Le vol depuis Pemba, au Mozambique, se passe très bien. Je passe la majorité de mon temps à discuter avec Éric, un métropolitain, installé sur cette île depuis plusieurs années. Il me donne de nombreuses informations sur le lieu que je m’apprête à visiter. Il rentre lui de vacances au Mozambique avec son amie. Ils ont passés un très bon moment, dans un pays encore peu touristique, en raison du manque de structure pour accueillir les personnes de passage. Nous sommes deux à l’arrière de l’avion qui n’est remplie qu’à 10%, à peine. Ils nous ont demandés de nous assoir à l’arrière, chacun d’un côté de l’allée, pour soi-disant équilibré l’avion, au moins lors du décollage. Son amie se trouve 6 ou 7 rangées devant, mais cela ne semble pas les déranger du tout. Nous passerons finalement tout le trajet dans cette configuration.
Survoler l’Île de Mayotte est splendide. Nous pouvons admirer l’un des plus grands lagons du monde avec une double barrière de corail. Les paysages sont splendides depuis les airs. Je peux voir de petites îles entourées d’eau bleue turquoise, dont les deux principales qui constituent Mayotte. Nous passons au-dessus d’un lac volcanique et pouvons admirer au loin le relief de la grande île. Au milieu du canal du Mozambique, Mayotte a beaucoup de beautés naturelles à faire valoir, et d’atouts touristiques. Pourtant elle reste une destination peu fréquentée, pour diverses raisons, principalement son instabilité géopolitique. En effet Mayotte pourrait imploser de l’intérieur à chaque instant. Voilà des décennies que la France possède le contrôle de cette île et qu’elle l’a colonisé. Depuis 2011, Mayotte est devenu un département d’outre-mer français, suite à un référendum de la population qui a fait ce choix à plus de 90%. De nombreuses choses évoluent rapidement sur l’île; dont les infrastructures, la modernisation des bâtiments publics, l’accès au moyen de communication moderne, l’accès à l’eau et l’électricité. En devenant département français, les Mahorais obtiennent de plus en plus de droits comme l’accès gratuit à la santé et des aides de l’état. Pourtant cela ne permet à l’île de se développer comme désiré et d’obtenir une stabilité politique, culturelle et sociale… Sa situation est bien plus complexe que cela. Je vais assez vite m’en rendre compte.
En attendant, nous venons d’atterrir sur le tarmac de l’aéroport, avec un bâtiment flambant neuf, qui a été inauguré par le président de la république; François Hollande, il y a moins de dix jours. Éric m’a prévenu que j’aurais un peu l’impression de rentrer en France, mais alors seulement un peu. Les premières structures que je visite sont en effet très modernes. A la douane et dans l’aéroport, je suis en contact avec des policiers et gendarmes revêtant des uniformes français. Quelques métropolitains, au faciès très reconnaissable, sont présents sur place. Pourtant, ils ne représentent ici à peine que 2% de la population. Je prends très vite conscience des différences flagrantes. Dès l’aéroport, les locaux accueillent leur invité ou membre de la famille de retour au pays avec un collier de fleurs. 95% des habitants sont d’origine Bantoue et africaine. L’île possède le même pourcentage de musulmans, très reconnaissable surtout pour les femmes qui portent le voile. Nous sommes donc assez loin des standards français métropolitains. Ensuite, les paysages sont loin de ressembler à ce que je connais pour une majeure partie du territoire français. D’ailleurs, je peux très vite m’en rendre compte. Nous venons d’atterrir sur Petite-Terre qui fait 11km2. Je me rends sur la Grande-Terre (363 km2). Nous prenons le taxi avec Éric et Céline. Puis je plonge directement dans l’ambiance très maritime de l’île en prenant le ferry reliant les deux îles principales. La traversée est splendide avec une mer d’huile dans le lagon et très peu de vent. Je peux déjà voir certains de la trentaine d’îlots non habités. La traversé dure une vingtaine de minutes. Alors que Céline part chercher la voiture, qu’ils ont laissés un peu plus loin, en garde, nous nous installons à la terrasse d’un café, au niveau du port. Immédiatement, j’ai l’illustration d’un état de fait dont m’a parlé Éric auparavant. Un bus de gendarme débarque au port. Il est plein de personnes entassées. Il s’agit de clandestins qui ont essayé de s’introduire sur ce territoire français, dans l’espoir d’un avenir meilleur. Tous les jours, de petites barques de fortune essaient de faire les quelques 70 kilomètres qui séparent la première île comorienne à Mayotte. L’activité principale de la police et de la gendarmerie est de stopper ces embarcations avant qu’ils atteignent le sol français, puis de les reconduire en bateau aux Comores. L’explication est simple. La pauvreté et la misère font rage dans les îles de cet archipel. Un vrai trafic humain s’est organisé. Les clandestins espèrent trouver une terre d’asile accueillante. Pourtant ils font cette traversée à leur risque et péril. En dehors des lagons, l’océan peut être très mauvais. Ils ont aussi de grandes chances de se faire prendre par les forces de l’ordre française et d’effectuer un retour illico-presto du lieu d’où ils viennent. Pourtant, tous les jours, il y a des candidats à cette dangereuse traversée sans aucune certitude d’atteindre la destination désirée. Voilà une des premières problématiques, non la moindre, mais pas la seule. En effet, sur le sol même de Mayotte, plus de la moitié de la population est déjà clandestine et sans papiers. Beaucoup de personnes sont en cours de régularisation ou essaient d’obtenir la nationalité française. Le chômage est de plus de 28% et on ne parle que des personnes déclarées. Il n’y a pas de grosses entreprises ou employeurs, le plus important étant l’armée, l’enseignement et le social. Il est important aussi de savoir que plus de 50% de la population à moins de 17 ans. La démographie progresse de plus de 4% par an, entre autre en raison d’un taux de fécondité moyen de 4,7 enfants par femmes (plus grand taux d’Europe) et de l’immigration clandestine qui ne fait que progresser. Et encore, il n’existe pas de chiffres officiels exacts. La situation est sûrement beaucoup plus alarmante que cela. L’éducation est une des priorités de l’île mais pas la seule. Et que se passera-t-il quand tous ces jeunes enfants seront en âge de travailler?
Un autre problème majeur concerne la légitimité de la «souveraineté» française. En effet les Nations Unies et de nombreux états ne reconnaissent pas le droit aux français de posséder ce territoire. L’explication est simple. Elle est à chercher au niveau des règles et lois internationales. Historiquement, et pendant des centenaires, Mayotte appartenait à l’archipel des Comores. Il en fait encore parti géographiquement parlant. Or il est dit dans la constitution mondiale qu’un archipel ne peut pas être divisé et soumis à la régence de plusieurs pays. Les Comores ont et demandent encore le fait de récupérer cette terre. Bien entendu les Mahorais ne le souhaitent pas car ils perdraient de nombreux avantages. Ils auraient de grandes chances de retomber dans l’oubli et la misère. La France ne compte pas non plus rétrocéder ce territoire qui est un atout géopolitique majeur. Mayotte possède une des plus grandes surfaces des eaux territoriales françaises. Grâce à cette île, la France peut facilement contrôler le canal du Mozambique, éviter le droit de passage sur d’autres eaux territoriales nationales, et possède une base militaire stratégiquement importante. D’ailleurs, je peux en avoir la preuve immédiate. Sur Petite-Terre, de grandes antennes satellites sont installés. Les locaux les appellent les grandes oreilles. Ceux sont en fait des antennes d’écoute dirigées vers le continent africain. Voilà quelques données permettant de se mettre un peu en situation et comprendre où je viens d’atterrir. Je vais en apprendre encore beaucoup au cours de la journée et des jours suivants mais j’en garde un peu sous la main… Je ne sais pas si cela vous inquiète déjà mais je pense que cela vous permet de comprendre un peu mieux la réalité du terrain…
Avec Éric, nous sirotons un jus de fruit frais en terrasse. Je prends contact avec mes parents grâce à une très bonne connexion internet en Wifi et un service Skype gratuit d’ordinateur à ordinateur et tellement pratique. Éric me propose de me déposer chez les Couchsurfeurs que j’ai contactés pour passer le début du séjour sur place. Désolé, mais je dois directement vous replonger dans l’état de la situation sur l’île. Ici, je n’avais pas trop le choix. La structure hôtelière est très peu développée. Cela m’aurait «coûter une fortune» si j’avais opté pour cette option (si je m’en réfère à mes dépenses quotidiennes lors de ce voyage). En effet, en majorité, seuls des voyageurs d’affaires ou des personnes possédant de la famille viennent visiter l’île. Et puis ce n’est pas qu’une question financière mais aussi le fait de pouvoir partager avec des locaux ou des personnes qui connaissent les lieux pour y avoir vécu au moins de nombreux mois. Une autre explication justifie le peu de tourisme. Il existe un vol direct France-Mayotte mais pas dans l’autre sens. La piste de décollage est trop petite pour permettre aux avions de décoller en pleine charge. Ils ne peuvent donc pas partir avec le plein d’essence. Ils s’arrêtent principalement à la Réunion, avant de partir vers la Métropole. Depuis la France, le prix du billet reste très élevé, beaucoup plus élevé que la majorité des autres destinations d’outre-mer.
Les Couchsurfeurs résident dans la banlieue de Mamoudzou, ville principale de Mayotte. Je me rends plus exactement à Mtsapéré, sur les hauteurs d’une colline dominant le lagon. C’est une très belle demeure où habitent Virginie et son copain Greg. Ceux sont eux qui m’invitent. Ils habitent en colocation avec trois autres personnes, tous métropolitains, dont deux présentes en ce moment; Myriam et Sylvain. C’est ce dernier qui m’ouvre la porte. Il a vécu 2 ans à la Réunion. Il est infirmier libéral. Il prévoit de passer 6 mois à Mayotte avant de rentrer en France, sûrement pas pour très longtemps, selon ces dires et ces envies. L’un après l’autre, ils vont rentrer à la maison. Ils sont professeurs, ou dans des organismes sociaux. Ils ont tous des âmes de voyageurs. Virginie et Greg ont vécus plusieurs années à la Martinique. Ils ont ensuite voyagés pendant 6 mois dans plusieurs pays avant de venir s’installer ici pour une durée indéfinie mais pas définitive selon leur état d’esprit actuel. Cela semble d’ailleurs le cas de quasiment tous les métropolitains venant ici, qui restent quelques années, profitent des lieux et des salaires très intéressants, en raison de l’éloignement familiale et de la métropole, avant de partir. Seuls quelques irréductibles me diront se sentier bien, y être depuis plus de 10 ans, et ne pas vouloir en bouger, malgré les changements drastiques de ces dernières années, amenant un peu plus de confort, mais surtout une instabilité forte et de plus en plus d’insécurité.
La première soirée sur place est très agréable. Nous discutons tout d’abord, autour d’une bière, sur leur terrasse. Le voyage et la situation sur place sont les principales discussions… Ensuite, ils m’invitent à aller boire un verre au camion blanc, qui est un petit bar sur le port. Une de leur ancienne colocataire fête son départ le lendemain. Elle paie, à tous, sa tournée de punch. Nous passons un très bon moment avec des personnes venant d’horizons très différents. Il est marrant de voir des personnes ayant des personnalités très franchouillardes évoluer à Mayotte. Je pourrais, en cette soirée, me croire dans un petit bar de bord de mer français.
Tony, métropolitain, qui vit sur place depuis 9 mois, semble d’ailleurs motivés pour m’aider à réussir cette entreprise. Un rendez-vous avec Éric promet aussi d’être sympathique. En attendant, je fais du stop pour me rendre à Bandrélé. Mayotte a une réputation très bonne pour les auto-stoppeurs. Cette première expérience confirme les dires de certains. J’ai à peine tendu le pouce à un rond-point, qu’un couple de métropolitain s’arrête à mes côtés. Ils m’emmènent directement à destination, faisant même un détour de plus de 5 kilomètres pour me déposer exactement où je veux me rendre. J’attends Tony sur Musicale Plage, à moins de 2 kilomètres de sa maison. Il n’est, en effet pas rentré. Il ne voulait pas me faire attendre en pleine ville alors qu’il a un lieu très agréable à proximité. En ce dimanche, comme c’est le cas de manière hebdomadaire, de nombreux Mahorais se sont donnés rendez-vous sur place pour faire des barbecues. J’admire un arbre, dont le diamètre du tronc est sûrement l’un des plus grands, que je n’ai jamais été amené à voir. La photo que je prends parle d’elle-même, car il est difficile de me deviner au milieu de la largeur de ce dernier. Tony me rejoins environ une heure après mon arrivée. L’introduction l’un à l’autre se passe le plus simplement possible. Tony me met tout de suite à l’aise et me dit que «ces mes vacances, et qu’il faut vraiment que je fasse ce que je veux»! Tony est un chef cuisinier qui a beaucoup travaillé les dernières années dans un restaurant appartenant à sa maman. Il n’a pas compté ces heures. Et même s’il réussissait à s’octroyer quelques semaines de vacances par an pour décompresser, le reste du temps, il travaillait 7/7, plus de 10h00 par jour. Au bord de la crise de nerf, et du «burnout» (dépression en raison de la surcharge de travail et de la pression), il a négocié avec sa mère pour prendre une année sabbatique et partir. Ayant un ami Mahorais qu’il avait rencontré d’un de ces deux BTS obtenus, il a opté pour Mayotte. Voilà donc plusieurs mois qu’il se trouve sur place. Hyper actif, il ne peut pas rester à rien faire. Premièrement, il ne paie pas le loyer de l’appartement, dans lequel il vit, mais il a tout fait à l’intérieur (électricité, matière de son deuxième BTS, menuiserie, peinture…). Ensuite, Il aide les locaux dans divers projets, il a déjà organisé plusieurs soirées sur la plage et sur une île à proximité. Sa personnalité est multiple et complexe. Plusieurs séjours en Thaïlande, lui ont permis de passer du bon temps mais aussi d’aider volontairement des moines bouddhistes à refaire toute l’électricité de plusieurs temples. Il garde un souvenir indélébile de ces passages. Il possède un énorme tatouage, sur tout le dos, fait par un moine expert dans le tatouage au bambou (méthode traditionnelle très douloureuse). Ce tatouage a de nombreuses significations. J’aime particulièrement qu’il me conte l’histoire de ce dernier. En bref, je ne pense pas que je vais m’ennuyer avec Tony. Nous devrions passer un bon séjour ensemble.
