lundi 7 avril 2014

Le Maroc dans tous ces états!

Après la journée à attendre dans l’aéroport, je m’envol finalement vers le continent Africain. Le premier stop a lieu dans un pays magrébin; le Maroc. La France possède un lien très spécial avec ce dernier. La seule préparation au voyage que j’ai effectuée consiste à avoir pris des renseignements auprès d’Hervé, le papa de Nico, l’Ami d’Angers dont je vous ai parlé. C’est surtout sa nouvelle femme; Asma, qui va m’être d’une aide précieuse. Elle est marocaine et aime son pays. Ensemble, ils ont eu une petite fille, dont j’ai fait la connaissance lors de mon retour surprise, et de la fin d’après-midi passée ensemble. Patricia, la maman de Karine, m’a aussi donnée beaucoup d’informations et des contacts sur place. Finalement rien de mieux que les personnes qui connaissent et aiment le pays pour se créer un plan de route modulable mais, tout de même, assez bien défini. 

Dans l’avion, je décide d’approfondir mes connaissances du pays en apprenant quelques mots en Arabe. Mon voisin de gauche, Karim va me surprendre dans cette activité. Ça éveille sa curiosité. Il entame donc une conversation et il me donne quelques informations. Il me dit aussi qu'il pourra m'emmener à ma prochaine destination Tétouan, si j’en ai envie, dans quelques jours. Il doit  en effet s’y rendre. Il me laisse son numéro de téléphone. Manar, franco-marocaine, qui est à ma droite, a surpris notre conversation. Elle se permet de s’y immiscer quand je demande plus d’informations concernant le fait de me rendre de l’aéroport au centre-ville de Tanger. Très rapidement, elle se propose de me déposer dans le centre-ville, car un membre de sa famille vient la chercher, plutôt que de prendre un taxi. 

Depuis le ciel, nous voyons très clairement notre passage physique de l’Europe à l’Afrique. En effet, en fin de voyage, alors que nous approchons de Tanger, l’avion a perdu de l’altitude. Le ciel est dégagé. Nous avons donc une vue imprenable sur le détroit de Gibraltar, qui sépare la Méditerranée et l’Océan Atlantique, d’est en ouest, l’Europe et l’Afrique, du nord au sud. Nous atterrissons, à l’heure prévue, sur le tarmac de l’aéroport. Après avoir récupérés nos bagages, que nous ayons tous les deux échangés de l’argent, nous sortons du hall de l’aéroport. J’y fais la rencontre de Marwa, sa cousine. C’est Youssef, un employé de sa tante; Nezha, qui nous amène en voiture. Nous descendons en plein centre-ville au niveau de l’agence de Nezha. Manar explique la situation, le fait que je viens d’arriver dans le même avion qu’elle et que je recherche un hôtel pour la nuit. Nezha me propose auparavant que je monte chez elle, avec les filles, pour boire le thé. Le premier contact se passe très bien. Elle m’invite finalement à manger alors qu’il tombe des trombes d’eau à l’extérieur. Le plus naturellement du monde, elles décident que je ne partirais finalement pas chercher d'hôtel mais que je vais rester dormir avec elles dans ce très bel appartement!

L’apothéose de cette journée est encore plus incroyable que ce qu’elles m’ont déjà offert. Manar est rentrée au pays, d’où sont originaire ces deux parents, pour un événement spécial, le mariage d’une de ces cousines. Ce dernier a lieu dans deux jours. Elles y partent toutes les 3, avec le fils de Nezha, Dia, le demain matin. Sûrement après une concertation commune en arabe, elles me proposent de venir avec elles. Comment pourrais-je refuser une telle invitation? J’accepte sans sourciller des yeux. Assister à un mariage marocain devrait être grandiose. Quoi qu’il en soit, je ne pouvais pas espérer meilleur façon de commencer ce voyage et m’immerger au plus près de la population locale.
Ce vendredi 7 février 2014, en fin de matinée, nous prenons le train pour Souk El Arbaa. C’est une petite commune à 150 kilomètres au Sud de Tanger, à 100 kilomètres au Nord de la capitale, Tanger. Nous arrivons en début d'après-midi chez les parents de la mariée, d’autres oncles et tantes de Manar! Après avoir salués toutes les personnes présentes et faits les présentations, nous nous installons dans le salon de réception des invités. La pièce est gigantesque et magnifiquement décorée. C’est ici que la future mariée; Sofia, est en pleine préparation. Une spécialiste du henné est venue spécialement pour l’événement. Ces tatouages ont duré limité dans le temps. Toute mariée qui respecte la tradition se tatoue les mains, les avant-bras et les pieds jusqu’au-dessus du niveau de la cheville. C’est un travail minutieux  et de longue haleine qui va durer plusieurs heures. Surtout que d’autres femmes du mariage vont aussi avoir le droit à leur tatouage. 

Après un peu de temps à discuter, tous les invités sont conviés à se rendre dans le salon, salle à manger, utilisé quotidiennement par la famille. Nous sommes le vendredi midi, et comme la tradition le veut dans le pays, on va nous servir un Couscous Marocain. 99% des marocains sont musulmans. Or le vendredi est un jour particulier dans cette religion. Plusieurs heures de la journée sont chômées par la majorité des personnes, principalement les hommes qui se rendent à la mosquée, lors des deux prières majeures de l’après-midi (pour les musulmans pratiquants, il y a 5 prières par jour dont une au lever et une autre au coucher du soleil). Le repas du vendredi midi est habituellement le couscous qui est partagé avec tous. De nombreux croyants font des offrandes aux mosquées pour les personnes les plus défavorisées. Si vous vous présentez chez un musulman le vendredi, il partagera toujours, avec vous, son repas. 

Quoi qu’il en soit, je suis très bien accueilli par tous les membres de la famille, des parents de Sofia, de leur plus jeune fille, Nisrine... Je participe donc à la cérémonie du henné, qui continue après le repas pour la mariée et les autres femmes. Manar me propose, vers 16h00, d’aller découvrir la ville, le marché. Après nous être promené pendant plus d’une heure, je déguste mon premier milkshake à l'avocat! En rentrant, je fais la connaissance du frère de Sofia, Si-Mohammed et d'un cousin, Amine. Après avoir de nouveau mangé, en soirée, je vais avoir le droit, en tant qu’invité très particulier, à un henné, au niveau du biceps. Les hommes ne se tatouent que très rarement au henné. Seul, le marié aura le droit à quelqu’un dessin sur les mains.

Nous allons ensuite boire un thé avec les hommes dans un café. Après la dégustation du thé à la Shiva chez mes hôtes, nous prenons un thé à la menthe! Ils sont tous les deux extrêmement bons! Le fait que cette société possède de nombreux clivage est flagrant! Seuls les hommes sont assis dans les cafés pour siroter leur thé ou café. En soirée, seul les hommes sont de sorties. Les femmes, qui voudraient se retrouver, à l’extérieur du foyer, choisiront plutôt la journée, dans des lieux à l’abri des regards des passants. Les hommes et les femmes ont des places bien définies. Ils ne se mélangent pas trop lors de leurs activités. Je vais pouvoir le constater tout au long de mon séjour.
Dès le samedi matin très tôt, la préparation au mariage bat son plein! Nous prenons le petit-déjeuner tous ensemble avec du thé, café au lait, olives, viennoiseries marocaines, beignets frits avec confiture. Puis chacun va vaquer à ces occupations. Avec Nezha et Manar, Nous sortons en ville et au marché pour faire des achats (épices, chaussures pour Dia, accessoires vestimentaires pour la soirée)! 

L’après-midi, pendant que les femmes se préparent pour la soirée (brushing, maquillages,...), je vais au Hammam local avec Si-Mohammed! La version française totalement enfumée où tu dégoulines n'est pas vraiment au rendez-vous! En Europe, l’utilisation est différente mais nous l’avons pourtant remis au goût du jour. Cette installation a été inventée et développée par les romains. Seuls des pays, comme le Maroc, les ont conservés comme des lieux usuels du quotidien! Pendant longtemps et c’est le cas encore dans beaucoup de foyer, le hammam est le seul lieu où les personnes peuvent se laver. En effet, beaucoup ne possèdent pas chez eux de salle de bain, à proprement parlé, avec douche ou baignoire. 

Nous jetons de l’eau bouillante sur le sol en mosaïque, créant de la vapeur d'eau et une chaleur humide censée purifier le corps. Il s'agit d'un lieu pour se relaxer, se laver. Dans ces salles voutées, les hommes sont en sous-vêtements. En plus de se laver, nous demandons un gommage intégral de la peau! J'ai le droit à un traitement de faveur pour mon premier gommage complet, avec une brosse assez dure. Il n’ira pas frotter sur les parties sensibles et proches des parties intimes cachées par le boxer.  La sensation n'est pas des plus agréables mais le résultat est là! Je suis débarrassé de toutes mes peaux mortes! La personne qui m'a pris en charge finit en plus par un massage tonique qui me remet d’aplomb.
De retour chez Sofia, nous continuons les préparatifs avec la famille! Si-Mohammed voulant me voir répondre à un certain standing pour le mariage de sa sœur me prêtera quelques vêtements. Je file ensuite avec lui, en avance à la salle, pour peaufiner les derniers réglages et pouvoir accueillir les premiers invités. Nezha, la maman de la mariée et quelques autres personnes sont déjà présentes sur les lieux. 

Premièrement, il n’y a pas eu de cérémonie religieuse dans une mosquée. Nous passons directement aux festivités et au banquet. Ce mariage est très codifié mais loin d’être vraiment organisé! L’heure de rendez-vous était 19h00. Seulement quelques personnes sont présentes. 20h00 passe, puis 21h00. Le temps d'attente pour tous les convives est interminable. La salle se remplie tout de même petit à petit. Les femmes sont très élégamment habillées, mais je suis surpris de ne voir qu’elles et des enfants. Amine va me donner des éléments de réponse. Pour une cérémonie telle que celle-ci, les clivages sont aussi omniprésents. Les femmes sont dans la salle des fêtes à l’étage où vont se passer les réjouissances et tous les protocoles liés à un tel événement. Les hommes resteront une majorité de la soirée, entre-eux, dans le fumoir, ou à une table qui se trouve en dehors. Devrais-je les rejoindre et passer une soirée terne et sans vraiment d’intérêt? Je n’en verrais rien. Même si je n’ai pas besoin d’excuse, je peux faire valoir mon âme d’enfant, le fait que j’accompagne Manar pour rester avec ces dames. Personne ne m’en tiendra rigueur, bien au contraire. 

C'est loin d’être aussi organisé qu'un mariage à la française. Il y a des chaises et des tables mais pas de plans de table! Il y a des invités mais le nombre n’est pas totalement défini. En effet, dans ces sociétés, il n’est pas envisageable de laisser quelqu’un de côté. Donc si un voisin a entendu parler de la fête, il peut se joindre à la soirée sans n’avoir fait aucune demande préalable. A 22h00, alors que les musiciens sont arrivés, qu’ils commencent à jouer, la salle est pleine de femmes sur «leur tente et un». Elles sont toutes en couleurs, avec de magnifiques tuniques. Il n’y a maintenant plus assez de place pour que toute est un siège. Les serveurs devront rajouter des chaises autour des tables. A 22h30, la soirée va enfin pouvoir commencer. 

Le mariage est très animé. La musique entraînante. La cérémonie peut commencer avec la première apparition du marié et de la mariée. Ces derniers se présentent à la foule des convives. Sofia revêt une magnifique tunique verte. Elle brille de mille feux. Elle a de nombreux bisous et un maquillage très prononcé au niveau du visage pour la rendre la plus blanche possible comme le veut les traditions centenaires. Son mari revêt un costard-cravate, comme nous pourrions le voir en France. Les mariées sont vraiment le roi et la reine de la soirée! Quand ils sont présents, ils pavanent devant les invités avant de s’assoir sur leur trône. Pour respecter le protocole, Ils vont changer 5 fois de tenue au cours de la soirée (originellement, il y avait 7 tenues pour les 7 jours de la semaine). A chaque fois, ils se présentent à l'assemblée puis disparaissent! Ils s’installent, tout de même, à une table pour dîner. 
Seule les deux pères des mariés et des amis imminents représentent la gente masculine dans la salle. Sinon il y a les enfants, les musiciens, les serveurs, et moi. Nous commençons ce repas de fête par une Pastilla. C’est un régal. C’est un plat à base de pâte feuilletée dans lesquels ont été introduite une mixture avec de l’amande, du poulet (il s’agit parfois de pigeon), et d’autres éléments sucré-salés. 

