Nous apercevons l'île de Tahiti depuis
plusieurs heures. Il nous faudra pourtant encore beaucoup de temps
avant d'ancrer le bateau à la marina. Après avoir navigué à des
pointes de plus de 20 noeuds de vitesse instantanée, grâce à une
orientation et une force du vent quasi-parfaites, nous allons devoir
motorisé jusqu'à notre point d'arrivée. Protéger entre Moorea et
Tahiti, le vent a chuté. Il a perdu en intensité. Nous l'avons
maintenant en plein nez. En franchissant la passe de Taïna, nous
nous retrouvons à proximité des surfeurs et des rameurs de pirogues
qui jouent avec la vague formée par le plateau corallien. A
l'intérieur du lagon, en ce dimanche 31 Juin après-midi, de
nombreuses personnes font la fête, boivent, dansent dans, et à
côté, de bars flottants. Ils s'y sont tous rendus à la nage, à la
rame, ou en petit bateau à moteur!
Nous nous amarrons à une bouée dans
la marina Taïna. C'est la fin du parcours avec Jehol pour Rosalie et
moi. Nous resterons tout de même quelques jours de plus sur le
bateau, pour y dormir et préparer la suite de notre voyage. Puis
nous laisserons Philippe tranquille pour faire ces derniers
préparatifs pour les réparations de son bateau, et son retour pour
quelques semaines en Belgique.
Tahiti, Pappete, les îles de la
société sont des noms qui résonnent, pour beaucoup, comme le
paradis sur terre. Pourtant pour moi, ces instants signent une grosse
période de transition. J'ai des envies pour le court et moyen terme
mais je ne sais pas encore comment je vais les réaliser. Surtout,
je n'ai jamais eu un manque aussi fort de mes proches, depuis le
départ de ce projet. Ma famille, mes amis me manquent. J'aimerais
pouvoir me téléporter instantanément pour les retrouver, passer du
temps à leur côté avant de repartir sur les routes. J'ai un petit
coup de cafard pendant un peu plus d'une journée. Mes pensées
s'envolent vers eux. Je continue tout de même à m'occuper et
prépare tranquillement la suite!
Le sourire va revenir très rapidement
sur mon visage. Le positivisme habituel reprend très vite le dessus.
Je relativise. Je sais que même si je ne rentre pas avant un an et
demi, que les retrouvailles seront encore plus forte et que tout sera
comme quand j'ai démarré le projet il y a presque 2 ans.
La suite des événements se met en
place petit à petit. Le 1ier Juillet, nous nous rendons avec Rosalie
en ville pour obtenir des informations, visiter le centre-ville et
faire quelques achats. Après avoir récupérer le programme, la
veille, à Carrefour, nous pouvons maintenant réserver nos places
pour le festival Heiva, le plus grand événement festif dans le
Pacifique.
Mais avant cela, laissez-moi revenir
sur mes premiers pas dans une grosse enseigne commerciale depuis
plusieurs mois. Mettre les pieds dans un magasin qui représente dans
toute sa splendeur la société capitaliste et de consumérisme me
fera tout drôle. Je n'ai plus l'habitude de me retrouver dans des
espaces de vente et achat de produits en tout genre si grands. J'ai
le sentiment d'étouffer un peu. Je préférerai largement les petits
échoppes où je pouvais acheter le juste nécessaire. J'ai encore
plus préféré les moments pendant mon voyage où nous allions
cueillir et, chasser ou pêcher, ce que nous avions besoin. Je ne dis
pas que cela n'a que du mauvais, mais cela me fait bizarre après
plusieurs mois loin de ces grandes villes modernes, loin de ce besoin
de consommer inculqué par nos sociétés occidentales.
Mais revenons sur la réservation de
nos places pour le festival Heiva. Ce festival est un concours entre
les différentes tribus pour imposer leur hégémonie culturelle et
artistique sur le reste des villes et archipels composant la
Polynésie. Voulant partager ce moment avec Philippe et Frédéric,
nous attendrons le soir pour les commander sur internet. Nous
prendrons 4 places côte-à-côte pour assister au spectacle qui
malheureusement n'est plus une fête populaire. Il ne s'agit plus
d'un rassemblement et défilé dans les rues. Le public ne peut plus
partager les danses et chants avec les figurants. En tant que
spectateur nous sommes assis dans des gradins. Enchanté par les
répétitions au Gambier, nous voulions tout de même assister à une
des 7 soirées de représentations.
En attendant cette soirée, nous allons
tous vaquer à diverses activités personnelles, tel que notre
reconnexion avec le monde extérieur, avec nos proches. Malgré que
nous ne voyagions pas, les journées, comme à l'habitude, passent
trop vite. Philippe, pour diverses raisons, souhaite que nous
quittions le navire le 5 Juillet. En effet, Philippe a pris ces
billets de retour pour la Belgique. Des épreuves assez difficiles
l'attendent. Il a donc besoin de se retrouver seul, chez lui, sans
d'autres contraintes. Seul Frédéric pourra rester sur le bateau
avant et pendant sa mise au chantier.
Quand nous nous retrouvons, le jeudi
soir, 4 juillet, dans l'enceinte pour assister au spectacle, c'est
notre dernière soirée ensemble. Nous assistons tout d'abord à la
cérémonie d'ouverture. Le premier groupe de danse, amateur, sera
magistral. Les chorégraphies, les costumes sont colorés et sublime.
La coordination de la centaine de danseurs est visuellement
époustouflante. Les solos féminin et masculin, des deux meilleurs
danseurs de la troupe, laissent toute l'audience, surtout les
personnes de sexe opposé, bouche-bée! Le déhanché de la danseuse
est hypnotisant!
A la fin de leur prestation, plus de la
moitié des spectateurs quittent les gradins Ils vont se restaurer à
l'extérieur alors que 2 groupes de chants, peu haletant, voir un peu
ennuyant, se produisent sur scène. Malgré le peu d'intérêt
musical de ces chants traditionnelles, je trouve très irrespectueux
que les spectateurs quittent les lieux sans même les écouter un
peu.
L'enceinte sera à nouveau pleine pour
accueillir le deuxième groupe de danse. A l'unanimité, leur
prestation ne nous impressionnera pas, en tout cas beaucoup moins que
la première. Ceux sont pourtant des professionnels. Rien à faire,
je m'attendais à une fête populaire enflammée et nous n'aurons eu
droit qu'à un très jolie spectacle de danses et de chants. Nous
aurons contemplés de très beau déhanché de bassin de jeunes et
jolies filles... Mais je reste sur ma faim!
Concernant la beauté légendaire des
polynésiennes, je suis aussi très déçu. Le mythe n'est pas
réelle. Il n'y a que très peu de jolies femmes et elles sont toutes
très jeunes. La plupart des femmes ne vieillissant pas bien, prenant
de l'en bon point. La douceur de leur visage disparaît avant même
20 ans.
La journée suivante consiste, pour
moi, en la préparation accélérée de la suite de mon voyage. Je ne
le sais pas encore, à ce moment là, mais ma persévérance et
l'énergie que je mets pour réaliser mes projets va porter ces
fruits d'une façon inattendue! J'ai passé toute la journée à
imprimer une annonce pour la recherche de bateau allant à Bora Bora,
j'ai été la placarder sur le panneau d'information des deux marinas
de la ville. Je viens aussi de franchir un nouveau pas pour mon
retour en Amérique du Sud, premiers amours me concernant pour les
voyages. J'ai acheté mes billets d'avion pour me rendre sur l'île
de Pâques avec ensuite une arrivée à Santiago du Chili. J'aurai
aimé continuer mon périple dans cette partie du monde en bateau.
Mais le faisant en sens inverse des vents prédominants et des
courants, ma chance de trouver un voilier allant dans cette direction
été quasiment nulle. De plus, il aurait fallu motoriser quasiment
tout le long. Il n'y avait donc aucun intérêt car le plaisir
d'avancer à la seule force du vent aurait disparu et les bruits
infernaux des moteurs auraient rythmer la traversée. Je suis donc
très content de la solution pour laquelle j'ai opté.
Revenant à la marina Taïna, je
continue d'interpeller les personnes sur les pontons pour savoir si
un équipage ne part pas dans la direction souhaitée et s'ils
n'auraient pas une place pour moi. A ce instant, je suis encore
bredouille. Ma seule piste remonte à 2 jours. Deux soixantenaires
français partent vers Bora Bora. Le capitaine va y récupérer sa
fille avant de partir vers l'est et les îles Cook. Mais je ne fonde
pas trop d'espoir sur mes chances d'intégré l'équipage, au vu du
discours tenu par le capitaine. Plus que tout, le langage corporel
parle pour lui. Il montre un frein énorme à envisager cette
possibilité.
Il est 18h00! Je viens d'obtenir
l'autorisation de la sécurité, pour camper sur un petit bout
d'herbe, dans la marina si je sais me faire discret. Comme prévu,
Philippe arrive avec son annexe et mon sac de voyage. Il me demande
si je suis pressé ou si j'ai envie d'aller boire un dernier verre.
« Cela risque de faire long, 100 mètres, à pied, avec mon
sac, après un verre d'apéritif, pour planter ma tente, non? »
Plaisanterie oblige mais j'accepte volontiers son invitation.
Frédéric se joint à nous.
Le « Pink Coconut », café
où nous allons habituellement est bondé pour la une soirée Karaoké
hebdomadaire. Voulant être au calme, nous nous rendons au deuxième
bar de la marina; le Casa Blanca!
Cela faisait longtemps que je n'avais
pas eu ma maison sur mon dos! Mais contrairement à la tortue, même
dans une situation délicate, sur ma carapace, les quatre fers en
l'air (pour l'être humain ça serait plutôt l'inverse, face contre
terre), j'arrive à me relever, à rebondir, à m'envoler de nouveau.
Le fait d'avoir mon sac attire alors l'attention. C'est surtout le
cas dans ce monde de marins qui transportent une maison beaucoup plus
grande et heureusement pour eux, ils n'ont pas à se la coltiner à
dos d'hommes. C'est différent, pas forcément plus facile car il
n'est pas si évident de guider un bateau à travers les océans.
Quoi qu'il en soit, je ne suis pas dan ce cas une personne lambda qui
arrive dans un lieu où tout le monde est dan les mêmes dispositions
de voyage. Une jeune femme m'interpelle me demandant si je recherche
une embarcation. La discussion est lancée! Je vais d'abord boire une
bière avec Frédéric et Philippe. Une fois encore, les discussions
tourneront autour de la vie, du futur, des choix et projets de
chacun. Puis, ils rentreront rapidement sur Jehol.
Je reste au bar et j'entame une
discussion, avec Barbara, autrichienne, qui fait un tour du monde en
vélo et en bateau-stop. Elle discute avec Paul, Australien, qui
recherche des équipiers pour renter au pays! Il vient de faire la
traversée du Pacifique, depuis Mexico, avec son meilleur ami. Ce
dernier est rentré en Australie pour travailler. Elle va sûrement
faire le trajet avec lui, et ils recherchent un deuxième équipier.
Je leur explique mon projet et le fait que je vais dans l'autre
direction. Mais je leur dis aussi qu'une amie pourrait être
intéressée. Je pense à Rosalie en recherche d'un bateau pour
retourner vers la Nouvelle-Zélande. Une bonne énergie passe entre
nous trois. Paul me propose gentillement de me dépanner pour la nuit
en me proposant une des banquettes de son monocoque, 34 pieds, à
barre franche. J'accepte volontiers. Je suis heureux de changer de
bateau et de découvrir un nouveau type de bateau.
Je vais suivre mes deux compères qui
sont un peu éméchés après avoir consommé de nombreux verres de
bières. Le confort est beaucoup plus rudimentaire sur « Southern
Run », l'espace beaucoup plus exigu, le soin et la propreté
apportés beaucoup moins grands. Mais c'est dans ce genre de bateau
que je renouvellerais bien une expérience à la voile.
La journée de samedi passe très vite.
Nous allons, avec Barbara, voir l'arrivée de la course de pirogue
homme à 6. 6h30 d'efforts après le départ, 82 kilomètres
effectués et nous pouvons admirer la première pirogue qui franchit
la ligne d'arrivée. Dans cette pratique sportive, les polynésiens
sont les meilleurs au monde. Cela se constate par la fière allure
qu'on les premières embarcations. Nous prendrons le temps de
discuter avec un français de 55 ans, et un italien, de 24 ans, ayant
2 projets différents mais s'étant retrouvé pour partager quelques
semaines de navigation ensemble.
Paul est une nouvelle fois soûl quand
nous le retrouvons au bar de la marina. Nous rentrerons très vite au
bateau tous ensemble. Il s'effondra rapidement dans un profond
sommeil. Avec Barbara, nous allons passer de longues heures à
discuter de divers sujets. Qui voudrait confier sa vie en pleine mer
à un marin alcoolique que l'on ne connait pas? Comment est-il
possible de connaître les réactions extrêmes qu'il pourrait avoir
en cas de consommation excessive ou de sevrage? Je vais donc prévenir
Rosalie de ne pas rentrer de Moorea pour discuter avec Paul car le
bateau ne lui conviendrait pas de toute façon. J'aurais tellement
aimer lui rendre la monnaie de sa pièce en lui trouvant un bateau
pour embarquer. Mais ce ne sera pas encore pour cette fois! Barbara
décide aussi de ne pas partir avec lui.
Avant cela, lors de la journée du
dimanche nous allons partir en excursion avec un couple charmant de
polynésiens. Barbara les a rencontrés en faisant de l'auto-stop
pour se rendre dans le centre-ville de Papeete. Stéphane et Rose
(ceux sont leurs noms français car je n'ai pas mémorisé leurs noms
polynésiens) vont nous faire faire le tour de l'île de Tahiti pour
en découvrir les principaux sites. Je me joins à eux.