Soi-disant, Mayotte n’est pas un lieu pour les gastronomes ce que je comprends très bien en raison de la faible diversité des produits disponibles, de leur rareté et de leur coût sur l’île. Pourtant avec des choses simples, il est possible de se régaler. J’en fais de nombreuses fois l’expérience au cours du séjour. Dès le premier soir, Tony utilise ces talents de cuisinier pour me concocter un délicieux repas avec un poulet, sa sauce, et des pommes de terre parfaitement cuisinés. Il me gâte en me servant, en apéritif, un rhum arrangé maison, à la noix de coco. Je découvre lors de cette première soirée son univers bien à lui. Nous établissons aussi un planning prévisionnel de la semaine que nous passerons en majeure partie ensemble.
Le lundi 1ier Septembre, nous avons décidés de nous rendre au Mont Bénara et d’en entreprendre le début de l’ascension. Nous n’avions pas forcément prévu d’en atteindre le sommet et cela vaut mieux vu l’option choisie que nous allons prendre dès le début. En effet, à un moment donné, sans nous en rendre compte, nous sortons du sentier balisés. Nous nous enfonçons sur les flancs de ce mont, à travers des pseudos chemins qui semblent être très bien tracés, pendant quelques centaines de mètres, puis qui disparaissent soudainement. Cette erreur initiale va tout de même avoir de nombreux avantages. Nous allons découvrir diverses végétations naturelles ou agricoles. Nous suivons le lie d’une rivière avec de la forêt originelle. Nous tombons sur des plantes très particulières, ainsi que d’énormes araignées aux couleurs flamboyantes. Ensuite, nous trouvons quelques points de vue intéressants. Du fait que l’on m’ait dit que la vue depuis le sommet n’a rien d’exceptionnelle, car peu dégagée et sûrement pas à 360°, alors je ne peux émettre aucun regret. Après avoir déjeuné, nous avons prévus avec Tony et Alaraman; son ami mahorais, de nous rendre sur la plus fameuse plage de l’Île; Ngouja! Sa réputation n’est plus à faire et elle se justifie largement. En effet, c’est une plage de sable blanc, bordant une eau bleue turquoise. L’herbe, présente dans les eaux peu profondes, attire de nombreuses tortues qui viennent se régaler sur place. La barrière de corail n’est pas loin non plus. Elle est bien conservée et de nombreux poissons tropicaux multicolores y résident. La plage est bordée de quelques baobabs qui embellissent les lieux. Les Makis (espèce de lémuriens présents sur l’île) viennent quasiment toujours, et en nombre, salués les visiteurs. Ils ne sont vraiment pas farouches car habitués à l’être humain. Si vous avez quelque chose à leur donner, comme des bananes, ils n’hésiteront pas à vous sauter dessus, même à plusieurs. Le tableau semble idyllique, non? En cette journée pourtant, rien ne devait se passer comme prévu dans le meilleur des mondes. Nous avons le droit à une magnifique éclaircie pour admirer l’eau bleue turquoise depuis un point de vue sur la route, à quelques minutes de la plage. Ça sera presque l’unique éclaircie de l’après-midi. Le vent, les nuages et les courants, dame nature en général, ont décidés de s’allier contre-nous. En raison du courant, des vagues et du vent, l’eau est trouble. Lorsque je plonge avec le masque et tuba, la visibilité n’est pas de plus de 10 centimètres. Autant dire que je ne vais rien voir. La plage et l’océan ne me montrent pas leurs belles couleurs, habituellement mise en valeur, surtout à cette période de l’année, par un soleil radieux. Il fait presque froid en maillot de bain sur la plage. Même les Makis ne daignent pas montrer le bout de leur museau dans ces conditions. Je n’ai donc pas la chance d’en apercevoir un pour la première fois. Heureusement, quelques tortues sortent la tête de l’eau. Elles viennent me saluer. Une d’entre-elle, alors que je suis occupé à regarder une de ces congénères un peu plus loin, va même se faire une belle frayeur et me faire sursauter. Elle apparaît et remonte à la surface à moins de 10 centimètres de moi. Prenant conscience que je suis là, elle fait alors 2 ou 3 coups de nageoires, pour instantanément s’éloigner du danger, qu’elle n’avait pas perçu. Cela sera le seul lot de consolation de l’après-midi. Après presque 2h00 sur la plage, après avoir attendu cette éclaircie qui ne viendra jamais, nous décidons de rentrer chez lui. Je veux conserver, un maximum, une attitude positive. Je veux croire que les jours suivants seront bien meilleurs.
Alors que nous nous garons devant chez lui, elle l’appelle. Je pars donc me cacher dans l’appartement de Tony pendant qu’il va la récupéré au point en ville, où elle vient «d’être parachuté». Seulement quelques minutes plus tard, ils sont de retour. Je peux donc sortir de ma cachette et lui faire la surprise. Cela l’a fait sourire quand elle me voit. «Pris qui croyait prendre! » Elle a eu tout de même quelques doutes après avoir posé des questions. Tony lui a dit qu’il y avait un autre Couchsurfeur chez lui. Quand elle lui demandera le nom de ce dernier, il répond: «Benoit» mais un doute persistera dans son esprit… Peu importe la situation est assez rocambolesque et j’aime ce genre de moment mêlant surprises, changement de dernières minutes, événements impromptus… Pour l’instant, nous n’allons pas trop avoir de temps ensemble. En effet, même si nous sommes chez le même couchsurfeur, j’ai pris rendez-vous avec Éric, pour le rejoindre en milieu d’après-midi. Je m’apprête à passer les deux prochaines nuits chez lui afin d’effectuer une sortie en mer. Nous prenons le déjeuner ensemble, avec Tony et Cécilia. Nous aurons bien le temps de fêter nos retrouvailles dans quelques dizaines d’heure.
Je pars ensuite, en stop, rejoindre Éric, à une station d’essence se trouvant plus au nord, bien avant Mamoudzou tout de même. C’est un Mahorais, en camion, avec un chargement de graviers qui s’arrête au bord de la route, alors que je tends ma main vers le ciel (en effet, ici, la coutume ne consiste pas à lever le pouce pour effectuer de l’auto-stop). Il m’emmène directement à destination. Quelques minutes plus tard, Éric fait son apparition avec son 4x4. Nous passons en premier lieu chez un de ces amis qui travaille à l’hôpital. Nous nous voyons offrir le thé, passons un moment agréable au salon de jardin, et surtout je vais faire ma première rencontre avec certaines des stars de l’île. Je ne compte pas la fois, chez Virginie, où je les avais vu, dans la pénombre, agilement se promener sur les fils électriques, en balançant leur queue de gauche à droite, pour conserver leur centre de gravité le plus équilibré possible, et rendre leur passage possible sur ces câbles d’un faible diamètre. Quoi qu’il en soit, en cet après-midi sur le muret de la maison, et dans les arbres, un groupe de Makis fait son apparition. Ils ne sont pas franchement farouches. Je peux les approcher de très près. J’aime particulièrement leurs grands yeux marron. Ils semblent très doux, au vu de leur pelage. Ils sont excessivement agiles. Ils sautent, avec aisance, de branches en branches, sur le toit des maisons ou sur les murets. Ils passent la majorité de leur temps en hauteur. Ils ne descendent que très rarement sur le sol, où ils doivent se sentir vulnérable.
Après cette première prise de contact, je vais suivre Éric dans sa tournée du soir. En tant qu’infirmier libéral, il fait cette dernière 7/7, quand son remplaçant, ne travaille pas pour lui. Il a de nombreux patients diabétiques, ou sous perfusion, qui ont besoin de lui quotidiennement. Lors de cette tournée, je vais parfois me rendre avec lui visiter ces patients et découvrir un peu leur quotidien, ou découvrir un point de vue nature quand cela se présente. Je n’aurais pas la chance de tout voir, car rapidement la nuit tombe. Mais je découvre un peu le Nord de la Grande-Terre, où je ne m’étais pas encore rendu. Puis, nous rentrons, chez lui, à Dzoumogne. Céline vient de rentrer quand nous franchissons le pas de la porte. La soirée est agréable. Les sujets de discussions ne sont pas durs à trouver avec ce couple. Le repas est agréable. Le rhum arrangé en digestif passe très bien. Nous nous n’éternisons pas car nous devons tous nous lever très tôt le lendemain; à 4h30. Céline doit être à l’hôpital avant 6h00. Nous l’emmènerons avant de nous rendre sur le bateau.
Tout se passe comme prévu en ce début de matinée, sauf que nous partons un peu en retard. Au vu de la route, Éric ne peut pas aller plus vite qu’il ne le fera. Céline sera donc une nouvelle fois en retard, alors qu’elle était la première prête, et qu’elle nous a attendue. Sur le ponton, nous allons patienter avant l’arrivée de David, propriétaire du bateau, avec lequel nous sortons. Il vit sur Mayotte depuis plus de 10 ans. Il est Kinésithérapeute et sa petite amie est biologiste marine. David et Éric sont amis. Ce dernier devrait racheter bientôt la moitié du bateau, pour qu’ils puissent l’utiliser régulièrement, avoir leur propre moyen de transport marin, ce qui est non négligeable et agréable dans de tels lieux. En même temps, ils limiteraient tout de même les frais, qui sont toujours élevés pour ces moyens de transports qui ne sont utilisés que pour le loisir. En attendant, nous prenons la mer, après avoir préparé le bateau.
Nous sortons du lagon par la passe, qui se trouve au nord de la Petite-Terre. La mer est assez calme, avant de sortir, je peux voir de beaux fonds et quelques raies qui se déplacent, avec élégance, au-dessous de nous. De gros remous sont présents au milieu de la passe. Pourtant mon attention est très rapidement portée sur autres choses. A quelques mètres de nous, une baleine avec un baleineau évoluent dans la même direction que le bateau. Je prépare mes affaires pour me mettre à l’eau. David les dépasse, pensant qu’elles continueront dans la même direction. Nous devons aussi sortir de cette zone perturbée pour envisager que je puisse les rejoindre dans l’eau. Malheureusement, elles changent de route et stoppent leur course. Elles restent dans ces eaux tumultueuses. Nous continuons donc notre chemin car ce n’est pas leur priorité. Nous verrons ce qui se passe un peu plus tard. Il ne s’agit pas d’une sortie baleine ou dauphins mais d’une sortie pêche tout d’abord. J’ai déjà de la chance d’en avoir vu de si près et qu’elles nous aient accueillies en tapant leurs nageoires pectorales. En attendant, nous préparons les cannes-à-pêches et autres lignes. Nous mettons les leurres, avec leur hameçon, à l’eau et nous commençons à sillonner les eaux poissonneuses, qui se trouvent près des côtes de la Petite-Terre. C’est vraiment bien d’avoir un autre point de vue sur la plage de Moya et les plages, où j’ai randonné, voilà quelques jours. Lors du premier passage, nous n’avons aucune touche. Alors que nous entamons un deuxième passage, nos chances de pêcher vont soudainement se réduire comme peau de chagrin, pour ne pas dire être néant, quand nous commençons à suivre un groupe de plus de 100 dauphins communs à bec long. En effet, ces derniers sont en chasse. Leur organisation est sans faille. Très peu de poissons passeront à travers les mailles de ce mur naturel de dauphins affamés. J’assiste en revanche, encore à un spectacle de toute beauté. Je ne serais jamais rassasié de ce genre de rencontre et de moments qui sont, pour moi, à chaque fois unique. Même si je ne compte plus les dizaines de fois où j’ai été en contact avec ce mammifère marin, je n’en reste pas comme un petit garçon qui se verrait offrir un nouveau jouet. Je me rappelle alors la première fois, où j’avais pu en voir un, quand je me rendais avec mon papa sur les îles Chausey, en doris. L’espèce était totalement différente. Des années se sont écoulées entre ces deux moments. Pourtant l’excitation est toujours aussi forte.
Nous remontons les lignes pour ne pas risquer d’en blesser un. Nous les suivons, en parallèle de leur trajectoire, pendant de longues minutes. Nous pouvons les voir sauter, faire des pirouettes, afin de s’assurer qu’ils avaleront correctement le poisson qu’ils viennent d’ingurgiter. Ils sont si gracieux et semblent se déplacer avec une telle aisance dans ce milieu liquide. J’en prends plein les yeux et jubile.
En effet, les heures défilent et nous arrivons plus de 20 minutes en retard pour récupérer Céline. Après une longue journée de 12h00, elle n’est pas très ravie de devoir attendre. Surtout qu’elle n’a pu avoir aucune nouvelle de notre part, Éric ayant oublié son portable chez lui. Je peux comprendre qu’elle sorte de ces gongs, surtout qu’il semble que son «cher et tendre» soit un habitué de ce type d’habitudes peu agréables. Les premières minutes seront assez froides. Je m’excuse disant que je suis un peu responsable de la situation car il a voulu me faire plaisir. Elle ne m’en tient pas rigueur. Elle a plutôt une dent contre lui. Heureusement, cela ne va pas durer longtemps. Nous passerons une bonne soirée à 4, avec son remplaçant infirmier libéral et ami.
