nos connaissances sur la monnaie et le marché noir, sont très différents! Je pense que je n’aurais jamais eu de contacts avec de telles personnes dans ma vie de tous les jours. Pourtant en cette fin d’après-midi, nous allons passer un très bon moment. Le simple fait qu’ils existent et que nous les rencontrons valorise, de mon point de vue notre expérience et notre façon de voyager. Je vais apprendre pleins de choses intéressantes sur la téléphonie, domaine dans lequel il travaille depuis plusieurs années. Peu importe si je n’ai pas de téléphone portable depuis plus de deux ans (en faisant abstraction du mois en Australie avec un vieux Nokia, que l’on m’a donné, pour trouver du travail). L’expérience de la péninsule de Valdès a finalement dépassée mes espérances. Je n’ai finalement toujours pas vu d’orques… Ils sont donc toujours une chimère derrière laquelle je devrais courir de longs mois, voire des années avant peut être de la rattraper. Rentrés à Puerto Madryn, nous prenons nos quartiers pour la nuit dans cet hôtel que nous avions souhaités. Nous ne pouvons qu’être satisfaits de la qualité des prestations, de la propreté des chambres…
Après avoir lavé nos affaires à la main, pris une douche chaude bien méritée, nous allons pouvoir nous détendre. Euh, enfin non pas vraiment ! Aurais-je cru au père noël ? C’est qui qui? C’est qui qui va faire à manger? Et avec quoi? Ils sont où les ingrédients? Pas de repos pour les braves, nous filons au supermarché! «Bon bah, il ne faut pas déconner non plus! » On va se faire plaisir avec un apéro; vin rouge, olives et petits toasts, suivi de son steak de bœuf mijoté et ces petits légumes. En dessert des gâteaux appétissants trouvés dans la boulangerie du coin. Et pourquoi faire les choses à moitié, Nous prendrons donc notre apéro puis notre dîner, sur la petit table de salon extérieure en fer forgé. Les règles de l’art nous préconiseraient de s’éclairer à la bougie! Aussitôt dit, aussitôt fait! « Et Hop, voici les bougies incandescentes!»
Nous allons passer une très bonne soirée. Le repas sera exquis, plus apprécié que jamais après ces trois jours de repas très similaires et lyophilisées. Nous allons discuter de divers sujets plus ou moins légers. Karine essaiera de me faire passer quelques messages par rapport à notre relation, ces attentes et besoins. Je ne sais pas si je ne serai pas lire entre les lignes, ou si inconsciemment je fermerais les écoutilles pour dévier ce sujet brulant, mais nous n’aborderons pas le sujet pour éteindre le feu qui va grandir entre nous concernant nos ressentis, nos envies… nos sentiments entre un homme et une femme. Une chose est sûre, je ne suis pas sûr qu’ils soient clairs à cet instant, ou du moins que nous partagions les mêmes. Cela aura inévitablement un impact sur la suite de notre voyage à deux !
En parlant de voyage, un très grand trajet nous attends encore car nous prévoyons de descendre l’autre moitié (environ) de l’Argentine en direction de la ville la plus australe de la planète: Ushuaia! Ce nom résonne comme le bout du monde pour beaucoup de français, depuis que Nicolas Hulot en a fait le titre de son émission sur la nature et le monde, voici deux décennies au moins maintenant.
Cela ne me rajeunit pas mais ça me plonge dans mes rêves d’enfants. Après avoir rêvé d’être pompier, docteur, mécanicien comme beaucoup de petit garçon, j’ai affirmé pendant plusieurs années que je voulais faire «Nicolas Hulot» comme métier. J’avais déjà ces rêves d’aventure auprès de la population mondiale, dans les paysages les plus sublimes, auprès d’espèces animalières qui me donneraient, le temps d’un instant, le sentiment d’une plénitude et d’une liberté totale. J’avais envie de me dépasser, d’atteindre les coins les plus reculés de la planète sur laquelle nous nous débattons pour vivre, ou survivre pour certains! Finalement comme je le clame haut et fort et, comme j’essaie de le mettre en pratique tous les jours, mes rêves ne sont pas loin d’être ma réalité, et ma réalité d’être composés de mes rêves les plus fous…
Si nous avions un peu plus de temps, je n’aurais pas été pressé de m’y rendre. J’aurais bien passé quelques jours de plus dans cet hôtel de Puerto Madryn où l’accueil y est chaleureux, l’ambiance très bonne, le confort impeccable et la propreté irréprochable, tout cela dans une atmosphère familiale comme si nous étions à la maison. Mais le programme est encore bien chargé et nous ne pouvons pas savoir combien de temps nous allons mettre pour effectuer plus de 1500 kilomètres. Nous avons en effet décidés de les effectuer, du moins en partie, en stop!
Sac sur le dos, nous partons en direction de la ville. Nous tentons directement notre chance. C’est en sortie de ville qu’un 4x4 s’arrête à nos côtés. Il part dans la même direction que nous pour aller chercher des clients de l’hôtel pour lequel il travaille 100 kilomètres plus loin. Notre journée commence bien. Un petit peu plus d’une heure plus tard, il nous dépose devant une station d’essence, lieu de prédilection pour trouver un généreux conducteur qui pourrait nous emmener plus loin.
Les récits concernant des vents puissants, voir violents, qui balaient la pampa argentine, ne sont pas que légendes ou contes pour enfants. En ce jour, 12 Novembre 2013, sur la Routa 3, la force du vent dépasse les 80 km/h sans problème. Nous allons voir passer de nombreux véhicules sur cette route très fréquentée.
Nous attendrons plus d’une demie heure avant qu’un véhicule s’arrête finalement. A en croire les récits de voyageurs à petits budgets, qui utilisent le stop comme moyen de voyager, nous avons pour l’instant beaucoup de chance concernant nos temps d’attente. C’est un camion qui s’arrête, cette fois-ci, à notre hauteur. Il me fait comprendre au début qu’il ne peut prendre qu’une personne. J’insiste: « Dos Personnas por favor or Nada! » (Deux personnes ou rien!). Il accepte sans trop rechigner et nous invite à prendre place dans sa cabine. Les marches sont hautes mais après quelques efforts, des mouvements de contorsionnistes, nos sacs sont d’un côté du lit, qui se trouve juste derrière les sièges, Karine de l’autre, où elle peut allonger ces jambes, et moi, assis à la place du passager. Nous échangeons rapidement quelques mots. Nous comprenons qu’il fait plus du tiers du trajet que nous envisageons de faire avant de bifurquer dans les terres. Nous voici parti pour plus de 600 kilomètres, à environ 70 km/h de moyenne, car il est plein. Nous allons avoir le temps de discuter, d’admirer les paysages, de partager pendant de longues heures la vie d’un chauffeur de poids lourds argentin. C’est une personne très agréable. Les discussions sont animées même si elles restent limitées au vu de notre niveau d’espagnol (Karine a de simples bases quant à moi je me débrouille bien pour échanger mais sans les bases scolaires qui me permettra d’avoir un espagnol plus juste. J’ai en effet appris sur les routes et en voyage simplement). Nous apprenons très vite où il habite, qu’il a une famille, qu’il effectue ce trajet régulièrement… Nous parlons un peu de notre expérience, où nous voulons nous rendre… Pleins de petits détails vont rendre ce voyage agréable. C’est par exemple, le cas quand il nous propose la boisson typique argentine; le maté! Il est tout équipé. Il a la grosse bonbonne de gaz et le réchaud pour faire bouillir l’eau. Il a le thermos pour la conserver chaude, la «tasse» spécifique à maté et la sorte de «paille métallique» servant à boire le breuvage sans avaler les petits copeaux composant le maté. La préparation reste assez simple. Il faut verser la quantité de maté et de sucre désiré, puis l’eau bouillante par-dessus. Il est ensuite possible de boire et de remplir la tasse de nombreuses fois, sucrant de nouveau quand le goût de vient trop amère. Nous allons faire tourner la tasse de nombreuses fois et accompagné cela avec des petites viennoiseries. Un peu plus tard, il partagera avec nous son repas à base de pain, morceaux de fromages et de jambon (j’esquisse un grand sourire en réalisant que quand j’écris ces mots, je suis au Maroc, pays où la consommation de porc est prohibée pour ces habitants, à 99% musulman. Il est donc impossible d’en trouver, ou même de voir l’animal. De plus, alors que j’étais plongé dans mon récit argentin, j’arrive dans ma ville de destination lors de ce trajet en bus. Je suis ensuite confronté au fait qu’il n’y a pas de bus direct, que je doive sauter dans un en direction du sud, que je m’endormirais dans ce dernier car je me suis levé très tôt, et qu’arrivant dans la nouvelle ville de transit, Tiznit, il n’y a pas de bus avant un temps d’attente de plus de 6h00. Je trouverais finalement un «grand taxi», taxi collectif pouvant transporter des passagers sur de longs trajet, et partant quand il est plein en direction de la destination finale souhaitée; Tafraoute. C’est dans ce dernier que je reprendrais mes écrits. Non je vous assure, je n’essaie pas de vous embrouiller ou de vous perdre dans ce récit. J’avais juste envie de vous faire partager les conditions dans lesquelles j’écrits, ma difficulté parfois de me replonger dans mes récits. Mais là encore, ceux sont des choix que j’assume parfaitement. Revenons donc à ce trajet en stop dans ce camion en direction d’Ushuaia).
Les paysages défilent. Je vais de temps à autre piquer du nez. Karine dormira aussi pendant plus d’une heure. Nous allons faire quelques arrêts pour faire le plein d’essence, utiliser les sanitaires publics. Vers 16h00, nous arrivons à Comodoro Rivadavia où nous pensions descendre. Mais il nous fait comprendre qu’il continue plus loin sur la même route. Après nous être concerté rapidement d’un coup d’œil avec Karine et être sûr que nous avons bien compris, nous décidons de continuer avec lui. Nous allons faire 100 kilomètres de plus et arriver comme prévu dans la ville suivante; Caleta Olivia. Encore une fois, il nous fait comprendre qu’il continue finalement sur la même route. Nous sommes surpris, nous hésitons, nous ne comprenons pas. Pourtant, nous ne ferons rien, ne lui demandant pas de s’arrêter. Il va sortir de la route principale et passer par de petites rues, puis reprendre une route quittant cette ville. Il y a aucun panneau indicatif concernant la direction que nous prenons. Plus la route passe, plus le soleil baisse à l’horizon, plus nous sommes dubitatifs. Nous n’arrêtons pas de nous concerter avec Karine par un simple regard d’abord, puis les échanges verbaux ensuite. Nous sommes maintenant sûres que nous ne descendons pas le long de la côte, sur la Ruta 3 mais que nous entrons dans les terres. Pas besoin de panneau de signalement, le simple fait de se diriger vers le soleil couchant nous prouve que nous partons vers l’ouest.
Le chauffeur a maintenant des comportements bizarres. Il est très silencieux. En pleine journée, nous lui aurions demandé de descendre directement mais nous ne voulons pas nous retrouver en plein milieu de nulle part, à cette heure tardive, alors que la nuit arrive à grand pas. Nous décidons donc d’attendre la prochaine ville pour descendre du camion et repartir en arrière. Pour nous rassurer, nous allons mettre cela sur le compte de l’incompréhension et de la barrière de la langue (en réfléchissant calmement et de façon objective plus tard, je réaliserais que ce n’est pas possible. Il savait très bien où nous voulions aller).