Nous
allons découvrir la plage PK18, 3 grottes dans la roche, le spot de
surf de Teahupoo, un des plus réputé au monde. Puis nous allons
continuer sur la côté ouest qui est beaucoup plus sauvage. Nous y
découvrons le trou du souffleur, les trois cascades, Un arrêt chez
une de leur cousine sera une vraie expérience chez des locaux. Nous
allons y déguster des mangues et du jus de jeune coco fraîchement
cueillies sur le cocotier. Pour finir le tour, nous nous rendons au
point de vénus (lieu d’arrivée du capitaine Cook en 1877, des
premiers missionnaires), qui est un plage de sable noire. Ensuite
nous prenons de la hauteur pour obtenir une belle vue sur la mer et
les sommets environnants. Enfin, nous nous rendons dans une foire
annuelle et découvrons l’artisanat local de tous les archipels
polynésiens.
Ayant
décidé de ne pas partir avec Paul, Barbara quitte le bateau le
lundi matin. J'ai décidé de rester avec lui. Je vais l'aider dans
des démarches particulières et intéressantes. Cela me permet en
prime d'avoir un toit.
Il
a besoin d'effectuer de grosses réparations car l'axe de l'hélice
du moteur et la pièce de raccordement dans l'habitacle étanche sont
détériorés et de l'eau s'infiltre assez fortement. Je l'aide donc
pour ces achats et la prise de rendez-vous, avec un devis, pour
mettre son bateau hors de l’eau sur un chantier maritime, celui de
Techni Marine. Nous allons établir le planning nécessaire pour la
réparation. Cela me rappel un peu mon travail de responsable projets
que j'occupais en tant qu'ingénieur. Supervisé l'ensemble des
travaux et avoir une vue globale sur un projet est quelque chose que
j'affectionne particulièrement. Cela ne me manque pas tant que cela
car je m'épanouie pleinement dans ce que je fais. Mais cela est
rassurant de savoir que je continue à m'éclater dans ce genre
d'activités durant une journée et que j'aurais plaisir à
travailler encore dans mon domaine de prédilection si je trouve un
travail passionnant. Un travail de manager décisionnaire me
conviendrait parfaitement. Ce n'est pas vraiment ce que je fais en
cette journée, servant plutôt de traducteur à Paul! Mais cela me
remémore les années de travail passées.
Paul
va encore boire de nombreuses bières en pleine journée. Paul est
trop rude avec les polynésiens. Il a pourtant un bon fond et des
valeurs... Mais trop de bières et de cigarettes ne lui permettent
pas d'avoir un esprit clair. J'aurais tout de même le droit à de
grands remerciements en fin de journée...
La
matinée suivante, j'ai revu Barbara qui me donne une piste très
intéressante pour un possible embarquement. J'ai contacté, en
matinée, grâce à la VHF, un couple d'américain, Joe et Liz! Elles
les avaient rencontrée à Nuku Hiva, aux Marquises, après leur
traversée respective du Pacifique. Le nom de leur bateau,«Set Me
Free», est en adéquation parfaite avec mon tour du monde. J'espère
que le reste le sera aussi et que j'obtiendrais mon ticket pour
monter à bord. Je passe presque un entretien d'embauche lorsque Joe
m'assène de questions diverses et variées. Après un quart d'heure
de discussions, l'accord est quasiment entériné, à 95%, pour me
rendre avec eux dans les îles. Joe me précise bien que c'est plus
pour m'aider et faire plaisir à Barbara, que par réelle
nécessité... Merci Barbara pour cette mise en contact avec ce
couple d’américain! C'est encore une de ces rencontres, des
discussions, qui vont me permettre avant tout de passer des bons
moments mais aussi de réaliser mes projets!
Je
dois avant, d'effectuer le transfert de bateau, délivrer le
«Southern Run», monocoque de Paul, au chantier. Ca sera un réveil
matinal avant le lever du soleil. Nous allons préparer le bateau,
enlever le moteur de l'annexe, mettre l'annexe, ou « Dinghy »
sur le pont. Nous mettrons le pétrole, que j'ai acheté la veille,
dans le réservoir. Le départ se fait avant le lever du soleil. Je
vais barrer un monocoque avec barre franche. Passant dans le lagon,
nous effectuerons quatre demandes d’autorisation d'autorisation de
passage, en appelant le canal 12, pour entrer et sortir de la zone
longeant l’aérodrome mais aussi pour la sortie de la passe
principale, et l'entrée dans la suivante. A la sortie de la passe de
Papeete, un cargo passera à quelques dizaines de mètres de nous.
Après une heure de navigation, nous nous trouvons face au chantier
Techni-Marine. L'expérience de la mise hors de l'eau du bateau grâce
à un pont élévateur, est très intéressante surtout quand on se
trouve sur le bateau.
Je
laisse Paul à ce point. Il me remerciera une nouvelle fois et nous
nous souhaitons bon vent…
Je retrouve Joe et Liz à la marina Taïna. J’embarque sur le bateau dans la soirée. Je prends mes quartiers dans le navire de Joe. Voyons voir comment cela va réellement se dérouler. Il n'est parfois pas aisé de trouver un équilibre entre plusieurs éléments ayant soif de liberté. Je retrouve sur leur bateau, Ben et Sarah, un couple venant de l’Alaska, avec qui j’avais connaissance dans la Marina. C'est un plaisir de boire un verre de vin rouge en dégustant une glace dans le cockpit de se très beau monocoque Benneteau.
La
journée du jeudi 11 Août est une journée de préparatif, qui passe
à vitesse grand V. Je vais aider Joe à nettoyer la coque du bateau
pour enlever les coquillages et parasites venus se coller sur
l’anti-fouling. Nous irons acheter le pétrole avant que je cuisine
le coq au vin que j'avais promis au capitaine. Liz, Ben et Sarah s'en
délecteront aussi! Après ce repas en fin d'après-midi, nous allons
lever l’ancre. Avant le coucher du soleil, nous franchissant la
passe à travers la barrière de corail qui entoure Tahiti. Puis nous
partons en pleine mer en direction de Huahine, une des
Îles-Sous-le-Vent, qui fait partie de l’archipel de la Société !
Nous sommes partis pour plus d'une nuit de navigation. Ben et Sarah,
sur Kyanos (signifiant bleu foncé en grec), sont au début à la
traîne. Ils ont franchis la passe à la voile, et non au moteur,
alors que le vent était peu puissant. Dès que nous sommes sortis
de l'influence de l'île, ils vont très vite prendre le large avec
un bateau, qui remonte beaucoup mieux, que le notre, sous le vent.
Pour la première fois, en pleine mer, je vais devoir contacter un
gros cargo, à la radio, pour être sur qu'il nous ait bien vu et
qu'il a pris en compte notre trajectoire. Un autre passera très
proche de nous en plein milieu de la nuit. Liz a pris un cachet
contre le mal de mer. Elle ne se réveillera pas de la nuit. Elle
dormirait plus de 14h00 d'affilées. Nous allons donc nous relayer à
la barre avec Joe pendant toute la nuit. Cette dernière se déroulera
sans accrocs.
Nous
prendrons tous les trois notre petit-déjeuner après 8h00. Arrivée
à 14h00, nous subissons de nombreuses rafales de vent. Alors que
nous venons de mouiller, les bas fonds et les récifs coralliens,
nous poussent à déplacer le bateau. Nous ancrerons alors près
d'une des passes d'entrée, dans le lagon de Huahine, en face du
village principal.
Pendant
la nuit, des rafales de plus de 35 noeuds soufflent régulièrement.
Le plus impressionnant n'est néanmoins pas là! Joe me réveil une
première fois en sursaut. Un catamaran fait des manoeuvres très
proche de notre bateau. Joe me demande d'être prêt à l'aider à
pousser l'autre bateau s'il venait à rentrer en collision avec notre
coque. Le skipper du catamaran réussira finalement sa manoeuvre. Il
lèvera l'ancre pour partir vers une nouvelle destination et ne
commettra aucune erreur. Il s'éloignera rapidement vers le large,
après être passé à moins de 5 mètres de « Set Me Free »!
Un peu plus tard, c'est un gros cargo de marchandises qui viendra
accosté sur le quai, une centaine de mètres plus loin. Avant cela,
il sera passer à moins de trente mètres de nous. L'impression de
petitesse est énorme quand c'est un bateau de plus de 60 mètres de
longueur et de 10 mètres de hauteur qui passe à vos côtés.
Le
samedi 13, Joe va louer une voiture. Nous allons donc partir visiter
l'île de Huahine, ces magnifiques baies, et son eau d’un bleu
translucide. Nous allons nous arrêter dans un Maré, ou ancien site
religieux polynésien. Puis nous allons découvrir divers endroits
liant la nature et l'activité humaine. Nous déjeunerons dans un
restaurant avec une vue imprenable sur un petit lieu paradisiaque.
Nous dégusterons des plats très typiques.
Puis
nous continuerons notre excursion par la visite d’une plantation de
vanille. C'est un Marquisien qui nous fera la visite. Il est très
atypique, prend soin de ces plantes, et les cultive pour son patron.
Il est arrivé sur cette île depuis 23 ans et travaille ici depuis.
Le processus de production est très intéressant mais aussi très
complexe. Il est alors facile de comprendre pourquoi le prix de cette
denrée au kilogramme est plus chère que l'or! Il faut 3 ans pour
faire pousser les plantes grimpantes, de la famille des orchidées,
qui produiront les gousses de vanille tant recherchées. Après, il
faut encore un 1 pour faire germer les fleurs. Une pollinisation
manuelle permettra d'obtenir 9 mois plus tard la gousse recherchée
si tout a bien été minutieusement pris en compte. Il reste encore
de 1 à 4 mois pour le séchage de la gousse après la récolte. Elle
sera finalement vendu telle quelle ou en extrait d'arôme. Après
être rentré en ville, nous mangerons un hamburger dans un bon
restaurant. Amateur de bons produits culinaires, il colle aussi à
l'image de l'américain qui aime la nourriture de restauration
rapide. Quoi qu'il en soit, la soirée sera des plus agréables en
compagnie de six Nord-Américain.
Joe
et Liz ont un timing a respecter. Car ils doivent passer à Hawaï
avant de retourner sur la côte ouest américaine pour le mariage du
fils de Joe. Après avoir dit au revoir à Ben et Sarah, nous partons
pour les 2 îles qui se partagent le même lagon ; Raiatea et
Taha. La mer est toujours agitée mais la houle n'est pas trop forte.
L'orientation du vent est parfaitement en perpendiculaire à notre
direction. La navigation sera donc plaisante. Il est impressionnant
de rentrer dans la passe assez étroite menant dans le lagon, avec
les vagues qui se cassent sur le plateau corallien de chaque côté
du bateau ! Nous pouvons admirer toutes sortes d’activités :
des kites-surfeurs, des planchistes qui jouent avec le vent fort. Il
y a aussi, dans le lagon, le bateau de croisière Paul Gauguin, et de
nombreux plaisanciers ou charters, en voiliers naviguant dans les
mêmes eaux que nous! Nous allons accoster dans une baie de l'île de
Taha. Nous resterons à bord du bateau. L'apéritif se composera de
toasts au comté et au roquefort, accompagnés d'une bonne bouteille
de vin rouge; un Bordeaux. Pour le repas, nous dégusterons des
steaks de thon aux épices, accompagnés de riz et de légumes frais.
Pour accompagner ce repas de poisson, une bouteille de Sauvignon, du
vin blanc, est parfaite. Il est toujours agréable de se retrouver
sur un bateau d'une personne épicurienne et gourmet, qui aime les
bonnes choses de la vie!
Le 15 juillet, réveillés avant le
lever du soleil, nous nous apprêtons à mettre le cap sur une île,
dont le nom fait rêver dans le monde entier. Celle qui fait
fantasmer des millions de personnes à travers la planète terre;
Bora Bora! Le ciel est clair! La mer s'est nettement calmée mais le
vent persistant va nous permettre aisément de naviguer vers la
destination choisie. J'avais rêver de découvrir cette île en
bateau à voile. Le rêve va devenir réalité. A peine sommes-nous
sortis de la baie de l'île de Taha dans laquelle nous nous étions
protégée que nous pouvons déjà admirer la silhouette majestueuse
et si particulière de notre destination finale pour la journée!
En direction de l'île, nous filons à
plus de 6 noeuds de moyenne. Nous pouvons admirer des dizaines
d'oiseaux planer dans le ciel. Ils piquent parfois en flèche vers la
surface de l'océan pour attraper du poisson. Pourquoi, alors, ne pas
tenter notre chance et espérer capturer du poisson? Au large des
côtes, beaucoup de gros poissons sont délicieux à déguster et ils
nous permettraient de faire des vrais orgies de poissons frais. Plus
d'une heure après avoir sorti les 2 lignes de pêche, l'une
d'entre-elle se déroule dans un bruit reconnaissable parmi des
centaines. Nous avons une prise au bout de la canne à pêche. Joe
entreprend la remontée en jouant avec l'enrouleur de la canne,
celle-ci étant posée sur son ventre grâce à un dispositif
particulier. Après de longues minutes d'efforts, le poisson est en
vue, il se débat toujours! Il s'agit d'un Ma-hé Ma-hé de taille
moyenne. Je vais terminer la remontée de la ligne. Je vais
l'approcher le plus près possible du bateau pour que Joe puisse
utiliser la gaffe afin de le remonter à bord! Nous achevons ces
souffrances très rapidement à l'aide d'un couteau aiguisé que nous
enfonçons dans son abdomen en dessus de sa nageoire dorsale. Il
s'agit d'une belle prise de plus de 8kgs. Nous la découpons
immédiatement et nous l'entreposons dans le réfrigérateur pour les
jours à venir.
Une fois toutes ces étapes effectuées
pour la capture de ce poisson, nous reprenons notre marche en avant.
Plus nous nous approchons du lagon, plus la forme volcanique de l'île
principale nous apparaît évidente.