Alors que l’après-midi s’écoule assez rapidement, que la fin de journée se rapproche, nous allons assister à un événement exceptionnel. Tony est venu plus d’une trentaine de fois, et il n’a pu l’observer que 2 fois auparavant. C’est Alaraman qui nous prévient brutalement. Il nous dit de le rejoindre à l’autre bout de la plage. Nous accourons. Nous voyons une multitude de petites tortues qui viennent de sortir de leurs œufs, essayer de regagner la mer. Une éclosion vient d’avoir lieu. C’est vraiment beau de les voir se déplacer, et instinctivement regagner la mer pour assurer leur survie. D’ailleurs notre présence en sauvera plus d’une. En effet, même si une centaines d’œufs ont été pondus par la mer très peu arrivent à maturité et survivront par la suite. Les premières minutes de leur vie sont cruciales et mortelles pour le plus grand nombre. En effet, des oiseaux ou des chiens sauvages viennent les manger. Elles ont ensuite d’autres prédateurs, en mer, qui se réjouissent par avance à ce festin, qui s’offre à eux. Nous ne pouvons pas savoir ce qui va se passer dans l’eau mais nous contrôlons au moins un espace sécurisé, pour elles, sur la plage. Nous ne devons pas les toucher pour éviter tous problèmes avec leurs congénères et aussi le risque sinon de les blesser, et que leur survie soit une nouvelle fois un peu plus compromise. Elles sont assez rapides pour regagner la mer. Tony s’assure qu’elles ont toutes pu sortir de leur nid, dans le sable, en creusant dans ce dernier. Souvent une ou deux sont déjà mortes, en étant les premières à creuser, pour atteindre l’air libre et permettre la libération des autres. Pour notre plus grand plaisir, ce n’est pas le cas cette fois-ci. Elles ont donc toutes regagnées la mer…
La nuit tombe très vite ensuite. Avant, des locaux débarquent sur la plage avec un bateau. Ils emmènent des provisions, semblant être pour plusieurs jours. Ceux ne sont pas eux qui resteront sur place, mais un groupe de 5 touristes qui arrivent par la terre, sans porter de charges. Ils dorment eux aussi dans des tentes. Ils sont accompagnés de deux guides. Nous venons de perdre notre exclusivité et notre petit week-end en solo sur cette plage. Pourtant ça ne sera pas gênant, car ces personnes sont simples, agréables et pas dérangeantes. Alors que le soleil s’est caché derrière les collines, nous commençons l’apéritif avec un verre de vin rouge, du saucisson et des chips. Nous continuons par des cuisses de poulet, cuites au feu de bois, et une salade de riz. C’est l’anniversaire de Caro. Nous fêtons donc cet événement en lui offrant une autre bouteille, cette fois-ci de vin blanc, qu’elle préfère. Tony, poète du dimanche, s’est amusé à lui écrire un petit poème assez drôle. Je jette plusieurs fois un œil sur la plage, éclairée par une lune déjà bien brillante, même si elle n’est pas encore pleine. Je suis à la recherche de gros spécimens, qui seraient venus rejoindre la plage pour une partie importante du cycle de la vie de leur espèce. Mais au vu des marées, du vent et des conditions de mer, l’événement, que nous souhaitons observer, se passera sûrement plus tard au cours de la nuit. Nous n’allons pas nous coucher tard mais mettre un premier réveil à 1h00 du matin. Tony et Alaraman dorment près du camp et du feu, à quelques mètres, dans les terres. Caro et Cécilia décident finalement de m’accompagner. Nous allons dormir, avec nos duvets, directement dans le sable sur la plage.
J’ai un peu de mal à émerger quand le réveil sonne. Pourtant, cela aurait été dommage de ne pas se lever. Le guide avec 4 personnes viennent de passer devant nous. Elles se dirigent un peu plus loin. Il est possible de voir de grosses traces sur la plage. Elles partent vers les arbres, en limite de plage. 2 énormes tortues, des femelles viennent de creuser un trou dans le sable. Nous ne nous approchons pas d’elles, avant que le guide nous en donne le feu vert. En effet, si nous nous approchons trop tôt, elles vont prendre peur et repartir directement en mer, sans avoir effectuées ce pourquoi elles étaient venues. Elles sont sur la terre ferme pour pondre. A Mayotte, la situation est assez exceptionnelle, car elles pondent tout le long de l’année. Quelques minutes d’attente et le guide nous dit de le rejoindre. Une des deux tortues commence à pondre ces œufs. Elle est dans un état second, en transe! Elle ne s’arrêtera plus jusqu’au terme de la ponte. Elle va laisser, dans un trou, une centaine d’œufs qui mettront près de 45 jours avant d’éclore. Comme elle est à peine consciente de ce qu’elle fait, nous pouvons lui soulever la queue et la partie arrière de son corps pour voir en direct la ponte. Nous voyons les œufs tombés un par un, s’empilant les uns sur les autres, les uns à côtés des autres dans ce trou exactement de la bonne dimension. Elle en a pour de longues minutes. Nous n’allons pas attendre qu’elle finisse tout le processus de nidification, avant de rejoindre la mer. Si nous sommes chanceux, nous pourrons sûrement le voir au petit matin.
Nous retournons donc nous coucher. Nous nous rendormons sur la plage. J’ai tout de même mis un réveil, à 5h30 pour ne pas louper la possibilité de voir encore quelques autres étapes du dur travail auquel sont soumises ces tortues femelles, afin d’assurer le renouvellement des générations. Je ne vais pas avoir besoin de la sonnerie de mon portable pour me réveiller. De magnifiques couleurs dans le ciel, avec le jour qui se lève, suffisent. Les tortues, que nous avons vues dans la nuit, sont bien sûr déjà reparties. Je compte les traces dans le sable. Au final, je pourrais en compter 8, venant sur le sable et repartant de là, où elles étaient venues. Les tortues femelles sont exténuées après tout ce travail. Se déplacer sur la terre ferme, sur le sable, est déjà quelque chose d’épuisant pour ces tortues qui doivent alors porter tout leur poids et surtout celui de leur carapace. Ensuite, à l’aide de leurs nageoires avant et arrière, elles doivent creuser un trou, pondre, recouvrir ce dernier pour assurer la bonne gestation et finalement regagner la mer… Alors que je suis concentré sur les traces sur le sable, je jette un coup d’œil en mer! A quelques mètres de la plage, j’assiste à un spectacle, un peu comme dans la peau d’un voyeuriste. Mais en même temps, ces tortues sont vraiment sans gêne. Ce n’est pas de ma faute si elles sont exhibitionnistes, que le mâle est un vrai profiteur, presqu’un violeur, si je le retranscrivais à l’être humain. Mais ne vous inquiétez pas, il s’agit ici de la loi normal de reproduction de l’espèce. Il profite qu’une femelle vienne de regagner la mer, sans plus aucune force, pour lui sauter littéralement dessus. Il la domine physiquement et amplifie cette dominance en la maîtrisant grâce à son bec, et des coups de tête. Une fois qu’il a dominé les débats, il peut introduire son pénis à l’intérieur de la femelle et répandre sa semence. Cela ne dure que quelques minutes mais c’est intéressant de pouvoir assister à un tel moment. Et le spectacle n’est pas encore totalement fini. En effet, une tortue, une retardataire, se trouve encore sur la plage. Elle vient de finir de pondre et elle recouvre son nid avec ces nageoires. Elle va faire cela pendant plusieurs minutes avant de regagner la mer. C’est un plaisir d’assister à cette dernière partie que je n’avais pas pu observer encore. En moins de 24h00, j’ai donc pu assister à l’ensemble du processus de la copulation à la naissance des petits. L’expérience a été forte et je ne peux que me satisfaire de ce que j’ai pu vivre. J’aime la nature, les animaux. Je ne peux donc qu’être comblé d’avoir assisté à ces moments spéciaux.
Nous rentrons tous chez Tony. Avec Caro, nous n’y restons que quelques minutes. Je boucle mon sac et je repars avec elle à Mtsapéré. En effet, comme prévu, je passe la dernière soirée avec les colocataires qui m’ont accueilli en début de séjour. Caro habite finalement à moins de 100 mètres de chez eux, de l’autre côté de la route. Je retrouve Virginie et Greg qui viennent de rentrer de week-end. Les autres colocataires ne sont pas là! Nous passons une soirée en toute simplicité à discuter de ce que nous avons fait les derniers jours. Nous dînons très léger et après ils partent se coucher. Je ferais les deux autres colocataires seulement passer et aller rapidement s’enfermer dans leur chambre pour se reposer… Après avoir fait ce que je voulais sur internet, je gagne aussi les bras de Morphée! Le lendemain, comme prévu, nous nous retrouvons, avec Cécilia, à 8h00, devant les caisses de l’embarcadère. Nous regagnons la Petite-Terre, afin de prendre notre avion, qui doit nous mener vers notre prochaine destination avec la cabane en bois sur pilotis, au bord de plage, pour le 30ième anniversaire de Cécilia le lendemain; endroit rêvé selon ces critères actuels… Je devrais alors finaliser ces quelques lignes, avant de mettre le point final à ce récit, vous laisser dans le doute de la prochaine destination, et vous redire que ce tour du monde est un rêve éveillé, «où tout roule comme sur des roulettes»…
Mais l’inconnu, les surprises, l’inattendu ne sont-ils pas sine qua non avec un voyage en sac-à-dos? Alors que nous arrivons à l’aéroport, nous jetons immédiatement un regard au tableau d’affichage. Quelle est notre surprise de voir que seulement 2 vols sont programmés et affichés, pour toute la journée et qu’il y en a aucun en direction de Nosy Be, aucun avec Madagascar Airline, ou «Air Peut-être» comme l’on dénommé ces utilisateurs! Nous ne le savions malheureusement pas en réservant notre billet, chacun de notre côté. En effet, je ne savais pas que Cécilia serait à Mayotte avec moi alors que nous devions nous rejoindre à Nosy Be! Pourtant cela va être plutôt un aspect très positif! Nous essayons d’obtenir des informations aux guichets. Les personnes ne veulent prendre aucune initiative ou aucune responsabilité. Ils nous disent simplement que nous devons retourner au centre-ville pour obtenir de plus amples informations. Il n’y a en tout cas aucun vol pour Nosy Be partant de Mayotte, avant Jeudi, même avec toutes les autres compagnies aériennes, même en passant par la capitale Antananarivo. Nous obtenons ces informations en nous renseignement auprès des autres guichets. Même si nous rigolons de la situation, même si nous sommes contents d’être à deux pour la vivre, nous avons encore un peu peur de ce que nous allons nous entendre dire de retour au centre-ville!