La situation devient encore plus étrange quand il se gare sur le bord de la route au milieu de nulle part. Il dit avoir besoin de se reposer. Il fait bouillir de l’eau pour du maté. Il prend son temps alors que nous assistons à un nouveau magnifique coucher de soleil. Pourtant le fait de ne pas contrôler la situation, avoir l’impression que quelque chose ne tourne pas rond ne nous permet pas d’en profiter pleinement. Je ne sais pas si je vais me faire des films mais j’estime son comportement de plus en plus suspect. Il tourne autour de son camion. Il prétexte une petite panne et sors un couteau à grand d’arrêt assez impressionnant. Je ne suis maintenant plus du tout rassurer. Toutes sortes d’idées macabres me passent par la tête. Les faits ne vont pas m’aider à me calmer. Karine est aussi tendue. Elle sort un gros couteau qu’elle cache sous sa jambe. Je détache ma ceinture alors qu’il a disparu de notre champ de vision. Mon cœur va battre la chamade quand il ouvre la porte de mon côté, son couteau à la main. Il cherche quelque chose dans la portière, un petit tube de plastique qu’il va découper. Il pose ensuite le couteau sur le marchepied et disparait de nouveau. La tension est à son comble. Il va se retrouver encore de longues secondes, à côté de moi, le couteau à la main. Je surveille le moindre de ces mouvements, de ces gestes. J’essaie d’analyser son comportement, les expressions de son visage. Mais je suis surtout près à me défendre en cas d’attaque et à essayer d’éviter un coup de poignard aux conséquences sûrement irréversibles. La tension retombera finalement, un peu, quand il refermera la porte côté passager, puis définitivement quand rangera ce couteau dans son étui juste à mes côtés. Vous ne pouvez pas savoir le soulagement que j’aie éprouvé quand il va finalement reprendra la route et, encore plus, quand il nous laissera dans la ville suivante, à Pico Troucado, 30 kilomètres plus loin.
Il nous proposera pourtant que nous dormions avec lui et qu’il nous ramène le lendemain sur la bonne route après avoir fait sa livraison. Serez-vous surpris de notre choix? Nous avons gentiment refusés, lui disant que nous allions prendre un bus. Bizarrement nous n’avions pas envie de vivre une nuit de l’horreur, un remixe argentin de Scream, Freddy ou tout autre grand succès filmographique... Nous n’aurons sûrement jamais le fin mot de l’histoire. Nous ne savons pas ce qu’étaient ces intentions. Je peux vous dire que je n’ai pourtant jamais été aussi content d’être deux. Pas que je pense que Karine aurait pu me défendre plus que je n’aurai pu le faire seul. Mais on est toujours plus fort à plusieurs. S’il a eu des mauvaises intentions, ce fait aura pu l’en dissuader. Une chose est sûre, si j’entends parler de disparition en Argentine d’auto-stoppeur, je n’hésiterais pas à transmettre son profil et sa photo aux autorités compétentes.
Nous allons finalement trouver un bus qui retourne à Caleta Olivia. De là, nous allons prendre le dernier bus de nuit pour Rio Gallegos. Nous pouvons alors dormir sur nos deux oreilles après une journée riche en émotion. Nous arrivons à destination le lendemain à 8h15. Le seul bus en partance pour Ushuaia vient de quitter la gare routière, il y a moins de 10 minutes. Cette ville n’a aucun attrait et nous n’avons pas franchement envie d’y passer 24h00. «Chat échaudé craint l’eau froid?» Peut-être! Mais voyageurs en sacs-à-dos après une mauvaise expérience d’auto-stop ne craint pas de renouveler l’expérience. Nous marchons plus de 3 kilomètres pour nous mettre en sortie de ville direction Ushuaia. Le fond de l’air est froid et surtout le vent est glacial. Nous allons attendre plus de deux heures au bord de cette route peut fréquentée ou certains automobilistes nous font signes mais où personne ne s’arrête. Nous doutons sur le fait d’être au meilleur endroit. De plus Karine ne se sent pas très bien. Elle a de la fièvre et elle se sent fatigué. Nous décidons donc de rebrousser chemin, de trouver un hôtel et de partir en bus le lendemain. Nous allons trouver un hôtel vieillot en guise de logement. Nous avons l’impression de faire un bond en arrière et de revenir dans les années 60. Les tapisseries, les meubles, les propriétaires et surtout le vieux fourneau à bois participent à créer cette ambiance. Pendant que Karine se repose, je vais chercher les billets de bus, faire les courses alimentaires pour les repas de la journée. Nous passerons une fin de journée tranquille en restant pratiquement toute le temps à l’hôtel.
Nous allons très vite comprendre pourquoi il n’y a qu’un bus qui part par jours de Rio Gallegos, et cela tôt le matin. Ça se mérite d’atteindre le point le plus austral de la planète. Premièrement le trajet est long. Deuxièmement le temps est gris, humide, froid et venteux. Nous allons ensuite devoir descendre une première fois du bus lorsque nous montons sur un ferry pour traverser le détroit de Magellan. Sur le bateau, la nature nous réserve une très belle surprise. Alors que nous n’y attendions pas un dauphin va venir jouer quelques secondes avec les vagues créées par le bateau. Voici un nouveau spécimen de dauphins que je n’avais encore jamais vu, un des plus petits qui existent sur terre. Il s’agit du dauphin de Commerson, à la tête et aux nageoires dorsales et caudales noires, et au reste du corps blanc. Karine me notifiera aussi du fait que même si je n’ai pas vu d’orques, j’ai maintenant vu son modèle réduit! C’est vrai qu’il n’y a pas besoin d’une imagination débordante pour faire un amalgame entre les deux. Puis nous redescendrons une deuxième et une troisième fois aux postes frontières entre l’Argentine et le Chili qui ne sont ouverts que la journée.
Puis après 100 kilomètres de piste non-goudronnée, nous rechangeons de pays en repassant en Argentine depuis le Chili. La route sera encore longue après ces arrêts. Elle va cependant nous réserver de belles surprises au cours des 4h00 restantes. Après des milliers de kilomètres de pampas plates, des routes linéaires à n’en plus finir, nous arrivons dans des paysages montagneux. Nous n’avions pas vu de telles forêts depuis que nous avions quitté Iguazu. Karine n’avait pas vu de tels reliefs depuis son départ de ces montagnes en France à Briançon et moi depuis la Bolivie. La Cordillère des Andes qui s’étend sur le continent Sud-Américain comment donc là! N’ayant aucune idée des paysages de ce bout du monde, la surprise n’en ai que plus belle. Nous arriverons à la tombée de la nuit à Ushuaia. Beaucoup d’hôtels sont complets et nous aurons du mal à trouver deux lits de libres et disponibles. Cela se fera finalement dans une auberge ne payant pas de mine mais avec un charme particulier concernant son atmosphère et les personnes qui la fréquentent que nous allons trouver refuge. Nous y ferons de belles rencontres lors de la soirée où nous mangerons une bonne pizza. Ce plat est consistant et pas trop cher, vu les prix affichés dans les restaurants de la ville.
Quel que soit le temps le lendemain, nous avons décidés de partir camper dans le parc national où se termine la Ruta 3, près de la ville la plus australe pour beaucoup de personnes. Pourtant un lieu habité se trouve plus au Sud, dans la Patagonie chilienne, mais il n’est pas assez peuplé pour être considéré comme une ville. Puis il faut conserver ce mythe d’Ushuaia pour nous pauvre mortel! Cela nous permet de rêver un peu plus, en pensant où nous nous trouvons, à l’instant présent sur un planisphère.
Venant à Ushuaia, un rêve fou m’a traversé l’esprit. Je ne pourrais pas repartir d’ici sans au moins avoir eu toutes les informations en ma possession pour prendre une décision. Avez-vous une idée de ce que je peux bien vouloir faire? Ushuaia est le lieu de départ de bateau pour un lieu mythique? Un nom sans équivoque qui a fait fantasmer plus d’un aventurier et explorateur. Un lieu aux conditions extrêmes où le kit de survie n’est pas suffisant sans des connaissances et des équipements appropriés! En partance pour le Sud? Le 6ième continent, ça vous évoque quelque chose? Il s’agit de l’Antarctique! Des navires partent régulièrement vers ces terres gelées pour des croisières de 8 à 20 jours. Les prix sont exorbitants pour se retrouver sur un gros navire avec plus de 200 autres personnes. Mais j’ai ouïe dire que sur place les prix de dernières sont nettement plus intéressants. Le vendredi 15 Novembre au matin, après avoir fait un tour sur le port, nous allons nous renseigner auprès du centre d’études et de recherches de l’Antarctique. Ils nous expliquent les différentes possibilités et organismes qui vendent ces tours. Ils nous donnent des adresses pour aller nous renseigner sur les tarifs de dernières minutes. Je vais en faire le tour et trouver des départs dans les prochains jours avec des ristournes de plus de 70%. Cela reste néanmoins très cher pour 12 jours sur un bateau de croisière. Le prix est de 3500 $US (environ 2500 euros)! Je n’ai pas le temps d’approfondir les recherches plus que cela et de savoir si en s’adressant directement à l’armateur ou au capitaine, il n’y aurait pas la possibilité de faire encore descendre les prix. Cette somme me permettra encore de voyager de longs mois. Je me résigne donc pour cette fois et préfère profiter de toutes les autres beautés du Sud du continent américain.Après avoir quelques courses, avoir laissées les affaires qui ne nous serviront pas à l’hôtel, nous prenons la route du Parc National «Tierra Del Fuego» (La terre de feu). Nous allons être pris en stop par une femme charmante qui fera un grand détour pour nous laisser devant l’entrée du parc. Le temps est plus que clément car après trois jours de pluie, de neige, et de froid, nous avons aujourd’hui de belles éclaircies. Nous entreprenons alors la promenade de plus de 18 kilomètres au total qui nous emmènera jusqu’à la plage Lapataia et la fin de la Ruta Nacional 3. Buenos Aires est alors à 3079 kilomètres et l’Alaska à plus de 17800 kilomètres de nous. Les paysages sont splendides et la ballade assez facile. Malheureusement lors d’un mouvement quelconque Karine va se bloquer le genou. Il va rester douloureux toute la fin de la journée. Nous continuerons tout de même à avancer mais sur un rythme un peu moins soutenu. Un renard vous fera l’honneur de s’arrêter à distance où nous pouvons facilement l’observer pour y dévorer la proie qu’il avait dans la gueule quand nous l’avons surpris à traverser la piste. Après avoir vu le point le plus australe de cette promenade, nous passerons devant des barrages de castors et referont demi-tour pour nous installer dans un des campings du parc.
Nous arrivons juste à temps dans les sanitaires de ces derniers alors que la pluie s’invite à la fête de cette journée qui se devait d’être mémorable. Les éléments qui vont se dérouler dans la soirée vont compléter un tableau déjà bien rempli. Nous sommes donc assis dans les sanitaires très propres de ce parc. Il s’agit en fait d’un grand préfabriqué avec toilettes pour hommes et femmes et lieu avec des lavabos. Nous pensons être seuls dans le camping. Nous n’avons, en effet, pas vu âme qui vivent. La pluie continuant de plus belle, nous commençons alors à cuisiner dans ce local auprès des lavabos. Nous envisageons aussi sérieusement de passer la nuit ici, où nous serons sûrement plus à l’abri, au sec que dans une tente que nous n’avons pas encore installé.
Mais alors que nous cuisinions, une première personne rentre. Il s’agit d’une femme que nous effrayons. En effet, elle ne s’attendait pas à voir quelqu’un. Nous non plus d’ailleurs! Elle assouvira son besoin naturel puis ressortira en s’excusant. Cela va bien nous faire rire! Quelques minutes plus tard, je fais alors le tour du camping et je découvre leur tente planqué derrière une petite bute. Qu’allons-nous faire? Rester tout de même dormir dans ce préfabriqué au risque de déranger ce couple de campeur et d’être dérangé dans la nuit? Nous ne prenons pas encore la décision, d’ailleurs il pleut beaucoup trop pour y réfléchir objectivement. 20 minutes de plus s’écoule peut être quand nous entendons un véhicule se stationner pas très loin de nous. Il s’agit d’un véhicule de particulier. Cela va peut-être commencer à faire beaucoup pour continuer à envisager de squatter les toilettes. Mais ils ne semblent pas bouger, nous n’en faisons rien non plus. Nous n’allons pas entendre une personne approchée. Nous allons nous faire une frayeur mutuelle quand elle ouvrira la porte. Elle s’excuse et repars tout de suite en sens inverse sans que nous ayons le temps de réagir.
Après quelques minutes nous ouvrons la porte et voyons un jeune entrain de nettoyer son Renault Traffic. Nous allons alors échanger avec lui. Il s’appelle Mattias et il est argentin. Il nous invite très vite à venir discuter dans son véhicule aménagé. Nous allons pouvoir découvrir l’intérieur cosy de ce van fait mains.
Nous allons surtout avoir la chance de faire un peu plus connaissance avec son amie; Maria, hongroise. Nous lui laissons le champ libre des toilettes et nous allons avoir toute la soirée pour discuter. Un lien sympathique et fort va très vite se créer. Nous allons rire de la situation dans laquelle nous nous sommes rencontrés. Ils ont eu peur de nous déranger dans des ébats amoureux intenses et ils n’avaient jamais pensés en premier lieu que nous pouvions avoir trouvé refuge dans ces toilettes.