Les bonnes nouvelles s'enchainent me
concernant. Discutant de notre programme pour la suite, je me rends
compte que je n'avais pas réellement compris leurs intentions. Leur
plan est de se rendre à Rangiroa dans les Tuamotu, île que je n'ai
pas encore visitée, puis aux Marquises. C'est une base parfaite pour
eux, géographiquement parlant, avant de terminer leur boucle dans le
Pacifique en direction d'Hawaï puis de San Francisco. Réfléchissant
rapidement à ce que je veux faire, j'opte facilement pour cette
option inespérée de continuer l'aventure avec eux. J'avais même
envisagé, antérieurement, de trouver un bateau, effectuant
exactement le même trajet qu'eux avant de me rendre en Amérique du
Sud. Cela n'est plus d'actualité. J'ai en effet déjà pris mes
billets d'avion pour l'île de Pâques, étape immanquable de mon
point de vue lors de ce tour du monde, puis Santiago au Chili. De
plus, selon Joe, un navire américain privé n'a pas le droit de
transporter un étranger sur le continent américain, sans un visa
particulier très dur à obtenir. Mais l'aubaine est trop belle et
inespérée de se rendre dans l'archipel des Marquises.
Je ne pouvais pas rêver mieux. Les
Marquises, que j'avais en haut de ma liste des lieux à visiter,
avaient été écartées pour diverses raisons. Elles se présentent
de nouveau à moi, dans les prochains jours, alors que nous nous
apprêtons à accoster Bora Bora! La seule passe d'entrée se trouve
à l'ouest. Nous attaquons notre arrivée par le sud! Nous allons
donc longer le plateau corallien sur plus de 90° de son périmètre
en la laissant à tribord, avant de pouvoir pénétrer dans son
enceinte. La couleur de l'eau est incroyable. Nous apercevons déjà
les célèbres bungalows sur pilotis, surplombant l'eau bleue
turquoise, dont les photos ont faits le tour du monde.
Nous sommes plusieurs bateaux à suivre
le même cap, poursuivant la même intention, l'atteinte de ce
paradis terrestre. Je suis à la barre pour franchir la passe qui
nous conduira à l'intérieur. Le temps est radieux. Nous commençons
à entrevoir pourquoi Bora Bora a été surnommé «La perle du
Pacifique»! Après nous être ancré devant le Yacht Club, nous
prenons du temps sur le bateau pour nous relaxer et profiter de ce
cadre majestueux. Nous nous rendrons finalement à terre, après le
coucher du soleil, pour y savourer quelques cocktails, généreusement
offert par Joe. J'apprécierais à sa juste valeur ma Pina Colada
faite à base de rhum, de glace noix de coco, et de jus d'ananas
frais. J'échangerais avec le barman pendant que Liz et Joe
consulteront internet, avec leur portable et tablette. J'essaie
d'obtenir un maximum d'informations et de bons plans concernant l'île
et ses secrets. Intrigué par une personne en salle, qui semble être
de l'établissement, j'interroge mon interlocuteur. Ce dernier me
demande d'où je viens en France? Comme habituellement ma réponse
sera la suivante: « Je suis né à Dijon où je n'ai vécu
que deux ans puis j'ai passé toute mon enfance à Angers! »
Le lien est fait! Le monde est si
petit! C'est son oncle, le propriétaire du Yacht club mais surtout
l'ancien propriétaire du Soleil Café. Etablissement en centre-ville
d'Angers qui était un bar ambiance-discothèque, où j'ai fait de
mémorable « After » (à l'époque où les discothèques
fermaient à 4h00 du matin, et où d'autres établissements prenaient
le relais à 5h00, pour assurer la continuité de la soirée jusqu'au
petit matin). Ayant envie d'aventures, de nouveaux horizons, il avait
tout vendu sur Angers. Il a saisit l'opportunité qui se présentait
à lui en reconstruisant cet établissement à Bora Bora, détruit
quelques années auparavant lors d'une grosse tempête. Mes pensées
s'envoleront alors instantanément vers Antho, Nico, Max, Elo... j'en
passe et des meilleurs, avec qui j'ai partagé des moments grandioses
dans son établissement à Angers. Lors des jours suivants, je vais
avoir plusieurs discussions avec Beker, son neveu, et ces serveurs.
Il est intéressant de voir l'arrière du décor et de comprendre le
fonctionnement d'une telle installation, d'une telle entreprise, et
ces ressentis à lui. Il a repris un établissement laissé en ruine.
En 2011, il a reconstruit le bâtiment, il l'a mit aux normes
européennes et françaises. Puis il a commencé son business.
L'ouverture d'un tel établissement n'a pas été facile. En premier
lieu pour se faire un clientèle et un nom. En deuxième lieu, dans
un endroit isolé, tel que celui-ci en Polynésie Française, le fait
d'être un métropolitain ne lui a pas facilité la tâche. Il est
indispensable d'avoir des contacts, des connaissances facilitant le
travail et donnant l'accès aux fournisseurs des produits de bases et
matières premières pour un restaurant. Sans ces accès et la
possibilité de se faire livrer à des prix raisonnables, très
rapidement, il aurait pu aller à sa perte.
Les locaux, en premier lieu, lui ont
mis des bâtons dans les roues. Avec le temps, la patience, une force
de communication et d'échanges, il a pu obtenir les fournisseurs
nécessaires, des prix correctes lui permettant de faire tourner,
avec profit, son affaire. Maintenant, l'île est petite, il y a moins
de 7000 habitants. Il est très facile de ne pas pouvoir éviter
certaines personnes, même si vous ne les affectionnez pas
particulièrement. Il affirme néanmoins toujours vivre un rêve,
être sur la plus belle île du Pacifique et d'en profiter un
maximum.
Je compte bien découvrir un petit peu
plus cette perle du Pacifique. Je me coucherais des rêves pleins la
tête, après que nous ayons, sur le bateau, dégusté les premiers
morceaux de poisson de notre pêche de la matinée.
Le lendemain, Joe a besoin de se
reposer, d'être au calme. Il a décidé de rester sur le bateau
pendant que nous partons explorer un petit plus l'île, avec Liz.
Nous allons nous rendre, à pied, dans la ville principale de l'île;
Vaipate. Nous pouvons déjà constater que l'île est beaucoup moins
propre que beaucoup d'autres endroits en Polynésie. Des déchets
jonchent le long de la route. La circulation de voitures est assez
dense, les nuisances sonores importantes. Le centre d'informations
n'est pas très efficace, ou en tout cas, l'hôtesse qui nous reçoit
ne l'est pas. Nous apprendrons rien de plus que nous ne savons déjà.
Je n'ai qu'une idée en tête; prendre
de la hauteur, comme je l'aime, pour admirer cette île vue d'en
haut. L'hélicoptère ne fait pas partie des options envisageables
pour moi lors de cette étape du voyage. Le sommet le plus haut de
l'île, un piton rocheux friable n'a jamais été escaladé. En
revanche, son petit frère, le Mont Paiha, me fait signe du coin de
l'oeil! Toutes les personnes, à qui nous demanderons plus
d'informations nous déconseilleront de faire l'ascension sans un
guide. Ils nous disent tous que plusieurs personnes se sont perdus et
qu'il y a eu encore un mort récemment. Liz, constatant tout de même
m'a forte envie de gravir ce sommet, me dit que je peux m'y lancer si
j'en ai envie et qu'elle rentrera seule au bateau. Bizarrement, seul,
j'obtiendrai beaucoup plus facilement des indications de direction
auprès des locaux. Je sais maintenant quelle route prendre pour me
rendre à la marche d'approche de cette ascension. La route
goudronnée se transforme très vite en chemin de pierre cabossé. Je
suis face à l'arrière du décor de l'île. Les habitants vivent
dans des maisons rudimentaires. Ils ne semblent pas posséder
beaucoup. Il est alors facile de comprendre la frustration qu'ils
peuvent ressentir face à ce tourisme de masse et les sommes
colossales dépensées par de jeunes couples en lune de miel.
Le chemin se rétrécit avant de se
terminer dans un espèce de champs, à moitié défriché, avec
encore quelques plants de bananiers. Plusieurs petits chemins partent
dans différentes directions. Suivant mon instinct, je vais jusqu'au
bout de ce champs. Un petit chemin semble s'enfoncer dans la forêt.
Le tracé est très mal dessiné, en pente forte, est jonché de
feuilles mortes, de racines d'arbres qui sortent de la terre de
partout. Nous sommes sur une terre vierge de roches sur laquelle il
est facile de glisser malgré qu'elle soit sèche. L'ascension va
être sportive. Il s'agit parfois d'escalade, bien supérieur à un
niveau débutant, avec des parois rocheuses de plus de 10 mètres à
gravir. Heureusement, des cordes attachées à des troncs d'arbres
aident à l'ascension. Elles me confirment aussi, dans ce dédale de
petits chemins en pleine forêt, que je me trouve sur le bon chemin.
La sueur sur mon front dégouline
maintenant à grosses gouttes. Je suis très vite trempé, en effort
permanent! Le chemin est parfois inexistant. Il faut que je devine
sur plusieurs mètres où je dois me diriger. Une autre fois, une
paroi rocheuse non franchissable, laisse entrevoir 2 chemins qui
partent à gauche et à droite. Celui de gauche sera celui qui me
conduira tout en haut. La vue se découvre petit à petit avec
l'altitude. La végétation changeant et diminuant en taille, me
permet d'avoir une vision maintenant dégagée et bonne des lieux.
L'arrivée sur la crête, puis au sommet à 642 mètres, au dessus du
niveau de la mer, m'offrira des vues de toute beauté. Je peux voir
ce lagon d'un bleu translucide, ces petits îlots magiques, où les
couples en lune de miel sont parqués dans de confortables bungalows.
Ils n'en sortent d'ailleurs que très rarement, seulement pour faire
diverses activités nautiques, faire de la plongée, assister à des
spectacles de danses, et pourquoi pas s'envoler dans les airs à
l'aide d'un hélicoptère. Quoi qu'il en soit, pendant plusieurs
jours, ils pensent être seul au monde dans un petit paradis sur
terre. Pour ma part, prendre de la hauteur et me retrouver seul au
sommet de Bora Bora me permet de rêver au milieu de cette nature
luxuriante qui est apparue sur les cendres volcaniques riches en
minéraux. Ces petites montagnes, aux abords d'une eau tropicale,
riche et foisonnante, ce point de vue magnifique, me comblent.
J''aurais été seul pendant toute l'ascension et plus de 45 minutes
au sommet avant qu'un local, de plus de 30 ans ne m'y rejoigne, tout
en haut, sous le son de musiques endiablées. Son arrivée au sommet
va aussi s'accompagner de gros nuages épais. Après avoir médité
et profiter d'un calme complet, je vais retrouver l'envie de danser
dans un rythme et des chansons entraînantes.
Je vais prendre les devants dans la
descente après quelques minutes et je ne le reverrais plus. De
retour en bas, après une descente en trottinant, plusieurs locaux me
demanderont si je suis bien arrivé, seul, en haut! Ils esquisseront
un sourire quand je leur répondrai; « Oui, bien sûr,
pourquoi? » M'arrêtant pour demander un verre d'eau, au bord
d'une autre marina, je tombe sur Joe et Liz qui s'occupent de remplir
la bonbonne de gaz, et se préparent à « l'Happy Hour »!
C'est l'endroit rêver pour se sociabiliser et faire de nouvelles
rencontres, entre autre de nombreux voyageurs en voilier. Nous
dînerons tous au restaurant. Nous dégusterons de délicieux mets.
Joe réglera une nouvelle fois l'addition.
Le lendemain, après une cession
internet matinale, je pars explorer sous le beau temps, les quatre
recoins de l'île. J'y découvre quelques belles plages et spots de
plongée que j'explore avec masque et tuba. Les sites et plages sont
jolis. Je garderais de bons souvenirs de cette longue promenade en
solitaire. J'ai bien fait de ne pas perdre trop de temps et
d'effectuer ce que je désirais voir et faire dans les premiers
jours. En effet, Joe vient de regarder une nouvelle fois la
météorologie. Une dépression arrive et elle devrait s'installer
pour plus d'une semaine. N'ayant pas le temps d'attendre, nous allons
essayer de la devancer et de partir avant son arrivée. Départ prévu
le lendemain matin pour rester dans une fenêtre météorologique
convenable.
Le lendemain, le 18 Juillet, nous
préparons le bateau pour le départ, après un petit-déjeuner
matinal. Comme pour une voiture, il suffit d'emmener le bateau à la
pompe pour remplir les réservoirs de diesel. Sauf qu'en voilier, on
espère toujours ne pas s'en servir et quand même avancer à la
vitesse désirée grâce à la force du vent. Ca ne sera sûrement
pas le cas lors de cette traversée. Nous allons, en effet, remonter
au vent et l'avoir dans le nez pendant de longs miles. Cela ne nous
inquiète pas outre mesure!
Le temps a déjà changé, la mer
d'huile dans le lagon se transforme en clapotis! De gros nuages gris
remplacent très rapidement le ciel bleu. Ils déversent les
premières pluies sur cette île paradisiaque de Bora Bora qui perd
alors rapidement son côté magique!
La dépression attendue, dans plus de
20h00, serait-elle arrivée en avance? Nous n'en tenons pas compte.
Nous faisons nos courses alimentaires, prenons notre déjeuner dans
un restaurant local, et allumons les moteurs. Sortant de la passe, le
capitaine d'un catamaran, navigant en sens inverse, nous crie: « It's
very bad out there! » (« C'est vraiment mauvais à
l'extérieur! »). Voyant la houle d'à peine 1 mètre, avec
Joe, nous rigolons de bon coeur. Nous nous moquons de lui, en nous
disant qu'il s'agit sûrement d'un bateau charter n'ayant jamais
navigué sur un océan!
Le temps est couvert mais les
conditions semblent correctes. Nous déployons la voilure principale
au tier et le Génoa dans des proportions identiques. Nous avons
d'ores et déjà le vent un peu dans le nez. Nous conservons donc les
moteurs allumés pour conserver notre vitesse. Nous contournons Bora
Bora, par l'ouest, en direction du Nord. Dès que nous l'avons
laisser derrière nous, nous prenons Cap vers le Nord-Est, en
direction des Marquises, à plus de 850 miles (soit plus de 1574
kilomètres). Hors de la protection des îles-sous-le-vent, la mer va
petit à petit commencer à se former. Le premier indicateur de ce
changement est le vent qui se forcit fortement. La houle va suivre
rapidement. Elle se forme, les creux atteignent 2, puis 3, et enfin 4
mètres de hauteur. Le bateau commence à tanguer, à jouer aux
montagnes russes. Le bateau gravit les vagues une par une avant de
s'écraser sur l'eau à la descente, créant de petites gerbes... Liz
ne va pas supporter très longtemps ce manège de plus en plus fort.