La première personne qui nous reçoit à l’agence nous dit que le vol a été annulé il y a plus de 20 jours et que nous aurions dû être prévenus. Elle comprend très vite ce qui entraîne cette situation. Nous avons réservé sur internet, non à l’agence. Malgré que nous avons renseigné tous nos informations personnelles sur internet, l’agence en charge de prévenir les personnes n’a pas eu accès à notre dossier. Nous sommes peut-être les deux seuls dans ce cas, car les deux seuls à avoir réservé sur la toile. La femme au guichet ne peut prendre aucune décision. Elle nous envoie voir le responsable qui a son bureau dans une agence, qui a pignon sur rue, à moins de 20 mètres d’où nous nous trouvons. Nous sommes très bien reçus. Ce responsable nous met tout de suite à l’aise. Il consulte les données à sa disposition sur internet. Il semble habitué à traiter ce genre de cas avec Air Madagascar. Une solution va donc être trouvée et ils vont prendre en charge cette situation… Au moins pour Cécilia, qui a réservé directement sur le site d’Air Madagascar. Il peut tout de suite voir que son billet a été émis. Je suis, pour ma part, passé par une agence de voyage en ligne. Il ne voit pas l’émission de mon billet. Si c’est le cas, j’ai peut-être le droit à aucune indemnisation. Quoi qu’il en soit, il y a une certitude, nous sommes bloqués à Mayotte jusqu’à jeudi 11 Septembre. Nous n’arriverons pas à Nosy Be avant le 12. La seule solution pour débloquer plutôt cette situation serait de partir vers une autre destination. Vous imaginez si nous étions en voyage seulement pendant 15 jours seulement, que nous avions déjà passé une semaine à Mayotte et que nous voulions passer une semaine à Nosy Be et qu’ils nous réduisaient notre temps sur place de 4 jours… Il y aurait de quoi râler! Pour Cécilia, la casse est limitée. Ils prennent totalement en charge l’hébergement et la pension complète jusqu’au prochain départ. Elle ne devra rien débourser pour son nouveau billet, réservé sur le prochain vol en partance pour Nosy Be. Pour ma part, je dois consulter l’agence de voyage et voir ce qui peut être fait. Je vérifie sur internet que mon compte a bien été débité. J’essaie de trouver tous les échanges électroniques que nous avons eus. Ils ne sont pas nombreux. Je ne suis pas confiant du tout. Je doute maintenant qu’ils aient bien faits leur travail. Je donne tout de même à ce responsable toutes les informations que je possède. Il va alors me délivrer d’un gros poids. Dans ces fichiers, grâce à un numéro de réservation, il réussit finalement à remonter la chaîne et voir que mon billet a aussi été émis même si son état n’est pas le même que celui de Cécilia. J’ai donc le droit au même traitement de faveur. Je pense que nous devrions bien nous en sortir même si rien n’est encore obtenu. Il ne reste plus qu’à nous trouver un hôtel pour les trois prochaines nuits et se préparer à passer quelques jours de plus sur l’île. Les possibilités ne sont pas très nombreuses concernant l’hébergement. Il nous laisse le choix de celui que l’on veut tant que nous restons les trois nuits au même endroit. Nous prospectons donc dans les trois hôtels trois étoiles de Mamoudzou. Aucun n’a de place pour les trois nuits. Après un aller et retour, nous choisissons finalement le Maharajah, plus moderne et confortable pour les 2 premières nuits. Nous nous y installons en milieu d’après-midi après avoir faire un petit tour en ville, dans le jardin botanique et sur le port. Nous prendrons notre repas à l’hôtel. Nous n’avons pas trop le choix, car le responsable de l’agence ne veut pas trop s’embêter. Il ne veut pas de note de frais multiples et décident que nous devons prendre nos repas à l’hôtel, ce qui simplifiera la gestion de l’aspect financier au final. Peu importe, c’est un délicieux menu qui nous est proposé, assez sophistiqué avec un cake de légume en entrée, puis du canard avec des petits légumes et une purée de pomme de terre, une tarte tatin et sa boule de glace en dessert. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas mangé dans un restaurant si chic. Je n’en ai pas besoin mais cela ne fait jamais de mal. Nous profitons bien de l’avantage d’être bloqué sur Mayotte tous frais compris. Et ce n’est que le début…
Le lendemain, c’est un jour très spécial pour Cécilia. En ce 9 septembre 2014, elle fête ces 30 ans. Elle n’avait pas prévu de le fêter de la sorte, mais je pense que ce dernier restera néanmoins quelques temps dans sa mémoire! Au matin, après un bon buffet pour le petit-déjeuner, je lui offre ces cadeaux. Je sais que c’est une bonne vivante, qui aime bien les bonnes choses. Ne connaissant tout de même pas vraiment ces goûts, je vais me rabattre sur des produits alimentaires. Je lui offre donc deux bouteilles de vin; une de rouge et une de blanc moelleux, un bon pâté bien de chez nous, et des gâteaux apéritifs pour fêter cela dignement. Elle aurait bien aimé être dans son petit cabanon et faire de la plongée. Le programme va être d’un autre acabit, tout de même alléchant. Si ce n’est la plongée que nous ferons, une autre de ces activités favorites est la randonnée. Nous décidons donc d’emprunter une partie du GR1 qui fait le tour de l’île. N’ayant pas encore vraiment découvert le Nord de l’île, mais seulement ces îlots, lors de la sortie baleine, nous prenons la direction de Dzoumogne sur la côte Est. Nous allons pendant 6 heures traverser l’île et atteindre M'Tsangamouji. Nous traversons de très beaux paysages, qui changent à chaque fois que nous grimpons vers les sommets des collines, ou redescendons dans leur vallée. Nous atteignons certains points de vue magnifiques sur les environs, les îlots, la double barrière de corail. Après avoir finalement rejoint la route, un mahorais, vivant en métropole, nous prend en stop. Nous rentrons donc aisément à Mamoudzou. Nous n’avons fait que grignoter le midi et comme tous les mardis, le restaurant de l’hôtel est fermé. Serions-nous soumis à une malédiction en cette fin de séjour? Non, pas vraiment en fait. Nous ne voulons pas compliquer les choses en retournant encore une fois pour voir le responsable de l’agence. Mais nous allons trouver un compromis très avantageux. Nous avons le droit à 25 euros, par personne et par repas. N’ayant rien mangés sur le compte de la compagnie aérienne ce 9 Septembre, nous avons donc 100 euros disponible pour la soirée, à dépenser en nourriture à l’hôtel. Cela fait un peu cher pour une pizza, non? De plus, ils n’ont pas celle aux truffes dans les parages! Nous trouvons donc le compromis parfait. Nous achetons un très bon pain pour le pâté (c’est déjà un luxe pour des français sur les routes depuis de longs mois), nous avons des gâteaux apéritifs et nous commandons une pizza à la réception! La seule chose ouverte sinon à l’hôtel c’est le bar! «Oh, non, c’est vraiment trop dur! Nous sommes contraints et forcés! Il va falloir que l’on porte un toast aux trente ans de Cécilia sur le compte de Madagascar Airline…»
Le sujet est vaste! J’adore confronter mes idées avec des personnes différentes. Surtout quand nous n’avons pas la même vision du monde, ou en tout cas que nous ne l’abordons pas de la même manière, que cela nous affecte donc différemment. Cécilia a des idées arrêtées sur notre monde et ces déviances. C’est encore plus le cas pour moi. Comme Cécilia l’a bien relevé et me le fait remarquer à de nombreuses reprises: « Avec toi, c’est tout noir ou tout blanc, connais-tu le gris?» Elle n’a pas tort, vivant les choses à 200%, dans certains domaines je ne fais pas de demi-mesures. Mais elle amplifie tout de même ce trait de mon caractère. Sans s’en rendre compte, c’est aussi son cas. Elle ne rejette pas ou ne dénie pas sa nationalité française mais elle n’aime pas la gérance de notre pays et son développement socio-économique. Elle est actuellement catégorique. Elle n’aime pas la majorité des français et elle ne veut pas rentrer en France, ou continuer de travailler dans l’industrie dans son domaine de formation; ingénieur mécatronique. Les grandes multinationales sont, pour elle, «Les Grands Méchants» de notre monde, à mettre dans le même panier que nos dirigeants politiques. Elle a certains propos très radicaux sur les solutions qu’il faudrait envisager. J’exagère un peu, pour que vous puissiez prendre conscience du niveau de notre discussion. Elle arrive aussi à faire la part des choses. Elle admet faire partie de cette société et profiter ou user de ces travers. Elle n’est pas intégriste, bien au contraire. Elle aimerait surtout changer le monde dans lequel nous vivons, trouver des solutions pour l’améliorer, pour cloisonner les injustices qui ne font que s’agrandir, ou l’écart de niveau de vie entre les pauvres et les riches devient une fosse qui semble s’élargir un peu plus chaque jour qui s’écoule. Les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres… Cela ne signifie pas que les uns sont heureux et les autres tristes et sans aucun espoir. Pourtant il faudrait un minimum vital pour tous. Que l’ensemble de la population de notre terre est l’accès à des soins et à une alimentation décente, devrait être un minimum. Malheureusement cela impliquerait de diminuer le niveau de vie de certains, de faire des concessions, d’être prêt à partager, à revoir l’ensemble du système socio-politico-économique, qui a été mis en place les dernières décennies. L’ultra capitalisme et le libéralisme mondial poussent à continuer dans cette voie, à ne voir que les avantages pour un petit groupe seulement et concernant un futur proche. Beaucoup se concentre seulement sur leur propre personne. Ils se mettent des œillères sur tout ce que cela engendre pour autrui, pour les personnes que l’on exploite, ou qui n’ont pas les moyens de vivre décemment. Le monde se globalise, il s’uniformise et «devient un» concernant les envies des citoyens du monde. L’accès à l’information partout sur la planète, le fait que tout le monde peut voir comment vie l’autre, mettent en valeur la vie occidentale et à l’américaine. Il donne l’envie à chacun de tendre vers ce mode de vie. Malheureusement beaucoup de personnes n’auront pas l’opportunité d’atteindre ce niveau de vie. Cela engendre des besoins qui ne pourront pas être satisfaits et donc des frustrations. En plus, le message perçu par des populations, en attente d’une vie meilleur, ne sont que les aspects positifs, un stéréotype erroné d’une vie qui n’est que fiction, mise en avant par les films et les clips musicaux. Cette globalisation n’est pas une unification, bien au contraire, elle crée encore plus de distorsions. Si chaque humain sur cette terre espère et tente de se rapprocher de ce mode de vie, si nous continuons à exploiter les ressources de la terre, sans penser à leurs préservations et à leurs régénérations, si la démographie mondiale ne freine pas, si nous continuons à nous voiler la face concernant nos agissements, le système ne peut que collapser sur lui-même, même peut-être mener à la perte de l’espèce humaine. Beaucoup de personnes ne veulent pas voir certaines vérités en face, pourtant elles existent bien. Ici, à Mayotte, ou dans le pays où nous nous rendons en ce 11 Septembre, certains aspects négatifs des sociétés humaines ne peuvent que sauter aux yeux. Les injustices sont visibles. Les efforts à accomplir pour une société plus juste sont encore gigantesques.
Cécilia espérait trouver à mes côtés des réponses aux questions qu’elles se posent, elle espérait profiter de mon positivisme sans bornes pour faire avancer ces projets! Pourtant je n’ai pas de solutions miracle à lui apporter. Je n’ai pas une connaissance assez poussée sur la géopolitique mondiale, pour juger et émettre une opinion certaine. C’est une des sciences les plus complexes qui existe, car prenant en compte tellement de paramètres (histoire passé, comportements humains, économie, relation entre les pays, égoïsme et niveau de vie que l’on veut conserver, rapport de force, territorialisme, politique…). Je sais aussi, que même si je trouvais la solution idéale et plus juste, je n’ai pas le pouvoir de lutter contre les lobbies internationaux, contre les idées et les besoins qui ont été inculqués à une majorité, depuis des générations. Il faut être honnête, serais-je prêt à faire des concessions énormes, remettant en cause toutes les possibilités qui me sont offertes? Je ne peux pas être catégorique. Je pense que je serais prêt à changer mon mode de vie s’il y avait une certitude de résultats probants. Je vais au bout de mes idées, je mène mes projets à bien, je peux être un meneur, mais je ne suis pas quelqu’un qui cherche à se battre en vain, à perdre mon énergie pour une cause perdue. Personne ne m’a jamais permis de penser à vouloir tout lâcher, pour se battre pour un monde meilleur. Personne ne m’a permis de croire que ce projet fou était réalisable à l’échelle du monde… Alors je ne me ferme pas les yeux, je ne reste pas inactif totalement, en l’acceptant comme une fatalité… Je ne veux pas cracher sur une société dans laquelle j’évolue pleinement, en profitant des avantages qu’elle me réserve. Je ne peux et ne veux pas me morfondre dans mon coin, comme j’ai pu le faire à l’adolescence. Je me demandais alors pourquoi j’avais cette chance et que ce n’était pas le cas pour beaucoup d’autres. Je ne pouvais pas alors me regarder dans une glace. J’aurais voulu donner tout ce que je possédais, «la chance» que j’avais à ceux qui ne l’avaient pas. Cela m’a fait réfléchir. La meilleure réponse que j’ai pu trouver consiste à profiter un maximum des opportunités que j’ai, d’être le plus heureux possible, en réalisant mes projets et mes rêves. Je pense qu’il ne faut pas voir trop grand mais que chaque petit geste compte au quotidien, que chaque interaction positive avec autrui peut avoir un effet bénéfique. Si chaque personne essayait déjà de se remettre en cause quotidiennement, de faire un effort pour être meilleur et faire un geste vers son prochain, le monde ne s’en porterait que mieux…
Quoi qu’il en soit, j’aime toutes ces discussions que nous allons avoir, le fait d’avoir un esprit critique sur ce qui nous entoure, tout en gardant les pieds sur terre. Nous ne sommes pas d’accord sur tous les points mais cela ne va pas empêcher l’échange. Surtout nous continuons à passer des bons moments, en toute simplicité, dès que nous mettons en parenthèse ces échanges. Nous allons aussi beaucoup parler de nos projets personnels, de nos attentes concernant notre vie, et comment nous envisageons notre futur.
En tout cas, dans un futur proche, nous avons un sac à faire. Nous rendant à l’aéroport, en ce jeudi après-midi, l’histoire ne se répètera pas. Nous montons dans l’avion et partons finalement pour la prochaine destination, celle où Cécilia devait me rejoindre… Avec des «SI», nous pourrions refaire le monde et l’histoire, pourtant ce n’est pas mon intention… Nous avons passés de bons moments lors de ces jours complémentaires à Mayotte et d’autres sont à venir à quelques centaines de kilomètres de là… Nous avons faits des choix, nous nous sommes libérer de beaucoup de contraintes, et nous aurions tort de nous en créer des nouvelles!
Survoler l’Île de Mayotte est splendide. Nous pouvons admirer l’un des plus grands lagons du monde avec une double barrière de corail. Les paysages sont splendides depuis les airs. Je peux voir de petites îles entourées d’eau bleue turquoise, dont les deux principales qui constituent Mayotte. Nous passons au-dessus d’un lac volcanique et pouvons admirer au loin le relief de la grande île. Au milieu du canal du Mozambique, Mayotte a beaucoup de beautés naturelles à faire valoir, et d’atouts touristiques. Pourtant elle reste une destination peu fréquentée, pour diverses raisons, principalement son instabilité géopolitique. En effet Mayotte pourrait imploser de l’intérieur à chaque instant. Voilà des décennies que la France possède le contrôle de cette île et qu’elle l’a colonisé. Depuis 2011, Mayotte est devenu un département d’outre-mer français, suite à un référendum de la population qui a fait ce choix à plus de 90%. De nombreuses choses évoluent rapidement sur l’île; dont les infrastructures, la modernisation des bâtiments publics, l’accès au moyen de communication moderne, l’accès à l’eau et l’électricité. En devenant département français, les Mahorais obtiennent de plus en plus de droits comme l’accès gratuit à la santé et des aides de l’état. Pourtant cela ne permet à l’île de se développer comme désiré et d’obtenir une stabilité politique, culturelle et sociale… Sa situation est bien plus complexe que cela. Je vais assez vite m’en rendre compte.