Comme vous pouvez l’imaginer, il n’y a pas d’alcool sur les tables, seulement de l’eau et des boissons gazeuses sucrées qui ont fait ici aussi leur apparition depuis longtemps. Le Coca-cola et le Fanta orange ont la part belle. Vive la mondialisation et l’excès de consommation de sucre (une étude révèle que les marocains consomment 7 à 8 fois plus de sucre par jour que nous français, ce qui est une vraie catastrophe sanitaire. Mais, c’est un jour de fête alors ne pensons pas à cela). En bas, chez les hommes, un trafic se fait en cachette. Beaucoup d’entre-eux vont consommer de l’alcool, produit interdit par la religion, mais consommé par un grand nombre d’hommes. L’alcoolisme commence à être un fléau dans un nombre grandissant de famille, même pour les femmes. C’est tout de même un paradoxe affligeant dans un tel pays. Une fois encore, c’est jour de fête et s’ils ont besoin de cela pour se lâcher et danser, alors que l’alcool coule à flot… De mon côté, je n’ai vraiment pas besoin de ce genre de breuvage pour passer une bonne soirée. 

Nous enchainons par un plat de bœuf avec des légumes. Il s’agit aussi d’un vrai plat de fêtes car la viande n’est pas consommée tous les jours, en raison de son prix. Comme depuis le début du séjour, nous mangeons dans un plat commun, avec les mains. Même si je suis gaucher, je fais attention à utiliser la main droite, qui est la règle dans ce pays. La main gauche est utilisée pour des tâches peu ragoutantes, comme le fait de s’essuyer, après un gros besoin aux toilettes. Ces détails ne sont pas les mieux venus en cette soirée de festivité. Mais cela fait partie des réalités de ce monde. J’ai le devoir, en tant que voyageur, de retranscrire ces données à mon lecteur, et surtout de respecter les règles de bonnes conduites et coutumes de mes hôtes, surtout lors de ce type d’événement cérémoniel. 

Nous mangerons très bien, même si l’organisation pour le service laisse à désirer. Certaines tables ont déjà finis leurs fruits, alors que les autres non pas commencées leur plat de viande. Le fait de manger avec les mains sans assiettes possèdent certains inconvénients. La table est un vrai chantier après le repas. Il est plus facile de renverser des choses sur la table et de laisser le sentiment de ne pas avoir mangé proprement. Je ne vous dis pas l’aspect visuel de notre table après la dégustation des fruits avec toutes les épluchures qui sont éparpillées partout et le jus qui a coulé sur la nappe. Je fais très vite abstraction de tout cela. La fête bat son plein, les femmes sont de plus en plus nombreuses à danser. Plus la soirée avance plus des hommes nous rejoignent pour prendre part à la fête. 

J’ai envie d’y participer encore un peu plus, je commence donc à danser. Tous sont étonnés, ils n’en reviennent pas comment je danse, comment je suis capable de bouger mon corps, particulièrement mes fesses et mon bassin sur ces rythmes endiablés. Plusieurs fois, je serais l’attraction de la soirée. De nombreuses personnes vont venir me filmer, Amine demande à me filmer avec mon appareil photo, et certains seront ravis de partager plusieurs danses avec moi. J’aime cela, non pas parce que je suis mis sur le devant de la scène (cela aurait plutôt tendance à me mettre mal à l’aise, surtout que je ne veux pas monopoliser l’attention lors d’un tel événement), mais parce que je suis totalement intégré à la soirée, à ce moment festif important dans une vie. 
Après le repas, Sofia apparait avec une quatrième tenue, jaune et argenté. Le marié porte maintenant une Djellaba. Ils ne vont, cette fois-ci, pas seulement parader. Des danseurs et un groupe de musique traditionnel viennent les rejoindre. La mariée est mise en avant, les danseurs la soulèvent sur un petit trône portable. Elles jettent des bonbons dans le publique (tels nos dragées en France). Le marié est aussi mis à contribution. 

La fête bat son plein. Les mariées devraient être les plus heureux du monde. Pourtant depuis 2 jours, Sofia ne semble pas heureuse! C’est un déchirement personnel très fort! En effet, Elle a toujours vécu avec ces parents, ces frères et sœurs. Ils sont très proches! A la fin de la soirée, elle quittera la maison familiale pour aller chez son mari! La séparation est alors brutale! Elle arrive de temps en temps à esquisser un sourire. Mais la plus part du temps, son visage est terne, ces traits tirés, une tristesse flagrante peut se lire dans ces yeux. C’est encore une différence fondamentale par rapport à nos mariages en France. C’est une raison de plus pour que les mariées ne puissent pas profiter de leur soirée, si l’on ajoute le fait qu’il soit toujours sollicités et qu’ils passent plus de temps dans les coulisses pour préparer leur sortie protocolaire dans la foule, plutôt que de profiter de leurs familles, convives et amis. 

La dernière tenue est proche de celle de la mariée française pour le dessert! Elle est tout de blanc vêtue. Ils procèdent aux échanges des alliances. Ils doivent aussi se mettre mutuellement à la bouche des dattes et un verre de lait dans le but d’assurer la fertilité et la chance pour le mariage! Ils commencent ensuite la découpe de la pièce montée qui va être proposée à tous.  Nous la dégustons ensemble puis la fête se termine. Les mariées quittent la salle. Ils se préparent à partir en voiture chez le marié. La scène est des plus émouvantes. La déchirure est grande pour les sœurs! Les larmes coulent sur les joues de Sofia. Nisrine et de ces autres sœurs, qui partagent cette horrible sensation qu’on leur arrache leur sœur. Elles pleurent sans retenu. Le père de Sofia a déjà quitté les lieux. Il ne voulait sûrement pas assister au départ de sa fille. Une majorité des personnes descendent néanmoins pour saluer les mariés et voir la voiture s’éloigner. Quelques minutes plus tard, nous montons tous dans les différents véhicules pour regagner nos pénates.  

Il est 6h00 du matin! Malgré ce final un peu tragique, qui m’a pris les tripes, il s’agit tout de même d’un grand moment de bonheur. La fête a été magique et je sais la chance incroyable que j’ai eu d’assister à un tel événement. Je me couche avec de belles images, plein la tête.
Un peu plus tard dans la matinée tout le monde tourne au ralenti! Dans la maison, les individus se lèvent, progressivement, l’un après l’autre, à partir de 11h00! Nous allons partager un petit-déjeuner traditionnel! Je devais normalement partir ensuite à un repas, le midi, chez Sofia et son mari. Finalement, puisque seulement les femmes y sont conviées, je reste avec Si-Mohammed. 

Je vais découvrir l’envers du décor pour les hommes marocains. Il m’emmène chez l’un de ces amis, qui a une petite maison, à proximité du lieu où il produit des briques de terre. Nous discutons, regardons des clips musicaux avec des filles dénudés, nous jouons au rami marocains. Les uns fument cigarettes ou chichas, les autres boivent, certains prennent du tabac noir, dite la « Cocaïne Marocaine »! Les 5 piliers de l’islam sont parfois bafoués par les pratiquants. Il y a souvent non-respect des prescriptions liées à cette religion comme l’interdiction de boire de l’alcool. Comme beaucoup d’êtres humains, bravés l’interdit est souvent légion! Ce que je vis n’est pas une exception mais une réalité bien vivace. Lors de ce premier week-end, je n’aurais pas pu mieux me plonger dans la vie marocaine et cela pour de nombreux aspects.

Nous devions partir dans la soirée pour rejoindre Tanger et dormir chez Nezha. Mais son mari, absent en semaine, est venu la chercher au mariage le dimanche. Peu de personne l’apprécie. Le fait qu’il ne soit pas venu à la cérémonie le samedi soir est très mal perçu. Mais plus que tout, il paraît que c’est un mari exécrable, qui agit comme un dictateur à la maison. Nezha s’est marié très tard et beaucoup trouve que son mari absent, trop souvent, n’est pas une bonne personne. Manare fait croire que nous nous connaissons depuis longtemps. Peu importe, il fait une crise de jalousie et ne veux pas d’un autre homme chez lui. En résumé, nous ne voulons pas faire des histoires. Nous resterons donc dormir une nuit de plus chez nos hôtes, les très agréables parents de la mariée.
Manar profite de ma présence pour connaître un peu mieux le pays de ces parents, son pays aussi car elle possède la double nationalité. Je me rends dans une partie du pays, une ville, qu’elle ne connait pas. Elle ne veut pas partir seul avec moi car elle sait que je continue ensuite ma route et que je ne rentre pas à Tanger. Il est facile de voir qu’elle est assez peureuse, qu’elle n’a jamais voyagé seule. Elle demande donc à Marwa de nous accompagner. Le lendemain matin, en train, nous retournons à Tanger. Nous déjeunerons chez Nezha. Je la remercierais encore chaleureusement avant de lui dire au revoir. 

Nous passons ensuite l’après-midi en ville. Je suis très surpris de voir autant de cigognes partout, en haut des minarets, sur les tours de télévision ou de radio. Je ne savais pas qu’elles migraient ici pendant l’hiver européen et que j’allais pouvoir en voir autant pendant tout mon séjour. En fin de journée, nous montons dans un bus en direction de Chefchaouen. 2h30 nous séparent normalement de notre lieu d’arrivée. Nous atteindrons finalement cette dernière à 21h00, 3h30 après avoir quitté Tanger. Deux marocains de la ville nous montrent très gentiment le chemin pour arriver dans le centre-ville. 

Près de la place centrale, adjacente à la Kasbah de la ville, nous trouvons l’auberge, à bon prix, recommandée par le guide du routard ! La chambre pour trois n’est pas d’un grand luxe mais nous convient parfaitement pour la nuit ! Nous négocions le prix et nous nous apprêtons à prendre nos quartiers. Un problème surgit du fait que nous voulons avoir une chambre mixte. En effet, il est interdit pour les musulmans d’avoir des rapports sexuels avant le mariage. Il est interdit pour les hôtels de donner une chambre à des marocains, s’ils ne présentent pas leur certificat de mariage. Manar a son passeport et la nationalité française mais elle ne réussira pas à faire valoir cet état de fait. Le fait qu’elle est un nom et un fasciés marocain, qu’elle est parlé en arabe et que nous soyons avec Marwa nous ont mis en porte à faux. La police peut faire des contrôles dans les établissements hôteliers. Ça serait un délit de dormir dans une chambre mixte si au moins une personne est de confession musulmane, sans preuve à l’appui. La mixité pour les étrangers n’est donc pas un problème dans les hôtels mais ce soir nous ne sommes pas exactement dans ce cas de figure. Nous plaisantons et rigolons, entre nous, sur le fait qu’il est sûrement frustré et jaloux du fait que je puisse dormir avec deux femmes rien que pour moi. 

En attendant, Nous sommes donc à nouveau dans les rues à la recherche d’une chambre pour la nuit. Un local va nous aider à trouver ce que nous cherchons. Nous arrivons un lieu assez propre, de tenue correcte, managé par une personne loin de se soucier de ces règles de cohabitation dans une même chambre. Chefchaouen n’est pas appeler « Kifchaouen » pour rien. Deuxième producteur mondiale, ils produisent de la résine de cannabis, appelé haschisch ou Kif ! La région du Rif, dans laquelle nous venons de rentrer, en est le grand producteur. Le propriétaire a déjà dû en fumer beaucoup pendant la journée. Il est totalement stone avec ces amis dans le salon. Cela ne l’empêche pas d’être une personne très agréable et serviable. Nous installons donc nos affaires et ressortons pour trouver à manger. 

A 22h30, hors saison, le choix est limité. Nous nous arrêtons dans l’un des restaurants touristiques de la place centrale de la ville. La soupe locale, harira, à base de tomates, farine, pois, pâtes et viandes, ainsi que différents tajines font notre bonheur. Les serveurs sont tranquillement accoudés à une table derrière nous. Ils sont en fin de service et profite de ce temps plus calme pour boire un thé et fumer à l’aide d’une pipe longue et rectiligne. Par curiosité, je leur demande ce que c’est ! Vous croyez qu’ils se cachent? Tout faux ! Ici, tout le monde fume en toute impunité. Ils sont simplement en train de tester, pour la énième fois de la journée une des plantes du terroir. Il la fume pure grâce à cet outil que je vais ensuite revoir de nombreuses fois. La journée s’est évaporée, la fatigue commence à se faire sentir. Nous regagnons alors nos pénates. Les filles ne sont pas habituées à ce genre de confort et de températures. Elles dormiront ensemble dans le grand lit pour essayer de se réchauffer. La nuit sera longue car elles auront un peu froid malgré les 4 couvertures et la chaleur corporelle produite par l’une et l’autre… Pour ma part, le confort est plus que suffisant. J’ai été habitué à beaucoup moins confortable! Aucun problème non plus concernant la chaleur.  Je n’ai pas été surnommée par plusieurs de mes petites-amies «la bouillote». J’aurais pu leur proposer de partager le même lit pour les réchauffer… mais cela aurait vraiment été de mauvais goût et l’envie n’est pas débordante pour moi. Je me contenterais donc de réchauffer mon propre lit. 

Je suis réveillé bien avant mes deux colocataires d’un soir. Je sors donc découvrir la fameuse «Ville bleue» au lever de soleil. J’arpente ces toutes ces rues du centre-ville peintes en bleue. Les différences nuances de cette couleur créent un patchwork magnifique. Au-dessus des remparts, pour observer la ville avec un autre point de vue, je vais me régaler. Une fois encore prendre de la hauteur me donne le sentiment presque de pouvoir survoler cette ville. 