Nous allons parler de nos expériences respectives qui font que l’on se retrouve ici aujourd’hui. Il est toujours intéressant pendant le voyage de constater que nous pouvons passer un moment dans des lieux insolites et partager la même expérience le temps de quelques secondes, minutes, heures, ou jours, alors que nous venons d’horizon totalement différents. Nos expériences de vies passées ne nous n’aurez pas fait nous rencontrer avant. Mais là, à cet instant, une multitude de petits éléments mis bouts à bouts font que nous nous retrouvions à partager un moment en commun. Et cette soirée va être un très bel instant de vie. Ils vont d’abord nous proposer un verre d’une spécialité locale, un alcool fait avec du café, alors qu’ils mangent. Puis Mattias va nous apprendre un jeu de carte argentin, le Trujillo, que nous allons particulièrement apprécier (moi peut être encore plus que n’importe qui car je vais remporter la partie. Je rigole! Quoi qu’il y a des choses importantes. Je ne suis pas mauvais joueur et encore moins mauvais perdant. Mais je suis en vrai compétiteur, et j’adore gagner). Et finalement au bout de la nuit, ils vont nous offrir de dormir avec eux dans leur véhicule. Nous allons accepter volontiers cette offre généreuse. Je passerais une très bonne nuit, protégé de l’humidité et emmitouflé dans mon drap de soie et mon duvet ayant normalement pour température de confort 15°C (comment dire, ça fait plusieurs fois que je dors alors qu’il fait autour de zéro dehors et ça ne sera sûrement pas la dernière fois. Ce duvet acheté en Australie, pour un petit prix, était très bien pour un pays chaud mais un peu juste dans ces contrées australes).
Au réveil, le soleil est radieux. Nous prendrons de superbes photos et un petit-déjeuner très agréable avec vu sur le ruisseau dont le son de l’eau qui s’écoule m’envoute comme à chaque fois.
Malheureusement, Karine a encore très mal à son genou et elle aimerait se ménager car le trajet est encore long lors de ce voyage. Mattias et Maria vont faire preuve d’une très grande générosité. Ils décident de nous ramener jusqu’en ville avant de rebrousser chemin pour faire une ballade. Nous allons être vraiment chanceux, car une fois rentrés à l’hôtel, il va pleuvoir des trombes d’eau quasiment toute l’après-midi. Nous allons avoir peur de ne pas pouvoir partir le lendemain vers le Sud du Chili, et la ville de Punta Arenas. C’est en effet, le seul jour de la semaine où il n’y a pas de trajet direct. Nous trouverons tout de même une option, avec un changement, même si cela nous oblige à partir à 5h00 du matin.
Après un rapide petit-déjeuner, nous filons à la station de bus, en ce 17 Novembre. Il n’est pas encore 5h00 du matin. Le jour le plus long sera le 21 décembre, comme partout dans l’hémisphère Sud, pourtant le soleil fait déjà son apparition. Les couleurs sont sublimes. Je ne vais ensuite pas voir passer le trajet jusqu’à Rio Grande. Nous y arrivons à 8h00 et comme prévu, il y a bien un bus à 9H30. Pas de supermarché ouvert à plusieurs kilomètres à la ronde. Mais on va nous indiquer une boulangerie vendant de délicieuses pâtisseries (tout est relatif! Je dis cela en bon français. A l’instant où je vais les déguster, je les trouverais exquises. Il faut tout de même se remettre dans le contexte. Voilà plus de 26 mois que je suis sur les routes et que je ne suis pas rentré en France. En bon chauvin que je peux être parfois, je me rendrais à l’évidence, en rentrant, que elles étaient finalement très loin d’égaler notre indétrônable pain au chocolat, ou encore plus le croissant au beurre et ces délicieuses couches de pâte fine! ). Nous n’aurons cette fois-ci qu’un passage de frontière à faire vers le Chili. Au passage du détroit de Magellan, nous allons assister de nouveau à un magnifique spectacle de ces très beaux dauphins. Il n’y en aura cette fois-ci pas qu’un mais plusieurs, dont des petits bébés, qui se rapprocheront très près de nous…Plus que jamais, nous nous sentons être des privilégiés! Le temps défile encore une fois, les paysages se succèdent et le trajet n’est qu’une simple formalité.
A 15h00, nous arriverons comme prévu à Punta Arenas. Cette ville est la dernière grande zone peuplée de la Patagonie, dernier lieu de ravitaillement avant de descendre plus vers le Sud, vers les canaux patagoniens chiliens, paraît-il sublimes! Malheureusement, nous n’avons pas le temps de nous y aventurer. Si je voulais faire un arrêt dans cette ville, c’est en raison de la zone franche qui s’y trouve et où les Syséléma m’ont dit que je pourrais faire de belles affaires pour l’électronique par exemple. Nous allons trouver un logement chez l’habitant après que sa propriétaire soit venue nous démarcher à la sortie du car. Nous devons passer dans leur salon pour aller à notre chambre. Le vieux poêle à bois des années 50 est la pièce maîtresse de la cuisine. Après avoir déposé nos sacs-à-dos, nous irons nous promener dans le très agréable centre-ville. Le lendemain, de bonne heure, nous sommes à l’ouverture des magasins de la zone franche. Je vais y faire quelques achats (chapeau de père noël et bandanas). Nous y achèterons un petit thermos. Je vais y voir des produits à un prix défiants toute concurrence et qui auraient pu m’intéresser si je rentrais en France (VTT, Rétroprojecteur, équipements de montagne…). En revanche, la déception est grande concernant les équipements électroniques et principalement concernant les appareils photos. En effet, je voulais en acheter un nouveau. Mais le choix est très restreint dans les modèles et les prix ne sont pas si attractifs que cela. On ne parle pas de moins 50% par rapport à un prix européen. Au mieux dans les alentours de -20%! Si j’avais voulu acheter un réflexe et un objectif complémentaire, j’aurais sûrement trouvé mon bonheur. Mais ce n’est pas ce que je recherche pour continuer mon voyage en sac-à-dos! Je repartirais donc bredouille concernant ce besoin matériel. Nous n’avons pas le temps de nous y éterniser car nous avons réservé notre billet de bus, en début d’après-midi, pour nous rendre à Puerto Natales.
Une nouvelle fois, le trajet se passera sans encombre et nous arriverons sur place en fin d’après-midi. Le temps est maussade et les prévisions sont mitigées pour les jours à venir. Cela est ennuyant avant normalement de partir pour une randonnée de plusieurs jours. Nous nous préparons tout de même comme tel en allant faire les courses en conséquence. En même temps que notre repas du soir, nous cuisons du riz pour nous faire des salades froides. Nous allons discuter avec plusieurs personnes qui reviennent d’un des plus fameux trekkings au monde à Torres Del Payne; le W. Ils nous assurent avoir vu de magnifiques paysages mais avoir énormément souffert des conditions météorologiques: grands froids, neige, pluie torrentielles, et surtout un vent violent plusieurs jours de suite qui a fait rebrousser chemin aux filles d’un des groupes au bout de 2 jours sur les 5 que le groupe voulait passer sur place. Elles avaient dormies dans les toilettes du refuge, au lieu de camper pour échapper au froid et au vent avant d’abandonner et de rentrer.
Nous regardons sur internet pour obtenir les meilleures informations météorologiques. Et malgré les incertitudes, nous décidons tout de même de partir le lendemain matin, car au moins une grande journée de beau temps est attendue 2 jours plus tard. Encore une fois, nous préparons nos sacs-à-dos en conséquence, laissant le superflu sur place, et remplissant nos sacs avec la tente, les duvets, des affaires de rechange et chaudes, et de la nourriture pour 4 jours. Concernant l’approvisionnement en eau, nous ne devrions pas avoir de problème avec de nombreuses sources sur place.
Le temps est maussade quand nous nous réveillons le lendemain matin. Le vent est glacial. La motivation reste intacte. Nous partons à la sortie de la ville sur la route menant au parc national. Nous ne savons pas si nos chances sont grandes d’être pris en stop. Mais nous voulons tenter notre chance. Nous n’allons pas attendre trop longtemps dans le grand froid avant qu’un homme s’arrête sur le bas de la route. Il s’agit d’un italien, en vacances dans la région, qui était au parc de Torres de Payne avec ces amis quand son genou l’a rappelé à la raison. Il n’a donc pas pu continuer la randonnée et il est rentré à Puerto Natales. Il repart dans le Parc en ce début de matinée pour récupérer ces amis. Nous avons donc trouvé une voiture pour un trajet direct dans le parc. Il s’agit d’un homme fort agréable avec lequel l’échange va être un réel plaisir. Une bonne nouvelle aussi, nous semblons aller vers de franches éclaircies et pourquoi pas même le ciel bleu. Sur la route, nous allons faire un arrêt devant un spectacle exceptionnel. Une carapace de bœuf gît à quelques mètres de la route, des dizaines et dizaines de vautour, mais aussi et surtout plusieurs condors, se partagent ce festin et tournoient dans le ciel. C’est marrant de voir la différence de stature des condors qui sont des charognards avec une tête vraiment laide quand ils sont sur place à déguster leur repas. Orquand ils sont dans les airs, de par leur envergure, la beauté de leur plumage, leur facilité à planer, ils deviennent des oiseaux majestueux.
Je suis comblé. C’est un plaisir énorme pour moi que de revoir ces oiseaux majestueux que j’avais pu admirer de très près, aussi, dans le canyon de Colca au Pérou, il y a de cela plus de 6 ans déjà. Le contexte est différent mais je conserve toujours mes yeux d’enfants devant un tel spectacle.
Nous allons ensuite continuer notre route. Le ciel bleu est bien en face de nous, mais malheureusement de l’autre côté de la frontière en Argentine. La démarcation est impressionnante et cela en raison de cette chaine de montagne qui bloque les nuages. Le temps est tout de même à l’éclaircie quand il nous dépose avant l’entrée du Parc. Nous rentrerons facilement dans ce dernier en passant à travers les monts qui entourent la délimitation du parc, endroits où nous nous retrouverons en compagnie de centaines de vigognes. Une autre voiture nous prendra en stop dans le parc cet nous déposera au niveau de l’embarcadère pour le ferry qui relie directement au début du trekking W. Nous arrivons malheureusement 1h00 en retard pour prendre celui de la fin de la matinée et le prochain n’est qu’en début de soirée. Qu’allons-nous faire? Dans la balance, pour faire notre choix, nous allons occulter la météo. Elle semble pourtant se confirmer et donc être fiable. Nous prenons notre déjeuner sur la terrasse du bâtiment, puis nous allons voir la cascade qui se trouve à un peu plus d’un kilomètre. Les paysages sont déjà splendides. La couleur de l’eau est irréelle, la cascade est belle. Nous traversons des plaines où des forêts d’arbres semblant pétrifiés et morts. Hantent-ils les lieux?
Nous repartons ensuite sur la piste principale pour essayer de trouver une voiture qui pourrait nous déposer une vingtaine de kilomètres plus loin, lieu d’où il est possible de rejoindre à pied, le même campement que celui atteignable grâce au ferry. En effet, pourquoi attendre à l’embarcadère, alors que nous pouvons découvrir une autre partie de ce parc et nous retrouver dans le même timing au campement ? Mais pour cela nous allons devoir marcher plus de 16 kilomètres. Peu importe, nous sommes partis.
Il est 14h00 quand nous commençons à marcher. Malheureusement les prévisions météorologiques vont se trouver être d’une précision implacables; éclaircies le matin, grosses averses avec vents violents l’après-midi!
Le vent est déjà présent quand nous attaquons la marche d’approche à travers cette plaine. Nous avons le vent de face. Il faut presque lutter pour avancer. Les rafales dépassent de façon quasi-certaine les 100 kms/h. Karine se cache derrière moi pour être le plus à l’abri possible. Les paysages sont assez étonnants avec ces herbes jaunâtres et plantes d’un rouge assez vif. La grisaille est déjà bien présente, le plafond va devenir de plus en plus bas et les nuages vont devenir de plus en plus menaçants. Après 45 minutes, les premières gouttes tombent et le vent ne fléchit pas. Au bout d’1h30, ils tombent des trombes d’eau. Nous sommes alors très rapidement détrempés. De plus, avec le vent que nous prenons de pleins face et sa force impressionnante, chaque goutte vient fouetter la moindre surface de notre peau qui n’est pas protégée. Nous allons avancer pendant plus d’une heure avec ces conditions dantesques. Heureusement, la pluie va finalement faire une trêve. Le vent diminuera après que nous soyons sortis de la vallée et que nous ayons un peu la protection des contreforts du massif des Torres.