En attendant, nous venons d’atterrir sur le tarmac de l’aéroport, avec un bâtiment flambant neuf, qui a été inauguré par le président de la république; François Hollande, il y a moins de dix jours. Éric m’a prévenu que j’aurais un peu l’impression de rentrer en France, mais alors seulement un peu. Les premières structures que je visite sont en effet très modernes. A la douane et dans l’aéroport, je suis en contact avec des policiers et gendarmes revêtant des uniformes français. Quelques métropolitains, au faciès très reconnaissable, sont présents sur place. Pourtant, ils ne représentent ici à peine que 2% de la population. Je prends très vite conscience des différences flagrantes. Dès l’aéroport, les locaux accueillent leur invité ou membre de la famille de retour au pays avec un collier de fleurs. 95% des habitants sont d’origine Bantoue et africaine. L’île possède le même pourcentage de musulmans, très reconnaissable surtout pour les femmes qui portent le voile. Nous sommes donc assez loin des standards français métropolitains. Ensuite, les paysages sont loin de ressembler à ce que je connais pour une majeure partie du territoire français. D’ailleurs, je peux très vite m’en rendre compte. Nous venons d’atterrir sur Petite-Terre qui fait 11km2. Je me rends sur la Grande-Terre (363 km2). Nous prenons le taxi avec Éric et Céline. Puis je plonge directement dans l’ambiance très maritime de l’île en prenant le ferry reliant les deux îles principales. La traversée est splendide avec une mer d’huile dans le lagon et très peu de vent. Je peux déjà voir certains de la trentaine d’îlots non habités. La traversé dure une vingtaine de minutes. Alors que Céline part chercher la voiture, qu’ils ont laissés un peu plus loin, en garde, nous nous installons à la terrasse d’un café, au niveau du port. Immédiatement, j’ai l’illustration d’un état de fait dont m’a parlé Éric auparavant. Un bus de gendarme débarque au port. Il est plein de personnes entassées. Il s’agit de clandestins qui ont essayé de s’introduire sur ce territoire français, dans l’espoir d’un avenir meilleur. Tous les jours, de petites barques de fortune essaient de faire les quelques 70 kilomètres qui séparent la première île comorienne à Mayotte. L’activité principale de la police et de la gendarmerie est de stopper ces embarcations avant qu’ils atteignent le sol français, puis de les reconduire en bateau aux Comores. L’explication est simple. La pauvreté et la misère font rage dans les îles de cet archipel. Un vrai trafic humain s’est organisé. Les clandestins espèrent trouver une terre d’asile accueillante. Pourtant ils font cette traversée à leur risque et péril. En dehors des lagons, l’océan peut être très mauvais. Ils ont aussi de grandes chances de se faire prendre par les forces de l’ordre française et d’effectuer un retour illico-presto du lieu d’où ils viennent. Pourtant, tous les jours, il y a des candidats à cette dangereuse traversée sans aucune certitude d’atteindre la destination désirée. Voilà une des premières problématiques, non la moindre, mais pas la seule. En effet, sur le sol même de Mayotte, plus de la moitié de la population est déjà clandestine et sans papiers. Beaucoup de personnes sont en cours de régularisation ou essaient d’obtenir la nationalité française. Le chômage est de plus de 28% et on ne parle que des personnes déclarées. Il n’y a pas de grosses entreprises ou employeurs, le plus important étant l’armée, l’enseignement et le social. Il est important aussi de savoir que plus de 50% de la population à moins de 17 ans. La démographie progresse de plus de 4% par an, entre autre en raison d’un taux de fécondité moyen de 4,7 enfants par femmes (plus grand taux d’Europe) et de l’immigration clandestine qui ne fait que progresser. Et encore, il n’existe pas de chiffres officiels exacts. La situation est sûrement beaucoup plus alarmante que cela. L’éducation est une des priorités de l’île mais pas la seule. Et que se passera-t-il quand tous ces jeunes enfants seront en âge de travailler?
Un autre problème majeur concerne la légitimité de la «souveraineté» française. En effet les Nations Unies et de nombreux états ne reconnaissent pas le droit aux français de posséder ce territoire. L’explication est simple. Elle est à chercher au niveau des règles et lois internationales. Historiquement, et pendant des centenaires, Mayotte appartenait à l’archipel des Comores. Il en fait encore parti géographiquement parlant. Or il est dit dans la constitution mondiale qu’un archipel ne peut pas être divisé et soumis à la régence de plusieurs pays. Les Comores ont et demandent encore le fait de récupérer cette terre. Bien entendu les Mahorais ne le souhaitent pas car ils perdraient de nombreux avantages. Ils auraient de grandes chances de retomber dans l’oubli et la misère. La France ne compte pas non plus rétrocéder ce territoire qui est un atout géopolitique majeur. Mayotte possède une des plus grandes surfaces des eaux territoriales françaises. Grâce à cette île, la France peut facilement contrôler le canal du Mozambique, éviter le droit de passage sur d’autres eaux territoriales nationales, et possède une base militaire stratégiquement importante. D’ailleurs, je peux en avoir la preuve immédiate. Sur Petite-Terre, de grandes antennes satellites sont installés. Les locaux les appellent les grandes oreilles. Ceux sont en fait des antennes d’écoute dirigées vers le continent africain. Voilà quelques données permettant de se mettre un peu en situation et comprendre où je viens d’atterrir. Je vais en apprendre encore beaucoup au cours de la journée et des jours suivants mais j’en garde un peu sous la main… Je ne sais pas si cela vous inquiète déjà mais je pense que cela vous permet de comprendre un peu mieux la réalité du terrain…
Avec Éric, nous sirotons un jus de fruit frais en terrasse. Je prends contact avec mes parents grâce à une très bonne connexion internet en Wifi et un service Skype gratuit d’ordinateur à ordinateur et tellement pratique. Éric me propose de me déposer chez les Couchsurfeurs que j’ai contactés pour passer le début du séjour sur place. Désolé, mais je dois directement vous replonger dans l’état de la situation sur l’île. Ici, je n’avais pas trop le choix. La structure hôtelière est très peu développée. Cela m’aurait «coûter une fortune» si j’avais opté pour cette option (si je m’en réfère à mes dépenses quotidiennes lors de ce voyage). En effet, en majorité, seuls des voyageurs d’affaires ou des personnes possédant de la famille viennent visiter l’île. Et puis ce n’est pas qu’une question financière mais aussi le fait de pouvoir partager avec des locaux ou des personnes qui connaissent les lieux pour y avoir vécu au moins de nombreux mois. Une autre explication justifie le peu de tourisme. Il existe un vol direct France-Mayotte mais pas dans l’autre sens. La piste de décollage est trop petite pour permettre aux avions de décoller en pleine charge. Ils ne peuvent donc pas partir avec le plein d’essence. Ils s’arrêtent principalement à la Réunion, avant de partir vers la Métropole. Depuis la France, le prix du billet reste très élevé, beaucoup plus élevé que la majorité des autres destinations d’outre-mer.
Les Couchsurfeurs résident dans la banlieue de Mamoudzou, ville principale de Mayotte. Je me rends plus exactement à Mtsapéré, sur les hauteurs d’une colline dominant le lagon. C’est une très belle demeure où habitent Virginie et son copain Greg. Ceux sont eux qui m’invitent. Ils habitent en colocation avec trois autres personnes, tous métropolitains, dont deux présentes en ce moment; Myriam et Sylvain. C’est ce dernier qui m’ouvre la porte. Il a vécu 2 ans à la Réunion. Il est infirmier libéral. Il prévoit de passer 6 mois à Mayotte avant de rentrer en France, sûrement pas pour très longtemps, selon ces dires et ces envies. L’un après l’autre, ils vont rentrer à la maison. Ils sont professeurs, ou dans des organismes sociaux. Ils ont tous des âmes de voyageurs. Virginie et Greg ont vécus plusieurs années à la Martinique. Ils ont ensuite voyagés pendant 6 mois dans plusieurs pays avant de venir s’installer ici pour une durée indéfinie mais pas définitive selon leur état d’esprit actuel. Cela semble d’ailleurs le cas de quasiment tous les métropolitains venant ici, qui restent quelques années, profitent des lieux et des salaires très intéressants, en raison de l’éloignement familiale et de la métropole, avant de partir. Seuls quelques irréductibles me diront se sentier bien, y être depuis plus de 10 ans, et ne pas vouloir en bouger, malgré les changements drastiques de ces dernières années, amenant un peu plus de confort, mais surtout une instabilité forte et de plus en plus d’insécurité.
La première soirée sur place est très agréable. Nous discutons tout d’abord, autour d’une bière, sur leur terrasse. Le voyage et la situation sur place sont les principales discussions… Ensuite, ils m’invitent à aller boire un verre au camion blanc, qui est un petit bar sur le port. Une de leur ancienne colocataire fête son départ le lendemain. Elle paie, à tous, sa tournée de punch. Nous passons un très bon moment avec des personnes venant d’horizons très différents. Il est marrant de voir des personnes ayant des personnalités très franchouillardes évoluer à Mayotte. Je pourrais, en cette soirée, me croire dans un petit bar de bord de mer français.
Le lendemain, vendredi 29 août, tout le monde travaille. Je pars en même temps que Myriam, la dernière a quitté la maison, à 8h00. J’emmène avec moi toutes mes affaires de valeurs. Pourquoi me diriez-vous? Par ce que pendant les premières heures de mon séjour, toutes les personnes, avec qui j’ai parlé, m’ont parlé de vols avec effractions quotidiennes. Je ne pense pas être tombé dans la maison la plus sûre. Lors de la dernière semaine, il y a eu trois tentatives. Heureusement tous les colocataires ont des horaires peu prévisibles. Le lundi passée, 3 jeunes ont réussis à s’introduire dans la maison après avoir brisés 4 verrous, et dessoudés une partie d’une grille d’une des fenêtres. Tout le monde était parti travaillé. Il n’y avait donc plus aucun véhicule dans le jardin, ou de scooters dans la réserve à l’arrière. C’est d’ailleurs un des gros problèmes de leur maison, ils ont un très grand jardin, dont la partie à l’arrière est sans aucun vis-à-vis. Les voleurs ont donc tout le temps d’agir, en tout impunité, avec l’assurance que personne ne les prendra. Ils vont donc réussir à pénétrer dans la maison. Le seul paramètre, qu’ils n’avaient pas prévu, était que la personne, à qui nous avons fêté le départ la veille, était encore présente. Elle dormait dans sa chambre. Elle a été réveillée par des bruits importants. Ne se doutant pas de ce que ça pouvait être, elle est sortie de sa chambre en petite tenue. Elle est tombée nez-à-nez sur trois jeunes d’une douzaine d’années seulement, qui allaient commencer leur larcin. En la voyant, ils ont pris peur. Ils se sont enfuis. Elle leur a couru après dans le jardin, sans résultat. Sans sa présence, la maison aurait sûrement été entièrement visitée et complétement vidée. Deux jours plus tard, des jeunes vont être pris en flagrant délit dans le jardin, fuyant à l’arrivée d’un des occupants. Des plus grands sont observés, rigolant dans l’arbre voisin. Et pour terminer avec cet épisode, semant chez moi une certaine psychose transmisse par mes hôtes, je vais apprendre qu’ils ont essayé de nouveau, juste après que nous soyons partis avec Myriam en ce vendredi matin. Une fois encore, l’ancienne colocataire qui venait chercher ces dernières affaires avant de se rendre à l’aéroport, va sauver la maison d’un cambriolage imminent. Cela peut se comprendre assez facilement même si ça n’excuse rien. Un état de non-droit s’est petit-à-petit installé. Il suffit de regarder de chaque côté de la maison pour voir que sur les flancs des collines voisines, ceux sont des bidonvilles qui occupent les lieux. Les enfants mineurs ne risquent rien même s’ils étaient pris. La différence de niveau de vie est telle qu’elle implique obligatoirement des jalousies et des envies. Beaucoup de personnes agissent ainsi pour leur propre survie. Il est reporté que la première pièce visité est la cuisine. Les premiers produits volés sont alimentaires, ils se trouvent dans le frigo. Ils font donc cela pour se nourrir en premier lieu, puis ils volent les objets de valeurs. Ils revendent ces derniers une misère avant qu’ils ne soient exportés, illégalement, vers les Comores. La proximité entre ces différents milieux sociaux et pouvoir d’achat, n’aident pas à une cohabitation sereine. Pour information, à Mamoudzou, il y a le plus grand bidonville d’Europe. Des milliers de personnes s’entassent sur un flanc de colline dans des habitations très sommaires en tôle ou en bois, sans sanitaires, avec des conditions d’hygiène déplorables et sans accès à de l’eau potable ou à une nourriture suffisante. Je vous plonge directement dans une ambiance assez glauque et je ne vous donne sûrement pas envie de venir visiter cette île. J’estime pourtant qu’il est nécessaire de dresser un portrait exact de ce qui se passe sur place et de vous fournir des informations que j’ignorais totalement avant de venir… Comme quoi, il n’y a pas besoin d’élargir à la géopolitique mondiale pour s’apercevoir que l’on vit dans une certaine ignorance. J’aime pourtant ces sujets très épineux. Il faudrait néanmoins plus d’une vie pour en comprendre les tenants et les aboutissants, et encore plus pour trouver une solution plus juste pour la majorité. J’introduis dès maintenant ce sujet car j’aurais l’occasion de vous en reparler ultérieurement dans ce récit et ceux à venir…
Vous voulez que j’enfonce le clou immédiatement ou j’attends un peu? Je rigole! Quoi que! J’espère que la suite de mon récit vous donnera plutôt envie de visiter ce petit coin de paradis qui recèlent de nombreux trésors! En ce premier jour de visite, j’ai décidé de retourner en Petite-Terre, pour découvrir le lac Dziani, qui est un lac qui a pris place dans un ancien volcan. Avant cela, je fais un petit tour dans le jardin botanique, qui se trouve près du centre-ville de Mamoudzou, et près du port qu’il surplombe depuis une colline. A cette période de l’année, il n’est pas le plus verdoyant possible, mais certaines fleurs et plantes attirent tout de même mon attention. Je trouve quelques beaux points de vue sur le lagon et la ville principale de l’île. J’embarque ensuite sur le ferry, ce genre de transport me donnant toujours un sentiment de vacances. Le temps est au beau fixe. La mer est calme. La journée s’annonce de meilleurs augures. Une fois arrivée sur place, je décide de me rendre au lac à pied. Je peux donc observer les habitants dans leurs activités quotidiennes. Je prends conscience des logements insalubres qu’ils occupent, du fait qu’en pleine semaine, et en milieu de journée, beaucoup de personnes sont chez elles ou dans la rue, et non au travail… Sur la route, je tombe sur un supermarché. C’est comme pour les marchés, même si ces derniers sont souvent plus colorés, agréables et chaleureux, j’aime y faire un tour. Cela permet d’avoir un aperçu des habitudes et des produits qu’achètent les locaux. Dans ce supermarché, beaucoup de produits sont similaires à ce qu’on peut trouver en métropole, sauf que les produits de base sont au moins deux à trois fois plus chers. Cela s’explique par le fait que ces produits sont importés et qu’ils subissent une taxe d’entrée importante sur le territoire Mahorais… Je comprends alors encore mieux pourquoi certaines personnes ne peuvent pas manger décemment. C’est déprimant de voir qu’il n’y a presqu’aucun fruits et légumes de disponibles, et que ceux présents semblent d’une qualité, qui laisse à désirer. Je ne vous parle pas de notre bonne cuisine française dont les fromages, les viandes, les poissons qui sont très mal représentés et bien souvent inabordables. La question lors de cette matinée n’est pas là et cela ne m’affecte pas plus que cela. Il y a toujours une solution envisageable pour se nourrir. Les bons produits du terroir français attendront encore un peu.