Le mal de mer va la rattraper malgré qu'elle est prise en médicament
pour en éviter les effets et conséquences. Essayant de s'allonger
dans la cabine principale à l'avant du bateau, elle va très vite se
rabattre sur le canapé, dans la pièce de vie, pour éviter, le plus
possible, l'effet trampoline se produisant sur son lit.... En effet,
à cet instant, c'est l'avant du bateau qui est le plus exposé aux
effets de la houle, prise de front! Nous savons qu'une nouvelle fois,
nous devrons effectuer les quarts seulement à deux avec Joe.
La mer va continuer de se forcer durant
la nuit. Les bruits du moteur, les vagues qui viennent s'écraser,
avec fracas, sur la coque, le bateau qui retombe lamentablement sur
cette surface liquide en furie, créent une atmosphère chaotique
pesante... Je serais content de voir le jour se lever après mon
deuxième quart de nuit!
Le lendemain, 19 Juillet, nous avançons
en pleine dépression. La tempête fait rage. Le bateau peine à
avancer. En permanence, la houle nous fait gravir des montagnes. Le
vent continue de souffler fort et provient parfaitement de la
direction que nous souhaitons prendre.
L'eau est partout. Elle impose ces
contraintes. Le taux d'humidité grimpe en flèche dans la cabine,
qui est bringuebalée dans tous les sens. Il est plus agréable,
malgré les éclaboussures ou les litres d'eau que nous recevons de
l'océan, d'être à l'extérieur pour profiter de la magie de la
nature, de sa puissance, et d'un confort beaucoup plus important qu'à
l'intérieur. C'est probablement une question de ressenti mais il est
beaucoup plus simple pour le cerveau de s'équilibrer avec une vue à
l'infini qu'enfermer dans quelques mètres carrés, bien souvent,
dans ce cas, en totalité en dessous du niveau de la mer. C'est aussi
le meilleur moyen de profiter du milieu extérieur marin sur lequel
nous nous glissons tant bien que mal, et de sa puissance.
Liz est inexistante. Elle n'arrive pas
à marcher, pas à manger et même pas à boire un thé au citron
qu'elle redonne quasiment instantanément à Dame Nature... Elle gît
à moitié consciente sur la banquette du salon. Quand à moi, j'ai
été insidieusement désigné chef cuisinier du bateau. Je prépare
la fin de notre pêche, avec du riz aux champignons et à la crème.
Nous ne prendrons qu'un seul vrai repas dans la journée.
Le résumé de la journée suivante
pourrait être: Toujours plus fort encore plus fort! Nous n'avons
toujours pas vu le moindre rayon de soleil depuis notre départ. Le
temps est maussade. L'intensité de la tempête augmente encore. Le
vent dépasse maintenant en rafale les 30 noeuds. La houle atteint
par moment 6 à 7 mètres de hauteur. La pluie commence à faire son
apparition. Nous avons été pris par le mauvais temps, arrivé plus
vite que prévu à Bora Bora. Nous sommes en plein dans l'oeil... du
cyclone... Ah! non pardon, j'exagère un peu... de la dépression!
Nous savons que nous sommes pas prêts d'en sortir et que nous allons
subir ces conditions encore pendant plusieurs jours. La plus à
plaindre c'est Liz. Elle est toujours recroquevillée sur la
banquette, tout juste inerte. Elle n'a, pour ainsi dire, rien mangée
depuis 3 jours. Chaque mouvement est maintenant pour elle un effort
surhumain qu'elle peut à peine accomplir au vu de ces capacités
actuelles. A peine, essait-elle de se mettre assise, qu'un mal de mer
puissant la rappelle à l'ordre. Les vertiges apparaissent. Son
cerveau n'arrive plus à coordonner l'ensemble de ces mouvements. Son
problème d'infection auditive après une série de plongée avec
bouteilles en Polynésie n'est sûrement pas étranger à ces
difficultés qu'elle n'avait jamais éprouvées auparavant. Nous ne
sommes malheureusement pas d'une grande utilité, si ce n'est que de
répondre à ces besoins primaires, lui donner des médicaments, de
l'eau, et effectuer l'ensemble des tâches sur le bateau pour que
nous arrivions à bon bord dans les meilleures conditions possibles!
Cela ne semble pas être une mince affaire!
Le bateau est bousculé dans tous les
sens, les bruits omniprésents. La chaleur à l'intérieur est
insoutenable. La fatigue se fait de plus en plus sentir dans les
rangs. Je découvre ce que c'est de faire de longues nuits de quart.
Etant seulement deux personnes actives, même quand tu te reposes, tu
peux te faire réveiller pour faire des manoeuvres, pour résoudre un
problème... Le bateau n'a jamais navigué dans de telles conditions.
Il est soumis à rude épreuve mais il tient, pour l'instant, assez
bien la navigation, en mer déchaînée. Une inspection régulière
des points vitaux du bateau nous permet de nous rassurer. Malgré les
conditions extrêmes de navigation, nous arrivons avec Joe à garder
le sourire. J'aime vraiment sa façon de gérer simplement son
embarcation. Il est juste. Il sait remercier ces équipiers pour les
tâches accomplies. Il ne s'énerve pas, ou du moins, il tempère ces
réactions. Il est plaisant de former un binôme avec lui. Une
relation amicale s'instaure progressivement avec un donnant-donnant
qui nous satisfait pleinement. C'est une relation de capitaine à
matelot que nous avons établie. Mais très vite, la relation va se
transformer tel qu'entre un oncle d'adoption et un neveu d'adoption.
Cette dernière va au final devenir une vraie amitié où nous
pouvons nous exprimer librement!
Tel la vie imprévisible, nous venons,
en quelques jours, de passer d'un vrai paradis sur terre, à un
chemin tortueux et un peu dangereux. Les beaux jours sur les îles de
la Polynésie nous semble bien loin. Comme dans la vie, chaque
instant peut emmener un bouleversement important, voir parfois
irréversible. Ce n'est pas le cas pour l'instant au cours de
l'expérience que nous vivons mais les éléments se déchainent tout
de même très fort! Nous sommes en permanence mouillés. L'eau
pénètre dans la coque sûrement par des trous au niveau du pont. La
pompe automatique est en panne. Nous sommes donc obligez de pomper
manuellement au niveau du cockpit et d'écoper grâce à des
serviettes déposées sur le sol, côté bâbord, où l'eau
s'accumule dans des cales peu profondes.
Sommes-nous bientôt sorti d'affaire?
Nous n'en savons rien mais ce n'est pas le vendredi 20 juillet que
la tendance va s'inverser. L'intensité de la tempête augmente
encore d'un cran. Les vents atteignent maintenant plus de 33 noeuds
en moyenne, avec parfois, pendant de longues minutes, des rafales
établies à plus de 37 noeuds et dépassant par moment les 40
noeuds. La houle se forcit de nouveau. Elle est à plus de 5-6 mètres
en permanence. Elle nous présente parfois des murs de plus de 8
mètres de haut. Dans la nuit, un jeu de lumière se crée entre
l'eau et les feux de navigation rouge et vert qui danse à la proue
du bateau. Avançant au prêt, avec un vent de face de plus en plus
fort, le moteur est nécessaire 24h00/24, les voilures sont réduites
au minimum. Le bateau ne prend pas directement les vagues de face.
Mais le faible angle appliqué ne change pas grand chose au final. La
proue du bateau tape violemment, encore et encore, après chaque
vague que nous n'arrivons pas à surfer en descente. Des gerbes
immenses d'eau sont propulsées de chaque côté du bateau. Dans le
cockpit, nous sommes régulièrement aspergés d'eau de mer par les
seuls embruns de mer, par les vagues qui viennent se fracasser contre
la coque... Plusieurs fois ceux sont les vagues qui viendront finir
directement leur course dans le cockpit. L'eau ruisselle de partout.
Les infiltrations ne s'améliorent pas non plus à l'intérieur...
Mais nous conservons une attitude de
challenger prêts à relever le défi que nous présente notre
environnement. Je cuisine un vrai repas consistant et chaud par jour.
Le reste du temps nous grignotons de petits amuses-gueules, des
céréales, du fromage avec du pain,... tel un plateau repas devant
un bon film... Depuis plusieurs jours, nous avons choisi film
d'actions et d'aventures! Nous avons presque le sentiment d'en être
les acteurs principaux. Le film s'éternise dans le temps, les
rebondissements sont multiples. Liz est, quand à elle, une actrice
un peu effacée dont le rôle la plonge dans un sommeil quasi
permanent. Elle pourrait jouer le rôle de la belle au bois dormant
sauf qu'elle ne se trouve pas dans un donjon. Je ne suis pas sûr non
plus qu'ici, un prince charmant viendra la délivrer de son sort..
Joe et moi-même sommes sur le pont en pleine action. La réalité
dépasse alors la fiction!
J'essaie d'être acteur et réalisateur
par la même occasion. Mais le manque de moyen de la production, au
cours de cette situation très spéciale n'aidera pas le spectateur à
prendre pleinement conscience de l'intensité de la scène et des
moments vécus (filmant avec ma GoPro, vous pourrez tout de même
avoir une idée des événements qui se déroulent à bord).
C'est à 3h00 du matin, en ce dimanche
21 Juillet, que je prends mon quart alors que Joe part se reposer. Le
vent souffle toujours aussi fort, l'océan continue son bras de fer
musclé. Plus de 4h00 de sommeil m'ont revigorées. Mais la fatigue
commence à se faire sentir après 3 jours et presque 3 nuits que
nous faisons face aux éléments.
L'eau est omniprésente, elle pénètre
partout, où elle peut! Malgré de bonnes protections, un mauvais
timing lors de la sortie de la cabine et c'est la douche assurée. La
mer t'accueille alors, telle une amie qui ne t'aurait pas vu depuis
longtemps et qui aurait envie de t'étreindre le plus fort possible
en t'attendant dans la descente d'escaliers menant chez toi! Lors de
cette nuit grisâtre, la lune est déjà bien ronde. Elle produit une
belle lumière qui réchauffe mon coeur quand elle arrive à percer
les nuages denses qui occupent le ciel. Quand, elle disparaît, à
l'horizon, avant 5h00 du matin en ce dimanche, la nuit noire reprend
instantanément ces droits. Le bruit du vent dans les voiles, les
mouvements incessants de la baume en vibration, les vagues qui tapent
contre la coque, le bateau qui s'abat régulièrement sur cette
surface, le moteur qui tourne en continue, amplifient l'atmosphère
sinistre alors que nous fonçons dans un milieu inconnu bien
sombre...
La clarté de la lumière du jour à
6h00 me ravira. Nous venons de passer une nuit de plus sans encombre
à bord de « Set Me Free »!
Pourtant très propres et ordonnés
habituellement avec Joe dans nos vies respectives, nous sommes
maintenant plus dans un état de survie. Nous faisons le maximum pour
garder le bateau propre dans ce chaos. Cela restera tout de même un
bazar monstre, entre les cales ouvertes pour écoper, les torchons et
serviettes qui jonchent le sol, les affaires pleines d'eau de mer,
les cousins extérieurs stockés à l'intérieur... Prendre une
douche après nos quarts pour essayer de retirer le sel relève d'un
vrai parcours du combattant. La règle « d'une main pour le
bateau, d'une main pour soit » se confirme plus que jamais! La
gîte du bateau et les mouvements permanents, dus à la houle et aux
vagues, ne nous mettent pas dans une position des plus aisés. Dans
les toilettes se tenir debout est une vraie mission qui relève
maintenant plus d'un sport!
Le calme tant attendu semble pourtant
arriver en ce début de matinée. Le vent vient de fléchir en
dessous de 30 noeuds. Le soleil fait son apparition de temps en temps
entre 2 nuages. Liz, qui a pris des médicaments, semble aller un peu
mieux. Elle arrive à boire un peu, à manger quelques biscuits.
Après avoir pris un petit-déjeuner salé avec Joe; oeufs brouillés
et jambon, je me rendors instantanément pour plus de 2 heures. A mon
réveil, le temps est encore clément. Pourtant la nature a décidé
de ne pas encore nous laisser nous reposer et retrouver une certaine
sérénité. Joe est à la barre quand l'anémomètre, placer au
sommet du mât n'est plus lisible sur notre système de navigation
électronique. Nous n'avons donc plus la direction et la force du
vent, éléments clés à la voile! En même temps, le pilote
automatique cesse de fonctionner. Joe me demande de prendre la barre.
S'il n'est pas possible de réparer, nous allons devoir nous relayer
à deux, 24h00/24, pour manoeuvrer le voilier.
Le temps se durcit. Je barre maintenant
avec des vents qui soufflent de nouveau à plus de 30 noeuds. Des
pluies diluviennes s'abattent sur nous, alors que Joe essai de
réparer. La houle s'est reformée et les vagues qui me font face
font parfois plus de 8 mètres. Joe est dans la cale à mes côtés.
Il tente réinitialiser le pilote automatique et/ ou de détecter le
problème mécanique. Je vérifie à deux fois, le haut du mât et je
constate que l'anémomètre n'est plus présent. Il vient de se
casser. Une partie est tombée à l'eau.
Il venait il y a seulement quelques
mois de le changer. Le réparateur avait fait tomber l'instrument du
haut du mât. Fragilisé, il a dû se casser à l'endroit de
l'impact. Joe pourra réclamer réclamations mais quoi qu'il en soit,
à l'heure actuelle ,nous ne pourrons pas avoir ces informations
importantes. Nous utiliserons alors le système D, et nous serons
plus à l'écoute de la mer, de ces mouvements et ces changements.