Nous arriverons quelques minutes après avoir vu de loin, le ferry arrivait à quelques encablures du refuge. Nous rentrons dans la salle commune et pièce de restauration réservée aux campeurs. Nous pouvons nous changer, nous réchauffer et essayer de faire sécher toutes les affaires que nous avions sur nous et qui dégoulinent. Nous n’avons vraiment pas envie de ressortir dehors alors que les conditions ne semblent pas s’améliorer. Nous préparons notre repas, discutons avec d’autres randonneurs qui ont déjà fait la première partie du W et nous aviserons par la suite. Rien ne change, la pluie forme maintenant des petits torrents, ne pouvant plus pénétrer dans une terre gorgée d’eau. Le vent fait prendre de drôles de formes aux tentes déjà installées. Une personne va alors avoir une très bonne idée en demandant au gérant du refuge s’il est possible de laisser ouvert cette pièce commune, qui devait fermer à 22h00, pour que nous puissions y organiser un dortoir de fortune. Nous serons tous ravis d’apprendre qu’il accédera à notre demande à condition que le lendemain matin à 7h00, heure habituelle d’ouverture de ce lieu, nous ayons tout remis en place. Après que tout le monde est fini de manger, nous déplaçons les tables, les imbriquons les unes sur les autres et organisons les couchages, avec le moindre centimètre carré de cette pièce hexagonale qui sera utilisé.
Nous pouvons nous coucher avec quiétude, en oubliant un peu l’épisode pittoresque ou plutôt diabolique de l’après-midi! Quelques fous-rires avec nos colocataires d’un soir finiront de détendre l’atmosphère. Il ne reste plus qu’à espérer que les prévisions météorologiques seront d’une exactitude à faire pâlir les plus sceptiques. Au vu de la pluie et du vent quand nous nous couchons, c’est un peu dur de croire qu’il fera grand beau temps le lendemain.
Pourtant à 5h30, alors que l’obscurité va laisser doucement place à l’aube, le ciel est clair parsemé de seulement de quelques nuages. Le vent est tombé. Je vais sortir appareil photo à la main pour essayer de prendre quelques clichés qui pourrait permettre à ceux qui les visionneront plus tard d’avoir une petite idée de l’endroit magique dans lequel nous nous trouvons. Nous savons en partant que nous avons prévus une très longue étape pour cette journée mais nous n’avions pas forcément pris la complète mesure. Le temps est au beau fixe et mon moral aussi par la même occasion. Je suis dans mes pensées. Je vais alors laisser plusieurs dizaines de mètres très rapidement entre moi et Karine. Première accroche de la journée, quand Karine me dit que ce n’est pas ça pour elle randonnée à deux, à plusieurs. Nous ne partageons pas la même vision de la chose sûrement. Ou plutôt, je suis aussi pris d’excitation à l’idée de découvrir de magnifiques choses. Le matin n’ayant pas forcément besoin de parler, j’avance donc à mon rythme, la tête dans les étoiles… Après cette première demi-heure et cette discussion, nous resterons donc à distance raisonnable.
Nous montons doucement en altitude et attaquons le premier trait à gauche de la lettre W, en direction du glacier Grey. Dans l’après-midi, nous devrons faire demi-tour, pour continuer à dessiner cette lettre qui est clairement mis en évidence quand on regarde le tracé vu du ciel. Il est aussi possible de faire le tour complet du Parc National de Torres de Payne, mais il faut prévoir au moins 7 jours ce que nous n’avions pas à notre disposition. Le soleil va doucement réchauffer l’atmosphère. Les paysages sont sublimes à 360°. Nous allons assez rapidement, sur le lac, qui se trouve à notre gauche, découvrir des bouts de glace qui se sont détachés du glacier. Ils naviguent ou plutôt dérivent tranquillement au grès du vent. Sur notre droite, les flancs de montagnes sont tous plus impressionnants les uns que les autres. Assez rapidement, nous allons avoir en point de mire le glacier. La ballade est belle jusqu’au refuge. Le point de vue qui se trouve à 15 minutes de marche de ce dernier nous permettra de faire une belle pause collation en cette fin de matinée. Quelques supers icebergs se sont détachés. Nous sommes seuls sur les lieux mais nous allons un peu envier des kayakistes que nous allons observer s’aventurer très près du glacier après avoir slalomés entre de petits icebergs. Un premier choix s’impose à nous. Arrêtons-nous là et faisons-nous demi-tour? Où nous essayons de nous rapprocher du glacier et de le surplomber? Je sens Karine déjà un peu réticente et qui essaie de se préserver et de ne pas en faire plus qu’elle ne pourra tenir. Je la motive bien entendu pour que nous en voyions le plus possible. Encore une fois, je pense, je ne vais pas savoir lire entre les lignes et interpréter ces dires, la façon de les formuler. Je ne vois alors que mon intérêt propre et ma soif de découverte. Karine ne va pas non plus aller contre moi, ou m’imposer un non catégorique. Nous continuons donc à monter en direction du glacier. Sur le chemin, nous allons trouver un parfait endroit pour cacher nos sacs, qu’ils ne soient pas détectables par aucun autre randonneur mais que nous ayons aucune difficulté à les retrouver à notre retour. C’est beaucoup plus léger que nous entamons ainsi la deuxième partie de cette ascension. Nous allons passer des ponts de singe, viré à gauche et à droite dans la forêt en ayant parfois un point de vue intéressant. Karine va décider de s’arrêter à un moment alors qu’il y a un passage un peu plus difficile dans les rochers, à l’aide d’échelles… Ce n’est pas que cette partie lui fait peur. Elle sent juste qu’elle ne pourra pas tenir sinon le rythme sur plusieurs jours. Je ne la connaissais pas comme cela. Je ne connais pas son tempérament. Je n’ai pas compris qu’en randonné chaque renoncement la touche dans son orgueil propre et que c’est pour elle une torture de ne pas au moins faire comme ces compagnons de randonnée. Je continue quand même un peu plus loin, passe ce passage un peu délicat, obtiens un point de vue imprenable au-dessus du glacier et la rejoins de nouveau après une petite demi-heure, alors que je viens de faire tout ce passage en courant. J’ai tout de même une sensibilité certaine et je ressens les choses. Je me garderais de lui dire quel magnifique point de vue j’avais trouvé, lui disant simplement que c’était correct.
Nous attaquons alors la descente et le retour à notre refuge de la veille. Il est déjà plus de 14h00 et nous avons déjà environ 16 kilomètres dans les jambes. Après avoir récupérés nos sacs, nous retournerons au point de vue sur le glacier pour prendre notre déjeuner, bronzer au soleil et en prendre pleins la vue pendant quelques minutes. La journée est idéale, avec le soleil et quasiment sans vent. Il est plus de 17h00 quand finalement nous nous retrouvons dans la pièce où nous avons dormi la nuit précédente. Normalement, notre journée n’est pas fini et nous avons encore plus de 8 kilomètres à faire pour rejoindre le camp des italiens, au pied de la petite barre centrale du W. Karine est déjà exténuée. Elle se plaint de choses et d’autres, de fatigue, de pieds qui lui font mal. Elle vous dira sûrement le contraire mais je lui laisse alors le choix de ce que nous allons faire : rester dormir pour la nuit ici et faire le trek en plus d’étapes, reprendre le ferry et rentrer… Vous vous doutez que je ne vais pas la pousser à faire le choix du renoncement mais plutôt dans le sens de continuer. Je n’ai alors pas pris en compte que je n’avais pas en face de moi, une femme comme d’autres que j’ai souvent côtoyées auparavant. Elle ne peut pas, ne sait pas me dire «merde», ou faire le choix clair d’abandonner, en tout cas pas pour cette activité dans laquelle elle aime exceller. Elle prendra donc la décision définitive de continuer comme nous l’avions prévu initialement. Le soleil va progressivement se cacher derrière les montagnes n’enlevant rien au charme des paysages. Nous observons différents lacs aux couleurs plus ou moins bleues, plus ou moins vertes. Nous voyons de magnifiques cimes et quelques glaciers suspendus. Nous n’avons pas beaucoup parlé dans la journée et là, lors des derniers hectomètres, nous échangeons beaucoup. Je me rends compte que la liberté que j’ai acquise en voyage, peut être dangereuse pour la relation avec autrui dans toute situation de la vie. Il ne faudrait pas que ma liberté empiète sur celles des autres. Il ne faudrait pas que cette liberté me rende aveugle. Je n’ai pas envie qu’elle ne me fasse seulement voir ce que je désire faire, acquérir, ou vivre au détriment des besoins des personnes qui m’accompagnent en fonction de leur état d’esprit, des limites de leur corps, etc.… Je comprends que ce voyage seul affirme mon indépendance, mon autonomie, l’obligation d’être ouvert d’esprit pour comprendre l’autre, vivre avec les coutumes et le respect de la culture des locaux. Mais ce voyage pourrait aussi dans un même temps rendre mon champs d’action assez aigue, et non obtus, si je ne prends pas en compte l’autre dans sa globalité. Le renoncement pour l’autre et avec l’autre, alors que je n’en ai pas l’envie et que j’ai la capacité de le faire, sera quelque chose sur lequel je vais devoir travailler. Cela sera le seul moyen d’en prendre la pleine mesure, savoir relativiser et tout de même apprécier le moment vécu. Pas sûr que je sache mettre cela en pratique dès le lendemain.
Nous arrivons au campement juste avant la tombée de la nuit. L’endroit est très frais et humide car il se trouve à proximité d’un gros ruisseau qui descend des montagnes. Nous allons installer la tente faire à cuisiner assis dans la tente pour essayer de se réchauffer le plus possible. Karine ne va pas bien dormir. Elle ne peut pas faire abstraction du fait que je pense monter le matin au point de vue des Britanniques (mirador Britanico Lookout) dans le cirque des Torres, au bout de cette branche centrale du W. Je ne vais pourtant pas m’empêcher de le faire alors que cela se trouve juste à côtés et que j’en ai les pleines capacités. Je veux bien mettre de la bonne volonté, faire des efforts mais je ne peux pas me battre contre les démons des autres… j’ai déjà les miens à combattre. Je pars donc en mode «trail», en petite foulée, pour effectuer cette ascension de 9 kilomètres. Lors de la montée, je vais voir un magnifique lever de soleil qui va enflammer les nuages de nouveau présent. Je vois et j’entends surtout les glaciers avancer, craquer, et faire tomber des pans entiers de glace. A cette heure matinale, je suis seul sur les pentes glissantes de cette magnifique partie du trek. Arrivant en haut, j’aurais même droit à quelques flocons de neige. Je ne peux prendre la pleine mesure de ce cirque de montagnes qui m’entourent quasiment à 300°. Mais l’atmosphère qui y règne et tout de même magique Après avoir profité des paysages, du calme qui y règne, j’entreprends la descente, comme je l’avais fait pour la montée, en courant! Le fait de pratiquer du sport en plus des paysages m’apaise, me construit, me fait un bien fou. Un peu moins de 2h00 après mon départ, je suis de nouveau au campement, avec 18 kilomètres dans les jambes, plus de 600 mètres de dénivelés positifs, et pleins de belles images en tête.
Il pleut maintenant des cordes sur le campement. A ce qu’il paraît cela dur depuis un moment, ici-bas. Karine est de mauvaise humeur et peste contre tout. Je vais la laisser ronchonner dans la chambre et j’irais me protéger à l’abri d’une petite cabane en bois où plusieurs personnes préparent leur petit-déjeuner. Je vais avoir du mal à me réchauffer les mains, après avoir lavé notre vaisselle de la veille dans la rivière gelée.