Après quelques minutes de plus, je me retrouve au début de la marche, menant au pourtour de l’ancien cratère dominant le lac. Marchant dans de l’ancienne cendre grisâtre, quelques centaines de mètres sont suffisants pour avoir une vue plongeante directe sur ce lac, qui revêt une couleur verte très reconnaissable des propriétés chimiques de la roche volcanique, qui interagit directement avec l’eau. Je prends le temps d’admirer ce superbe lac. Avant d’en faire le tour, comme le préconise le trajet du sentier de randonnée, je décide de descendre dans le cratère. L’idée est d’y admirer le lac de plus près, de voir de quoi est composée la végétation. Ces terres sont très fertiles. Donc les agriculteurs locaux en ont profités pour planter des bananiers, des cocotiers, des arbres donnant le fruit Jack, le fruit le plus gros du monde… Non sans difficulté, car la nature tout autour est dense, j’atteins finalement le rivage de ce lac. Il n’y a rien à décrire de spécial, si ce n’est que ce lac, aux propriétés très spécifiques, attire de nombreux animaux et surtout des puces et des oiseaux. Après quelques minutes en bas, je décide de remonter, sans utiliser le seul chemin qui descend à l’intérieur du volcan et que j’ai laissé loin derrière moi. Je rejoins finalement de nouveau le pourtour de ce volcan mais non sans mal, en passant à travers une petite forêt, en agrippant des branches pour réussir à combattre le pouvoir de gravité, important ici, en raison d’une pente avec un fort angle. Je vais piétiner dans des mottes de sables, galérer un peu lorsque je passe dans un endroit où la végétation s’est densifiée. La chaleur est assez accablante en cette première journée à Mayotte. La sueur dégouline donc sur mon front. Je viens de mouiller mon tee-shirt qui est détrempé. Peu importe, je retrouve une vue dégagée sur de magnifiques paysages. Pendant une bonne partie de la marche, j’ai le lac à ma droite et la mer et le lagon à ma gauche. Autour de Petite-Terre, vers le large, la deuxième barrière de corail est très proche, et le lagon peu large présente des couleurs magiques, un dégradé de bleus allant jusqu’au blanc assez majestueux. Je ne me lasse pas du spectacle. J’en profite au calme. Je ne croise que trois autres jeunes en tout et pour tout sur cette partie de ma promenade.
Au lieu de finaliser un tour complet à 360°C du pourtour du volcan, j’enchaine immédiatement par une vue surplombant la plage Moya, qui est la résultante de 2 cônes volcaniques anciens, qui se sont faits éroder par l’océan. Cela m’impressionne toujours de voir la force de la nature, des changements qu’elle est en mesure d’apporter avec le temps. La vue sur les hauteurs des falaises de la Petite-Terre reste exceptionnelle. Puis petit-à-petit, je vais descendre et rejoindre le niveau de la mer et la plage de Moya que je voyais auparavant en la dominant d’une centaine de mètre d’altitude. Cette plage est le théâtre de la ponte de tortues énormes qui vivent et viennent se reproduite dans ce lagon. Je n’y assiste pas en cette fin d’après-midi, mais j’ai bien prévu de voir ces tortues, dans une activité très particulière, au cours de mon séjour sur place. Je reste longtemps sur la plage, trempe les pieds dans l’eau et avale les dernières gorgées d’eau, qui se trouvent dans ma bouteille. Je n’ai pas mangé depuis le début de matinée alors qu’il est déjà plus de 15h00. En sortant de la plage pour rentrer chez mes hôtes actuels, je me fais alpaguer très gentiment par un mahorais, patron d’une boîte de construction. Il me propose de se joindre à son équipe pour partager leur barbecue; des cuisses de poulet et du manioc, cuits au feu de bois. Je n’hésite pas une seconde. Je passe un très bon moment avec des locaux, que l’on m’avait décrits comme très froids envers les «Mzungos». Suis-je tombé sur la perle rare ou plutôt les métropolitains, installées ici, ont-ils une image déformé de la réalité en raison de ce qui se passe parfois entre-eux? Quoi qu’il en soit, je préfère voir le bon côté des choses et j’espère que cela continuera au cours de mon séjour.
Après un bon moment en leur compagnie, un délicieux pique-nique, inattendu pour moi, je regagne Mtsapéré et les colocataires. Sur la route, je traverse des endroits où les personnes sont très pauvres. Elles habitent dans des logements faits de tôles, cuisinent au bois, à l’extérieur. La plupart sont habillés avec des habits tombant en lambeaux. Prenant le ferry, j’ai l’impression de retourner dans un autre monde. Les personnes, qui traversent en barge, ont tous plus au moins les moyens. Pour la plupart, ils semblent même assez aisés. J’ai décidé de continuer à me confronter à la réalité de cette île. Au lieu de prendre la route principale, longeant le bord de mer, je passe par les hauteurs, gravissant pour redescend les flancs de collines de Mamoudzou et Mtsapéré. Je vois alors définitivement comment sont organisées ces deux villes. Il y a quelques rues, sur les arrêtes les plus avantageuses, possédant de belles maisons, au standard occidental, voire parfois même luxurieuse. Mais de part et d’autres de ces rues, ceux sont des bidonvilles qui s’étendent jusqu’aux bas-fonds des «vallées», très pollués visuellement et écologiquement parlant. Une fois encore, cela m’ouvre les yeux sur la compréhension de cette difficile cohabitation, entre deux mondes aux antipodes, dans notre société capitaliste actuelle. J’aime et j’ai besoin d’ouvrir les yeux sur la réalité de notre monde, sur les dérives du système ultra-capitaliste et les inégalités qu’elle crée et qui ne cessent de s’agrandir. Cela creuse des fossés, qui seront sûrement durs à combler et qui risquent un jour de mettre en péril ce système. Mais une fois encore, c’est facile d’en prendre conscience ou de le critiquer. Mais je n’ai encore jamais rencontré quelqu’un qui m’a apporté une alternative viable que l’on pourrait mettre en place rapidement. Il y a tellement de paramètres à prendre en compte. La complexité de la nature humaine est une donnée dans l’équation. Elle peut même encore, parfois, être considérée comme une inconnue. Quoi qu’il en soit il rend quasi-impossible le fait de trouver une réponse exacte, ferme et définitive. Encore une fois, je crois vraiment que les petits gestes, le fait de se regarder dans une glace chaque jour pour changer et améliorer quelque chose chez nous, permettrait si chacun le faisait de rendre le monde considérablement meilleur. Aujourd’hui, je n’ai peut-être pas fait de grands changements, mais chaque sourire à autrui que j’ai pu faire, chaque interaction positive qui a eu lieu, aura changé certaines choses dans le cœur de certaines personnes. Beaucoup se seraient sentis mal à l’aise en traversant ces quartiers. Aucunement habitués à voir des Mzungos passés à pied, de nombreuses personnes vont me dévisager et se demander ce que je fais sur «leur territoire». Me serais-je perdu? Eh et bien, non! Après l’étonnement, ils répondront pour la plupart positivement à mon sourire et c’est déjà une grande victoire à mes yeux.
Après être rentré, à la maison, j’ai le sentiment de passer dans une autre dimension. Virginie et Greg reçoivent des amis ce soir. Je suis invité à dîner avec eux. Exceptionnellement, Virginie se met derrière les fourneaux. Elle nous prépare un Chilicone Carne. Je prends part à un vrai repas à la française entre amis. Nous commençons par l’apéritif avec des jus de fruits, du vin et un punch très fruité, préparé par un des invités. Nous avons ensuite le fameux Chilicone Carne, qui est très bon. Puis nous enchainons ce vrai repas de fête par des fromages, avant une tarte poire-chocolat avec une boule de glace. Voilà bien longtemps que je n’avais pas mangé un repas d’un tel acabit. Cela ne m’a pas manqué plus que cela mais c’est un vrai plaisir de retrouver ce type de plaisir. Je sais que cela sera particulièrement agréable lors de mon retour en France. Les discussions sont aussi très intéressantes. Elles partent tous azimuts avec la participation de chacun. Nous finissons la soirée par un jeu de société. J’ai vraiment le sentiment de me retrouver à un repas avec mes amis du lycée. J’aime ces petites piqûres de rappel assez régulières concernant le côté agréable de ma vie en France. Cela me permettra de mieux revenir, même si ce n’est pas encore prévu pour tout de suite, et que je ne suis pas encore prêt pour cela. Le serais-je d’ailleurs un jour? Seul l’avenir nous le dira et mes choix le dicteront. Mais c’est la solution pour laquelle je penche pour le début d’année 2015.
En attendant, la soirée fut très agréable. Elle se sera éterniser jusqu’à plus de 2h00 du matin. Nous devions avoir un Skype avec Antho, en direct de son tournage de «Fallait le Faire», sur M6. Ils auront finalement changé d’avis au dernier moment car cela n’aurait rien donné à l’écran. J’ai attendu, sans être prévenu du changement de programme, toute la soirée, l’ordinateur branché à mes côtés. Antho aura dû mimer cette scène, seul, comme si je me trouvais de l’autre côté de l’écran. Ceux sont les joies du tournage. Il vit cependant une expérience très intéressante. Ça pourrait un jour m’intéresser aussi si l’occasion se présentait avec un beau projet derrière.