Aucune cause à effet, pure
coïncidence, que le pilote automatique nous ai abandonné au même
instant que l'anémomètre. A la barre, de nombreuses idées me
passent par la tête. Bizarrement, elles ne sont pas toutes des plus
optimistes. Franchir le pas pour penser au pire pourrait vite être
franchi dans ce genre de situation mais je garde le sourire. Après
plus de 30 minutes de manipulation, Joe me demande d'appuyer sur le
bouton du pilote. La roue à gouverner recommence à se mouvoir seule
pour garder un cap prédéfini. Le pilote automatique est de nouveau
opérationnel. Nous n'aurons, du moins pour l'instant, pas besoin de
barrer en permanence. Cela me permet malgré tout de me rappeler, si
besoin était, le plaisir que j'ai à manoeuvrer un bateau. Je me
promet, par pur plaisir et non obligation, de tenir la barre
quotidiennement, pendant plusieurs heures.
Nous espérons que la loi des séries
ne va pas continuer de nous frapper. Pourtant le réflecteur de radar
qui s'emmêle dans les haubans, après que son support est lâché
voudrait nous laisser entendre le contraire. Rien d'important
concernant ce dernier, que je démontrai sans trop de problème! Nous
le réinstallerons plus tard! La situation semble stabilisée. Après
le déjeuner, le périple va reprendre son train train quotidien. De
nombreuses pluies, des vents forts, une houle démesurée, le bateau
qui tape sur l'océan après avoir décollé sur une grosse vague,
sont de nouveau de la partie.
Liz s'est rendormie sur la banquette,
je m'occupe du ménage, et avec Joe, nous manoeuvrons le bateau. Nous
gardons l'espoir de sortir de cette dépression majeure. Nous ne
savons simplement pas quand cette dernière prendra fin! L'après-midi
va finalement passer très vite. Nous continuons de nous faire
secouer. C'est surtout le cas lorsque des averses amorcent une
augmentation significative de la force des vents. Nous avons aussi
tous besoin de nous reposer. Nous allons chacun vaquer à nos
occupations tel que la lecture et l'écriture. Nous n'oublions, tout
de même, pas de jeter un oeil dehors. Malgré la sensation d'être
seul au monde, nous ne sommes pas à l'abri de la possible rencontre
avec un autre navire, sans parler de collision. Même si dans ces
eaux, la probabilité que ce la se produise est moins grande que
celle de «trouver une aiguille dans une botte de foin»! Nous
peaufinons les réglages du mieux que possible alors que les voiles
nous rappellent parfois à l'ordre en flottant violemment dans l'air!
Garder le bateau le plus sec possible est aussi une mission qui nous
prend pas mal de temps! L'humidité ambiante n'arrange en rien nos
affaires! Tout est trempé, salé! Nous avons été accueilli tôt le
matin par un splendide doubles arcs-en-ciel fort en couleurs. Ce sera
un complet, et coloré, arc-en-ciel de pleine lune, le plus beau que
j'ai jamais pu observer, qui terminera cette journée en beauté!
Encore une fois, j'ai le sentiment que la mer s'assagit. Serait-ce,
cette fois-ci, la bonne? Les prochaines heures confirmeront ou
infirmeront cette tendance!
Ce magnifique phénomène naturel;
l'arc-en-ciel de lune et l'apparition de l'astre lunaire sonneront
bien le glas de la tempête qui sévissait. Coïncidence ou pas,
l'accalmie météorologique surviendra en même temps que la montée
au zénith de nos astre lunaire pleinement visible... confirmant
l'importance primordiale de cet astre sur les océans, sur es
déplacements et flux de ce liquide... phénomène plus communément
appelé Marée. La différence est vertigineuse et quasi instantanée.
La houle a fortement diminuée, le vent est tombé à moins de vingt
noeuds, la pression de l'océan sur le bateau est aussi beaucoup
moins grande! Je m'endors rapidement. Je dors sur la banquette du
salon car le bruit infernal du moteur juste à côté de ma cabine
n'est pas soutenable. Lors de mon quart, que je commence à 3h00 du
matin, je suis beaucoup plus serein que les derniers jours! Je reste
attentif aux réglages du voilier, à l'environnement extérieur. Les
changements brutaux et possibles sont rarement complétement
prévisiblse. J'écris alors au quotidien, sur des feuilles de papier
volantes, des mots, des idées qui me permettront de construire
l'ébauche ultérieur de mon blog que je publierai sur ces événements
en cours. J'ai plus d'un mois et de demi de retard d'écriture de ce
dernier... C'est à la lumière rouge tamisée du poste de contrôle,
sur la table à carte que j'appose les mots sur du papier tel que je
ne l'avais pas fait depuis bien longtemps. Il pourrait être
intéressant de me replonger dans tous les écrits de mon passé, de
mon adolescence que j'ai précieusement conservé à la maison. Ces
derniers révéleraient sûrement une intéressante évolution, et un
état d'esprit donné lors d'une période de ma vie totalement
différente de celle que je vis actuellement.
21h30, voici venu le temps de réveiller
Joe. Entre nos 2 quarts, nous allons manger ensemble. La cuisine est
simple ce soir. Il s'agit de riz à la crème, aux champignons avec
du jambon et des oeufs sur le plat. Juste après, le temps est venu
pour moi de dormir durant les 4 prochaines heures.
Le lundi 22 Juillet, réveillé à
2h30, je sommeillerais jusqu'au début de mon quart à 3h00. La mer
est toujours assez calme, les voiles sont parfaitement réglées et
la vitesse est établie autour de 6 knots de moyenne. Très
rapidement, après le lever du soleil à 6h00, la mer recommence à
se former, le vent souffle de nouveau plus fort. Je prends la barre
une première fois, puis une seconde. J'aime apprendre et jouer avec
le réglage et le paufinage des voiles. La grande voile (qui
s'enroule dans le mât (première fois que je navigue avec ce
système) est à peine sortie au tier de sa surface totale. Le Génoa
est aussi en action, à peine au quart de ces possibilités. La
troisième fois que je prends la barre, après 8h00, la mer s'est
reformée, les premières averses accompagnées de vents violents
reprennent de plus belle. J'essaie de jouer avec la houle qui fait
maintenant plus de 5 mètres de hauteur. La plupart du temps, le
bateau franchis les vagues tranquillement avant de s'écraser de
l'autre côté. Mais parfois, le mur est trop grand, alors la vague
vient s'écraser sur le bateau, parfois dans le cockpit où je me
trouve. Je suis alors recouvert d'eau de mer.. Nous ne sommes pas
encore sorti de la dépression mais nous en atteignons sûrement sa
circonférence extérieure. Un des éléments qui me fait dire cela
est le fait que l'après-midi, nous allons être victimes d'averses
monstrueuses qui s'abattent les unes après les autres, signes de
bordure de dépression. Cela ne me démonte aucunement. Retroussant
les manches, je mets le pilote automatique en «standby» et je
prends la roue à gouverner en main. Je peux réellement sentir les
éléments: l'eau de la pluie qui me fouette le visage, l'eau de mer
qui m'éclabousse gentillement ou m'arrose par dizaines de litres
d'eau à la fois, le vent qui siffle dans les voiles, et fait claquer
mon manteau de pluie détrempé, en me faiant parfois grelotter de
froid... Quand à la houle, elle nous donne une nouvelle fois le
sentiment d'être dans des montagnes russes. Néanmoins ma position
est beaucoup plus plaisante et confortable à l'extérieur que dans
la coque. J'ai moins la sensation de vitesse car je suis moins proche
de l'eau mais j'ai aussi beaucoup moins le ressenti de la gîte, du
roulis et du tangage. Le fait d'être à la barre, au contrôle du
navire n'y est sûrement pas étranger non plus. Nous avons cru être
sorti définitivement de cette dépression mais il nous faudra encore
attendre quelques heures. Même Liz, qui est toujours allongée, et
qui a, à peine, avalée trois bouts de pommes de terre, en rigole
(rire jaune quand tu nous tiens...). Cuisiner ces légumes, après la
séance d'épluchage, préparer du poulet aux épices avec oignons et
échalotes, est un peu sport dans ces conditions. Mais le capitaine
appréciant la recette sera la récompense de mes efforts. La journée
passe très vite et nous voilà déjà à l'orée d'attaquer notre
cinquième nuit en mer! Mais nous n'avons pas encore eu, lors de
cette journée, de mésaventures Cela serait-il concevable? Non!
Après que la retenue physique de la
vitre se soit cassée, que l'anémomètre se soit volatilisé, la
rampe d'escalier se soit dévissée, que le déflecteur de radar soit
devenu inutilisable, la corde de l'enrouleur de Génoa vient de
perdre sa gaine supérieure. Nous ne pouvons alors pas totalement
rentrer la voile dont heureusement très peu de surface reste
déployée.
Le plus grave nous guette encore! Si la
corde lâche, la voile se déploiera entièrement après que
l'enrouleur se soit libéré de toute contrainte et attache
mécanique. En cas de gros vents, comme ceux que nous affrontons
actuellement, cela pourrait nous mettre dans une situation très
délicate, voire périlleuse. Après réflexion, je vais à la proue
du bateau. Je fixe un cordage sur l'armature métallique du bateau et
bloque l'enrouleur en rotation au cas où la corde usuelle utilisé
céderait!
La nuit va être une alternance de mer
plus calme et agitée, de vents oscillants entre 10 et 25 noeuds,
quelques vagues assez importantes pouvant surgir de nul part! C'est
cette fois-ci, au petit matin, avec le premier rayon de soleil que
nous pensons être définitivement sortis d'affaire. Le vent est
tombé. Je vais aider Joe à réparer le Génoa. Nous changeons de
sens le cordage de l'enrouleur. Nous pouvons alors de nouveau
utiliser ce dernier. J'organise la cuisine, entrepose les poubelles
dans un compartiment à l'arrière, je prépare des crêpes pour le
petit-déjeuner, et du pain pour les repas suivants. Différents
éléments vont tout de même venir perturber cette tranquillité
apparente. Nous n'avançons pas. A ce rythme, il nous faudra 8 jours
de plus pour arriver à destination. Déjà 5 jours que nous sommes
en pleine mer. Or la durée prévisionnelle de la navigation devait
être maximum de 7 jours, et non de 13. Voyons comment la
météorologie va évoluer et nous aider à atteindre Les Marquises
que je souhaite maintenant découvrir plus que jamais!
Beaucoup plus grave est la constatation
que nous faisons en milieu de matinée. J'avais quelques heures
auparavant écoper beaucoup plus d'eau que d'habitude dans le fond
des cales! Une trentaine de litres environ. 3H00 plus tard, la
quantité est encore plus importante. L'eau gicle par les jointures
du plancher en bois à chaque fois que le bateau tangue. Joe reste
stoïque mais il se pose beaucoup de questions. De mon côté, un tas
d'idées me passent par la tête. J'essaie de garder un relatif
positivisme malgré les idées noires qui fusent plus rapidement que
je ne peux les exprimer avec des mots. Dans ces moments là, j'aime
être dans l'action. J'écope autant que possible en discutant avec
Joe pour envisager toutes les solutions qui sont à notre portée.
Nous allons déjà vérifier l'ensemble des tuyaux qui ont une sortie
sur la mer. Continuant d'enlever un maximum d'eau directement dans la
cale, sans utiliser la pompe manuelle à l'extérieure, nous
reprenons les éléments un par un. Ce n'est pas directement l'état
de la mer, plus calme qui peut en être responsable. Aucune fuite
n'est visible dans la surface habitable et un trou dans la coque est
une utopie négativiste.
Tout va finalement s'éclaircir quand
Joe se rappelle d'une variable importante qui n'était pas présente
les jours précédents. Il a mis en route le dessalinisateur pour
produire de l'eau fraîche. Or il ne possède pas de jauge de
remplissage. Il a normalement un capteur qui stoppe la production
d'eau en cas de trop plein et de débordement. Mais la forte pression
et les mouvements permanents ont peut être eu raison de cette
système technologique aussi. Nous utilisons aussi beaucoup moins
d'eau potable que quand nous sommes à terre. Finissant d'enlever le
plus d'eau possible, dessalinisateur éteint, nous ne constaterons
pas une grande et nouvelle augmentation intempestive du niveau de
l'eau. Le soulagement est complet! En revanche, nous ne sommes
toujours pas sortie de ce mauvais temps qui ne cesse de nous
rattraper. Pour la énième fois, la houle se reforme, le vent
souffle en rafale, et des pluies diluviennes s'abattent sur nous.
Plusieurs fois, nous devrons manoeuvrer, retirer de la voilure... et
bien entendu finir trempés! Des fenêtres de ciel bleu me permettent
de garder le moral malgré un peu de lassitude qui commence à
naître. Serait-ce trop demander que d'avoir un jour de beau temps
avec des conditions optimales de vent? Les conditions paradisiaques
de la navigation, pour atteindre Bora Bora, me semblent si loin.
Je ne sais pas si l'esprit du monde
aura entendu mes incantassions, si notre positivisme aura permis que
nos souhaits deviennent réalité, ou que simplement, nous étions
maintenant et réellement en bordure de dépression, mais la mer
diminue petit à petit, le vent tourne légèrement, nous permettant
de ne plus l'avoir de front! Nous pouvons couper les moteurs. Nous
recommençons à naviguer dans le calme le plus totale. Set Me Free
est redevenu un bateau à voile à part entière. Nous entendons
l'eau glisser le long de la coque, les cordages grincer dans les
taquets, le vent qui taquine les voiles, et le silence de la nature à
perte de vue. Nous atteignons plus de 5,5 noeuds de moyenne en
remontant au vent. Moins de 6 noeuds de moyenne, ce n'est rien pas
rapport aux 9 ou 10 noeuds de moyenne que nous faisions allégrement
en catamaran. Mais les conditions étaient différentes. Il
s'agissait de vent arrière où le comportement des multi-coques est
très bon. Dans les conditions actuelles, un catamaran aurait été
beaucoup moins performant. Il aurait dû tirer des bords avec un
angle de plus de 60° par rapport au vent... Mais passons les détails
techniques et laissons-nous bercer par ce moyen de locomotion qui
redevient alors du pur plaisir.