Les habitants se réveillent, les magasins ouvrent. 1h30 après mon départ, je reviens dans la chambre. Elles ne sont toujours pas prêtes donc je continue mon petit tour! Mon deuxième coup d’essai pour le retour à l’hôtel sera le bon!
Avec elles, nous découvrons une autre partie de la ville. Une très belle cascade nous fait face. Le lieu est relaxant. Les femmes lavent leurs linges à la main, d’autres avec leurs habits et chapeaux traditionnels vendent des produits locaux, tandis que des petits vendeurs essayent de nous soutirer quelques dirhams! Nous avons accès à de l’eau de source pure et bonne pour la santé qui coule dans une fontaine. Marwa fait sa vraie première expérience touristique sans sa famille. Il faut la photographier partout, sous toutes les coutures et tous les angles… Personne ne pourra dire qu’elle n’est pas venue à Chefchaouen! J’aurais pu continuer de marcher encore longtemps mais la majorité des personnes de ce monde n’ont pas mon rythme et elles ont des habitudes qu’il faut respecter. Ces dames ont faim. Cela tombe bien car, par hasard, nous faisons face à une superbe place pour un petit-déjeuner ! Je déguste de nouveau les gâteaux marocains dont leur réputation les a précédés bien avant que je me rende dans le pays. Je complète ce petit déjeuner copieux en mangeant une crêpe, façon marocaine, avec du fromage frais et un jus de fruit frais. Elles boivent, quant à elle, du café et mangent des viennoiseries «à la française»!

Après avoir continué la découverte de cette fabuleuse ville, avoir arpentés les rues, avoir faits des achats, nous dégusterons un délicieux poulet fermier avec ces frites, dans un petit restaurant local ne payant pas de mine mais dont les produits sont frais et produit localement. La clientèle locale afflue en masse ce qui est toujours une assez bonne indication concernant la qualité des lieux, du service et surtout de la nourriture.
Les filles ont décidées de rentrer dès aujourd’hui sur Tanger. J’hésite à rester une journée de plus, mais je sens bien que cela rassurerait Manare si je prenais le car avec elle. En effet, elle n’avait pas prévu ce petit périple et pensait rester en famille. Elle est très contente d’avoir pu vivre cette petite aventure la concernant. La compagnie d’un homme et d’autres paramètres ont été rassurants. Elle n’est pas la plus téméraire des voyageuses en sac-à…, en valise à roulettes ! Après la faveur qu’elle m’a faite, je peux bien faire cela pour elle. Je m’arrêterais en chemin dans la ville de Tétouan. Après une heure et demi de bus, je descends donc et les laissent poursuivre leur route. J’apprendrais plus tard que Marwa va bien, et que Manar a passé une bonne fin de séjour au Maroc, et qu’elle est bien rentrée en France pour ces obligations professionnelles et personnelles.

Après de longues semaines entourées des proches,  puis à profiter de la montagne, à vivre cette superbe expérience de mariage marocain, me voilà de nouveau seul sur les routes du monde! Ais-je peur de l’inconnu ? Aurais-je oublié comment fait-on pour passer un bon moment seul dans un pays que je commence juste à découvrir ? Non, rassurez-vous, je reprends mes repères sans perdre une seconde. Je m’émerveille de petites choses que m’offre cette ville aux atouts certains… En revanche, un petit « je ne sais quoi» me tiraille le ventre. Un pincement au cœur s’est installé insidieusement.

Je trouve assez rapidement un hôtel ressemblant à un Riad près du palais royal. Cet hôtel a vieillit. Il n’est pas entretenu de la meilleure des façons. Mais pour une adresse à bas prix, je vais tomber sur un petit bijou. Je m’installe en premier lieu, dans un autre hôtel tenu par le même gérant. Il se trouve dans la même rue, mais il est moins cher ! Je pars ensuite explorer les rues de la Médina (centre-ville entouré de remparts et constitué d’un enchevêtrement de ruelles étroites, où il est facile de se perdre. L’étroitesse des rues combinée avec la hauteur des maisons permet de ne pas laisser passer la lumière, ce qui est un vrai avantage quand il commence à faire très chaud), des souks de la ville (marché où les corps de métiers se regroupent au même endroit). Un «guide» m’interpelle dans la rue. Il souhaite me rendre services, me faire partager ces connaissances, soi-disant gratuitement. Il va me conduire dans les tanneries de la ville, chez un herboriste qui me fera un massage très décontractant. Il finira ce «tour touristique», par la soi-disant coopérative berbère vendant des tapis, babouches et tous autres biens qui se vendent aux touristes… Je ressortirais de ce petit tour sans avoir fait aucun achat, en ayant appris différentes choses, en ayant eu le droit de boire, deux fois, un thé à la menthe. Mon guide momentané espérait bien obtenir une commission en me conduisant dans ces lieux. Il me demandera, en me ramenant à l’hôtel, si je peux lui donner un petit quelque chose, pour le geste… Je ferais ce geste aucunement par obligation mais parce que j’ai passé un bon moment. En lui donnant 15 dirhams, je ne risque pas non plus d’être ruiné le lendemain. Je me promets néanmoins par la suite de tenir ma parole et de dire clairement que je ne donnerais rien à ces personnes qui me guideront ou me suivront si le cœur leur en dit.

De retour à l’hôtel, le gardien va me demander de le suivre pour remplir la fiche de renseignement obligatoire dans chaque logement. Nous devons pour cela retourner dans l’hôtel où se trouve le propriétaire. Je crée directement un contact très sympa avec le propriétaire et ces acolytes soixantenaires, dont un espagnol qui explore et vis en Afrique depuis plusieurs années. Il mène des projets à but non lucratif dans les montagnes du Rif qui se trouvent non loin d’ici. Il est accompagné d’un ami berbère. Ils sont à Tétouan pour quelques jours avant de repartir dans leur montagne. Le propriétaire me propose rapidement de me rapatrier dans l’hôtel qu’il habite sans supplément tarifaire. Les échanges iront bon train. J’apprendrais énormément de choses sur ce pays, l’Afrique, ces beautés et ces dangers. C’est une magnifique introduction pour ce premier vrai jour, en solo, sur ce continent que je souhaite découvrir beaucoup plus en profondeur… Je suis sûr que ce berceau de l’humanité peut me m’apporter son lot de souvenirs mémorables. J’espère pouvoir très vite faire démentir les préjugés que nous pouvons avoir les européens, par l’intermédiaire des médias qui ne retransmettent que les événements négatifs, les problèmes sous-jacents qui minent beaucoup de pays dans cette partie du monde. Je suis pourtant intimement convaincu que ces faits néfastes, rapportés à nos oreilles, ne sont qu’une infime partie de la réalité de l’Afrique. Ils contribuent à nous donner une image sans doute erronée, très loin de la réalité de tous les jours de la majorité des habitants de ce continent multiculturel, multi-ethnique et aux beautés d’une variété inépuisable. J’espère dans les jours, semaines, mois à venir pouvoir vivre au plus près des belles et bonnes choses de ce continent et vous les faire partager.

Il est plus d’une heure du matin, quand je me plonge dans mon lit après une bonne douche chaude. J’ai pu et je pourrais, le lendemain, consulter internet. Le bonus supplémentaire est que cet hôtel possède la Wifi.
Le lendemain, je vais passer la journée à déambuler dans les rues de la nouvelle ville très aérée, chargée d’histoire. Je retourne ensuite dans les dédales des rues, qui s’enchevêtrent, de l’ancienne médina. L’ambiance créée dans ces lieux est fascinante, intime quand on se retrouve dans des coins superbes où les activités commerciales, artisanales, rythment la vie des quartiers, où les passants, présents pour diverses raisons, participent aussi parfois à l’authenticité des lieux. Le chaos n’est pourtant parfois pas loin. Les puits de lumières ne sont, régulièrement, pas assez rassurants après avoir traversée une ruelle obscure, qui nous plonge même dans le noir. L’activité intense et quotidienne est incroyable quelle que soit l’heure de la journée. Seule la traditionnelle prière du vendredi après-midi, la plus importante, où beaucoup de musulmans se rendent, serait cassé cette dynamique qui donnent une âme particulière à ces villes marocaines. Comme dans tous ces pays en développement, la concurrence est rude pour chaque produit mis sur le marché. En effet, ils sont regroupés par corps d’activité. Il est facile de compter des dizaines de magasins, petites échoppes, stands ambulatoires vendant exactement les mêmes choses… pourtant tout cela se passe avec diplomatie, respect, sans confrontation régulière, coups-bas, ou autres plans démoniaques pour détruire son concurrent.

J’ai décidé de prendre le bus de nuit en direction de Fès (en arabe: فـاس). Le départ est seulement prévu à 23h30. Je passe toute la soirée dans l’hôtel, à surfer sur internet, discuter avec le propriétaire, boire le thé. Une heure avant le départ en bus, je prends mon sac-à-dos et je descends à pied jusqu’à la gare routière. Beaucoup de personnes déconseillent de se promener, la nuit tombée, dans les villes du Maroc. Tétouan ayant eu pendant longtemps une très mauvaise réputation. Je me sens vraiment en toute sécurité.
La nuit va être très courte. Je m’endors pourtant sans problème, bercé par le trajet en bus. Mais, à 5h00, nous sommes déjà arrivés à destination. Je trouve un endroit tranquille dans la gare routière pour m’installer avant d’aller trouver un logement. Je fais quelques petites choses sur mon ordinateur en attendant que le soleil se lève. 

Ensuite, je vais très vite trouver un hôtel, aidé par un rabatteur. Je négocie la chambre pour deux nuits. Je ne reste que quelques minutes, puis je décide immédiatement d’aller explorer les environs. Fès est une ville des fameuses villes impériales du pays. Elle se trouve à 180 km de Rabat, et 60 km de Meknès, à l’Est de ces dernières. C’est actuellement la troisième ville en termes d’habitants, après Casablanca et Rabat. Elle a été fondée, au début du IXème siècle, sous le règne d’Idriss II. Elle recèle de nombreux secrets que je vais essayer de percer. Pour commencer ma visite, je me promène à l’extérieur de l’enceinte de la veille ville. Je prends de la hauteur sur les collines environnantes. J’y découvre des mausolées, une vue imprenable sur la ville et surtout la nature agréable des environs. Certaines personnes font sécher les peaux qui sortent tout juste des tanneries, d’autres se promènent à dos d’âne, ces derniers tirent aussi parfois de petites carrioles bien remplies. Je passe à travers un cimetière avant de me présenter devant une des grandes portes à la fois visible et voilée. En effet, Fès ne se livrent pas si facilement que cela. Pour beaucoup, Fès est un sanctuaire. D’ailleurs les Soufis, ces initiés de l’islam, l’ont toujours dénommée comme telle; La Zaouïa. Comme dans des temps révolus, je n’ai pas à demander l’hospitalité à son fondateur et à son saint patron, mais je découvre ces lieux avec recueillement. Je pénètre dans sa médina, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette dernière est inchangée depuis le XIIème siècle. Je me prépare donc à un vrai retour dans le passé. Son rayonnement international en avait fait l’une des capitales de la civilisation arabo-musulmane. J’ai vraiment envie de découvrir le bleu profond de ses céramiques qui sont le symbole de la ville, ou les plus grandes tanneries du pays qui ont obtenues leur notoriété avec les photos de Yann Arthus Bertrand dans «La terre vue du ciel».
Le programme semble alléchant et la réalité du terrain ne va pas me décevoir. Rentrant du bon côté, je vais tout de suite avoir accès à la plus grande tannerie du pays. Sa réputation et sa beauté sont liées aux bassins en terre de couleurs où sont plongés pendant plusieurs jours les peaux après avoir subies un processus de fabrication long et très particulier. Ceux sont des entreprises familiales qui se transmettent les droits et les connaissances de père en fils. Le business est juteux mais le travail est dur et pénible. Il est entièrement manuel et traditionnel. Après avoir réuni les peaux de différents animaux (vaches, dromadaire, chèvre), il faut les débarrasser des poils, les figer dans le temps et arrêter le processus de décomposition en les trempant dans un mélange fait de fiandres de pigeon. Toutes ces actions sont faites par les hommes qui n’hésitent pas à se plonger dans ces mélanges avec des protections minimales pour leur peau, pour leur santé. Après plusieurs jours, la peau est rincée dans de grandes rinceuses en bois. Ils doivent s’assurer que les aspects visuel et tactile sont ceux recherchés. La teinte du cuir est encore une partie qui demande du temps et de l’énergie. En tout cas, en cette matinée, sur une terrasse dominant la tannerie, je prends le temps d’admirer l’ensemble du processus, les hommes en pleines activités. J’obtiens de nombreuses explications grâce à des guides qui mènent des groupes de touristes. 