La journée du lendemain est assez calme. Beaucoup des colocataires font la grasse-matinée. J’en profite pour avancer sur mes projets d’écriture et de tris de photos, ainsi que la réponse aux emails de proches. Après un déjeuner simple, je pars me promener en ville et sur les bords de mer toute l’après-midi. Puis je rejoins les colocataires en début de soirée. Nous partons tous, près de Dapani, au Sud de l’île, pour un concert de Reggae. Arrivée sur place à 20h00, de nombreuses personnes sont déjà présentes mais l’ambiance n’est pas au rendez-vous. D’ailleurs, elle ne le sera vraiment jamais. Car même quand les musiciens vont jouer sur scène, les «entractes » de plus de 30 minutes entre chaque groupe, rempli avec de la musique internationale, ne fera que casser l’ambiance qui commencé à se former avec chaque artiste. De plus, il ne s’agit pas vraiment d’une soirée de reggae, mais plutôt de musique locale et de musique africaine, de différents styles. Je ne rentrerais jamais vraiment et totalement dans cette soirée, mais je passe tout de même un moment agréable. Une fois encore, nous nous ne couchons pas avant 2h00 du matin. Je profite de la seconde grasse matinée de tous les colocataires pour avancer sur mes divers projets dont certaines recherchent sur internet. Cela faisait très longtemps que je n’avais pas eu un si bon réseau depuis longtemps. Je télécharge aussi certaines photos en vue de la publication ultérieure de mon blog en ligne. J’en profite aussi pour aller courir par ce beau temps. Nous prenons ensuite tous un déjeuner ensemble, puis je fais mon sac pour me rendre toute la semaine chez un autre couchsurfeur, qui habite toujours sur la côté Est de Grande-Terre mais plus au Sud. Je reviendrais dans la colocation, le dimanche soir, avant de partir, lundi matin, pour une autre destination. En attendant, je n’ai pas encore beaucoup exploré les trésors de cette île. Je compte bien mettre les bouchées doubles lors de la semaine suivante.Tony, métropolitain, qui vit sur place depuis 9 mois, semble d’ailleurs motivés pour m’aider à réussir cette entreprise. Un rendez-vous avec Éric promet aussi d’être sympathique. En attendant, je fais du stop pour me rendre à Bandrélé. Mayotte a une réputation très bonne pour les auto-stoppeurs. Cette première expérience confirme les dires de certains. J’ai à peine tendu le pouce à un rond-point, qu’un couple de métropolitain s’arrête à mes côtés. Ils m’emmènent directement à destination, faisant même un détour de plus de 5 kilomètres pour me déposer exactement où je veux me rendre. J’attends Tony sur Musicale Plage, à moins de 2 kilomètres de sa maison. Il n’est, en effet pas rentré. Il ne voulait pas me faire attendre en pleine ville alors qu’il a un lieu très agréable à proximité. En ce dimanche, comme c’est le cas de manière hebdomadaire, de nombreux Mahorais se sont donnés rendez-vous sur place pour faire des barbecues. J’admire un arbre, dont le diamètre du tronc est sûrement l’un des plus grands, que je n’ai jamais été amené à voir. La photo que je prends parle d’elle-même, car il est difficile de me deviner au milieu de la largeur de ce dernier. Tony me rejoins environ une heure après mon arrivée. L’introduction l’un à l’autre se passe le plus simplement possible. Tony me met tout de suite à l’aise et me dit que «ces mes vacances, et qu’il faut vraiment que je fasse ce que je veux»! Tony est un chef cuisinier qui a beaucoup travaillé les dernières années dans un restaurant appartenant à sa maman. Il n’a pas compté ces heures. Et même s’il réussissait à s’octroyer quelques semaines de vacances par an pour décompresser, le reste du temps, il travaillait 7/7, plus de 10h00 par jour. Au bord de la crise de nerf, et du «burnout» (dépression en raison de la surcharge de travail et de la pression), il a négocié avec sa mère pour prendre une année sabbatique et partir. Ayant un ami Mahorais qu’il avait rencontré d’un de ces deux BTS obtenus, il a opté pour Mayotte. Voilà donc plusieurs mois qu’il se trouve sur place. Hyper actif, il ne peut pas rester à rien faire. Premièrement, il ne paie pas le loyer de l’appartement, dans lequel il vit, mais il a tout fait à l’intérieur (électricité, matière de son deuxième BTS, menuiserie, peinture…). Ensuite, Il aide les locaux dans divers projets, il a déjà organisé plusieurs soirées sur la plage et sur une île à proximité. Sa personnalité est multiple et complexe. Plusieurs séjours en Thaïlande, lui ont permis de passer du bon temps mais aussi d’aider volontairement des moines bouddhistes à refaire toute l’électricité de plusieurs temples. Il garde un souvenir indélébile de ces passages. Il possède un énorme tatouage, sur tout le dos, fait par un moine expert dans le tatouage au bambou (méthode traditionnelle très douloureuse). Ce tatouage a de nombreuses significations. J’aime particulièrement qu’il me conte l’histoire de ce dernier. En bref, je ne pense pas que je vais m’ennuyer avec Tony. Nous devrions passer un bon séjour ensemble.
Soi-disant, Mayotte n’est pas un lieu pour les gastronomes ce que je comprends très bien en raison de la faible diversité des produits disponibles, de leur rareté et de leur coût sur l’île. Pourtant avec des choses simples, il est possible de se régaler. J’en fais de nombreuses fois l’expérience au cours du séjour. Dès le premier soir, Tony utilise ces talents de cuisinier pour me concocter un délicieux repas avec un poulet, sa sauce, et des pommes de terre parfaitement cuisinés. Il me gâte en me servant, en apéritif, un rhum arrangé maison, à la noix de coco. Je découvre lors de cette première soirée son univers bien à lui. Nous établissons aussi un planning prévisionnel de la semaine que nous passerons en majeure partie ensemble.
Le lundi 1ier Septembre, nous avons décidés de nous rendre au Mont Bénara et d’en entreprendre le début de l’ascension. Nous n’avions pas forcément prévu d’en atteindre le sommet et cela vaut mieux vu l’option choisie que nous allons prendre dès le début. En effet, à un moment donné, sans nous en rendre compte, nous sortons du sentier balisés. Nous nous enfonçons sur les flancs de ce mont, à travers des pseudos chemins qui semblent être très bien tracés, pendant quelques centaines de mètres, puis qui disparaissent soudainement. Cette erreur initiale va tout de même avoir de nombreux avantages. Nous allons découvrir diverses végétations naturelles ou agricoles. Nous suivons le lie d’une rivière avec de la forêt originelle. Nous tombons sur des plantes très particulières, ainsi que d’énormes araignées aux couleurs flamboyantes. Ensuite, nous trouvons quelques points de vue intéressants. Du fait que l’on m’ait dit que la vue depuis le sommet n’a rien d’exceptionnelle, car peu dégagée et sûrement pas à 360°, alors je ne peux émettre aucun regret. Après avoir déjeuné, nous avons prévus avec Tony et Alaraman; son ami mahorais, de nous rendre sur la plus fameuse plage de l’Île; Ngouja! Sa réputation n’est plus à faire et elle se justifie largement. En effet, c’est une plage de sable blanc, bordant une eau bleue turquoise. L’herbe, présente dans les eaux peu profondes, attire de nombreuses tortues qui viennent se régaler sur place. La barrière de corail n’est pas loin non plus. Elle est bien conservée et de nombreux poissons tropicaux multicolores y résident. La plage est bordée de quelques baobabs qui embellissent les lieux. Les Makis (espèce de lémuriens présents sur l’île) viennent quasiment toujours, et en nombre, salués les visiteurs. Ils ne sont vraiment pas farouches car habitués à l’être humain. Si vous avez quelque chose à leur donner, comme des bananes, ils n’hésiteront pas à vous sauter dessus, même à plusieurs. Le tableau semble idyllique, non? En cette journée pourtant, rien ne devait se passer comme prévu dans le meilleur des mondes. Nous avons le droit à une magnifique éclaircie pour admirer l’eau bleue turquoise depuis un point de vue sur la route, à quelques minutes de la plage. Ça sera presque l’unique éclaircie de l’après-midi. Le vent, les nuages et les courants, dame nature en général, ont décidés de s’allier contre-nous. En raison du courant, des vagues et du vent, l’eau est trouble. Lorsque je plonge avec le masque et tuba, la visibilité n’est pas de plus de 10 centimètres. Autant dire que je ne vais rien voir. La plage et l’océan ne me montrent pas leurs belles couleurs, habituellement mise en valeur, surtout à cette période de l’année, par un soleil radieux. Il fait presque froid en maillot de bain sur la plage. Même les Makis ne daignent pas montrer le bout de leur museau dans ces conditions. Je n’ai donc pas la chance d’en apercevoir un pour la première fois. Heureusement, quelques tortues sortent la tête de l’eau. Elles viennent me saluer. Une d’entre-elle, alors que je suis occupé à regarder une de ces congénères un peu plus loin, va même se faire une belle frayeur et me faire sursauter. Elle apparaît et remonte à la surface à moins de 10 centimètres de moi. Prenant conscience que je suis là, elle fait alors 2 ou 3 coups de nageoires, pour instantanément s’éloigner du danger, qu’elle n’avait pas perçu. Cela sera le seul lot de consolation de l’après-midi. Après presque 2h00 sur la plage, après avoir attendu cette éclaircie qui ne viendra jamais, nous décidons de rentrer chez lui. Je veux conserver, un maximum, une attitude positive. Je veux croire que les jours suivants seront bien meilleurs.
D’ailleurs cela ne manque pas dès le lendemain. Avant cela, le soir même, Tony est sur internet, sur son profil Couchsurfing (rappel : site d’échange entre tous les citoyens du monde, où les personnes peuvent proposer aux voyageurs et gens de passage de dormir chez eux, ou simplement de se rencontrer, de passer un moment ensemble. Il y a aussi des forums sur des tas de sujets et il est possible de trouver de très belles opportunités avec des personnes passionnées). Il me dit qu’il va accueillir une autre personne, une femme venant de Chine. Aimant bien les asiatiques, il est heureux d’en recevoir une, ici, à Mayotte. Puis regardant sa photo de profil, il est un peu désappointé. Il me dit que c’est une caucasienne, une française qui vit en Chine. Tout de suite, j’ai un déclic. «Comment s’appelle-t-elle ? Peux-tu me montrer sa photo de profil?» Je n’en crois pas mes yeux. Il s’agit de Cécilia! Nous nous sommes eu sur Skype, il y a seulement quelques jours. Nous devons nous retrouver à Nosy Be, à Madagascar, le 8 Septembre, mais pas à Mayotte. Pourtant elle s’est que je suis sur l’île. Je comprends alors très vite qu’elle a voulu me faire la surprise, sans me dire que l’on aurait l’occasion de se retrouver avant. C’est un vrai hasard qu’elle ait choisi le même Couchsurfeur que moi. Même s’ils ne sont pas des milliers sur l’île, il y a tout de même plusieurs dizaines de personnes inscrites sur ce site à Mayotte. Je me réjouis d’avance de pouvoir lui faire une contre-surprise et que ce soit finalement moi, qui la surprenne. Nous verrons comment cela se passe en début d’après-midi.
En attendant, avant 8h00, nous partons découvrir un peu le centre et l’ouest de l’île. Nous faisons un premier stop dans le jardin botanique de Combani. Il est intéressant de pouvoir découvrir certaines espèces végétales que je ne connaissais pas encore. Nous enchainons en rejoignant la côte. Après avoir stoppé la voiture, nous faisons une marche d’approche de 20 minutes pour atteindre une plage. Les paysages sont sympas. Nous passons, entre-autre, dans une forêt de bambous géants, qui est splendide. Encore une fois, j’aime ce type de surprise surtout que je ne m’attendais pas à trouver ce type de forêt sur cette île. Après une dernière descente, nous arrivons sur la plage de Soulou, dont la spécificité est sa cascade. En effet, une chute d’eau tombe directement sur la plage, rendant ce lieu unique à mes yeux. Je ne crois pas avoir jamais vu cela auparavant. L’effet visuel est plaisant. Surtout cela permet un peu de mettre en avant le cycle de l’eau d’une façon originale et son importance pour la vie sur terre. Après avoir longé la plage à l’Ouest, nous allons passer par une route transverse dans l’île pour retourner près de chez lui, sur la côte Est. En effet, il veut me faire découvrir un site sympa et par la même occasion être proche de son appartement, si Cécilia appelle. Nous nous rendons sur la plage de Sakouli. Pendant qu’il s’exerce, sur la plage, avec un petit kite, je pars découvrir le récif corallien de la première barrière, qui se trouve à moins de 50 mètres de la plage. Les coraux sont colorés et les poissons tropicaux omniprésents. J’aime plonger avec masque et tuba. J’ai le sentiment d’être dans un autre univers, d’évoluer dans une autre dimension. Comme d’habitude, je ne vois passer le temps dans l’eau. Quand je regagne le bord, il est temps de retourner à son appartement. Cécilia n’a pas encore appeler mais cela ne devrait pas tarder.
Alors que nous nous garons devant chez lui, elle l’appelle. Je pars donc me cacher dans l’appartement de Tony pendant qu’il va la récupéré au point en ville, où elle vient «d’être parachuté». Seulement quelques minutes plus tard, ils sont de retour. Je peux donc sortir de ma cachette et lui faire la surprise. Cela l’a fait sourire quand elle me voit. «Pris qui croyait prendre! » Elle a eu tout de même quelques doutes après avoir posé des questions. Tony lui a dit qu’il y avait un autre Couchsurfeur chez lui. Quand elle lui demandera le nom de ce dernier, il répond: «Benoit» mais un doute persistera dans son esprit… Peu importe la situation est assez rocambolesque et j’aime ce genre de moment mêlant surprises, changement de dernières minutes, événements impromptus… Pour l’instant, nous n’allons pas trop avoir de temps ensemble. En effet, même si nous sommes chez le même couchsurfeur, j’ai pris rendez-vous avec Éric, pour le rejoindre en milieu d’après-midi. Je m’apprête à passer les deux prochaines nuits chez lui afin d’effectuer une sortie en mer. Nous prenons le déjeuner ensemble, avec Tony et Cécilia. Nous aurons bien le temps de fêter nos retrouvailles dans quelques dizaines d’heure.
Je pars ensuite, en stop, rejoindre Éric, à une station d’essence se trouvant plus au nord, bien avant Mamoudzou tout de même. C’est un Mahorais, en camion, avec un chargement de graviers qui s’arrête au bord de la route, alors que je tends ma main vers le ciel (en effet, ici, la coutume ne consiste pas à lever le pouce pour effectuer de l’auto-stop). Il m’emmène directement à destination. Quelques minutes plus tard, Éric fait son apparition avec son 4x4. Nous passons en premier lieu chez un de ces amis qui travaille à l’hôpital. Nous nous voyons offrir le thé, passons un moment agréable au salon de jardin, et surtout je vais faire ma première rencontre avec certaines des stars de l’île. Je ne compte pas la fois, chez Virginie, où je les avais vu, dans la pénombre, agilement se promener sur les fils électriques, en balançant leur queue de gauche à droite, pour conserver leur centre de gravité le plus équilibré possible, et rendre leur passage possible sur ces câbles d’un faible diamètre. Quoi qu’il en soit, en cet après-midi sur le muret de la maison, et dans les arbres, un groupe de Makis fait son apparition. Ils ne sont pas franchement farouches. Je peux les approcher de très près. J’aime particulièrement leurs grands yeux marron. Ils semblent très doux, au vu de leur pelage. Ils sont excessivement agiles. Ils sautent, avec aisance, de branches en branches, sur le toit des maisons ou sur les murets. Ils passent la majorité de leur temps en hauteur. Ils ne descendent que très rarement sur le sol, où ils doivent se sentir vulnérable.