Pour compléter le tableau idyllique,
le lever de lune à 19h00 sera somptueux. Les étoiles parsemées
dans le ciel redonneront la beauté incomparable de ce milieu naturel
sauvage, loin de tout! Les étoiles filantes, que j'aperçois, me
permettent de faire des voeux pour les Hommes de cette planète, pour
les proches, et aussi un ou deux pour moi (Non, non, non, je ne vous
ai pas di ce que c'était donc ils pourront se réaliser!
Tralalala... Tralalalalère... moi, gardez mon âme d'enfant? Non,
même pas vrai!).
Quoi qu'il en soit, je suis né sous
une bonne étoile. J'espère que cette dernière continuera à me
montrer le chemin à travers ce monde magnifique, mais, aussi et
surtout, dans ce voyage initiatique qu'est la vie, en direction d'une
paix et d'une sagesse intérieure, dans une quête d'un noble idéal
me rendant libre et heureux!
Le lendemain, 24 Juillet 2013; R.A.S.
(Rien A Signaler)! C'est vrai, c'est la première journée de
navigation de ce périple où le soleil est présent, nous faisons de
la voile sans moteur. Il n'y a rien à redire, rien dont je peux me
plaindre! Comment pourrais-je alors jouer mon rôle de bon français
toujours entrain de se plaindre de tout, et de ne jamais être
content de rien? (N'est-ce pas un peu provocateur vis-à-vis de mes
compatriotes français? Je ne le pense pas, simplement une
exagération de la vérité, tout de même assez proche du quotidien
dans ma belle et chère France). Je plaisante, bien entendu, ou en
tout cas, j'exagère un peu le tableau concernant les Français!
Nous concernant, notre journée de
navigation sera un pur bonheur. Où que nous soyons sur le bateau, le
calme est de rigueur. L'océan est moins formé et il nous laisse un
peu de répits pour les heures suivantes. Le bateau ne vient plus se
fracasser contre la mer déchaînée, créant des bruits d'étonnant
à l'intérieur, et des gerbes immenses sur les flancs du bateau à
l'extérieur. Nous pouvons même un peu ouvrir les hublots pour aérer
le cockpit et supprimer autant que possible cette humidité ambiante.
Liz retrouve un peu de couleurs. Elle commence à parler, manger un
peu plus que les derniers jours. Ces tentatives pour se lever seront
encore vaines, ou du moins elles lui donneront tout de suite des
sensation nauséeuses et un mal de tête intense. Joe et moi-même
avons le sourire. Les discussions s'enchainent. La journée sera
faite de petits plaisirs simples, de la contemplation de la nature,
et de l'amélioration des réglages de la voile pour accroître nos
performances. Nous n'aurons en revanche toujours pas le droit à un
coucher de soleil sur l'eau. Le temps gris à repris ces droits,
avant la tombée de la nuit.
Le vent se lève progressivement. Nous
allons pour la première fois établir certaines performances avec ce
bateau. Nous glisserons toute la nuit à plus de 7 noeuds de moyenne.
Certaines heures, nous atteindrons 8, voir même 9, noeuds de
moyenne. Plusieurs pointes seront établis à plus de 11 noeuds. Une
nuit complète sans moteur complétera le bien-être acquis dans la
journée. Mes quarts de nuit de 18h00 à 22h00, puis de 2h00 à 6h00
du matin vont s 'écouler très rapidement entre lecture,
écriture, observation de la mer et des étoiles, préparation de la
pâte à pain et du petit-déjeuner.
25 Juillet 2013, un autre journée de
traversée en direction des Marquises. Le manque de soleil, donc la
non possibilité de créer du courant avec les panneaux solaires, et
surtout l'obligation de changer de cap pour atteindre notre objectif,
va avoir raison de notre quiétude! A 11h00, il est temps de rallumer
les moteurs, de prendre un cap 40° plus vers l'est et de nouveau
affronter les vagues de front. Peu importe, l'ambiance reste au beau
fixe! Liz arrive à manger toujours un peu plus. Elle se joint aussi
à nous lors de divers échanges sur des sujets très variés.
L'océan et Dame Nature vont jouer avec
Joe lors de cette journée en lui faisant de petites farces à
répétition! Il ne sera quasiment pas sorti de la journée sauf pour
une ou deux manoeuvres. Je suis tranquillement entrain de regarder le
paysage quand il s'installe de l'autre côté pour utiliser la pompe
manuelle d'extraction de l'eau dans les cales. Peu d'eau est présent
maintenant mais par mesure de précaution, nous continuons à en
évacuer le plus possible. Le cockpit est alors sec, aucune grosse
éclaboussures depuis plus d'une heure. Il est à peine assis depuis
quelques secondes quand une vague vient se fracasser sur la coque à
tribord et le trempe entièrement. Bien calé de l'autre côté, je
n'en recevrai pas une goutte. Je suis mort de rire. Nous plaisantons
ensemble, et il essai de m'arroser avec la bouteille d'eau qu'il
tient en main. Deuxième épisode encore plus vicelard! Il est cette
fois-ci simplement dans le haut des escaliers menant à la cabine. Il
est protégé à 270° par des vitres plastiques et un toit en toile.
C'est le moment choisi par une vague cassante! Elle vient s'exploser
à l'avant du bateau. Une quantité phénoménale d'eau ruisselle sur
le pont avec une vitesse et une force impressionnante. Passant par
tous les trous, tous les orifices, plus de 2 litres d'eau de mer
atteignent Joe, le détrempent avant de s'écoulert dans la cabine.
Ce n'est vraiment pas son jour mais il prend cela sur le ton de la
rigolade, avec le sourire et philosophie. Il est simplement mécontent
de se retrouver avec un tee-shirt tout propre déjà plein d'eau de
mer.
Je vais passer pas mal de temps dehors
à admirer cette puissance naturelle qui nous entoure. Il est
intéressant de voir que le bateau passe sans problème une grosse
houle de plus de 6 mètres, si elle est « roulante »
(c'est à dire ayant une forme arrondie telle une colline, facile à
gravir). En revanche, une petite vague cassante peut être source de
grosses tensions pour le bateau. Ce dernier peut tout d'abord la
percuter, créant alors des gerbes d'eau impressionnantes, ou il peut
la gravir rapidement, sortir de l'eau, et venir écraser le fond plat
sur la surface aquatique. Le spectacle est aussi très intéressant à
l'intérieur. Avec la gîte du bateau, à travers les hublots, nous
pouvons voir parfois le paysage entre ciel et mer, parfois seulement
la mer, et enfin, quand le bateau est fortement inclinée, le hublot
est sous l'eau et nous ne voyons plus que plusieurs mètres cubes
d'eau d'une couleur bleu marine intense...
l'océan est beau par tous les temps.
Lorsqu'il pleut, une atmosphère brumeuse se crée, le ciel se
confond avec l'océan formant un ensemble uni. Entre averses et
éclaircies, l'apparition d'arcs-en-ciel est quasi assurée. Lors du
beau temps, la vision est à perte de vue, quasi infini. La couleur
de l'eau est magnifique. Les levers et couchers de soleil et de lune
sont toujours des spectacles uniques. Le ciel étoilé est
incomparable avec ceux observables sur la terre ferme. J'aimerais que
le temps soit enfin plus clément lors de cette traversée. Le ciel
s'éclairci en fin de journée, quelques rayons de soleil perceront
les nuages gris à l'horizon. Les couleurs dans le ciel seront belles
l'espace d'un instant au moment du coucher de soleil.
Je le dis peut être trop souvent mais
tant pis. Je m'estime le plus heureux des hommes sur cette terre et
je ne changerai ma place avec celle d'un autre pour rien au Monde! De
grosses pensées s'envolent alors pour ma famille que je chérie, et
mes amis qui me sont si précieux.
Un nouveau jour se termine et le
suivant sera dans la lignée des jours précédents mais avec
quelques variables qui font une grande différence. En effet, en ce
vendredi 26 Juillet 2013, nous ne sommes plus très loin de notre
objectif. Nous redressons le Cap que nous avions établi les
dernières 24h00 pour optimiser notre avancée et prenons la
direction de l'île principale des Marquises; Nuku Hiva! La mer est
beaucoup moins formée, la houle a sensiblement diminuée. Le soleil
pointe, avec difficulté, le bout de son nez après avoir percé une
épaisse couche de nuage! Liz revient petit à petit à la vie. Elle
est capable de se mouvoir un peu, elle boit de nouveau des boissons
fraîches et chaudes, elle mange un peu aussi. Ayant différentes
conversations dans le salon avec Joe, elle prendra, comme la veille,
part à ces dernières. Elle arrivera même à esquisser un sourire.
Je ne réalise vraiment ce qu'elle vient de vivre; plus de 5 jours
dans un quasi-coma, sans manger et presque boire, quasi-inexistante
alors que nous naviguions dans des conditions relevant presque de
l'extrême...
La journée va passer très vite. Ce
n'est maintenant plus que quelques miles qui nous séparent de ces
terres, que j'ai toujours rêver de fouler. Le calme retrouvé de la
mer et la lumière du soleil lors de son coucher nous poussent à
l'optimiste. Nous avons encore plus d'une nuit de navigation mais
l'arrivée promise le lendemain apporte beaucoup d'optimisme et de
réconfort au sein de l'équipage. Joe et moi avons aimer naviguer
dans ces conditions particulières. Mais le fait de savoir que nous
pourrons très prochainement poser pied à terre n'est pas pour nous
déplaire non plus.
Comme nous en avons pris l'habitude,
nous organisons la nuit avec des quarts de 4h00. Je ferais le premier
de 18h00 à 22h00, avant que Joe enchaîne le suivant. A mon réveil,
à 2h00, tous les voyants sont au beau fixe. Pour la première fois
depuis le début de la traversée, la nuit est étoilée. Ce n'est
plus que quelques miles qui nous séparent de notre arrivée. Seul
dans le cockpit a profiter de la douce brise et des bonnes conditions
de mer, je vais assister à un magnifique lever de soleil. Le ciel
s'enflamme de couleurs flamboyantes au niveau de petits nuages fins
formant une sorte de dentelles. Le ciel revêtira tout d'abord son
apparat violet, puis rouge, rouge-orangé, et enfin jaune juste avant
que le soleil se présente à l'horizon, brillant de mille feux.
L'accueil Marquisien par dame nature
est exceptionnel. Après des conditions dantesques, c'est sous le
soleil que je vais pouvoir m'exclamer pour la deuxième fois en
quelques mois: «Terre en vue»! J'adore la sensation qui m'envahit
alors, l'émotion que je ressens dans tout mon corps... J'aime être
en haute mer, larguer les amarres et savoir que je prends le large
pour atteindre un nouvel endroit. Mais l'intensité émotionnel est
définitivement plus forte, quand après une traversée de plusieurs
jours, perdus au milieu de l'océan et de flots pas toujours
cléments, la délivrance est atteinte grâce à l'arrivée sur un
nouveau «plancher des vaches ».
Liz et Joe n'émergeront pas d'un
sommeil profond avant 9h00. La mer est maintenant presque plane. Le
vent est fortement tombé et nous allons tous les trois profiter de
la chaleur, assis sur les banquettes du cockpit. Tout le monde
appréciera le petit-déjeuner, à base de crêpes que j'ai préparé!
Puis doucement mais sûrement, nous
allons nous rapprocher de l'île de Nuku Hiva. C'est sous le soleil
que je vais découvrir ces fabuleux paysages qui en ont fait sa
renommée. Des falaises verdoyantes, de plusieurs centaines de mètres
de hauteur, découpent la côte, avec grâce, et se jettent dans
l'Océan Pacifique. Cette surface bleue infinie sépare cet archipel
de plusieurs centaines de kilomètres de tout autre terre
immergée.Des cascades coulent le long de ces surfaces verticales,
déversant les eaux de pluies accumulées lors de pluies
torrentielles fréquentes dans cette partie du monde.
Nous jetons finalement l'ancre en début
d'après-midi, dans la grande baie faisant face au village principale
de l'île, chef-lieu des Marquises, Taiohae! Comme pour chaque
arrivée de traversée, nous ne mettrons pas l'annexe directement à
l'eau pour nous rendre sur la terre ferme. Nous allons prendre le
temps de nous poser un peu et de profiter du paysage qui nous
entoure. Nous commençons à ranger et organiser le bateau, le laver
un peu. Puis nous préparerons un bon déjeuner. Ce n'est qu'en fin
d'après-midi qu'en annexe, nous atteindrons enfin le rivage de l'île
de Nuku Hiva. C'est une petite gargote, en bord de mer que nous
allons faire la connaissance d'autres personnes voyageant en voilier.
Très vite, l'échange permet de connaître un peu mieux le parcours
des autres voyageurs. Mais nous allons surtout apprendre que nous
arrivons en pleines festivités sur l'île. Il s'agit d'un mini Heiva
organisé dans chaque archipel. La soirée devrait être splendide!
Malgré la fatigue, nous décidons
d'aller prendre le repas dans la grande salle de communauté faite en
tôle. Je vais passer une soirée extraordinaire. Je vais trouver
ici, ce que je croyais trouver lors des festivités du Heiva à
Tahiti. Les danseurs font corps avec l'assemblée. La proximité va
permettre d'augmenter l'intensité. La première partie est consacré
aux danses locales marquisiennes. Je peux lire de la férocité et un
côté sauvage exacerbé et conservé dans leurs danses. Sur le
rythme des tam-tam, les danseurs font une épreuve de force pour
montrer leur puissance et faire peur aux ennemis. La démonstration à
laquelle j'assiste est proche du Haka néo-zélandais connu
mondialement. Les costumes traditionnelles donnent encore plus une
sensation d'authenticité. La légèreté de ces derniers laisse
apparaître des corps presque dénudés de marquisiens où
apparaissent des tatous tribales de grande renommée. Au première
loge, assis par-terre, je vais dévorer ce spectacle des yeux.
La deuxième partie consacrée aux
danses polynésiennes traditionnelles et tahitiennes continuera à me
plonger dans un état semi-onirique. La réputation du déhanché des
Polynésiennes n'est plus à faire, et cela pour une bonne raison. Le
rapidité du déplacement du bassin, et le mouvement fessier
ondulant, ont un effet hypnotisant. Le fait qu'ils nous invitent à
les rejoindre sur la piste n'enlèvera rien à la beauté de la
soirée, bien au contraire. Je regagnerais Set Me Free comblée par
ces premières heures passées sur ces terres très particulières...