Cette ville est très fréquentée par les touristes qui viennent voir tous ces secrets. Au vu de la grandeur de la ville, il est néanmoins très facile de s’en éloigner et de ne pas les voir trop longtemps. Me promenant, en suivant des circuits fléchés, je vais tomber sur de petites merveilles tels que de veilles mosquées, des anciens temples, des mausolées, des musées sur les arts marocains et le bois. L’activité dans les rues, l’ensemble des boutiques de la médina sont visuellement très intéressants. J’aime les magasins de babouches avec une multitude de couleurs intenses, les magasins avec des tas d’épices de de la région qui sentent particulièrement bons, des thés, des produits médicinaux. J’ai du mal à résister à la tentation d’acheter des produits dans les boutiques vendant les gâteaux marocains, des fruits secs, ou tout type de noix ou autres amandes. En revanche, les boucheries me rebutent un peu. C’est impressionnant de voir comment ils traitent la viande et la vendent en gros. Ils vendent toutes les parties de l’animal. Souvent les têtes, les pieds, les viscères, les tripes, la graisse sont exposés, pendus à l’air libre sur des crochets et vendus comme les «parties nobles». De nombreux artisans travaillent dans de petits ateliers, ou directement dans la rue. C’est passionnant de voir l’un d’entre-eux taper le fer, l’autre le cuivre. Certains font des ustensiles plus ou moins volumineux utilisés dans la vie quotidienne du marocain, d’autres font des objets destinés à l’achat plaisir des autochtones ou touristes. Ça peut être des plats, des décorations murales, des bracelets ou colliers…

Je me dirige ensuite, en fin d’après-midi vers la ville nouvelle. Je passe devant de très beaux monuments architecturaux, un parc verdoyant agréable, procurant un peu de fraîcheur. En effet, à cette époque de l’année, il fait frais parfois froid la nuit surtout dans les villes en altitude. Mais la journée les températures peuvent allégrement monter et dépasser les 30°C. Arrivant en bordure, de la ville nouvelle, je vais tomber sur un centre commercial, un Carrefour. Par curiosité, je rentre. J’ai la sensation de me retrouver dans un autre monde que je connais très bien. La différence est flagrante avec la vie des personnes que j’ai pu côtoyer dans la médina. Dans ce supermarché, les produits de bases sont jusqu’à deux fois plus chers qu’en France, alors que le niveau de vie moyen est nettement en-dessus. Ces lieux sont donc réservés à l’élite de la population marocaine. Je ne reste pas longtemps, regagnant rapidement l’atmosphère dépaysant de la veille ville. 

Vendredi 14 février 2014 à Fès. La médina semble endormie. Une majorité des magasins sont fermés. Pourtant, je ne vais pas m’ennuyer. Je trouve des endroits où les personnes se regroupent. En ce jour spécial de prière toutes les mosquées sont grandes ouvertes ainsi que leur porte. La très grande majorité des mosquées, au Maroc, sont interdites à toute personne non-musulmane. Seule la grande mosquée de Casablanca peut se visiter après acquittement d’une somme importante, ou une mosquée liée à un palais à Meknès est observable depuis le palais (ce n’est pas le cas dans beaucoup d’autres pays, où l’accès est possible comme en Inde, dans d’autres pays d’Afrique…). Même si je connais ces règles, ma curiosité va me pousser à enfreindre cette loi. Enlevant mes chaussures, je pénètre dans la plus grande d’entre-elles en plein centre de la médina. Je vais pouvoir y admirer le mode de construction, la sensation d’infinie qui y règne, le soin du détail, la beauté de la mosaïque… Oups, je vois finalement quelqu’un qui se précipite vers moi. Je ne demande pas mon reste et regagne la sortie avant même qu’il n’est pu me rejoindre Un des gardiens de cette mosquée m’a vu. Je n’ai rien fait de mal et j’ai essayé de le faire le plus respectueusement possible. D’ailleurs personne ne me dira vraiment rien même ce gardien qui ne me fera aucun procès ou aucune remontrance.  Puis je continue l’exploration de la veille ville.

Le matin, j’avais lavé mon linge en prenant ma douche. Je l’ai étendu sur le balcon de l’hôtel. Passant pas très loin, je décide d’aller vérifier s’il est sec pour le ranger. Dans la petite pièce couverte qui se trouve sur ce balcon, le gardien de l’hôtel déguste un couscous avec une cliente japonaise. Il me propose de se joindre à eux. N’ayant pas encore mangé, je ne peux qu’accepter cette invitation. Ce plat est délicieux. Je me régale, en bonne compagnie.

En fin d’après-midi, je me promène sur les places où une dense population de marocains se retrouve en groupe. Les hommes, d’un côté, jouent aux cartes, discutent, les enfants sont posés auprès de la fontaine, joue avec les vélos, les scooters ou mobylettes, les femmes se retrouvent aussi dans certains endroits, regardant l’activité autour d’elles et discutant. Au hasard de mes promenades dans ces ruelles, je vais découvrir de petits bijoux, tels des palais, de belles structures architecturales extérieures, des petits magasins offrant de très bons produits locaux, du bon pain. 

J’ai décidé, en cette soirée, de ne pas rentrer trop tard à l’hôtel. J’ai envie de pouvoir me poser un peu dans ma chambre et consulter internet. J’ai juste, auparavant, réservé mon billet de bus pour la prochaine destination, dès le lendemain. 
Il nous faut plus d’une heure pour atteindre Meknès qui est seulement à 60 kms à l’Ouest sur la route pour Rabat. Je sais que c’est une des rares villes dans le pays où il existe une auberge de jeunesse. J’ai donc envie d’essayer pour voir à quoi cela ressemble. Malheureusement les dortoirs sont pleins et je dois payer les deux lits, si je veux une chambre double. Cela me couterait presque 10 fois ce que je vais finalement débourser pour une nuit. Je trouve une chambre dans un immeuble vétuste, avec des toilettes à la turque, et une literie qui laisse à désirer. Mais cela fera bien l’affaire pour la nuit et ce dernier est très bien situé.

Je visiterais la ville seulement le lendemain. En attendant, je pars, en taxi collectif, découvrir 2 lieux très importants, à une trentaine de kilomètres de là. Je me rends dans la ville de Moulay-Idriss qui est spirituellement très importante au Maroc. Lorsque les musulmans n’ont pas les moyens d’aller à La Mecque, ils se rendent ici pour faire le pèlerinage de leur vie. Cette ville construire sur deux collines est aussi le lieu du premier voyage d’un roi après avoir accéder au trône. Cette petite ville possède un certain charme que je vais explorer. Je me rends à l’entrée de sa mosquée si importante pour les musulmans marocains, en résumé l’ensemble de la population. Puis je me rends à un point de vue où je domine la ville et où je peux admirer ces principaux atouts en hauteur. 

Mais le petit bijou des lieux, c’est la ballade dans la campagne environnante. A cette époque, dans cette région, la nature est foisonnante. Les champs sont verts, les oliviers resplendissants et de nombreux champs de fleurs viennent embellir un peu plus le paysage. J’emprunte un chemin de terre, découvrant cette belle région et ayant surtout l’intérêt de me conduire vers un site historique important. Il s’agit des ruines de la cité de Volubilis qui a éclot au IIème siècle av. J.-C. Elle s’est développée rapidement dès qu’elle est entrée dans le giron de l’empire romain. Elle atteindra une superficie maximum de quarante hectares, avec deux axes principaux, de sublimes maisons et édifices, une arche, un centre religieux, des kiosques de travail et échoppes. Des mosaïques, des vestiges grandioses avec de nombreux bassins, piscines… révèlent un faste révolu et que le temps a bien abimé. Une fois encore suivre de temps en temps un des seuls groupes se trouvant sur les lieux me permettra d’avoir de plus amples informations. J’aurais aimé attendre le coucher de soleil avant de rentrer mais n’étant pas sûr de trouver un moyen de transport pour Meknès, je regagne Moulay-Idriss en fin d’après-midi où je trouverais facilement à rentrer. La seconde ville impériale que je visite m’accueille de nouveau dans son enceinte. 
Meknès (arabe: مكناس) a été fondée en 711 par la tribu des Meknassa. Elle fut la capitale du Maroc durant le règne de Moulay-Idriss (1672-1727) et elle appartient aussi au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1996. Un des symboles les plus forts est la porte Bâb-Mansour, qui a été achevée en 1732. Elle est la plus imposante du Maroc, voire de l’Afrique du Nord. Lors de cette deuxième journée, j’arpente les rues de cette ville qui n’est pas aussi touristique que sa voisine. Néanmoins les centres d’intérêts sont importants. Je vais commencer par visiter le Mausolée de Moulay Ismaïl qui abrite son tombeau et qui est ouvert au non musulmans. Je verrais ensuite l’ingéniosité de la construction des remparts avec des lieux où les assaillants pouvaient se faire prendre au piège entre deux murs. Des lieux sublimes nous ouvrent leurs portes, d’autres, comme le palais royal de la ville, restent totalement hermétique à la visite d’un étranger ou d’une personne marocaine lambda.

Après avoir visité les principaux lieux d’intérêts, je me rends dans le marché couvert puis dans la médina de la ville. Là encore, il n’y a pas besoin de guides ou de lieux spécifiques pour en prendre pleins les yeux et se sentir à mille lieux de la ville à l’occidentale. Se perdre, tout en gardant son sens de l’orientation, dans les dédales de ces rues étroites, est le meilleur moyen de rencontrer des locaux, de découvrir des endroits uniques et de passer des bons moments. Les habits, les façons de faire, le faciès des passants sont source pour moi d’inspiration. Si de nombreuses personnes ne refusaient pas de se faire prendre en photos, j’aurais pu tirer des centaines de portraits, tous avec leurs particularités et leur unicité. 

Je me sens vraiment bien dans ces différents lieux. Le Maroc est tellement varié, les possibilités sont si grandes que je pourrais y rester, sans problème, plusieurs mois. Ce n’est pas ce que j’ai envisagé mais j’ai envie de me faire une bonne idée de ce pays. Je pense depuis toujours qu’un mois est le temps minimum pour vraiment se plonger dans la vie d’un pays, ces coutumes. Mon programme risque d’être assez chargé ici. J’ai réservé mon billet de bus de nuit, pour descendre beaucoup plus au sud. Je ne ferais pas escale dans le moyen et haut atlas central. Je ne ferais que la traverser. La région est très belle pour randonner mais les conditions climatiques un peu froides encore en ce milieu du mois de Février. Si j’ai la chance, j’aimerais revenir plus tard pour exploiter ces autres possibilités, avec entre autre l’ascension du plus haut sommet d’Afrique du Nord près de Marrakech. Le bus de nuit arrive à 5h00, à Rissani, dans la région des oasis du Sud. Je m’apprête à découvrir des paysages totalement différents. 
Des rabatteurs sont là pour essayer de nous vendre leur tour. Je refuse catégoriquement et spontanément. J’avais déjà répondu par la négative à une proposition d’un rabatteur lors d’un arrêt dans la ville d’Erfoud. Une deuxième personne me propose, ce que je désire, juste le trajet pour me rendre dans la ville de Merzouga, aux portes du désert saharien, à 60 kilomètres de là. Il me dit qu’il ne part pas tout de suite, attendant deux autres touristes qui arriveront un peu plus tard. Peu importe, il fait encore nuit. Nous attendons donc à la gare dans son 4x4. Puis il me propose le petit-déjeuner. Nous prenons une omelette berbère avec du pain et du thé. 

A 7h00, les deux autres personnes sont finalement arrivées. Le jour est levé mais le ciel très couvert. Je n’ai pas encore réalisé que je viens de me faire prendre dans un rouage où il va faire tout pour me vendre son tour touristique. Avec son 4x4, il ne nous conduit pas exactement dans la ville de Merzouga, mais dans un campement-hôtel avec lequel il travaille. Il est de bonne humeur, plaisante, mets de la musique à volume maximum… Il est dans sa demi-heure séduction. Et il est très bon dans ce domaine. Le couple lui précise qu’ils veulent voir une personne qui leur a été recommandée par un ami et qu’ils ne feront rien avant de l’avoir vu. De mon côté, je ne sais pas sur quel pied danser. 

Sur place, je fais la rencontre de Waslaw et Delphine, un couple de sudiste français, qui prennent leur petit-déjeuner. J’aime les personnages et les discussions que nous entreprenons. Voici, maintenant venu le moment où le piège tendu par Mohammed, le chauffeur du 4x4, se referme. Il me prend à part, me parle du tour qu’il offre et de la possibilité de commencer dès le matin. Je sais que les prix pour les prestations proposées correspondent à la norme dans la région. J’aurais juste bien voulu me rendre dans une des auberges de Merzouga pour faire mon propre choix. Maintenant, soit j’accepte ce tour avec lui. J’ai l’assurance de partir dans la journée, avec un couple qui me semble fort sympathique, et je n’ai pas besoin de courir à gauche et à droite. Soit je prends le risque de suivre ma première intention. De me rendre comme il me l’a promis à Merzouga et d’aviser sur place. Après avoir hésité, renégocié encore un peu les prix, j’accepte la proposition. J’ai baissé ma garde. Je ne suis pas resté camper sur ma position. Ais-je fais le bon choix? Seuls les prochains jours m’apporteront des éléments de réponse. En tout cas, Il a réussi ce pourquoi il était venu à la gare ce matin. Je suis persuadé maintenant qu’ils sont plusieurs, de mèche, et qu’il savait que j’arrivais avant même que je mette le pied à Rissani. Waslaw et Delphine me disent qu’ils se sont retrouvés dans le même cas et qu’ils ont aussi été pris dans le piège.