Heureusement, j’utiliserais la chaleur du réchaud pour me réchauffer et me concocter un thé chaud. Je vais passer d’agréables moments en compagnie des autres campeurs. La pluie va durer moins de 3h00 mais elle va définitivement ruiner le moral de Karine qui n’a pas l’habitude de faire des randonnées dans ces conditions. J’estime que nous avons tout de même pas mal de chance si on compare la météo actuelle et les conditions dans lesquelles des personnes ont évolués dans les mêmes lieux voici quelques jours de cela. La météo va en plus me donner raisons très rapidement. Alors que la pluie a presque stoppée, nous plions la tente trempée en essayant d’être le plus propre possible pour continuer à progresser.
Nous reprenons ensuite la randonnée en direction des Torres, trois pics rocheux, qui ont donnés leur nom à ce lieu. Nous allons longer un superbe lac aux couleurs bleues-vertes presque irréelles. Plus l’heure passe, plus il fait beau et le soleil domine les nuages. Nous allons voir des condors et autres rapaces jouaient dans le ciel. Nous longeons de magnifiques arbres en fleurs. La nature nous fait la fête, ça sent bon et le vent impitoyable très souvent dans ces contrées, «c’est fait la malle!» A 15h00, nous nous trouvons à l’embranchement qui mène aux Torres pour finir le W, ou au chemin qui nous mènera vers la sortie. Nous faisons une pause, nous sortons nos affaires pour les faire sécher, nous buvons un coup et nous devons surtout prendre une décision, vers où aller? Sachez que j’ai mon idée bien précise sur la question et que je vais tout faire pour la défendre.
Cette fois, c’est sûr, je ne vais pas entendre, ou plutôt pas prendre en compte ce que Karine me dit! C’est très dur pour elle mais elle va arriver à poser des mots sur ce qu’elle ressent. Elle aimerait rentrer car c’est éprouvant. Elle a un peu mal partout, le mental n’y est pas non plus. Elle arrive à s’avouer qu’elle ne préfère pas aller jusqu’au bout. Nous aurions dû simplement rentrer et finir en cette fin d’après-midi. Mais je vais lui balancer tous les arguments en faveur des Torres, lui expliquer pourquoi, c’est mieux d’y aller. Je vais me convaincre qu’elle fait un peu de cinéma et qu’elle n’est pas plus convaincante que la veille où elle a finalement très bien réussi à tenir la distance. Et à l’usure, en insistant, en défendant mon point de vue, je vais réussir à faire infléchir la tendance. Je ne suis pas très fier de ce qui va se dérouler alors même si je vais être très content de pouvoir aller jusqu’au bout, voir les Torres et finir ce W. j’ose croire que maintenant Karine est contente aussi d’avoir fait ce bout de chemin, de les avoir vu car cela n’a pas eu plus de conséquences sur la suite des événements. Mais, je le sais, je m’en serais voulu très longtemps s’il lui était arrivé quelque chose. J’espère que dans les mêmes circonstances maintenant, je réagirais différemment. Je vous laisse me juger si le cœur vous en dit. Mais soyez conséquent que vous n’avez pas tous les éléments en mains, que malgré tous les détails que je vous ai donnés, vous ne connaissez pas exactement la relation entre Karine et moi à cet instant et que cela a un poids énorme sur le comportement de l’un et de l’autre. Vous n’avez pas conscience du caractère émotif de la situation, que nos deux passés n’ont pas aidée alors à cet instant. En plus, avant ce voyage ensemble, nous n’avions passés que 4 jours ensemble, en Birmanie. Bien peu pour connaître quelqu’un!
Voilà, nous avons refaits nos sacs et nous montons vers le camp de base des Torres. Nous l’atteignons à 17h00, après avoir évolués dans des paysages encore totalement différents de ce que nous avions observés jusqu’à maintenant. Nous entrons dans une vallée très resserrée et verdoyante. Nous aurions pu aller jusqu’au camp gratuit un peu plus haut, mais il ne faut pas pousser, j’ai tout de même un côté humain qui sait prendre en compte les facultés de l’autre à un instant T donné. Pour ma défense aussi, même si ce n’est pas forcément des faits atténuants concernant tels ou tels choix, et le fait d’écouter l’autre et ces besoins, Karine va repartir de plus belle. Comme la veille, elle s’est plainte de différents maux, que je veux bien entendre. Mais en attendant, dans toute la dernière portion, elle a gambadé de nouveau, à allure plus que correcte, et que le commun des mortels n’arriverait pas à suivre. De plus quel que soit l’option que nous aurions choisie, nous aurions dû faire le même nombre de kilomètres dans la journée. Nous reparlerons de cela plus tard et nous comprendrons alors nos différentes manières de pensées, de voir les choses à cet instant. Nous sommes, je pense, un peu trop pareil sur beaucoup d’aspects. Nous avons des caractères très proches, peut-être trop ! Cela peut interagir dans le bon déroulement des choses, de la communication quand les choses ne se passent pas exactement comme prévues.
Nous allons avoir le temps de nous installer dans ce camp, de monter la tente. C’est un luxe d’y prendre une douche chaude, de manger en compagnie d’autres personnes que nous avons déjà vu le premier soir, et de nous reposer. Le lendemain, nous pourrons faire l’ascension sans nos affaires à porter car nous laisserons tous sur place. Nous nous couchons avec la vue presque dégagée sur les Torres. Nous avons faits ensemble avec Karine plus de 24 kilomètres de marche encore dans cette journée. J’ai, pour ma part, et les «dans les pattes», encore une journée à plus de 40 kilomètres.
Après plus d’une heure en haut, nous redescendons finalement au camp de base repassant par ces magnifiques paysages d’éboulements puis de forêts. Nous devons une énième fois refaire notre paquetage, replié la tente avec précipitation, alors qu’une averse menace. Nous prendrons finalement tranquillement notre chocolat chaud que nous avons négocié la veille auprès du responsable du campement alors que la pluie ne s’est pas invitée à la fête. Puis nous reprenons, en milieu de matinée, notre marche vers la fin de ce parcours époustouflant.
Après être sorti du chemin de randonnée, nous allons trouver un minibus touristique vide dont le chauffeur nous déposera à l’entrée et poste de contrôle de ce Parc de Torres del Payne. Un bus rentre à Puerto Natales. En l’attendant, après avoir déjeunés, nous tentons notre chance au bord de la route pour faire de l’auto-stop. Plusieurs personnes s’arrêteront en voiture à notre hauteur. Ils ne partaient pas au bon endroit, traversant tous la frontière en direction d’El Calafate en Argentine. Nous allons finalement voyager de façon assez originale lors de ce trajet retour. C’est en effet un local conduisant un camion qui s’arrête à notre hauteur. Il n’y a pas de place dans la cabine mais dans la benne à l’arrière au milieu des copeaux de bois restant sur le plancher. Il vient de débarquer sa marchandise et rentre chez lui. Nous allons alors avoir un point de vue imprenable sur les Torres, puis sur les paysages bordant la route, tout cela accompagné par les joies d’un soleil fort sur nos visages mais surtout d’en vent glacial qui pénètre partout, pour geler le moindre pore de notre corps pas assez protégé. Quasiment aussi rapidement qu’en 4 roues motrices, nous rejoignons Puerto Natales.
Le bilan est plus que positif concernant cette randonnée. Nous avons un peu goûté aux conditions
dantesques qui peuvent sévir dans la région. Mais nous avons eu une chance inouïe pendant ces 4 jours. Nous allons avoir toute la fin d’après-midi, pour nous reposer, nous doucher, refaire nos sacs, nous reconnecter avec le monde extérieur grâce à internet. Karine avait soumis l’envie de se poser à un endroit pendant le voyage, pour profiter pendant quelques jours sans avoir un programme démentiel. Nous convenons tous les deux que cette ville n’est pas la plus appropriée même si, comme souvent, cela n’aurait pas été désagréable de se poser au moins un jour.
La météorologie est le facteur le plus important pour la merveille naturelle que nous voulons découvrir à proximité. Après avoir étudié la question, avoir consulté des agences, nous déciderons de ne prendre aucun tour organisé pour découvrir les environs et marcher un peu sur les glaciers, ou à proximité. La meilleure fenêtre pour avoir le soleil serait de s’y rendre dès le lendemain. C’est donc ce que nous envisageons de faire.
Au réveil, une drôle de sensation m’envahie A l’arrivée de Karine au Brésil, nous avions déjà du soigner une plaie dans mon dos qui s’était infectée anormalement. Cette dernière a pris beaucoup de temps pour se résorber et nous avons dû extraire beaucoup de pu. Cela était partie d’une simple égratignure. L’humidité ambiante et le cumul de fatigue avait sûrement fait apparaître le staphylocoque, qui végétait depuis plus de 8 mois sans donner signe de présence. La bonne nouvelle fut que j’avais pu venir à bout de cette infection sans me rendre à l’hôpital (Je pensais en être totalement débarrassé mais ce n’est malheureusement pas le cas. Un médecin lors d’une consultation ultérieure, dans un centre des maladies infectieuses et tropicales, m’en donnera l’explication. Malgré toutes les démarches entreprises pour l’éradiquer, la bactérie est toujours présente dans mon corps sous une forme donnée. Elle peut donc encore se réveiller quand différents facteurs viennent se combiner entre-eux. L’humidité est un facteur majeur pour que la bactérie puisse pulluler et m’affecter physiquement. Le manque de sommeil, une mauvaise hygiène, la multiplication des blessures sont bien sûrs des faits aggravants). Ce matin, une petite égratignure sur la cuisse droite est purulente mais c’est surtout mes lèvres qui m’inquiètent, principalement l’inférieure ! Elle a triplée, voire quadruplée de volume au cours de la nuit. Je ne me sens pas très bien.
Il faut être clair, je suis inquiet. Après avoir retourné la situation dans tous les sens, je décide de me rendre aux urgences. L’hôpital ne paie pas de mine et il semble quasiment fermé, en ce dimanche matin. Je vais finalement trouver une porte ouverte mais personne ne semble être présent. Après de longues minutes d’attentes ceux sont des accompagnants de patients qui vont sortir et prévenir les infirmières pour moi. Je vais être reçu immédiatement. Un infirmier va prendre rapidement mes coordonnées sur un bout de papier. Il va pronostiquer une inflammation après une exposition trop forte au soleil. J’essaie tout de même de lui expliquer mon cas. Il va me faire une piqûre de Cortisone et me prescrire d’autres à prendre en cachet. Il me dit aussi de revenir le cas échéant, si cela n’a pas évolué dans les 6 jours, à la fin de la tablette, ou si cela me fait trop mal avant.
Après être rentré à l’auberge, ou je me sens alors beaucoup mieux, avoir pris un petit-déjeuner rapide, nous décidons de partir pour découvrir le glacier du Perito Moreno. Ce glacier est l’un des plus beaux de la planète. Contrairement à beaucoup d’autres au cours de cette période de réchauffement climatique, il ne recule pas, diminuant irrémédiablement de taille. Au contraire, il continue de grandir. Sa situation géographique, la topographie du terrain sont en grande partie responsable du caractère unique de ce glacier. Selon les spécialistes, ils avanceraient en moyenne de plus de 2 mètres par jour. Ce phénomène est dû à des mouvements successifs de pression et compression, en raison de la glace qu’il crée en continue. Ces dimensions sont gigantesques Il fait 250 km2, plus de 30 kilomètres de long, 5 kilomètres de large au niveau de ce front, qui dépasse en hauteur les 70 mètres en moyenne.
Des passerelles très bien installées et disposées permettent soi-disant d’en avoir un magnifique aperçu. Nous allons très vite pouvoir juger par nous-même. Nous essayons de nous y rendre en stop, alors que Matthieu et Manue iront en bus. Nous allons les voir passer sur la route pendant que nous nous trouvions sur le bas-côté. Aux premières loges, ils nous feront de grands signes. Nous allons être pris juste après, en stop par une personnelle travaillant dans le parc. Il file directement au glacier. Nous passerons les 80 kilomètres de trajet à l’arrière du pick-up, les cheveux au vent, avec deux petits bouts de poils, des chiots tout mignons, qui viendront se blottir contre nous pour se protéger du froid. Nous pensions pouvoir rendre le bonjour à Matthieu et Manue en les redoublants. Mais le bus avance à trop vive allure et notre pick-up ne les rejoindra jamais.