Je m'endormirais la tête dans les étoiles, les yeux pétillant,
avec encore l'image sur les rétines du spectacle qui m'aura été
proposé!
Le beau temps est toujours au
rendez-vous, le lendemain, après un réveil tardif. Il est agréable
de pouvoir effectuer une nuit complète, sans la contrainte des
quarts, sans les mouvements incessant du bateau. Rien de spécial de
prévu au programme de cette nouvelle journée. Pourtant, comme
habituellement, je ne vais pas la voir passer. Elle sera bien
chargée, entre nettoyage, réparation, monter en haut du mât pour
constater les dégâts sur l'anémomètre et prendre des photos pour
l'envoyer au chantier naval qui avait effectués les réparations, se
reconnecter avec le monde grâce à une connexion internet, et
discuter avec les locaux... Nous voilà déjà en soirée! Ce soir,
nous avons décidé à l'unanimité que ça serait soirée resto,
puis dégustation d'un bon vin, de toasts au roquefort, brie et comté
devant un film. Je suis très chanceux de pouvoir vivre ces moments
et d'avoir trouvé cette opportunité sur ce bateau. J'ai vraiment la
sensation d'être un membre de la famille et d'être traité comme
tel!
Le lundi matin, j'ai décidé d'obtenir
des informations pour la suite de mon voyage et les différentes
possibilités pour repartir en direction de Tahiti. J'ai aussi envie
de découvrir un peu plus l'île. Je partirais donc seul sur la terre
ferme. Renseignements pris auprès de la marina, du centre
d'informations, et de l'agence de Air Tahiti, je décide de partir
explorer les environs de Taiohae. Je prends la direction d'un site
historique non loin de la ville. En effet les Marquises sont reconnus
pour leur Tatous, leur art et sculptures, mais aussi pour leur
histoire qui a crée leur identité. Avant de pouvoir rejoindre le
lieux de cet ancien village typique de l'archipel, je vais essuyer le
temps typique des lieux. Une averse tropicale intense s'abat sur
l'île, des trombes d'eau se déversent en quelques minutes sur une
surface réduite, puis les nuages repartent aussi vite qu'ils sont
venus, laissant de nouveau place au soleil.
Je suis seul à visiter le site
archéologique. Je vais me promener dans les dédales de ce village
reconstitué, m'apprenant déjà énormément de choses sur le passé
et l'art de cette île. Je vais y rester plusieurs heures avant de
regagner le village avec des locaux, à l'arrière de leur pick-up!
L'environnement est propice aux
plantations diverses. Je ramasserais des pamplemousses bien juteux,
et des noix de coco pour les partager avec Liz et Joe. La soirée
sera dans la continuité des moments passés sur Set Me Free. Le
repas aura toujours des allures d'instants culinaires, avec de
délicieux mets. Dans un bar, nous nous échangeons avec d'autres
voyageurs. Nous ne rentrerons pas trop tard au bateau.
Après une nuit réparatrice, je
m'apprête à vivre une longue journée forte en intensité. Joe et
Liz dorment encore quand je quitte le bateau en faisant de
l'annexe-stop. Je m'apprête à traverser l'île à pied et en stop!
La montée est raide pour sortir de la baie de Taiohae. Après avoir
fait la majorité de la montée, une femme, avec ces enfants, me
prend en stop! Elle me laissera à l'intersection en haut de la
falaise, partant en direction de l'aéroport, alors que je me dirige
de l'autre côté vers l'Est. Je n'aurais pas besoin de marcher
beaucoup avant d'être pris de nouveau en stop. Il s'agit cette
fois-ci d'une infirmière, métropolitaine, installée aux Marquises
depuis 3 ans. Elle s'est mariée l'année passée avec un Marquisien.
Elle vient tout juste d'avoir un bébé. Faisant des visites à
domicile, elle va tout d'abord me conduire dans le petit village de
Hooumi isolé au Sud-est de l'île. Je me rends au bord de mer,
grimpe sur les falaises, et visite le petit village et sa petite
église. Repartant vers le centre, je vais découvrir les fabuleux
paysages de cette île, sa nature verdoyante, ses falaises, et
surtout la culture et l'histoire de l'île! Le premier site se trouve
à Taipivai. J'y découvre les maisons traditionnelles,
l'organisation d'une place centrale de village d'époque, et surtout
les fameuses sculptures marquisiennes qui ont fait la renommée de
cette archipel. Je vais continuer à pied jusqu'au site historique le
plus important de l'archipel; celui de Hatiheu. En pleine forêt,
près de Baobabs géants, je découvre une ancienne cité
polynésienne et tout sa structure liée à la vie de l'époque:
maisons familiales, grandes places pour les cérémonies, et les
fêtes, lieu de sépulture... Je rejoins ensuite la ville d'Anaho sur
la côte Nord de l'île. Les pics, les falaises, des baies
magnifiques constituent la côte sur plusieurs dizaines de
kilomètres. Je vais explorer les lieux pendant plusieurs heures.
C'est un peu avant la tombée de la
nuit que j'entreprends de rentrer à Taiohae. La seule voiture qui
passe sur la route s'arrête. Il s'agit d'une voiture d'un guide avec
ces touristes... Malheureusement, elle est pleine. Ils ne peuvent
donc pas m'emmener même si l'envie est présente. Je continue donc
la longue montée à pied. Arrivée au sommet après plus d'une heure
de marche, je vais essuyer une forte averse qui me détrempe en
quelques secondes. Heureusement, je suis équipé pour garder au sec
les affaires qui craignent. S'arrêtant très vite, je peux entamer
la descente sans pluie. Je vais trouver un jeu sympathique qui va me
motiver et me faire passer le temps à toute vitesse. Des chevaux
sauvages se trouvent sur la route et descendent un peu plus loin
quand je me rapproche d'eux. Je vais les courser sur plusieurs
kilomètres. Le jeu m'amusera. Puis ils s'arrêteront au niveau d'un
camion abandonné au bord de la route. Je pourrais alors en caresser
deux avant de les dépasser et de les laisser repartir tranquillement
en sens inverse. Un véhicule me prendra de nouveau en stop mais
seulement pour quelques kilomètres. Arrivée à Taipivai, il me
reste encore plus de 20 kilomètres, une grosse montée, et une
descente infernale vers Taiohae.
La nuit commence à tomber, il est plus
de 19h00 et je ne sais pas si j'aurais la chance de trouver d'autres
personnes qui pourraient me facilité le retour après une journée
harassante. Pendant plus d'une heure, je marche dans une
semi-obscurité qui grandit à chaque pas. Deux voitures passeront
sans s'arrêter. Dans beaucoup de lieux personnes ne se seraient
arrêter alors que la nuit est tombée. Sur une île, les paramètres
ne sont pas les mêmes. La troisième voiture s'arrêtera et me
conduira jusqu'au croisement entre l'aéroport et la baie. Moins
d'une minute après, la prochaine voiture, qui passe, stoppe à ma
hauteur. Ils me conduiront jusqu'à la marina de la ville. Joe et Liz
sont au bar accompagnés de voyageurs. Je me joins à plus d'une
vingtaine de personnes pour fêter l'anniversaire d'un petit garçon
de 5 ans. Une soirée de plus sur Set Me Free. Cette fois-ci, ça
sera la dernière. Je prépare mon sac à dos.
Le lendemain, je laisse mon sac-à-dos
à la marina et je pars pour une longue ballade en direction de
l'ouest. Tous les locaux me disent que je ne pourrais pas rejoindre
Hakaoui et Daniel's Bay car le chemin est long, passe plusieurs
vallées et n'a pas été emprunté depuis longtemps. Je ne suis pas
les conseils et je me lance dans cette randonnée qui doit me mener à
une des plus hautes cascades du monde; 315 mètres de hauteur! Après
avoir eu des difficultés à trouver le départ, un seul chemin part
en plein forêt, traverse une première vallée et grimpe en haut de
falaises dominant l'océan. Je vais ensuite longer le bord des
falaises, admirer les paysages, puis perdre le chemin qui s'arrête
net. Je continue alors, passe en pleine forêt. Utilisant mon sens de
l'orientation, je continue d'avancer confiant. Après plus d'une
demi-heure «hors piste», je retrouve la trace d'un chemin bien
marqué, partant dans la bonne direction. Je vais passer à travers
une autre vallée, des paysages complétement différents avec une
végétation beaucoup plus abondante.
Après plus de 4h00 de marche, j'arrive
à Daniel's Bay que je pouvais observer déjà depuis les hauteurs
des falaises, une heure auparavant. La Baie, très fermée et
entourée de falaises gigantesques, est splendide. Le chemin pour me
rendre à la cascade, dans une vallée escarpée est grandiose. A
travers les arbres, je pourrais bien avant d'être à son pied,
l'apercevoir. Je traverse de petites rivières, avance dans un canyon
de plus en plus escarpé et enfin atteint le bas de la cascade. Sa
puissance est impressionnante mais il est impossible de se rendre
compte de sa hauteur réelle. En effet, elle est incrustée dans la
roche et effectue plusieurs zigzagues. Je suis ravi tout de même
d'avoir fait ce trajet et la rencontre avec les locaux de la vallée
aura été forte agréable. Un couple va me donner un très bon
conseil, demander à un voilier s'il peut me ramener par la mer
jusqu'à la ville de Taiohae. C'est un français installé ici depuis
plusieurs mois et qui organisent des tours de voiliers pour des
touristes qui se proposera de me ramener. Je ne cache pas ma joie
d'avoir trouver cette solution pour le retour. Sinon, c'est sûrement
dans le noir que j'aurais du finir mon chemin retour. Le séjour aux
Marquises se terminent malheureusement déjà! J'aurais aimé passer
plus de temps avec les locaux rencontrés et qui m'ont invités chez
eux. J'aurais aimé découvrir les autres îles de l'archipel. Mais
je m'estime déjà très heureux, car me rendre aux Marquises fut un
bonus inattendu lors de ce séjour en Polynésie et surtout un
nouveau rêve de réaliser... De nuit, je prends le chemin de
l'aéroport. Je campe en pleine forêt, sur les hauteurs de Nuku
Hiva.
La nuit sera pluvieuse mais
heureusement le temps va m'épargner pour la marche que
j'entreprends le lendemain. Après plus de 2 heures à avancer le
long de la route, la première voiture qui passera me prendra en
stop. C'est à l'arrière du pick-up que je vais faire tout le
trajet. En cette fin de matinée du vendredi 2 Août, je m'envole et
retourne à Tahiti.
Mon séjour en Polynésie touche aussi
à sa fin. Mais les trois derniers jours sur place me promettent
encore des moments d'exceptions... Je décide après avoir hésité,
à aller passer ces derniers jours sur Moorea, une des îles-au-vent,
situé à seulement une heure en ferry de Papeete. La traversée est
agréable même si le fait de le faire en voilier aurait été
beaucoup plus agréable. Et oui, une fois goûté au plaisir de la
voile, il est difficile de s'en éloigner pour longtemps... Je ferais
ce qu'il faut pour très vite remonter à bord d'un voilier en temps
qu'équipier. Qui sait, peut être, qu'un jour je serais le propre
capitaine de mon embarcation... Quoi qu'il en soit, ce n'est pas à
l'ordre du jour aujourd'hui!
Alors que je prends le bus, pour me
rendre du côté le plus joli de l'île, et dormir seul dans ma
tente, un événement providentiel va se produire. Alors que je
m'apprête à descendre quelques arrêts plus loin, deux personnes
familières montent dans ce bus public. Il s'agit de Marc,
propriétaire du Benneteau « Vadrouil' » et de son jeune
équipier italien Giovanni. Je les avais rencontrés lors de
l'arrivée de la course de pirogues à 6 que nous étions aller voir
avec Barbara. Après les avoir saluer et un peu discuter avec eux, je
me vois inviter à les rejoindre sur le bateau pour passer les
prochains jours. J'accepte avec un enthousiasme débordant.
Nous passerons une très bonne première
soirée, à raconter les derniers événements des dernières
semaines et embrayant sur d'autres sujets divers et variés. Je me
trouve encore face à des personnes très intéressantes et ayant une
histoire passionnante. Marc, de nationalité française, a passé la
majorité de sa vie en Afrique, principalement à Madagascar, et
Mayotte. Il est très porté sur une nourriture très équilibrée et
très étudiée afin d'apporter au corps tout ce qu'il a besoin!
C'est aussi un grand sportif qui a plus de 60 ans pratique encore
beaucoup d'exercices physiques.Tandis que Giovanni vient de Rome. Il
est étudiant en médecine et vient de faire une pause dans ces
études juste avant de commencer son internat. Il vient de traverser
le Pacifique à la voile, vient de passer un peu plus d'un mois avec
Marc et s'apprête à embarquer sur un autre bateau afin de se rendre
en Australie.
Après une bonne nuit, le lendemain,
nous décidons de partir pour faire de la plongée avec masque et
tuba sur un site très réputé à Moorea. Il s'agit d'un banc de
sable où une interaction particulière se passe avec deux spécimens
très spéciaux des océans... L'histoire de ces lieux commence
lorsqu'un pêcheur a pris soin d'une raie pastenague blessée. Il l'a
nourri et aura finalement réussi à la soigner. Depuis ce jour, des
dizaines et des dizaines de raies occupent les lieux. Elles se sont
tellement familiariser avec l'être humain qu'il est possible de les
caresser, de les avoir sur le corps. Ce regroupement de raies
attirent de nombreux requins de récifs qui essaient de tirer partie
du fait que les raies soient nourries et que beaucoup de poissons
tournent autour du site. De nombreux organismes touristiques
organisent l'excursion jusqu'à ces lieux. Nous partirons du bord de
la plage pour nous rendre sur ce banc de sable situé à plus de 500
mètres du rivage. Le spectacle est au rendez-vous. Nous pourrons
admirer des dizaines de raies posées au sol et les requins tournant
autour du banc de sable. L'interaction sera tout de même limitée
avec ces animaux marins pour cette fois-ci. Nous en profiterons tout
de même de longues minutes avant de regagner de nouveau le rivage de
Moorea.