Je vais avoir toute la matinée pour prendre mes marques, faire un peu plus connaissance de mes nouveaux compagnons de voyage, avec qui je m’apprête à passer 3 jours. Je vais aller explorer le petit village qui se trouve à proximité. Je vais rencontrer des enfants avec lesquels je rigole bien, je joue au ballon, nous nous amusons avec mon appareil photo même si j’y fais particulièrement attention. Par contre, le temps n’est pas au beau fixe. Nous sommes plongés dans une petite tempête de sable, la visibilité n’est pas très bonne, le sable est partout. Il virevolte même dans l’air. Rien d’alarmant, non plus, le sable nous fouette pas encore le visage et nous voyons à plus d’un mètre. Et puis au pire, la Kasbah n’est pas très loin. Nous pourrions attendre à l’abri si les conditions empirées. 

En début d’après-midi, nous faisons la rencontre avec notre chamelier. Nous nous préparons à partir dans les dunes pour y passer 2 nuits. Contrairement à ce qui est dit, au Sahara, il n’y a pas de chameau mais des dromadaires. Ils ont été apportés, voilà plusieurs siècles, dans ces contrées, changeant ainsi la donne pour le commerce et les échanges entre ces pays lorsque les dures traversées du désert, pour lesquelles ces animaux sont parfaitement adaptés, étaient obligatoires. Les caravanes passés des jours dans ces milieux pour délivrer leurs produits et vivre de ces échanges. 

Nous entamons donc une promenade dans ces magnifiques dunes de sable avec des beaux reflets rougeâtres. Ces dunes sont imposantes. Se retrouver au milieu de ces dernières sur un dromadaire, en petit nombre, a tout son charme. Il ne manquerait plus que le soleil fasse son apparition pour que nous passions un très bon moment. Arrivés au premier campement pour la nuit, nous nous promenons dans les dunes, atteignons le sommet d’une d’entre-elles avant que la nuit fasse son apparition. Les formes créées par les dunes sont voluptueuses et remodelées en permanence. C’est exceptionnel de prendre conscience que le moindre grain de sable provienne de l’érosion lente des roches, que les vents les ont accumulés en quantité vertigineuse, dans ce lieu précis, au cours des siècles passés. Au sommet sur la crête, le vent souffle, le sable est en perpétuel mouvement. Il recouvre très rapidement les empreintes que nous avions faites et laissées derrière nous. J’aime la métaphore à laquelle cela me fait penser. Quelle que soit l’empreinte qu’un homme veut laisser sur la planète, cette dernière s’efface toujours plus ou moins doucement, avec le temps, et la nature reprend toujours ces droits.

Nous rentrons au campement alors que la nuit s’est installée insidieusement et rapidement. Nous n’aurons pas la chance de voir une magnifique nuit étoilée. Nos chances de grand beau temps, le lendemain, semblent compromises. Petit à petit, nous constatons que la prestation est bien en-dessous de ce que nous avions espérés. Lors de la ballade, nos dromadaires ont toujours été attachés les uns aux autres, dirigés par le chamelier à pied. Delphine aimerait vraiment que nous puissions avoir les reines pour les conduire nous-même dans ces dunes de sable. Ensuite, notre chamelier qui doit aussi être notre guide, n’a pas les connaissances requises. Il ne connait pas les plantes, ne parle pas le berbère et n’est pas capable de nous donner même des informations basiques sur la région. Quand je l’interroge sur le fait qu’il soit pensif, il me révèle qu’il ne sent pas à sa place ici et qu’il aimerait ne plus continuer à faire ce genre d’activités touristique. Ce n’est donc pas un homme de la région. Il n’est pas heureux. Cela promet pour les jours à venir. La déception est grande et nous sommes persuadés que nous ne sommes pas au bout de nos désillusions. 

Heureusement, le repas est copieux et assez bon. Nous avons eu peur qu’ils ne fassent rien en soirée. C’est finalement le guide d’un couple qui fait un tour de 2 jours qui va montrer le plus d’enthousiasme. Il prépare un feu. Ils vont chanter au rythme des tambours alors que nous nous essayerons aux instruments. Il n’y a rien de transcendant mais cela nous permettra de passer une bonne soirée. 
Je me réveille avant le lever du soleil le lendemain matin espérant avoir une bonne surprise. Malheureusement, le temps est toujours couvert. La ballade sur une des plus grandes dunes de l’Erg Chebbi est agréable. Malgré un plafond de nuages de sable très bas, les paysages restent enchanteur, ils me donnent envie d’aventure, de voyage au long cours dans les conditions de mes ancêtres nomades. Ne pas voir le lever du soleil dans un tel cadre est un peu dommageable mais je crois en ma bonne étoile et nous avons encore 2 jours et une nuit. Après un petit-déjeuner simple, je vais assister à une scène qui me révolte. Notre chamelier, énervé par le fait que les dromadaires se soient un peu dispersés, puis que l’un d’eux ne veut pas se laisser faire lors du harnachement, va rentrer dans une colère incontrôlée. Il tape le dromadaire à coup de cravache, puis il utilise des coups de pieds sur son visage. Je suis outré et j’ai envie de crier. Je vais assez vite lui faire comprendre que je ne peux admettre de tels actes. Le mal est pourtant fait, le dromadaire a le nez en sang. En ce début de deuxième journée, nous sommes tout de suite mis dans l’ambiance. Heureusement, que Delphine et Waslaw sont là, que la nature, qui nous entoure, est sublime, sinon je pourrais vraiment me demander pourquoi j’ai été me fourrer dans ce tour pathétique.

Nous repartons avec les dromadaires pour continuer le tour de l’Erg. Nous avançons pendant plus de 3h00 entourés par des dunes vertigineuses aux couleurs incroyables. Puis nous atteignons les limites de ces dunes spectaculaires. Nous nous dirigeons non loin de la frontière algérienne pour rejoindre un camp de nomades berbères. Les dunes sont ici quasiment plates mais non sans charmes. Au loin, nous pouvons apercevoir une sorte de plateaux, des dunes avec une roche très foncée. Notre campement se trouve bien avant cette formation géologique. Nous aurions pu faire une pause pour le déjeuner avant de terminer notre parcours. Mais un nuage de poussière puis l’apparition d’éléments non naturels attirent notre attention. Nous avons très vite une idée de quoi il pourrait s’agir. Nous voulons tout de même en avoir la confirmation et approcher au plus près de ce regroupement d’objets étranges, en mouvement, au milieu de ce désert. Nous continuons donc aussi vite que possible jusqu’à notre habitation pour la nuit.
Nous sommes maintenant très proches de cette activité inhabituelle dans le désert. Nous allons à sa rencontre. Il s’agit de jeunes européens, principalement des français qui participent au 4L Trophy. Nous sommes excités par le fait de pouvoir assister à cet événement. Delphine a un ami qui travaille en tant que mécanicien dans la voiture balais. Elle espère le voir. Pour ma part, j’avais failli prendre part à cette aventure voilà 10 ans, avec mon école d’ingénieur, quand cette épreuve n’en était qu’à ces balbutiements. C’est maintenant un projet colossal. 1300 équipages participent, 1300 4L qui se meuvent dans le désert marocain. Nous allons en voir aujourd’hui la moitié. Lk ;’épreuve de la journée et du lendemain sont partagées en deux. 650 voitures qui doivent passer un bac-à-sable c’est tout de même très intéressant à voir. Dans ce passage délicat, certains vont très bien s’en sortir, d’autres s’embourberont après seulement quelques dizaines de mètres. Heureusement ces voitures sont légères, l’entre-aide entre équipage présente au quotidien. L’aide de quelques volontaires, l’utilisation de plaques de désensablement et le tour est joué, les équipages peuvent continuer leur aventure. De plus, l’organisation, avec de gros 4x4 est bien rodée. Nous discuterons avec plusieurs équipages, les officiels de l’organisation, des journalistes qui couvrent l’événement. La plupart profite de ce bouchon, pour se nourrir, prendre le temps de discuter avec les équipages-amis,… Le fait de tomber sur cette étape du 4L Trophy est une vraie distraction. Nous nous régalons tous. L’ambiance est bonne. Malheureusement, Delphine ne pourra pas voir son ami car il se trouve dans l’autre groupe de la journée.

Nous regagnons finalement notre campement avant même que toutes les voitures aient passé ce piège. Nous avons faim et dégustons sous notre tente berbère une très bonne salade composée. Pourtant, les quantités ne sont pas suffisantes. Ce n’est pas moi qui le dit mais Delphine qui s’en plaint. Pendant ce temps, les dernières voitures passent le bac-à-sable et s’éloignent doucement, en file indienne, dans ce qui sera bientôt plus qu’un nuage de poussière. Le silence complet est maintenant revenu. Nous sommes seuls au milieu de nulle part, sous notre tente de nomade, avec nos dromadaires, un couple berbère et leur cheptel de brebis. L’image fait rêver pour quelques jours. Mais, je n’aurais pas forcément l’envie d’adopter ce genre de vie pour plusieurs semaines ou mois. De plus, une fois encore, nous allons être déçus. On nous avait promis de passer une journée avec une famille de nomade berbère. Premièrement cela fait très longtemps qu’ils sont sédentarisés et ne se déplacent plus au grès des saisons. Ensuite, nous ne verrons l’homme qu’une fois quand il viendra nous saluer à notre arrivée, et la femme aussi, une seule fois, quand elle viendra sous la tente essayer de nous vendre des objets hideux. Je les compare aux colliers de pâtes, ou autres cadeaux empoisonnés que les enfants font à leurs parents. Je suis persuadé qu’ils auraient peut-être pu mieux faire en atelier que ce que nous propose cette dame. Peu importe, nous ne partagerons pas grand-chose avec eux. Nous n’aurons pas le droit de conduire le troupeau, ou de lui donner à manger. Nous ne participerons pas à la préparation du thé, ou à la cuisine. Les lieux sont toujours aussi magnifiques mais nous aurions bien voulu nous plonger un peu plus dans la culture de ce peuple. Ça ne sera pas dans le cadre de cette excursion. Le chamelier n’y est pour rien, ce n’est pas lui qui nous a vendu des prestations bien au-dessus de ce qu’ils nous proposent réellement. Nous essayons, tout de même, de lui faire comprendre que certaines choses ne nous conviennent pas. Il entend très bien nos requêtes mais il ne modifiera pourtant rien au déroulement des dernières heures ensemble.

Nous n’avons pas vu de coucher de soleil. Le ciel semble bien bouché quand la nuit tombe. Je garde pourtant mon optimiste. Je veux y croire. Nous passons une soirée à trois à refaire le monde, déguster le couscous que nous ont préparé nos hôtes. Aujourd’hui, nous n’avons plus de pain, pas de fruits. Les rations sont de plus en plus légères. Cela irrite encore un peu plus Delphine qui a tellement de choses à dire à Mohammed à notre retour. Même si je suis totalement d’accord avec elle et un peu déçu, j’essaie de voir les aspects positifs de cette aventure. 

Sortant une dernière fois pour aller aux toilettes, je m’exclame sans retenu. Mes compagnons ne veulent pas me croire. Ils me disent que je ne dois pas me moquer d’eux. Pourtant la réalité est là. Ils peuvent très rapidement le constater de leurs propres yeux. Le ciel s’est dégagé, principalement au-dessus de nos têtes laissant apparaître des milliers d’étoiles. Nous en profitons de longues minutes. Voilà un bon présage pour le lendemain. D’ailleurs me réveillant une fois dans la nuit, je vais aller admirer la beauté de ce ciel étoilé une fois encore. Hypnotisé, je suis, par la beauté de la nature!
Je n’ai pas besoin d’attendre la sonnerie de mon réveil, pour ouvrir les yeux et partir dehors avant que le soleil se lève. Quand j’ai une idée dans la tête je ne l’ai pas autre part. Je mets tout en œuvre pour y accéder. C’est aussi le cas donc pour le contrôle de mon sommeil, de l’espace temporel et physique, afin d’observer un phénomène naturel que je voulais voir dans ces lieux. Le ciel est clair, le lever du soleil sur les dunes va être somptueux. Ces dernières vont maintes fois changer de couleurs. 

J’aime la nature. Les moments de solitude y sont alors doux et agréable! Je pense que cela ne changera jamais même si je ne serais pas contre, un jour, d’en partager plus avec une autre âme. 