A l’entrée du parc, une gardienne nous assène de descendre du véhicule. Pourquoi nous ne faisons pas comme tout le monde en payant depuis les véhicules et en continuant notre route? Ce n’est pas vraiment compréhensible mais cela va au moins avoir l’avantage de nous laisser du temps pour obtenir des informations complémentaires concernant ce Parque Nacional de Los Glaciares. La situation est un peu rocambolesque concernant le camping. Il est possible de dormir dans le Parc, mais pas au niveau du glacier du Perito Moreno. Il faut en effet, ressortir de l’endroit payant, soit 30 kilomètres aller. Puis il faut prendre une piste, où personne ne passe ou presque, et faire encore 30 kilomètres pour trouver les emplacements de camping. Là, il faut espérer que le garde forestier passe dans la soirée, et qu’il nous tamponne nos billets d’entrée, pour que nous puissions revenir gratuitement le lendemain. Cela semble déjà très compliqué quand vous êtes motorisés, alors à pied, c’est mission impossible. Nous aviserons donc un peu plus tard concernant cet aspect.
Nous payons l’entrée et retrouvons assez rapidement une voiture pour nous emmener au niveau du glacier, 30 kilomètres plus loin. Nous découvrons tout d’abord au loin le glacier. Puis nous allons très vite nous en approcher, et arpenter les passerelles en long, en large et en travers. Nous nous trouvons seulement à quelques mètres de ce monstre en perpétuels mouvements. Nous allons d’abord entendre puis pouvoir constater de nos propres yeux la chute de blocs de glace qui se détachent. Les poussées, dans différentes directions, sous différentes tangentes des blocs plus jeunes, en amont, ne sont pas anodines à ces phénomènes. Le bruit de l’impact, l’aspect visuel qui en résulte sont très beaux à voir. Les couleurs sont en perpétuelles évolution sur le glacier. Le soleil qui vient taper sur le dessus du glacier crée de reflets sublimes qui mettent en valeurs les crevasses, son aspect biscornu. Je comprends maintenant pourquoi, beaucoup de personne, dont Fabrice et Céline de l’Akilifamily, m’en avait parlé comme le plus beau spectacle naturelle qu’ils n’aient jamais vu. Je ne me prononcerais pas à faire un classement avec les chutes d’Iguazu, le Salar d’Uyuni et d’autres merveilles de ce monde totalement différentes. Mais je reste subjugué par ce glacier qui se trouve devant mes yeux. Je pourrais l’admirer encore pendant des heures, des jours entiers. Il est déjà 17h00, nous n’avons pas vu le temps passer. Le parc va bientôt fermer ces portes et nous ne voulons pas être les derniers sur place. En temps normal, je serais resté jusqu’à la dernière seconde, jusqu’à ce que les gardiens nous virent à «coups de pompes au cu». Mais nous ne voulons pas attirer l’attention et vous allez très vite comprendre pourquoi.
Nous allons faire comme si nous partions. Nous allons prendre la navette qui mène au parking principal à
quelques centaines de mètres. De là, au lieu de faire du stop, ou de prendre un bus, nous allons nous aventurer dans les forêts qui l’entourent. J’ai repéré un endroit où nous ne devrions pas être embêtés et tout de même être aux premières loges pour admirer le glacier. Cela ne va pas manquer, dans la forêt, au bord de l’eau, nous allons pouvoir y planter notre campement. Nous avons tout de même fait très attention auparavant à ne pas être repéré par un gardien. Je pense que ce soir nous dormons dans le plus beau hôtel de la région. Pas le grand luxe, une simple toile de tente mais une vue imprenable sur le glacier pour nous tout seul. L’exclusivité et le sensationnel n’ont pas de prix. C’est gratuit et cela nous permet de profiter du glacier encore demain tout la journée. Nous allons pouvoir voir observer de loin les gardiens faire leurs rondes sur les passerelles alors que nous admirons le coucher de soleil qui donne encore des couleurs différentes au glacier.
Lors de l’après-midi, nous allons faire connaissance d’un groupe de 6 français. Après de longues minutes de discussions et d’échange. Nous leur demanderons s’ils peuvent nous ramener à El Calafate. Ils accepteront sans hésiter. Nous allons passer toute la fin de l’après-midi ensemble. Alors que 4 d’entre-eux sont déjà remontés à la voiture car ils en avaient marre d’attendre que le glacier montre signe de vie, nous allons passer un peu plus de temps avec un couple de passionnés de la nature. Après avoir revu deux blocs tombés, nous avons le droit à un final en apothéose pendant que nous remontions tranquillement les passerelles vers la sortie. Sur notre gauche, un bloc énorme va se détacher sur toute la hauteur. Ce bloc de plusieurs mètres de longueur, de largeur et d’environ 60 mètres de hauteur va s’écrouler dans l’eau avec un mouvement de balancier, que j’aurais presque pu décomposer tellement l’inertie de ce dernier semblait lent. Nous étions alors tous les 4 comme des petits-enfants devant un jouet, les yeux pétillants, en redemandant encore une fois que ça arrive. Seul frustration, ne pas avoir eu l’appareil en main et prêt quand cela est arrivé. Peu importe, nous l’avons vu de nos yeux vus et nous pouvons, avec le cœur léger, laisser derrière nous cette merveille de la nature.
Nous allons dormir encore une nouvelle nuit, à El Calafate, avant de reprendre la route. Cette fois-ci, nous allons commencer à emprunté la fameuse Ruta 40. Souvenez-vous, je l’avais commencé à l’autre bout du pays, quand je me promenais dans le Nord, dans les environs de Salta avec L’Akilifamily. Cette route traverse tout le pays dans sa longueur. Elle garde sa part de légende en traversant des paysages sublimes, totalement différents, sans pour autant être devenu une autoroute trop facile d’accès. Nous avons prévus de faire un peu plus de 250 kilomètres, en stop, jusqu’à la ville d’El Chalten. Il va nous falloir un camion, deux voitures, et finalement l’arrière d’une camionnette sous des bâches déchirées par la force du vent pour atteindre cette ville. Pas d’inquiétude mais des temps d’attentes assez long, ou du moins qui paraissent comme tel, quand vous êtes au milieu de nulle part, avec une circulation quasi-nulle, et un vent à coucher les arbres les plus robustes. El Chalten se trouve au pied du Fitzroy, une montagne mythique pour les alpinistes car très compliqué à escalader, surtout en raison des conditions météorologiques qui y règne. Un vent fort omniprésent, un temps souvent couvert et donc ce sommet qui ne sort pas très souvent sa tête. Certaines personnes disent être venus plusieurs fois et n’avoir jamais vu ce sommet, même pendant la bonne période de l’année. Encore une fois, nous pouvons dire que la météorologie nous sourit ! Nous arrivons à El Chalten avec une vue magnifique, un peu nuageuse, mais totalement dégagée du Fitzroy.
L’auberge où nous résiderons est pleine d’israéliens un peu envahissants et bruyants. Peu importe, nous allons faire avec ces désagréments pendant les quelques jours sur place. Le lendemain, nous n’allons pas faire grand-chose. Repos le matin, petite ballade l’après-midi avec différents points de vue. La fatigue est présente pour nous deux, ma lèvre ne désenfle pas et la lutte de mon corps contre cette bactérie me fatigue tout de même pas mal. Et puis nous attendons une fenêtre meilleure qui semble être prévue pour le lendemain. Nous n’allons pas être déçu, le lendemain, nous nous levons avant le lever de soleil, un peu trop tard tout de même pour avoir la vue sur le Fitzroy pendant que ce dernier lui assénera ces premières lueurs. Nous allons avoir une journée splendide presque seuls pour faire la boucle incluant la vue sur le Fitzroy et la vue sur le Cerro Torre. Le niveau de la randonnée n’est pas trop élevé pour boucler ces 32 kilomètres. Les paysages splendides s’enchaînent néanmoins. Nous aurons le soleil, très peu de nuages et un vent quasi-nul, à notre altitude, protéger par ces remparts naturels. Les sommets du Cerro Torre ne feront penser très fortement à la couverture d’un livre que j’avais adoré, s’appelant «Premier de cordée» et qui appartient à mes parents! Il faudrait que je puisse un jour vérifier l’exactitude de ces similitudes. Nous allons passer une très bonne journée, en finissant par une note gustative très appréciable avec des raviolis et leur sauce, conseillés par Manue et Matthieu que nous avions revu la veille. Une bonne bouteille de vin rouge de la région de Mendoza complétera ce bon repas.
Les conducteurs vont nous faire une petite frayeur, quand sans aucune explication le car repars sans plus de 80% des passagers qui viennent de descendre pour prendre l’air. Personne ne nous a prévenus mais le bus fait un crochet de plus de 2h00 avant de revenir au même endroit. Il est donc judicieux de profiter de l’air frais, de voir le bus s’éloigner avec tous nos bagages et espérer qu’il reviendra à un moment ou à un autre. Plus que quiconque, Karine poussera un soupir de soulagement en remontant dans le bus. Elle s’était rendu compte pendant ce stop, qu’elle avait oublié son appareil photo sur le siège. Il était donc assez en évidence pour que quelqu’un de mal attentionné en prenne possession. Puis nous allons reprendre le cours de notre voyage, passé la nuit dans le bus. Aux premières lueurs du jour, le lendemain, nous constatons que nous avons complétement changé d’environnement. Nous sommes maintenant dans des paysages vallonnés. On peut même dire qu’ils sont montagneux mais aussi verdoyants et chatoyants.
Nous allons prendre quelques informations à la gare routière. Mais nous voulons surtout rejoindre la ville et
trouver un logement après ce long trajet. Il n’est pas possible de prendre un taxi à 4. Matthieu et Manue vont prendre un taxi. Nous allons marcher le long de la route, puis du lac jusqu’au centre de la ville. Ils ne sont plus au centre de tourisme quand nous y arrivons. Comme nous l’avions convenu alors, nous allons nous tenir au courant pour se retrouver un peu plus tard. Nous allons suivre les conseils de l’office de tourisme pour trouver un hôtel pas trop cher. Nous allons tomber sur un vrai petit bijou. Il s’agit d’une veille maison très bien entretenue et tenue par un monsieur qui est aussi professeur de politiques dans une université de la ville. Nous allons très rapidement nous sentir comme chez nous. Il y a la cuisine à l’américaine, la cheminée pour faire un feu de bois, le petit jardin, des chambres mignonettes et propres, une bonne connexion internet, et un super petit-déjeuner inclus dans le prix.
Nous retrouvons Matthieu et Manue vers midi. Nous allons convenir de louer une voiture pour deux jours afin de pouvoir aisément visiter les environs. Ensemble, nous dessinons le parcours que nous désirerons faire, nous organisons les aspects logistiques et faisons les courses alimentaires. Départ prévu, le lendemain, à la fraîche, pour découvrir une région pleine de promesses et de beautés naturelles.
Ce dimanche 1ier Décembre 2013 va être une journée paradisiaque. Après un petit-déjeuner avec des bons produits, dont un chocolat chaud de bonne qualité et de la confiture maison, Manue et Matthieu nous rejoignent, déposent leurs affaires dans la réserve de notre hôtel, comme les nôtres, puis nous prenons la route de la région des 7 lacs. Nous allons faire de nombreux arrêts pour profiter des beautés de la nature dans la région, et des couleurs enivrantes qui y sont associées. Le temps et les températures sont radieux et parfaites pour une visite en voiture avec des promenades à pied. Pris par le temps, nous n’allons pas marcher autant que nous l’avions envisagé. En revanche, nous allons pouvoir admirer une succession de petites merveilles avec ces étendues d’eau toutes différentes concernant les couleurs, les formes.