Petit flashback, pour vous permettre de
comprendre comment les événements suivants vont se dérouler.
Demandant notre chemin dans un grand hôtel, nous allons aussi passer
au centre de plongée. En effet, Marc et Giovanni, qui ont déjà
plongés ensemble aimeraient renouveler l'expérience. Ils ne sont
pas vraiment satisfait des prix et des prestations proposées.
Pendant qu'ils se renseignent, je regarde les vidéos sur les
différentes plongées. Quelque chose me saute aux yeux. J'ai devant
moi les images d'un rêve fort, que j'aimerais vraiment réaliser.
Très intéressé, je demande des informations complémentaires à la
secrétaire en charge du fonctionnement de la boutique. Elle va me
donner de précieuses informations.
Retour au moment présent! Après ce
moment agréable dans l'eau. Nous allons marcher un peu plus loin,
jusqu'au lieu où se trouve la personne en charge de l'activité, que
je désire faire. Nous l'attendons un peu sur une plage paradisiaque
avant qu'il ne pointe le bout de son nez après 13h00. Il nous
explique un peu le principe, les tenants et aboutissants. Après
avoir discuté de l'aspect financier, je réserve pour le lendemain.
Giovanni se tâte mais conserve son choix au soir même, tandis que
Marc n'a encore aucune idée de ce qu'il va faire... Si c'est ce que
je pense, alors la journée du lendemain promet d'être belle!
Rentrant au bateau, Marc me prêtera
son vélo pliable pour que je puisse aller retirer de l'argent
liquide afin de payer l'activité du lendemain. Là encore quelque
chose d'exceptionnel va se dérouler alors que je reviens de la seule
banque disponible à plusieurs kilomètres de là. Je me fais doubler
par un camionnette qui n'avance pas très rapidement. Elle est suivi
d'une voiture de location. Le véhicule à l'avant avance si
doucement, que je vais les redoubler dans un virage. Tout d'un coup
le conducteur de la voiture de location me fait de grands signes. Je
ne comprends pas au premier abord. Comme prévu, je tourne à la
supérette du village suivant la voiture qui en a fait autant.
Puis instantanément, je vais beaucoup
mieux comprendre pourquoi le chauffeur m'a fait de grands signes de
la main. Ce n'est pas par ce que je l'avais doubler ou fait une
erreur de conduite. Mais il s'agit en faite d'un ancien collègue de
DCNS à Cherbourg. Il s'agit de Thierry, sa femme et leur deux
petites filles. Ils sont en vacances en Polynésie pour deux
semaines. La rencontre fut des plus improbable mais une très belle
surprise. Il m'a reconnu quand je l'ai doublé. Il s'est alors dit
que c'était fou qu'un cycliste le dépasse alors qu'ils étaient en
voiture... Etant un lecteur attentif de mon blog, il savaient que je
me trouvais dans le Pacifique mais aucunement à Moorea en Polynésie,
surtout que j'ai, à ce moment là, plus de 2 mois de retard sur la
publication de mon journal de bord.
Il est parti en tant qu'expatrié, à
Bombay en Inde pour le travail, emmenant dans son sillage toute sa
petite famille. Il a quitté la France quasiment au même moment que
je partais pour commencer mon projet de Vol Libre. Nous nous étions
pas vu à Bombay car c'était la période de noël. Ils étaient
alors rentrés enFrance. Il serait vraiment sympa de garder contact
et de se revoir dès que possible. Surtout qu'en quelques minutes,
j'ai beaucoup accroché avec leurs filles. Alors que nous parlons de
divers sujets, l'une d'entre-elles m'invite déjà à rester avec eux
en Inde. C'est vraiment sympa de voir la spontanéité des enfants.
Le fait qu'un contact est entier et qu'il se crée très
naturellement. Le moment ensemble sera trop court car ils partent
pour un spectacle. Mais quoi qu'il en soit l'intensité de ce moment
fut fort et je suis persuadé que nos chemins se recroiseront. La
nuit est tombée quand je rentre au bateau. Je passe encore une très
bonne soirée en compagnie de Marc et Giovanni.
Ils ont finalement décidés de venir
tous les deux, en ce dimanche 4 Août, pour une excursion en pleine
mer qui nous permettra d'observer des animaux d'exceptions. Nous
sommes une dizaine sur le petit bateau à moteur avec l'organisateur
du tour et un caméraman. Après moins d'une demi-heure sur l'eau,
l'excitation est à son comble à bord alors que nous observons les
premiers mammifères avec lesquelles nous devrions nous jeter à
l'eau.
Nous voyons depuis le bateau plusieurs
baleines à bosse qui se déplacent dans les fonds marins. Elles sont
au nombre de cinq, deux femelles avec deux mâles leur faisant la
cour. L'une d'entre-elle est accompagné d'un petit. Autour d'elles
de nombreux globicéphales, ou dauphins pilotes possèdent une
protubérance très prononcée au niveau du front! Ils sont des
dizaines et dizaines à jouer autour des baleines.
Après quelques minutes à les
observer, nous avons le premier feu vert pour nous mettre à l'eau.
Nous allons les voir passer très rapidement mais je suis déjà tout
existé. La joie de pouvoir nager avec les plus gros animaux au
monde, encore en vie, va très vite se transformer en peur panique
pour beaucoup d'entre-nous. Nous nageons dans le grand bleu quand
plusieurs requins Paratta (ou requins à dorsale blanche océanique)
décident de venir se mêler à la fête et jouer les troubles fête.
Assez agressifs, une attaque serait mortelle. Ce n'est plus le même
refrain et la même rengaine que pour les gentils requins récifs qui
te tournent autour dans à peine quelques mètres de fond. Il s'agit
ici de prédateurs redoutables de plus de 2 mètres qui nous testent.
Nous gardons notre calme en leur faisant face. Aidé de l'énorme
objectif du caméraman, nous réussirons à les écarter au loin. La
plus grande frayeur sera pour trois personnes du groupe qui se
situaient près de l'échelle, prêtes à remonter dans le bateau.
Alors qu'ils agitent leurs palmes à la surface, un des requin
intrigué fonce sur eux. Après que nous les ayons prévenus, en
criant, ils remonteront à temps à bord du bateau... Pour cette
fois-ci, le danger est écarté. L'expérience fut forte et tout le
monde n'est pas prêt immédiatement à se remettre à l'eau. Mais
l'excitation de pouvoir nager en pleine mer avec plusieurs baleines
et des dizaines et dizaines de globicéphales va très vite reprendre
le dessus.
Les conseils avisés de nos deux
accompagnateurs vont permettre de minimiser les choses même si le
danger est réel et présent. Nous comprenons très vite la chance
inouïe que nous avons de nous trouver en face de tous ces animaux
marins. En effet, le caméraman expérimenté est comme dingue,
heureux de tout ce qu'il peut voir en une seule fois. Je comprends
une fois de plus, le moment exceptionnel que je suis entrain de
vivre.
Arrivé les premiers sur zone, car
ayant découvert la présence des baleines, nous avons encore pour un
petit peu de temps l'exclusivité du spectacle. Nous sommes prêts à
nous jeter de nouveau à l'eau pour profiter un maximum du spectacle
que nous réserve la nature. Plaçant le bateau dans une position
parfaite, en avant des baleines, nous allons pouvoir sans trop
bouger, pour ne pas effrayer les cétacés, pouvoir les observer de
très près. Mesurant environ 15 mètres de long, les deux baleines
qui nous font face sont magnifiques. Nous pouvons observer leur
courbe impressionnantes, leur déplacement fluide dans l'eau, le jeu
qui se déroule entre elles. Nous apprenons très vite la puissance
qu'elles peuvent développer. En un coup de nageoire, et un mouvement
de queue, si elles sentent un danger, elles se retrouvent déjà loin
de nous, parfois dans la descente vers les profondeurs abyssales.
Nous profitons aussi du jeu des
globicéphales aussi bien dans l'eau quand, tout près de nous, ils
se retournent sur le ventre, nous regardent droit dans les yeux, que
en dehors de l'eau où leur tête qui dépasse est vraiment très
spécifique et reconnaissable.
Un requin Parrata rôde encore dans les
parages et nous allons nous en méfier. Heureusement, ça sera la
dernière fois que nous allons les apercevoir pendant toute la
matinée. Nous remontons sur le bateau. Nous allons nous remettre à
l'eau de nombreuse fois avec plus ou moins de réussite. En effet,
les baleines se déplacent parfois rapidement et notre inertie pour
se mettre à l'eau et nous déplacer dans ce milieu aquatique ne nous
permet pas d'être toujours au bon endroit au bon moment. De plus,
les baleines sont assez peureuses. Trop de mouvements de palmes ou
encore plus des bras sont pris comme une agression par les baleines
qui se défendent alors en battant de la queue et des nageoires. Et
très souvent, elles s'éloignent rapidement et disparaissent dans
l'immensité du grand bleu. Nous allons tout de même passer plus de
4h00 à leur côté. Je vais les approcher de très près. Tellement
près qu'à un moment, des mouvements brusques de sa queue vont me
faire reculer sérieusement. Le moment que je vais préférer se
déroule lors de la quatrième mise à l'eau lorsque j'ai le
sentiment de faire un tête à tête avec la baleine. Elle passera
tout près de moi. Je suis alors sur son flanc droit. Je suis
persuader qu'elle me regarde attentivement avec son oeil. Je suis
émerveiller et bouche bée par cet instant magique.
Plus la matinée passe, plus d'autres
organisations touristique et des particuliers se joignent à nous
auprès des baleines. Les groupes de 2 et 3 baleines se séparent de
plus en plus et elles sont de moins en moins accessibles. Elles nous
font sentir qu'elles ne désirent plus réellement notre présence en
restant de plus en plus longtemps en apnée et en étant de plus en
plus mobile. Une d'entre elle nous réservera tout de même une très
belle surprise en effectuant un saut majestueux hors de l'eau à
quelques mètres de notre embarcation.
Nous replongerons une dernière fois à
leur côté. Puis la décision sera prise d'arrêter l'expérience en
haute mer et de retourner dans le lagon. Je viens de réaliser un
rêve extraordinaire, un instant d'une intensité telle que
j'aimerais le revivre encore de nombreuses fois. Nous allons terminer
notre longue et forte matinée, en retournant sur le site où se
trouvent les raies et requins de récifs inoffensifs. Contrairement à
la veille, les raies vont être beaucoup plus active car le guide a
amener, avec lui, des bouts de thon rouge. Les raies viennent alors
nous monter dessus pour se nourrir. Elles nous effleurent, viennent
au contact de notre peau. Nous pouvons aussi les toucher et
découvrir la texture de leur corps. Ce lieu est un peu une
attraction touristique où l'homme à complétement détourner le
processus naturel pour le tourner à son avantage et en faire une
attraction touristique, accessible à tous. Je me rassure en me
disant que la naissance de ce lieu est venu d'une bonne action
humaine par l'intermédiaire de ce pêcheur qui avait pris soin de
l'animal blessé. Les faits sont là. Que je vive l'expérience ou
non, ne changera pas la tournure des événements dans ces lieux. Ce
n'est pas comme d'autres actions personnelles que je fais et qui
peuvent avoir des impacts néfastes et environnementales. Cela me
pose tout de même un petit problème éthique. Je profite tout de
même à 100% du moment présent. Nous rediscuterons de tout cela un
peu plus tard avec Marc et Giovanni.
De retour au bateau en fin
d'après-midi, nous ne ferons pas grand chose. C'est des images
pleins la tête que nous passerons une fin de journée au calme. Le
lendemain, 5 Août, est mon dernier jour en Polynésie. Mar et
Giovanni avaient décidés de retourner sur Papeete en ce jour.
L'aubaine est trop belle. Je vais encore naviguer sur un bateau à
voile. Nous levons l'ancre assez tôt. Nous avons plusieurs heures de
traversée. A la sortie du lagon de Moorea, un nouveau spectacle fort
va se présenter à nous. Des dizaines et des dizaines de dauphins
communs vont entourer le bateau et jouer autour de nombreuses
minutes. Je suis tel un enfant devant de nouveaux jouets, une glace,
un morceaux de chocolat, émerveiller, et avec un grand sourire au
lèvre. La nature en Polynésie Française m'aura vraiment gâtée.
Elle vient peut être me dire au revoir, et de me souhaiter bon
voyage. Quoi qu'il en soit cette haie d'honneur sera la plus belle
que l'on aurait pu me faire.
Après plus de trois heures de
navigation, nous voilà amarrer sur une bouée à la marina Taïna.
Je vais faire quelques derniers achats
puis rejoindre Manutai chez lui. C'est le polynésien qui m'avait
pris en stop et m'avait dit que j'étais plus que le bienvenu chez
eux de nouveau. Je vais une passé une dernière soirée très
traditionnelle échangeant sur la vie des locaux, dégustant des
plats typiques. Avant de me conduire à l'aéroport, il me remettra
des colliers de coquillages tirés de culture polynésienne pour
acceuillir ou dire au revoir à des personnes importantes.
Un peu avant minuit, le temps est venu
de me rendre à l'aéroport... Tous les souvenirs de ces deux
derniers mois en Polynésie se bouscule alors dans mon esprit. Je
viens de vivre des moments de vie d'exception, j'ai pu voyager avec
le meilleur moyen de transport dans cette région du Pacifique, le
bateau à voile.
Je ne peux regarder maintenant que vers
l'avant car je m'envole vers un lieu unique qui m'a toujours fait
rêver, qui a toujours fait fantasmer mon intellect passionné par
l'histoire et les cultures anciennes... L'île de Pâques est
maintenant à porter de mains, frôler ces terres mystérieuses est
pour moi un autre moment fort de ce Vol Libre autour du monde en
perspective...
Que du bonheur ! Et après la tempête et le gros temps pour aller aux Marquises, cette ile paradisiaque et où les iliens sont encore au naturel, c'est vraiment génial. On comprend pourquoi Brel a voulu y finir sa vie.
RépondreSupprimerBon vent à toi et gros bisous.