Nous avions parlé de quitter le campement pas trop tard. Je décide donc de retrouver mes compagnons de voyage. Ils viennent seulement de se lever et le chamelier dort encore. Nous avons finalement plus de temps que prévu. Après un thé, nous reprenons notre chemin. Nous souhaitions repasser par les grandes dunes. Il ne voudra rien entendre à nos requêtes désirant prendre le chemin le plus court et respecter l’itinéraire qu’il fait habituellement. Peu importe, avec ce grand soleil, le spectacle visuel est incroyable. De plus, la journée n’est pas finie. Nous rentrons, en fin de matinée à la Kasbah Lharmada, où nous avons commencé notre tour. Je ne peux forcément pas la recommander, mais je ne suis pas aussi radical que Delphine. Je trouve que nous avons passés un bon moment même si de petits détails auraient fait la différence. La déception est importante car nous n’allons pas eu la prestation que l’on nous a vendu, surtout au vu du prix. Mohammed, qui vient nous rechercher, va à prendre pour son grade.
En attendant, nous le petit-déjeuner est servi et une chambre nous est réservé pour prendre une douche. Je profite du temps libre pour retourner dans les dunes et en profiter encore le plus longtemps possible.

Je serais peut-être bien resté une journée de plus, mais pas dans cet hôtel. Delphine serait bien allée visiter Merzouga. Mais Mohammed ne veut pas nous y emmener car il prétexte qu’il nous avait promis de nous ramener à Rissani, et que d’autres clients l’attendent. Il peut simplement nous déposer sur la route, au niveau du croisement pour Merzouga, en plein milieu du désert. Nous choisissons la solution de faciliter en repartant le jour même vers notre prochaine destination. Nous n’avons pas envie de nous compliquer encore un peu plus la tâche. Dans la voiture, Mohammed s’est totalement transformé. Il n’est plus le gaie luron d’il y a trois jours. Il n’est préoccupé que par le pneu de secours qu’il vient de perdre. Il n’en a strictement rien à faire de nos complaintes ou du fait que nous soyons mécontents. Il trouvera toujours des pseudo-excuses pour détourner la conversation.

Bref, peu importe, il est temps de tourner la page et de nous rendre vers de nouveaux horizons. C’est sous-entendu dans mes propos, mais nous avons décidés, avec Waslaw et Delphine, de continuer à voyager pour quelques jours ensemble.
De Rissani, nous nous rendons à Erfoud dans un minibus surchargé. De là, nous allons directement trouver une correspondance pour la ville de Tinghir. Nous traversons de splendides paysages de désert du Sahara. J’adore admirer ces paysages, pourquoi pas y passer quelques jours, mais je l’affirme haut et fort, je ne me verrais aucunement vivre ici. A l’arrivée à Tinghir, nous cherchons un moyen de nous rendre à notre destination finale, à 16 kilomètres de là. Nous voulons rentrer dans la vallée de Todgha qui s’étend tout le long de l’Oued du même nom sur une cinquantaine de kilomètres. Cela forme ainsi une oasis aux couleurs enchanteresses. Nous voulons plus exactement dormir au village d’Aït Baha qui est près de gorges spectaculaires.

De nombreux rabatteurs se jettent sur nous à la sortie du bus. Nous ne voulons pas les écouter. Nous voulons nous y rendre par nos propres moyens. Une personne de l’auberge, où nous voulons nous rendre, est présente. Nous allons donc décider de partir avec lui en taxi collectif. 40 minutes plus tard, nous sommes arrivés. Ils nous proposent une chambre splendide, pour 3, à un prix dérisoire. Nous avons bien fait de suivre les conseils de guides touristiques papiers que nous avons en notre possession. Nous allons déguster un délicieux repas, nous voir offrir le thé et tout simplement passer une bonne soirée.
Des personnes de l’hôtel nous proposent leur service pour nous servir de guides le lendemain afin d’explorer les environs. Nous avons vraiment envie de faire notre propre expérience, seuls. Bien nous en a pris car la promenade qui permet d’explorer les lieux n’est pas très difficile à suivre. Nous nous plongeons tout d’abord dans l’oasis, près du cours d’eau pour pouvoir regarder les paysans vaqués à leurs occupations. Ensuite, nous entrons dans la partie où les gorges sont les plus étroites et aussi les plus hautes. Les parois dépassent parfois les 300 mètres de hauteur. Continuant, nous prenons un chemin qui va nous mener sur les hauteurs de l’Oasis. Nous croisons des bergers-nomades qui élèvent leurs troupeaux, des femmes avec des ânes qui descendent des marchandises et produits à vendre de leur village. Nous avons surtout un point de vue imprenable sur l’oasis, sur les paysages désertiques environnants, et le fait que l’Oued prend sa source au pied du Haut Atlas pour se perdre dans le désert du Sahara. C’est impressionnant de voir le contraste entre la verdure qui règne dans l’Oasis autour de l’Oued, et les paysages désertiques, sinon, qui s’étendent à perte de vue.

Cette ballade de plus de 5h00 est un vrai bonheur pour nous trois. Retrouver cette liberté de mouvement, la découverte d’autres paysages nous ravie. Néanmoins, Waslaw montre des signes de fatigue. Il a sûrement attrapé une cochonnerie les derniers jours car il ne se sent pas très bien.

Nous décidons tout de même de poursuivre notre route. Après avoir récupéré nos sacs-à-dos, nous allons essayer le stop. C’est un couple de français en Van qui nous descendra à Tinghir. De là, il est plus facile de trouver un moyen de transport partant vers l’Ouest. Nous nous rendons jusqu’à la ville de Boulmane-du-Dadès. Bis Répétita, les rabatteurs sont là. Ils essaient coûte que coûte de nous vendre les mérites de telles ou telles auberge, de nous affirmer que nous devrions plutôt nous arrêter là que là, pour telles ou telles raisons. Nous n’avons vraiment pas envie de les écouter. Une fois encore, nous voulons suivre notre idée et nous rendre dans un endroit où nous pourrons faire ce que nous avons prévus.

Je ne sais pas si quelque chose aurait pu être mieux, mais nous allons tomber sur des hôtels avec un charme indéniable et un personnel agréable. Nous pénétrons en minibus dans la vallée des gorges de Dadès, qui est un des plus beaux sites de la région. Nous sommes immédiatement plongés dans la féerie des lieux, car nous progressons au moment du soleil couchant. Les couleurs des roches rougeâtres s’embrassent. Les Kasbah, maisons fortifiées, et autres mosquées complètes le tableau de conte de fées.

Pour cette première nuit, nous nous arrêtons au kilomètre 27. L’hôtel est vide. Nous sommes les seuls clients, ce qui pourrait ne pas être gage de qualité. Il n’en est rien. Les chambres sont propres, le repas exquis, et il y a une wifi qui marche plutôt bien, tout cela pour un prix raisonnable. Je ne demande vraiment pas mieux.
Le lendemain Waslaw n’est pas d’attaque pour partir se promener. Il restera donc tranquillement à l’hôtel pendant que nous partons explorer cette vallée. Nous partons en direction du Nord et de la ville d’Imdiazen. Après être passé dans une petite gorge, nous prenons très rapidement de l’altitude pour admirer les paysages façonnés par la tectonique des plaques et les caractéristiques géologiques du sol. Il n’existe pas vraiment de chemin clairement défini. Nous allons suivre un cap et essayer de ne pas trop se compliquer la tâche dans ces paysages vallonnés faits de roches calcaires. Nous tombons sur des troglodytes habités par les bergers, mais vides quand nous passons.

Puis, après plus de 3h00 de marche, nous atteindrons un village. Les habitations se confondent avec la roche. L’Oued de Dadès coule doucement depuis les hauts plateaux calcaires. Une fois encore les maisons fortifiées, présentes un peu partout, donnent un aspect magique à ces lieux. Dans cette vallée, les personnes sont très accueillantes. Les enfants nous reçoivent avec un grand sourire, veulent nous suivre. De plus, ils ne quémandent pas comme dans beaucoup d’autres lieux du pays. Nous pourrons admirer une femme préparée des galettes de pain, au feu, dans un troglodyte. Les habitants vivent ici une vie tranquille. Rester ici quelques jours, sans problème. Nous ne pouvons pourtant pas nous éterniser. Il faut tout de même que nous regagnons l’hôtel, où nous attends Waslaw, à plus de 10 kilomètres de là. Nous passons cette fois par la route. Nous admirons d’autres paysages. Nous découvrons les gorges. Nous suivons le cours de l’Oued qui assure la possibilité de cultiver les terres, de voir pousser des arbres. Après encore 2h00 de marche, nous regagnons notre hôtel. Nous avons énormément échangés avec Delphine sur le trajet, parlant de la vie, des choix, des relations en couple, ou avec son prochain. L’échange est toujours différent quand tu es à deux ou à trois. Et définitivement, à part de rares exceptions masculines dans mon entourage, je trouve toujours beaucoup plus facile de parler de choses importantes de la vie avec des femmes.
Waslaw semble aller mieux quand nous le rejoignons enfin. Nous avons décidés de profiter de cette vallée. Nous désirons tout de même nous rendre un peu plus loin. Nous rebroussons chemin par rapport à la veille. Du kilomètre 27, nous passons au kilomètre 18. Nous nous arrêtons dans une auberge qui nous a été recommandée, « Chez Isabelle». Elle ne possède que 3 chambres. C’est un jeune qui fait l’accueil, la cuisine et qui propose même ces services en tant que guide de moyenne montagne pour des périples pouvant durer plusieurs jours. Avant de profiter des lieux, je pars en direction «des pattes de singe», dénomination des locaux pour une formation géologique très particulière. Je veux pouvoir y être au moment du coucher de soleil. Le timing ne pourra pas être plus parfait. J’arrive exactement avant que le soleil ne disparaisse derrière les collines. Les couleurs sont sublimes.

Rejoignant ensuite l’auberge, je me retrouve seul avec notre hôte qui me propose le thé. Il est dans la cuisine. Il va montrer comme préparer différents tajines, après que j’ai pu passer commande pour le repas du soir. Ce cours de cuisine particulier est très intéressant. La soirée continue dans la même lancée que ces derniers jours. Avec Waslaw et Delphine, nous faisons la connaissance d’un couple belge, Stéphanie et Gorges, qui travaillent dans un centre pour les personnes aux capacités intellectuelles très limités. Gorges est aussi une personne qui a fait de long voyages au cours des dernières années. Seulement l’heure et la fatigue, nous ferons prendre congés de la salle à manger. Nous aurions pu rester des jours dans la même pièce sans que les sujets de discussions se tarissent.
Comme souvent dans le voyage, nous devons nous dire au revoir dès le lendemain. Peut-être qu’un jour nos chemins se recroiseront. Malgré le temps très court passé ensemble, parfois un lien fort se crée immédiatement. Je perçois personnellement cela après cette rencontre. Avec Delphine et Waslaw, nous partons découvrir la vallée, sous un soleil resplendissant. Nous allons nous rendre aux «pattes de singe». Ayant envie d’aller à mon rythme, je vais ensuite leur fausser compagnie pour me déplacer à ma guise et à la vitesse que je souhaite.
En début d’après-midi, nous reprenons la route et continuons toujours un peu plus vers l’ouest. Ils désirent avancer pour rejoindre un ami à Tiznit, une ville de la côté plus au sud. Je prendrais la même direction mais je désire avant cela visiter un lieu touristiquement très intéressant. Nos chemins vont donc se séparer à Ouarzazate, la capitale du cinéma marocain avec ces studios de production et de créations. J’aurais aimé passer du temps dans cette ville, surtout que Patricia m’avait donné le contact d’une personne, paraît-il, adorable. Mais même en voyage, le temps n’est pas extensible. Des choix s’imposent. Waslaw et Delphine partent en espérant avancer le plus possible, dès ce soir. Pour ma part, je prends un taxi collectif, pour me rendre à 30 kilomètres de là, à Aït Benhaddou.

Il est quasi-impossible de prévoir une durée pour un transport d’un point à un autre surtout quand on utilise des moyens de locomotions locaux. Pourtant je vais, une nouvelle fois, m’en sortir parfaitement bien. Dans ce lieu, les immanquables sont les couchers et les levers de soleil. Je vais pouvoir assister aux deux. A peine le temps de poser mon sac à l’hôtel que je pars admirer le Ksar de la veille ville. C’est un ensemble de bâtiments de terre entourés de murailles. Il s’agit d’un type d’habitat traditionnel présaharien. Des murs défensifs renforcés par des tours d’angles sont censés protégés les maisons, regroupées à l’intérieur, contre tous ennemis. Aït Benhaddou est un exemple frappant et très bien conservé de cette architecture du Sud Marocain. C’est un régal de pouvoir se promener dans ces lieux, alors que le soleil descend progressivement à l’horizon. J’admirerais le dernier rayon de soleil depuis les hauteurs de la colline jouxtant ce Ksar, et où prône un magnifique grenier pour les réserves de nourriture de la ville. J’ai fait la connaissance d’un jeune français à Ouarzazate. Je le retrouve au moment du coucher de soleil sur ces hauteurs. Nous passons finalement la soirée ensemble.
Il devait se réveiller le lendemain pour me rejoindre afin d’assister au lever de soleil. Il ne fera finalement jamais son apparition. Je suis seul pour assister, lors de cette transition journalière et quotidienne, a un spectacle qui embellie encore un peu plus les lieux. Enfin, presque seul, car 5 photographes russes ont investis les lieux. Ils se trouvent aux avant-postes, sur le point de vue idéal. Il s’agit d’un petit mont, à l’est de ce fameux Ksar… Le lever de soleil aura lieu à 7h00 précise. Il va petit à petit éclairée la citadelle qui avait totalement été abandonnée par les familles et laissé en ruine mais qui retrouve doucement de la vie et son âme d’antan.