L’heure du repas ayant sonné, nous décidons de nous arrêter près d’un énième lac. Comme nous sommes dimanche, beaucoup de familles de locaux sont là, profitant du beau temps et des lieux. Ils sont tous en train de préparer leurs « Assado », morceaux de viandes grillées au feu de bois. Les odeurs qui en émanent sont insupportables pour nos papilles gustatives. En effet, nous n’avons prévus que des salades froides. Nous allons passer à côté de plusieurs d’entre-eux. Puis trouvant un endroit sympathique, nous descendons de la voiture pour aller nous poser sur la plage. Nous passons à côté d’un vieux monsieur qui fait cuire un mouton entier à la broche. Il est très sympathique. Il va nous donner des explications sur cette tradition du week-end. Cela fait plus de deux heures qu’il rôti et il y en a encore pour une heure avant de cuire la deuxième face de la bête. Après quelques échanges encore intéressants, nous le laissons tranquille alors qu’il profite de la vue en attendant que toute sa famille le rejoigne. Après avoir fait un tour des lieux, nous commençons notre déjeuner. Nous prenons l’apéro, l’entrée, mangeons les salades. Alors que nous avons déjà bien mangés, que nous sommes en phase de digestion. Le petit vieux avec qui nous avions discutés plusieurs dizaines de minutes auparavant, et surtout sa femme vont nous faire de grands signes. Ils nous invitent à les rejoindre pour partager leur repas. Nous ne pouvons pas refuser. C’était un souhait très important de Karine de pouvoir partager un tel moment avec des locaux et il devient réalité. Ils nous offrent des morceaux de viandes, avec du pain et de très bonnes sauces locales. La qualité de la viande est irréprochable. On comprend alors aisément pourquoi la patience paie pour la cuisson de ces viandes. Nous allons avoir un échange très intéressant avec toute la famille, nous nous régalons par la même occasion, surtout qu’ils nous offrirons aussi un verre, que dis-je plusieurs verres, de très bons vins de la région de Mendoza. Au bout d’un moment, nous voulons tout de même leur laisser leur moment en famille et nous nous retirons donc après les avoir remerciés maintes et maintes fois. Ceux sont eux qui reviendront vers nous quelques minutes plus tard pour nous offrir des fruits en déserts. Nous accepterons volontiers, tous gênés, mais très agréablement surpris par cette générosité spontanée. Après avoir profité encore un peu des lieux, avoir essayé de digérer ce qui était devenu un vrai festin, nous reprenons la route.
Les discussions vont bon train, au grès des paysages qui défilent. Depuis que nous avons faits leur
connaissance, nous détenons une information qui va changer leur vie. Nous sommes les premiers à savoir qu’elle est enceinte! Elle venait de faire le test de grossesse quand nous les avons rencontrés à El Calafate.
C’est pour cela que j’ai pris du retard dans mon écriture! Nous n’avions pas le droit d’en parler, à personne, jusqu’en 2014. Ils voulaient faire la surprise et l’annonce à leurs familles pour Noël; chose faite maintenant! C’est très crédible mon histoire, non? Bon d’accord l’histoire est vraie mais l’excuse totalement bidon concernant la diffusion tardive de cette page du blog ! En même temps avec des journées comme celle-ci et des rencontres comme eux, je n’ai plus beaucoup de temps libre pour moi, pour essayer de mettre à jour régulièrement ce site, ce lien avec vous… Et puis c’est tout, c’est comme cela! Je ne suis pas encore assez connu et riche, pour avoir mon petit nègre qui me suivent partout et tape mes récits à ma place. Et je n’ai pas encore inventé la machine à transcrire mes pensées et mes actions, en écrits, sur papiers…
Dans l’après-midi, nous découvrons de nouveaux très beaux paysages, nous nous arrêtons dans quelques villages et obtenons des informations complémentaires pour la suite de notre périple. Nous voulons nous rapprocher d’un volcan. Nous avons pour cela décidé de nous rendre dans le Parc National du volcan Lanin à la frontière entre l’Argentine et le Chili. Les avis divergent concernant le fait de s’y rendre par le Nord ou par le Sud. Nous opterons finalement pour la face Nord, où les alpinistes commencent l’ascension. Nous avons quelques doutes sur le point de vue que nous aurons sur le volcan. Nous allons finalement y arriver pour le coucher de soleil nuageux et sublime sur ce dernier. Nous nous installons pour la nuit dans un camping gratuit avec vue direct sur ce géant endormi et enneigé. La soirée va être très agréable autour d’un bon feu, en écoutant de la musique. Nous allons parler de choses et d’autres de la relation entre Matthieu et Manue, mais aussi celle entre Karine et moi. En effet, ceux sont des personnes sensibles et censées. Ils ont rapidement détectés qu’il y avait un malaise entre Karine et moi, que notre relation n’était pas claire et que nous aurions besoin d’échanger et de nous dire les choses. Nous n’approfondirons pas plus que cela lors de la soirée mais cela sera l’élément déclencheur d’événements ultérieurs.
J’irais me coucher largement après tout le monde, profitant encore et dans un silence absolu, du feu, de sa lumière, de ces flammes et de la vie qui en jaillit. La nuit sera bonne mais un peu fraîche. J’irais me promener une première fois seul, aux premières lueurs du jour, puis Karine me rejoindra pour que nous allions voir ensemble le lever de soleil sur le sommet du volcan Lanin. Le spectacle sera très beau, complété par de supers envolées de perruches que nous verrons ensuite dévorer les fruits d’un arbre aux formes très spéciales. Matthieu et Manue ne sortirons de leur tente (tente de Karine que nous leur avions prêtés) que beaucoup plus tard. Frigorifiés et peu habitués à ce confort sommaire, ils n’ont pas vraiment bien dormis. Cela ne nous empêchera pas de profiter de la journée. Nous allons encore être trop optimistes concernant les kilomètres à parcourir. Nous voulions trouver des endroits pour marcher plusieurs heures et laisse la voiture. Nous allons finalement faire plusieurs heures de voiture et marcher un peu pour se dégourdir les jambes avant et après le repas. Revenu en milieu d’après-midi dans une des villes bordant un des 7 lacs, nous allons prendre un verre en terrasse. Matthieu et Karine vont regarder pour faire des achats d’équipements de voyage ou de montagne. Ils repartiront bredouilles mais les moments dans cette petite bourgade auront été forts sympathiques. Nous arrivons à Bariloche à la tombée de la nuit. Matthieu et Manue vont investir le même hôtel que nous. Nous y passerons une soirée simple, se déroulant autour d’un repas copieux, de la bonne musique et des discussions avec les quelques autres hôtes qui sont présents dans l’hôtel.
Les derniers jours de notre séjour ensemble, avec Karine, sont déjà arrivés. Nous avons vu et faits les
choses qui nous tenaient vraiment à cœur. Nous décidons que les deux derniers jours ensemble seraient sous le signe de la détente. Ce lieu est très approprié pour cela. Nous nous sentons tous les 4 comme à la maison.
Nous allons prendre le temps pour le petit-déjeuner. Nous allons laver notre linge, faire de petites promenades dans le centre de la ville et aux abords du lac. Comme le propriétaire nous avait promis, il va nous aider à concocter un Assado au feu de bois, dans la cheminée, pour le midi et un repas à la marmite en fonte, toujours au feu de bois, en soirée. Les deux plats seront délicieux, succulents! Nous nous régalerons à deux reprises.
Dans l’après-midi, je vais lancer une grande discussion avec Karine alors que nous étions tranquillement assis devant le lac gigantesque qui fait face à Bariloche. Sa grandeur et les vagues créées par le vent font que l’on se croirait presque à la mer. Lors de nos échanges, nous allons très rapidement mettre en avant l’incompréhension qui s’est installée insidieusement. Nous n’allons pas réussi à faire passer les messages importants. Nous n’avons surtout pas du tout les mêmes sentiments et les mêmes envies sur le moment. Les choses avaient clairement été dites pendant et après notre rencontre en Birmanie. J’étais resté sur ces faits. Mais certains sentiments ne sont pas contrôlables par l’être-humain. Quand ils arrivent, la personne est obligée de faire avec et de composer avec ces nouvelles données. Karine a bien essayé de me faire passer certains messages en les sous-entendant, ou en faisant ce qu’il faut pour que j’ouvre les yeux… Mais je ne suis pas très doué pour ce genre de choses, surtout quand cela concerne des sentiments forts, quand la situation n’est pas claire. J’ai alors mis des œillères pendant plus de dix jours et Karine aurait dû me dire ce qu’elle pensait de façon claire et intelligible. Ça n’a pas été le cas! Pour ces raisons, nous avons voyagés en parallèle, sans vraiment partager les bons moments pendant de longs jours. Mieux vaut tard que jamais, les choses sont dites même si cela ne changera pas ce qui s’est passé, sur le fait que le séjour aurait pu être beaucoup plus détendu. Mais j’espère bien que cela permettra de faire évoluer la suite de notre relation dans le bon sens…
La journée suivante, le 4 Décembre, nous allons partir avec Karine, Manue et Matthieu, pour découvrir non loin de Bariloche, le point de vue du Cerro Campaneiro. Il est recensé, par le National Geographic, comme l’un des plus beaux points de vue au monde. Nous ne savons pas si nous pourrions en dire autant mais une chose est sûre, depuis les hauteurs de ce petit mont, les paysages à observer sont sublimes. Il s’agit de notre dernière journée tous ensemble. Dans la continuité du séjour passé ensemble, nous discutons beaucoup. Je vais beaucoup échanger avec Matthieu.
Manue et Matthieu partiront, quant à eux, en début d’après-midi. Je vais rester de mon côté, une journée de plus, seul dans l’hôtel, pour profiter des lieux, avancer sur certaines recherches et préparer la suite du voyage. Je vais continuer à profiter des joies de la bonne viande pas chère pour la cuire au feu de bois et l’accompagner de légumes.
C’est un plaisir le 7 décembre 2013 de reprendre la route. Après ces moments de partage avec Karine, après ce petit arrêt des plus agréables à Bariloche, Je traverser de nouveau une frontière terrestre au sud de ce continent américain, qui a été mon premier amour et qui tient toujours une place particulière dans mon cœur. Je repars en stop vers la région des 7 lacs que nous avons explorés quelques jours auparavant. 1 voiture, une deuxième, un véhicule tout terrain et me voici dans la ville de Villa La Angostura, plus exactement à sa sortie, près d’une station essence. Plusieurs auto-stoppeurs sont déjà postés là. Je n’ai pas envie de leur faire de la concurrence tardive ou d’attendre pendant des heures. Je décide donc de marcher le long de cette magnifique route. Je vais voir beaucoup de détails, de petites choses que nous avions complétement manqués lors de notre passage en voiture. Un véhicule me fera gagner 2 kilomètres de marche mais rien de plus. Me voici au dernier embranchement menant vers le Chili. Je me poste là espérant bien, malgré une fréquence restreinte de véhicule, que l’un d’entre-eux s’arrêtera et me conduira de l’autre côté. C’est un couple de cinquantenaire qui va s’arrêter. Belle voiture, plutôt chics et bien habillés, ils reviennent d’un week-end en Argentine. Si j’analysais la situation, je pourrais penser qu’il y a peu de chance qu’ils s’arrêtent pour me prendre en charge. C’est sans compter que leur fils est un voyageur au long cours aussi et qu’il fait assez régulièrement du stop! Nous allons passer par des paysages de montagnes et volcaniques splendides, lors de cette traversée de la cordillère des Andes. Nous allons nous mouvoir dans deux parcs nationaux, franchir sans encombre les deux postes frontières et nous nous retrouvons rapidement au Chili. Malgré nos descentes dans les plaines, la beauté des paysages ne va pas faiblir. Nous avons une superbe vue sur le volcan Osorno, enneigé, qui domine largement l’environnement. Ils me laisseront dans la ville homonyme à ce magnifique volcan alors qu’ils continueront de leurs côtés un peu plus vers le Nord. Le soleil descend déjà vers l’horizon. Je décide donc de passer la nuit sur place. Je vais trouver un petit bosquet assez isolé pour installer ma tente pour la nuit. Je vais faire attention que personne me voit pénétrer dans ce dernier ce qui va être l’assurance de passer une nuit en toute tranquillité.
Le terminus du bus se trouve dans la ville de Castro, au centre de l’île de Chiloé. Je vais y admirer l’architecture des églises, des maisons sur pilotis. Me rendant dans le port, je déguste des fruits de mer fraîchement pêchés. Je n’ai aucune envie de rester en ville en cette superbe journée ensoleillée. Je vais donc poursuivre un peu plus vers le sud, en stop, pour me rendre dans un parc national. Les prises en charge par différents conducteurs s’enchaînent. Aussitôt dit, aussitôt fait, je me retrouve dans le parc, au bord de mer, après avoir passés de bons moments à discuter avec les conducteurs, en essayant en permanence d’améliorer mon espagnol. Je vais me promener en bord de mer, découvrir de la végétation endémique sur les dunes, caché mon sac pour aller ensuite tranquillement admirer un magnifique coucher de soleil sur une plage déserte. Le moment passé, seul, est ressourçant. Je monte ensuite ma tente entre deux dunes, mange légumes, pain, yaourt et fruits achetés dans la matinée en ville…
Une fois encore la nuit sera fraîche. Je me réveille, à l’aurore, avant même que le soleil ne fasse son apparition. Je suis un peu frigorifié. Mais je vais profiter des premiers rayons pour me réchauffer en marchant et découvrir de magnifiques forêts appartenant au Parc National. Je n’aurais aucun mal ensuite à être véhiculé du parc à Castro, puis de Castro à Puerto Montt.
J’aurais pu continuer à poursuivre mon ascension vers le Nord en auto-stop. Mais je veux absolument me rendre dans certains lieux lors de cette remontée, or mon temps est compté. En effet, le mois de Décembre 2013 s’écoule et pour une fois, dans ce voyage, j’ai un impératif que je ne veux manquer pour rien au monde. Je suis dans un état d’esprit totalement différent que lors ces deux années passées sur les routes. Je veux continuer à profiter de chaque seconde de ce projet personnel et rêve éveillé, mais mon esprit est définitivement tourné vers un futur proche. Peu importe, je suis sur le territoire chilien, et je compte bien encore en prendre plein la vue.
Je prends donc un bus pour la ville de Pucon. J’y arrive en soirée. Aucune raison de céder aux avances de chilienne me proposant alors un logement en sortie du bus. Après avoir inventé une excuse, je me rends en nature pour y planter ma tente et passer une nouvelle nuit à la fraîche, plaisante et gratuite. Des aboiements assez proches de la tente me réveillent alors qu’il ne fait pas encore jour. Je n’en mène pas large. Aussitôt qu’ils se seront éloignés et que j’ai pu m’assurer qu’ils ne puissent pas resurgir dans les minutes à suivre, je vais plier ma tente sans demander mon reste. Il faut toujours voir l’aspect positif de la situation. Je vais admirer le lever de soleil sur le volcan Villarica qui se trouve à quelques encablures de là. Ce dernier est somptueux!
Je vais ensuite rejoindre la ville où je trouverais un logement pour la nuit. Les discussions sur le pays, la politique, pendant le petit-déjeuner, avec la propriétaire venant d’une minorité ethnique, seront passionnantes. Je file ensuite à l’office de tourisme pour y recueillir l’ensemble des informations sur la région.
Une fois encore, je vais avoir une journée plus que chargée. Sans prétention aucune, car cela a aussi ces défauts, je peux dire que je vais faire en une journée, ce qu’un touriste lambda ne verrait pas en moins de deux jours. Pas besoin de grandes pauses, levé tôt le matin, infatigable dans ce genre d’endroit sont sources de pouvoir en effectuer un maximum tout en profitant des lieux. Faisant de l’auto-stop, je vais me rendre à un lac, des cascades, d’autres lacs et le très beau parc national de Huerquehue. Une fois encore, la nature est pleine de surprises. Les couleurs, les formes que je vais pouvoir admirer sont fantastiques. Je ne croiserais en plus que très peu de personnes.
Je ne peux pas manquer l’ascension de Pucon même si cette dernière est ultra-fréquentée car d’une difficulté mineure. Je réserve donc ma place pour le lendemain matin. Réveil à 5h00 du matin pour rejoindre mes acolytes apprenti-alpinistes de la journée. Nous allons recevoir la totalité de l’équipement (chaussures, crampons, vêtements imperméables, sacs, gants, piolet). Quelques consignes nous seront prodiguées. Puis nous nous rendrons, en van, au pied du volcan pour entamer l’ascension. Je vais alors pouvoir pousser un ouf de soulagement. En effet, nous étions sous les nuages dans la ville de Pucon. Le temps paraissait vraiment gris et bouché et j’avais un peu peur pour la vue que nous pourrions avoir lors de l’ascension. Mais au pied du volcan, nous sommes maintenant au-dessus de cette mer de nuages. L’effet visuel n’est que plus intéressant concernant le paysage.
Certains vont utiliser la seule remontée mécanique présente sur place pour éviter la partie la plus compliquée. Pendant plus d’une heure, nous autres, nous allons marcher dans des roches volcaniques ressemblant à des sortes de gravas. Puis nous rejoignons l’arrivée du télésiège qui sera aussi le début de la montée dans la neige. Le rythme est peu soutenu, la difficulté minime, mais nous allons tout de même dépasser les milles mètres de dénivelés positifs pour atteindre le sommet. Plus nous montons, plus la vue devient exceptionnelle sur la région environnante. Tout en haut, nous pouvons admirer à 360° de nombreux sommets volcaniques dont le Lanin que j’avais vu de très près quelques jours auparavant. Les fumées de souffre qui émanent du cône volcanique ne sont pas trop fortes sur la quasi-totalité du sommet en raison de vents cléments. En revanche, je ne resterais que quelques secondes au niveau du meilleur point de vue donnant sur la partie intérieure car, là, l’atmosphère y sera très peu respirable. Nous allons rester plus d’une demi-heure au sommet. Contrairement à la majorité des cas où la descente peut être pénible, où les articulations souffrent, où l’excitation de l’ascension est passée, nous nous apprêtons à vivre un moment fort. Je retourne instantanément en enfance quand nous commençons cette descente sur plus de 1000 mètres de dénivelés, en luge! Sur la neige et ces pentes assez fortes, c’est un régal de descendre à pleine vitesse sur les luges que nous avons portées à la montée. La glisse est bonne. Parfois une personne un peu lente crée des bouchons. Dans les rangs des participants les franches rigolades sont alors de la partie. Ces longues minutes d’amusement font fondre comme neige au soleil. C’est le cas aussi physiquement parlant alors qu’il fait plus de 15°C sur les pentes de ce volcan, même au sommet, avec le soleil… A l’arrivée, je vais être invité avec d’autres à se rejoindre près du lac, au bord de Pucon. Je vais me voir, malheureusement, dans l’obligation de refuser alors que j’avais déjà réservé mon billet de bus de nuit pour la prochaine étape.
Au coucher de soleil me voilà donc dans le bus montant encore plus vers le Nord. La nuit passera très rapidement. A l’aube, je suis à Santiago, pour la deuxième fois dans ce voyage. Mais cela ne sera encore qu’une transition vers d’autres horizons. La troisième devrait être la bonne concernant la visite de cette capitale. Pour l’instant, je ne vais pas très loin, seulement à 2h00 de là, sur la côte, dans la ville de Valparaiso. Arrivée de bonne heure, je vais me rendre dans la partie la plus touristique pour y trouver une auberge de jeunesse. La première est complète. Mais la deuxième, à moins de 150 mètres, dans une petite ruelle en perpendiculaire, m’ouvrira ces portes.
La visite de la ville n’est pas très compliquée. En effet, il suffit de flâner dans les rues, de monter et descendre les ruelles qui serpentent sur les flancs de collines, de se perdre, de passer dans un sens et de repasser dans l’autre, pour y découvrir ce musée à ciel ouvert. Sa richesse n’est pas vraiment dans son architecture, même s’il existe quelques beaux monuments coloniaux du XIXème siècle. Son charme n’est pas au niveau de beaux bords de mer mais dans cette multitude de murs peints, de maisons décorées de splendides tableaux colorés. Je vais donc passer deux jours à me promener dans ces rues, à découvrir les vieux systèmes de funiculaires, à flanc de colline, en pente douce ou totalement horizontaux, de son vieux tram, de quelques monuments dignes d’intérêts. Je vais adorer tomber à chaque coin de rue sur une autre petite merveille artistique! Je vais me balader seul dans ces rues animées. Je dégusterais du poisson les deux midis, passerais un peu de temps à discuter avec des locaux ou des voyageurs.
Je vais adorer l’ambiance qui régnera dans l’auberge le soir. Nous passerons avec des jeunes de différents horizons, un très bon moment d’échange, de discussions avec un fond musical endiablé. Ils sortent faire la fête après minuit. N’ayant pas l’élan pour les suivre, j’irai tranquillement me coucher.
Le 13 décembre dans l’après-midi, je repars en direction de Santiago, pour enfin visiter cette capitale sud-américaine dont je ne connais, jusqu’à présent, que l’aéroport et les stations de bus. Je suis accueilli chez un chilien, Matias, en Couchsurfing. Personne très agréable, il va m’accueillir dans son petit appartement moderne du centre-ville. Nous allons à peine avoir le temps de faire connaissance chez lui. Je vais y déposer mon sac-à-dos et nous allons partir en centre-ville, rejoindre son amie russe pour un apéro-dînatoire. Les échanges sont multiples, en espagnol et en anglais. Elle est installée depuis plus d’un an à Santiago pour une firme multinationale. Ils se sont rencontrés à travers un réseau social. Il est lui fortement intéressé par la Russie. Il apprend actuellement la langue, a déjà fait une mission avec son entreprise. Il doit y retourner prochainement et pourquoi partir s’installer dans quelques mois là-bas avec un travail fourni par son entreprise actuelle. Il est passionnant de voir comment ce monde se globalise et que, même si cela rester marginale, de plus en plus de personnes s’expatrient pour quelques années ou le reste de leur vie. Nous allons continuer la soirée par un anniversaire de quelqu’un qu’ils connaissent à travers Couchsurfing et les soirées organisées à travers ce site. Nous allons passer une très bonne soirée et seul la fatigue commune nous fera rentrer tard dans la nuit. Le lendemain, je vais aller visiter les lieux dits « touristiques» de la ville. Je vais me rendre à la Moneda, palais présidentiel, à la Plaza de Armas, dans les rues piétonnes, sur le marché central, dans le quartier de Bellavista, voir la fontaine, les remparts et bâtiments du Cerro Santa Lucia, et finalement marcher jusqu’aux hauteurs du Cerro San Cristobal.
Le fait de ne pas avoir vraiment envie d’y être s’explique par deux choses primordiales. Je pense avoir peur que cela ne se réalise pas comme je l’ai prévu ! Que tel ou tel imprévu est cette fois-ci, contrairement à son aspect magique qu’il a souvent en voyage, un aspect néfaste, voir destructeur. Je ne peux pas concevoir que cela ne marche pas comme je l’entends. Cette étape doit friser la perfection.
J’ai peut-être pas envie d’arriver au jour J, à l’instant T, car ces moments vont s’envoler et après cela sera terminé! Je n’avais pas pris la pleine mesure de cette nouvelle étape du voyage car elle était trop loin de ma réalité, de mon quotidien. Je gardais ainsi facilement le secret, sans mentir, en déformant seulement un peu les faits à venir, car cela ne paraissait pas réel. Mais lors des dernières heures à Santiago, je vais éviter tout contact avec la famille, avec les proches… J’ai envie de crier sur tous les toits que je suis Le plus heureux au Monde, que les heures, les jours à venir seront exceptionnels !
oh la la !!!cela faisait longtemps que j'avais pu lire une partie de ton périple faute d'écrits.Mais je mesure non seulement la richesse de ton projet avec ces paysages si différents et aussi les dangers surmontés et les réflexions personnelles approfondies et restantes.merci encore de tous ces partages
RépondreSupprimerbonne continuation,prends soin de toi sans oublier les autres!!!!!
C'est vraiment un merveilleux voyage que tu nous as fait vivre, des paysages à couper le souffle, des rencontres vraiment merveilleuses, à part bien sûr un certain camionneur.
RépondreSupprimerNous espérons que la suite du vol sera aussi merveilleuse et que tu iras au bout de ton rêve.
Pour la surprise de Noël, je pense que tu peux être heureux et que cela a été vraiment un grand moment pour nous et pour toi.
Continues bien ton vol et continues à faire attention à toi.
Merci Papa et Maman pour vos commentaires, même si je ne sais pas qui écrit quoi entre vous deux!!! Cela me touche fortement et l'écriture du retour surprise me rend à chaque fois joyeux!! Regarder les vidéos et aussi un pur plaisir.. je n'ai jmais autant regarder ce que j'avais avant.. même si je vis à fond l'expérience au Burkina...
RépondreSupprimerPromis je fais attention à moi
je vous embrasse fort!!!
Ton blog mérite d'être connu ! Bonne continuation !
RépondreSupprimerPS : pour info, je suis tombé dessus en faisant des recherches sur la Thailande.
A bientôt !