Le classement par L’UNESCO au patrimoine Mondiale, et l’intérêt grandissant des touristes, à redonner une âme à ce lieu, pas seulement à la nouvelle ville qui s’est construite de l’autre côté. La conservation de ce Ksar me permet quoi qu’il en soit de me téléporter dans des temps immémoriaux. Utilisant mon imaginaire, j’essaie d’imaginer l’activité qu’il y avait, ici, lors de son apogée  (date de création pas totalement définie). Je prolonge le plaisir en longeant l’Oued en direction de Tamdaght à 6 kilomètres de là! Les paysages sont sublimes. Il est facile de comprendre pourquoi cette région à servit de décor à des films renommés tel que Gladiator! Je n’y écrirais pas mon nom.  Je ne laisserais pas de trace de mon passage. Seules quelques photos sans prétention me permettront dans quelques années d’avoir un souvenir un peu plus précis que celui qui se sera petit-à-petit effacé de ma mémoire, alors sûrement dans le déclin!
Le fait de dormir très peu, me permet, même avec un temps imparti assez cours, de profiter des lieux. Je pars à 12h00 d’Aït Benhaddou, mais voilà plus de 6h00 que je profite des lieux. Au croisement des routes, je vais trouver un taxi collectif, au même prix que les bus partant en direction de Taliouine. Le conducteur arrive à le remplir instantanément après quelques négociations avec les locaux. Nous pouvons donc prendre la route immédiatement. Je vais maintenant découvrir les paysages de l’Anti-Atlas. Une fois encore, ces paysages arides, de roches, sont visuellement sublimes. L’utilisation de moyen terrestre pour se déplacer devient alors comme une bande cinématographique que l’on ferait défiler devant mes yeux. Je reste scotché devant un tel spectacle et je profite de chaque instant. Nous ne ferons qu’un stop pour remettre du carburant dans la ville de Tazenakht, qui est réputée pour ces tapis berbères. Une heure plus tard, nous atteignons la ville de Taliouine.

Cette dernière est réputée pour son Safran. Cette épice est considérée comme la plus chère du monde. Il faut en effet un travail considérable pour récolter quelques grammes de pistils de fleurs qui serviront ensuite à obtenir cette épice au goût si particulier. Il faut environ 350 fleurs pour obtenir un gramme de pistil séché. Je ne suis pas du tout à la bonne saison, qui est Octobre, pour admirer des paysages recouverts de milliards de crocus violets, dont les pistils valent de l’or, pour pouvoir observer le dur labeur des paysans et le processus pour récolter cette épice.

Je vais aller visiter les alentours de la ville. Je marche dans les paysages désertiques où des villages ont poussés comme des champignons au fond des vallées où se trouvent l’Oued, de l’eau, et des endroits verdoyants où beaucoup de cultures agricoles sont possibles. Je vais essayer d’aller à la rencontre des populations! J’établis plusieurs liens avec des groupes d’enfants.

La première fois, il s’agira d’un groupe de 5 adolescents. J’ai le droit à un accueil chaleureux, et un bonjour convivial. Ils s’amusent ensuite à me faire répéter des mots en arabe. Il s’agit de petits surnoms ou insultes rigolotes destinés à l’un ou l’autre de leur compère. Cela les amuse. Nous avons ensemble plusieurs fous-rires qui vont durer pendant plusieurs minutes… Cela me fait un bien fou! Rien que pour un moment, comme celui-là, je pourrais rester sur la route encore longtemps. Je ressens le besoin de rire mais cela ne peut pas vraiment se provoquer. Il doit se vivre naturellement. Cela n’arrive pas tous les jours en voyage, avec des déplacements multiples, où il est rare de créer des relations, qui atteignent ce stade d’intimité. Les personnes, ne se connaissant pas assez bien, ont besoin souvent d’un temps d’adaptation, d’un round d’observation pour pouvoir se lâcher. Parfois pourtant ce lien se crée instantanément et il possible de vivre de tels instants. L’insouciance des enfants facilitent encore un peu plus ces possibles connexions. J’ai toujours une pensée pour mes amis du lycée, avec qui la complicité et la relation permet de souvent partager de tels moments!

Un peu plus tard, je vais rencontrer d’autres enfants aux portes d’une école. Leur comportement est totalement différent. Ils veulent directement que je leur donne quelque chose. Il demande de l’argent, mon bracelet, mes lunettes, mon sac. En bref, ils voudraient tout ce que je possède. Je n’aime pas ce genre de relation, où les enfants ont l’habitude de demander des biens à un étranger, dès qu’ils leur adressent la parole, sans même leur dire bonjour. Le rapport humain est totalement faussé et ça ne serait surtout pas une solution de céder à leurs demandes. Je vais rire avec des adolescents lorsque je ferais peur à ces enfants qui ne me lâchent plus. Ayant finalement compris qu’ils n’obtiendraient rien, ils me laissent continuer mon chemin.

A la périphérie de Taliouine, dans une grande maison, des enfants m’appelleront. Cette fois-ci, il s’agit d’enfants très bien éduqués, en vacances dans la région, et venant d’une grande ville. Seule la curiosité les a poussés à m’appeler. L’échange est très sympathique, il en sera de même avec la maman qui fera son apparition quelques minutes plus tard.

Depuis le début, c’est la même chose. Je ne sais jamais sur «quel pied danser», avant d’avoir un peu plus approfondie l’échange. Que ce soit avec les enfants et les adultes, tu ne peux jamais être sûr si la personne veut simplement t’aider, ou si elle veut te soutirer quelque chose. Beaucoup de marocains sont avenants, hospitalier, prêt à aider l’étranger, le voyageur même s’il n’a rien demandé. Spontanément, ils veulent être sûrs que tout se passe bien. Malheureusement, une minorité, qui se frotte le plus possible au tourisme, essai de profiter de toute opportunité pour acquérir quelque chose. Ces comportements diamétralement opposés des marocains instaurent le doute dans mon esprit. Je dois souvent me référer à mon intuition pour faire la part des choses. Aimant les relations en toute simplicité, je ne voudrais pas mettre ce frein pour me protéger d’une mauvaise expérience. Pourtant je n’ai pas le choix, tout du moins au premier abord.

Dans Taliouine, je m’assois pour déguster une soupe locale. En sortant de ce petit restaurant fréquenté que par des marocains, je m’apprête à acheter quelques viennoiseries. Quelqu’un me tape sur l’épaule. Me retournant, la surprise est de taille. En face de moi, Delphine et Waslaw sont là. La nuit précédente en taxi collectif, ils n’ont réussi qu’à se rendre à Tazenakht. Ils ont passés la nuit dans cette ville dont les habitants sont vraiment peut accueillant. Dans la journée, ils ont voulus découvrir les tapis berbères et en acheter un. Ils font un stop dans cette ville et ils s’apprêtent à continuer la route vers Taroudant puis en direction de Tiznit où leur ami réside, alors qu’il est déjà plus de 17h30. C’est la dernière fois lors de ce séjour que je les ferais. Je ne sais pas jusqu’à où ils auront pu se rendre dans cette soirée. Quoi qu’il en soit, la surprise fut belle car totalement inattendue. Je les croyais déjà très loin d’ici.

Cette journée va être le déclencheur final pour me remettre totalement dans le bain du voyage. Après tous ces moments, je vais trouver une connexion correcte pour parler sur Skype avec ma famille et celle d’adoption du voyage, l’Akilifamily. Une amie va aussi me mettre en relation avec quelqu’un qui aimerait avoir des renseignements pour partir faire un Tour du monde. Je vais tout de suite pouvoir échanger avec elle sur Facebook. Le fait de parler du voyage, des préparatifs, particulièrement concernant les saisons, des conditions, de la diversité des possibilités selon les envies, va définitivement rallumer la flamme forte et permanente de la beauté de voyager, d’apprendre des autres, d’être libre! Les quelques doutes ou difficultés, qui persistaient, se sont évaporés définitivement.
D’ailleurs pas de temps à perdre, je continue ma route avec un départ matinal pour Taroudant! Le ciel est totalement dégagé, la lune encore présente avant le lever de soleil. J’ai eu un peu froid, en tente, cette nuit en altitude à cette période de l’année. Mais la plier va très vite me réchauffer avant de prendre la route pour rejoindre le centre-ville. Un phénomène assez particulier ce produit alors. Je vois un épais brouillard, se déplaçant très rapidement, qui envahit la vallée! Le spectacle est intense. Ce dernier gagne la ville, puis se rapproche de la forteresse qui me fait face. Quand je dépasserais cette dernière le brouillard l’aura faite disparaitre. Ces instants sont magiques. Le soleil se lèvera derrière la montagne, à travers un épais rideau brumeux. Il est tout de même possibilité pour le soleil d’établir une empreinte ronde et jaunâtre dans le ciel, au-dessus des bâtiments modernes ! Nous faisons une majeure partie des 2h30 de trajet dans le brouillard, descendant dans la vallée qui s’ouvre finalement en grande plaine!
L’arrivée à Taroudant se déroule sous le soleil. L’ambiance qui y règne va, tout de suite, me mettre à l’aise. L’atmosphère est paisible, pas touristique pour un sous, avec une âme semblant refléter une sincérité forte! Je visite la Kasbah. Je longe la muraille fortifiée et crénelée qui est un de ces atouts touristiques. Mais ce n’est pas là où je vais prendre le plus de plaisir. Ceux sont de petits détails très beaux, esthétiquement et photographiquement parlant, le rapport avec les habitants qui me combleront. 

Pourtant, le souvenir le plus marquant sera sûrement la confrontation à un regroupement massif de camping-cars de français. Je ne peux alors m’empêcher de penser à la réputation des camping-caristes en France, qui est très mauvaise, en raison, entre autre, de ces regroupements intempestif pour se rassurer. D’un aspect plus personnel, je pense aussi, et tout de suite, à une famille que j’ai à jamais dans mon cœur! L’Akilifamily rirait jaune s’ils devaient être confrontés à ce genre de lieux… trop de camping-cars tue le camping-car et surtout son plaisir! Ayant vécu la situation, je parle en connaissance de cause même s’il est toujours sympa de partager sa route avec d’autres voyageurs. Mais pour quelques temps et en petit comité c’est mieux, non ? Qu’est-ce que vous en pensez Fabrice et Céline?

Je passe sur place, à Taroudant, deux jours assez tranquilles. Je fouine dans les souks, achète des épices pour ramener en France, du thé, des objets en bois aussi qui feront de très beaux souvenirs. Je prends le temps à la terrasse de café, je m’arrête sur la place centrale pour observer les diseuses de bonnes aventures, les charlatans qui vendent soi-disant des remèdes magiques. Pour amplifier le fait qu’ils possèdent des pouvoirs, il dispose sur leur stand des ossements, des œufs et toutes sortes de grigris. Ce n’est pas du folklore car autour d’eux seulement des marocains se sont regroupés en masse. Certains achètent ces remèdes.  Je me laisse vraiment vivre pendant ces deux jours, attiré par les curiosités qui peuvent surgir à chaque coin de rue.
Le mercredi 26 Mars, je me lève tôt pour atteindre ma nouvelle destination. Cette petite ville de montagne n’est pas vraiment bien desservie. Je vais devoir faire 2 changements pour arriver à destination. Je reste tout d’abord dans la plaine côtière pour atteindre Agadir. De là je change de bus, continue de longer l’océan pour arriver à Tiznit. Un seul bus part de la ville à 17h00. Je ne veux pas attendre aussi longtemps. Je trouve donc l’endroit d’où partent les taxis collectifs. Je monte dans le premier, prêt au départ, qui se remplie rapidement. Quelques minutes plus tard, nous voilà déjà sur la route en direction de Tafraoute.

Parti du niveau de la mer, nous prenons des routes de montagnes splendides, verdoyantes en raison de la présence d’arbres endémiques de la région ; les arganiers. Les oliviers sont aussi présents. Nous passons un col, avant de nous retrouver dans cette petite ville berbère de l’Anti-Atlas marocain, perchée à 1200 mètres d’altitude. Nous sommes dans la vallée des Ammeln, où les habitants, au nom homonyme, cultivent les céréales, de multiples arbres fruitiers, dont les amandiers. Cette population a aussi une réputation de commençants et hommes d’affaires, pour les activités financières et commerciales, qui réussissent. Ils sont donc beaucoup à s’être expatriés hors de la région, voire du pays.

Les discussions sont intéressantes dans le taxi collectif, particulièrement avec une jeune femme qui a passée plusieurs années en Europe. Elle connaît déjà Tafraout. Elle revient pour le festival de musique «les amandiers», qui a lieu le week-end suivant. J’aurais aimé y rester pour profiter des festivités. Mais mon séjour se termine au Maroc et il me reste encore deux endroits très spéciaux à visiter. Quoi qu’il en soit, elle connait un hôtel vraiment pas cher dans le centre-ville. Elle négociera, pour moi, une chambre.

J’ai envie de marcher et de me retrouver en nature. Je vais donc passer la plupart de mon temps à explorer les environs, à découvrir ce magnifique cirque de rocs de granite rose, célèbre pour ses couleurs. Ce site pittoresque va m’offrir, 2 soirs de suite, un spectacle d’une rare beauté, lors du coucher de soleil, quand le ciel s’embrase, rougeoie de longues minutes, avant de se teinter en mauve après que le dernier rayon de soleil est disparu derrière les montagnes. Le deuxième jour, je me rends à quelques kilomètres de là. Les paysages sont ici les plus spectaculaires. Il y a une myriade de rochers de formes diverses, plus ou moins imposants, qui se dressent au-dessus d’une splendide palmeraie abritant des arganiers, des plantations d’amandiers et d’oliviers sur des terres arides. Je n’ai pas la chance de pouvoir observer de mes propres yeux, une scène célèbre du Maroc, qui est très souvent utilisée pour créer des cartes postales. Je ne vais pas voir, les chèvres affamés, montés par dizaines dans les arganiers pour se nourrir des feuilles et des fruits. En revanche, je pourrais voir cette œuvre d’un hurluberlu européen, un artiste, qui a fait peindre d’énormes rochers en couleur rose et bleu.

Le vendredi 28, au matin, alors que le festival commence en soirée, je décide de prendre la route, de redescendre vers la côte, et de la longer jusqu’à la fameuse ville d’Essaouira. A la sortie, de la ville, dans la palmeraie, je vais voir le plus gros regroupement de camping-car, van et camions que je n’ai jamais vu de ma vie. Ils sont plusieurs centaines, garés un peu n’importe comment, à se partager un espace assez restreint. Les vis-à-vis sont nombreux. A peine quelques mètres, parfois moins séparent un véhicule d’un autre. C’est de la folie mais cela ne m’inquiète guère car je pars loin de ces lieux. 

 Après plusieurs heures de trajet me voilà de retour à Agadir, que j’ai décidé de ne pas visiter par manque de temps. Une fois encore comme à Ouarzazate, à Safi, à Rabat, j’avais des contacts qui auraient pu me loger, me montrer l’environnement dans lequel ils vivent. Mais ce pays recèle de trop de richesses à visiter, à explorer. Vu le temps imparti, je pense avoir assez bien gérer mon séjour. Je pars donc, en bus depuis Agadir. Nous utilisons la route côtière, longeant l’océan Atlantique. Les paysages sont encore très différents de ce que j’ai pu voir auparavant, mais tout aussi magnifiques. 1h30 plus tard, je suis à Essaouira, où une dame, à la descente du bus, va me proposer une maison d’hôte très sympathique.

Le coup de cœur pour cette ville est immédiat. Peu importe si les maisons sont très humides, si le vent souffle ici en permanence. Le fait d’être en bord de mer me plait énormément. J’aime ces paysages où la vue se perd à l’infini, où l’immensité prend tout son sens, où la brise et les embruns viennent te rafraîchir et, pour moi, me rappeler de très bons souvenirs. Mes deux derniers lieux de vie, où j’ai travaillé, était en bord de mer. «L’étoile polaire», la maison familiale paternelle, où je me suis rendu plusieurs fois par an, donne sur la Manche. En ce moment, si j’ai le choix, je sais que j’aimerais bien vivre à la montagne quand je m’installerais quelque part.  Si ce n’est pas le cas, le bord de mer sera un second choix de luxe.

J’aime ces maisons blanches, aux fenêtres bleues. J’aime l’ambiance de marché avec les étals de poissons. J’aime que même les commerçants ne soient pas agressifs et plutôt accueillants. J’aime cette ville fortifiée qui s’est construite sur ces cailloux avançant dans la mer. J’aime les odeurs, ces vielles embarcations en bois, ces vieux gréements de fortune, les goélands qui jouent avec le vent au-dessus des pêcheurs qui préparent, pour la commercialisation, leurs prises de la journée. J’aime le coucher de soleil sur la mer. J’aime l’atmosphère créée par le paysage, cette envie de partir vers des terres inconnues, d’aller explorer, encore plus loin, sans savoir ce que notre futur nous réservera.

Cela ne s’explique pas, cela se vit! Je me sens bien dans cette ville, dénommée le « Saint-Malo marocain». Je pourrais, je pense y rester très longtemps.
Pourtant le 1ier Mars, dans l’après-midi, il est temps de me rendre dans une nouvelle ville impériale du royaume marocain. Ne dit-on pas jamais 2 sans 3? Plus que cela, je pense que c’est un incontournable d’une visite au Maroc. Qui n’a pas entendu parler, qui n’a jamais rêver de découvrir Marrakech?
Je vais être reçu sur place comme un prince. Patricia m’a mise en contact avec un de ces amis qu’elle vient voir à chaque fois qu’elle se rend au Maroc. Abdoula travaille au Riad Atlas qui se trouve à quelques mètres de l’incontournable place Jama El Fnaa qui est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, non pas pour son architecture mais pour l’activité humaine qui s’y déroule. Musiciens, compteurs, humoristes, danseurs, dresseurs de serpents, de singes, vendeurs en tout genre, petits kiosques pour manger ou se rafraîchir se partagent ce grand espace créant une atmosphère unique. Je vais y passer, et repasser, maintes et maintes fois.

Avant cela, après l’avoir vu pour la première fois, chargé de tout mon barda, j’investi mes quartiers dans une petite chambre que Abdoula me prête gratuitement. Je ne vais rien demander mais sa générosité va dépasser tout ce que je pouvais imaginer. Le premier soir, il m’invite dans un restaurant. Les jours suivants, même quand il ne sera pas présent, j’ai juste à me présenter dans les restaurants avec des produits locaux, qu’il m’aura indiqués. Je commande ce que je veux, déguste les plats locaux et repars sans payer. La sensation est assez étrange, je me sens la première fois un peu gêné. Mais en tant que voyageur, je ne peux pas refuser cette générosité débordante. Le séjour dans cette ville augure des instants de vie plaisants.

Cette ville touristique présente de nombreuses choses à visiter. L’emblème de la ville, à quelques encablures de la place Jema El Fnaa, est la Koutoubia. Cette mosquée n’est pas visitable. Mais son aspect simpliste et harmonieux, ces belles couleurs lui donne un cachet indéniable. Je vais la voir sous toutes les coutures, sous tous les angles, en journée, pendant la nuit, mais aussi avec les lumières du lever et coucher de soleil.
La ville regorge de palais, de cours cachées sublimes, de ruelles animées. Je vais visiter le palais Bahia dont l’architecture est splendide. La mosaïque, les écritures, les couleurs, la luminosité, les cours intérieurs différentes selon les endroits du palais sont dus à un regroupement de plusieurs maisons d’aristocrates pour former cet ensemble. Je me rends aussi dans la Médersa Ben Youssef. Il s’agit du logement et lieux d’études des étudiants et Soufis. Ils se retrouvaient ici pour étudier, lire. Ils avaient, tout autour de la cour centrale, des boxes qui leur servaient de chambre. Encore une fois, l’architecture y est très particulière, les sculptures fines. Je me rends aussi aux tombeaux Saadiens. Je passe devant le palais royal plusieurs fois. Qu’est-ce que j’aimerais savoir ce qui se cache derrière ces murs. Mais, comme dans toutes les autres villes, il est toujours aussi vaste, les portes toujours aussi splendides… et l’accès toujours interdit. Je n’ai même pas l’autorisation de prendre des photos des portes surtout quand des militaires sont postés devant! Peu importe, peut-être qu’un jour ces palais ouvriront leurs portes. En attendant, je suis un homme du peuple, voulant expérimenter leur vie,  et non celle d’une minorité privilégiée.

C’est enrichissant de découvrir ces lieux constitués d’histoire. Mais rien ne vaut un bon bain de foule dans les souks, dans cet enchevêtrement de rues sombres et protégés, où les magasins se succèdent, où les vendeurs essaient de vous appâter, pour finalement vous vendre un de leur produit.   

« Vous êtes de la France ? Soyez le bienvenu !» ça devrait être le cas tout le temps. Mais je vais finir par croire que je n’ai vraiment pas un faciès de français avec mes cheveux longs et ma barbe. On me parle en espagnol, en anglais. Ils pensent que je peux avoir différentes origines, mais pas française. Pourtant, à ce que je sais, depuis plusieurs générations au moins, mes ancêtres sont installés sur ces terres. Cela ne me dérange aucunement. Je l’affirme haut et fort, je suis un citoyen du Monde. Même si je suis très fière de mes racines, je n’ai aucun problème à être considéré comme espagnol, suédois, allemands, sud-américain… Et puis cela ne change rien dans le rapport avec les vendeurs. Une fois ma nationalité affichée, ils me parlent en français: «Venez faire un petit tour dans ma boutique, juste pour le plaisir des yeux? C’est gratuit.» Souvent je refuse, parfois si mes ressentis sont bons je me laisse embarquer dans la boutique. Ce n’est pourtant pas pour cela que je vais ressortir avec quelque chose.
Pas le temps de réaliser que les 2 jours et demi sur place se sont volatilisés. Avant de prendre un bus de nuit pour me rendre à ma dernière étape de ce séjour, je remercie chaleureusement Abdoula. Dans ce pays où 99% des personnes sont musulmans, je ne pense pas qu’il y aurait pu avoir une meilleure visite pour clôturer le temps passé au Maroc. Mon avion décolle de Casablanca, en début d’après-midi, ce mardi 4 Mars. En matinée, je vais aller voir le lever de soleil, sur la plus grande mosquée d’Afrique, la mosquée Mohamed VI. Cette dernière allie modernité et beautés ancestrales de l’art marocain dans toute sa splendeur. Le fait qu’elle se trouve sur un promontoire, en face de la mer, l’embellie. A cette heure matinale, je pensais être seule sur le parvis de cette mosquée. Je serais pourtant accompagné d’un car complet de japonais. La lumière du soleil touchera le minaret pendant quelques secondes avant de disparaitre de nouveau derrière les nuages. 

Je me rends ensuite, à pied, de cette mosquée à la gare ferroviaire. Je prends un bain de foule dans les quartiers populaires. J’observe pour la dernière fois toutes ces femmes voilées, j’admire la beauté des djellabas, je déguste mes dernières spécialités du terroir, en sirotant un thé à la menthe. Je ne suis pas mécontent de quitter la saleté des rues, ces plastiques qui traînent partout. Pourtant, je pense retrouver ce genre de choses très rapidement. C’est un des plus gros fléaux environnemental des pays en développement. 

Non, je ne garderais pas une image négative. Je ne peux pas terminer mes écrits comme cela. En effet, comme dans toute société, elle possède ces défauts. Mais si j’ai l’opportunité, je reviendrais dès que possible pour continuer à explorer ce pays, pour admirer ces beautés naturelles, profiter de l’accueil des habitants, et me laisser emporter par une ambiance si dépaysant aux portes de l’Europe. Beaucoup de marocain me disent que nous sommes des frères et sœurs et que nos destins sont liés. L’histoire passée la prouvée et le futur ne devrait pas complément changer la donne. A moins qu’un de ces bouleversement géopolitiques viennent faire exploser les réalités actuelles.
Je prends le train jusqu’à la station de l’aéroport international. Encore quelques heures sur ce territoire et je décollerais vers de nouveaux horizons. Pourtant je pense que ce pays, cette ville, cette aéroport sera plus rapidement que jamais, une nouvelle étape de transition vers de nouvelles découvertes. Absurdité du monde dans lequel nous vivons je ne sais pas, mais bizarrerie financière et de relations internationales c’est une certitude. Peu importe, là n’est pas l’essentiel. Je viens de vivre un séjour magnifique dans ce pays magrébin, c’est une très belle première image de la diversité culturelle du continent africain.


1 commentaire:

  1. pour une 1ere découverte du pays africain quel bel exemple d'accueil !!!!mais aussi de nombreuses personnes qui ne sont pas vraiment honnêtes ou qui harcèlent l'étranger !!
    bravo pour ces échanges et les descriptions de ce beau pays.
    bonne continuation et j'attends le Burkina!!!

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