Après cette première prise de contact, je vais suivre Éric dans sa tournée du soir. En tant qu’infirmier libéral, il fait cette dernière 7/7, quand son remplaçant, ne travaille pas pour lui. Il a de nombreux patients diabétiques, ou sous perfusion, qui ont besoin de lui quotidiennement. Lors de cette tournée, je vais parfois me rendre avec lui visiter ces patients et découvrir un peu leur quotidien, ou découvrir un point de vue nature quand cela se présente. Je n’aurais pas la chance de tout voir, car rapidement la nuit tombe. Mais je découvre un peu le Nord de la Grande-Terre, où je ne m’étais pas encore rendu. Puis, nous rentrons, chez lui, à Dzoumogne. Céline vient de rentrer quand nous franchissons le pas de la porte. La soirée est agréable. Les sujets de discussions ne sont pas durs à trouver avec ce couple. Le repas est agréable. Le rhum arrangé en digestif passe très bien. Nous nous n’éternisons pas car nous devons tous nous lever très tôt le lendemain; à 4h30. Céline doit être à l’hôpital avant 6h00. Nous l’emmènerons avant de nous rendre sur le bateau.
Tout se passe comme prévu en ce début de matinée, sauf que nous partons un peu en retard. Au vu de la route, Éric ne peut pas aller plus vite qu’il ne le fera. Céline sera donc une nouvelle fois en retard, alors qu’elle était la première prête, et qu’elle nous a attendue. Sur le ponton, nous allons patienter avant l’arrivée de David, propriétaire du bateau, avec lequel nous sortons. Il vit sur Mayotte depuis plus de 10 ans. Il est Kinésithérapeute et sa petite amie est biologiste marine. David et Éric sont amis. Ce dernier devrait racheter bientôt la moitié du bateau, pour qu’ils puissent l’utiliser régulièrement, avoir leur propre moyen de transport marin, ce qui est non négligeable et agréable dans de tels lieux. En même temps, ils limiteraient tout de même les frais, qui sont toujours élevés pour ces moyens de transports qui ne sont utilisés que pour le loisir. En attendant, nous prenons la mer, après avoir préparé le bateau.
Nous sortons du lagon par la passe, qui se trouve au nord de la Petite-Terre. La mer est assez calme, avant de sortir, je peux voir de beaux fonds et quelques raies qui se déplacent, avec élégance, au-dessous de nous. De gros remous sont présents au milieu de la passe. Pourtant mon attention est très rapidement portée sur autres choses. A quelques mètres de nous, une baleine avec un baleineau évoluent dans la même direction que le bateau. Je prépare mes affaires pour me mettre à l’eau. David les dépasse, pensant qu’elles continueront dans la même direction. Nous devons aussi sortir de cette zone perturbée pour envisager que je puisse les rejoindre dans l’eau. Malheureusement, elles changent de route et stoppent leur course. Elles restent dans ces eaux tumultueuses. Nous continuons donc notre chemin car ce n’est pas leur priorité. Nous verrons ce qui se passe un peu plus tard. Il ne s’agit pas d’une sortie baleine ou dauphins mais d’une sortie pêche tout d’abord. J’ai déjà de la chance d’en avoir vu de si près et qu’elles nous aient accueillies en tapant leurs nageoires pectorales. En attendant, nous préparons les cannes-à-pêches et autres lignes. Nous mettons les leurres, avec leur hameçon, à l’eau et nous commençons à sillonner les eaux poissonneuses, qui se trouvent près des côtes de la Petite-Terre. C’est vraiment bien d’avoir un autre point de vue sur la plage de Moya et les plages, où j’ai randonné, voilà quelques jours. Lors du premier passage, nous n’avons aucune touche. Alors que nous entamons un deuxième passage, nos chances de pêcher vont soudainement se réduire comme peau de chagrin, pour ne pas dire être néant, quand nous commençons à suivre un groupe de plus de 100 dauphins communs à bec long. En effet, ces derniers sont en chasse. Leur organisation est sans faille. Très peu de poissons passeront à travers les mailles de ce mur naturel de dauphins affamés. J’assiste en revanche, encore à un spectacle de toute beauté. Je ne serais jamais rassasié de ce genre de rencontre et de moments qui sont, pour moi, à chaque fois unique. Même si je ne compte plus les dizaines de fois où j’ai été en contact avec ce mammifère marin, je n’en reste pas comme un petit garçon qui se verrait offrir un nouveau jouet. Je me rappelle alors la première fois, où j’avais pu en voir un, quand je me rendais avec mon papa sur les îles Chausey, en doris. L’espèce était totalement différente. Des années se sont écoulées entre ces deux moments. Pourtant l’excitation est toujours aussi forte.
Nous remontons les lignes pour ne pas risquer d’en blesser un. Nous les suivons, en parallèle de leur trajectoire, pendant de longues minutes. Nous pouvons les voir sauter, faire des pirouettes, afin de s’assurer qu’ils avaleront correctement le poisson qu’ils viennent d’ingurgiter. Ils sont si gracieux et semblent se déplacer avec une telle aisance dans ce milieu liquide. J’en prends plein les yeux et jubile.
David décide ensuite de mettre les gaz et les laisser derrière nous, pour avoir une chance de pêcher. D’ailleurs cela ne manque pas. Moins d’un quart d’heure, après avoir remis les lignes à l’eau, le bruit si spécifique d’un moulinet s’actionne. Le fil de pêche se déroule à grande vitesse. Nous préparons le bateau, réduisons la vitesse. David se met le support ventral de canne. Il se prépare à remonter, quoi que ce soit, qui est mordu à l’hameçon. Il croit plusieurs fois avoir perdu sa touche qui ne semble pas présenter de résistance. Pourtant un beau poisson de plus de 10 kilogrammes est bien encore au bout de la ligne. Il ne semble pas se débattre. Ils arrivent facilement à le poser sur la plateforme, à l’arrière près du moteur. Éric s’apprête à le saisir. Le poisson, un thon, choisit ce moment précis pour donner un coup de queue. Ce mouvement du dernier espoir, avant le dénouement heureux pour les pêcheurs, et la fin de vie pour ce poisson, change le cours de son histoire. Il décroche sa mâchoire de l’hameçon et se retrouve instantanément à nager dans le grand bleu. Éric s’en veut de longues minutes de ne pas l’avoir gaffé alors qu’il était à sa portée. Pourtant il ne devrait pas s’en vouloir. En effet, gaffer un poisson est une action à double tranchant. Si la manœuvre est bien effectuée, le poisson est définitivement entre les griffes des pêcheurs et il n’est plus question d’une possible libération. En revanche, si c’est mal effectué et que le crochet ne rentre pas dans la chair de ce dernier, il y a des chances que l’accoups donné puisse le libérer. Il a déjà été malheureux lors de cette entreprise et c’est sûrement pourquoi, instinctivement, il a opté pour une autre solution. Rigolant de la situation, ils me diront qu’il faut que j’admire leur côté très écologiste, le fait qu’ils ne vont à la pêche que pour le sport mais qu’ils aiment relâcher ce qu’ils ont capturés. Ils ont laissés passer leur chance et ils n’en auront pas une seconde au cours de cette longue matinée.
Nous sommes en revanche beaucoup plus chanceux concernant l’observation des plus gros animaux vivant sur notre planète. Plusieurs groupes de baleines sont présentes dans un périmètre assez restreint autour du bateau. Nous en voyons sauter, sortir totalement de l’eau, jouer avec leur caudale ou leurs pectorales. Nous arrivons à en approcher deux. Ceux sont de jeunes mâles, qui sont très actifs et se déplacent assez rapidement. Nous pouvons les suivre et les voir se mouvoir. Il n’y a malheureusement aucune chance pour que je me mette à l’eau avec elles. Après les avoir suivi de longues minutes, nous stoppons la poursuite. Il est important de respecter leur tranquillité. Elles ne semblent pas vouloir que nous les approchions de trop près ou interagir avec nous. Nous allons stopper le bateau en l’amarrant à une bouée délimitant une zone de réserve maritime, la fameuse «Passe en S». Nous pique-niquons avec de bonnes baguettes fraîche, du pâté et cornichons, jambon beurre, et jus de fruits frais ou Grimbergen, au choix. Suite à cela, nous allons continuer à pêcher un tout petit peu, avant de ranger les lignes et regagner le lagon par la passe Sud de la Petite-Terre, celle où se termine la piste d’atterrissage de l’aéroport. Dans une eau bleue incroyable, nous admirons des dizaines de tortues, qui apprécient ce lieu pour les herbes marines qui s’y trouvent. C’est aussi le refuge d’un des deux derniers Dugongs qui vivent encore à proximité de l’île. Malheureusement, les activités humaines auront sûrement raison de leur présence ici dans à peine quelques années. Cette espèce est en voie de disparition dans le monde et, malheureusement, c’est loin d’être la seule.
De notre côté, après encore quelques dizaines de minutes de navigation, nous amarrons de nouveau le bateau au port de Mamoudzou. Il est déjà plus de 14h00. Nous buvons un dernier coup dans une buvette puis David nous quitte pour certaines obligations. Éric se propose de me montrer les hauts de l’île. Nous allons tout d’abord admirer le chemin menant à l’ancienne maison du gouverneur avec des points de vue assez saisissant, une forêt assez dense et la présente de Makis. Puis, depuis la route, la magnifique Passe en S se dessine au loin. Nous prenons ensuite des chemins, où se dessinent très bien le côté volcanique passé de l’île, avec des monts coniques recouverts d’une dense végétation. Nous nous arrêtons près d’un lieu de distillerie de l’Ylang-ylang. Cette fleur a fait la réputation de l’île pendant longtemps. Elle est encore exportée sous forme de parfum, d’extrait naturel ou huile essentielle. Il est intéressant de constater qu’ils ont conservés des processus très vieux pour assurer la transformation de cette fleur. Les plantations sont originales à observer avec ces arbres coupés de telle sorte que l’on a l’impression qu’ils nous font la révérence. Nous filons ensuite à la réserve d’eau au-dessus de Combani. Ce lac artificiel révèle un nouveau paysage sur cette île. Nous passons un bon moment, peut-être un peu trop.En effet, les heures défilent et nous arrivons plus de 20 minutes en retard pour récupérer Céline. Après une longue journée de 12h00, elle n’est pas très ravie de devoir attendre. Surtout qu’elle n’a pu avoir aucune nouvelle de notre part, Éric ayant oublié son portable chez lui. Je peux comprendre qu’elle sorte de ces gongs, surtout qu’il semble que son «cher et tendre» soit un habitué de ce type d’habitudes peu agréables. Les premières minutes seront assez froides. Je m’excuse disant que je suis un peu responsable de la situation car il a voulu me faire plaisir. Elle ne m’en tient pas rigueur. Elle a plutôt une dent contre lui. Heureusement, cela ne va pas durer longtemps. Nous passerons une bonne soirée à 4, avec son remplaçant infirmier libéral et ami.
J’ai contacté Cécilia dans la soirée car nous avions pris rendez-vous, pour une sortie en mer le lendemain, jeudi 4 Septembre. J’ai organisé cette sortie et pris rendez-vous avec la compagnie Mayotte découverte. Au vu de ce que j’ai vu en cette superbe journée, j’aurais pu annuler! Mais non, bien au contraire, j’ai toujours soif de voir ces animaux, j’ai envie de passer encore du temps avec eux. Qui sait, nous aurons peut-être l’opportunité de nous mettre à l’eau avec des baleines ou dauphins. Nous allons chacun de notre côté nous lever très tôt pour rejoindre Mamoudzou. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le réseau routier autour de l’île n’est pas suffisant du tout. Il ne peut pas permettre une régulation correcte du trafic. Cela implique chaque matin et chaque soir des bouchons autour de Mamoudzou. Pour être à 8h00 sur le ponton, nous devons, tous les deux, quitter les maisons respectives, où nous résidons, à 6h30. Nous nous retrouvons finalement, sans problème, sur le ponton, à l’heure convenue.
Le groupe constitué en cette journée est assez hétérogène. Nous sommes tout de même les plus jeunes, avec un autre groupe de 3 personnes. La moyenne d’âge atteint facilement 45 ans. Je ne vous cache pas que cela ne me rassure pas vraiment de prendre part à un tour organisé, surtout après a journée de la veille avec une total liberté et seulement à trois sur le bateau, alors que nous sommes maintenant une douzaine. Cela va pourtant bien se passer. Nous allons chacun profiter à notre manière. Surtout personne ne va se plaindre de telle ou telle chose. Notre capitaine et guide nous donne quelques informations, nous fournit le matériel pour plonger, et nous prenons le large. Il a déjà eu l’information comme quoi des baleines s’y trouvaient. Je suis heureux que ce tour se déroule de ce côté de l’île, car nous allons passer sinon, la plupart du séjour au Sud de l’île, sachant que Tony s’y trouve très bien, et qu’il ne voit aucune raison de partir au Nord.
L’océan est encore plus calme que la veille. La sortie de la passe est indolore, sans vagues, et même splendide car il n’y a que très peu de fond. Le passage sur la deuxième ceinture de corail est splendide. Notre guide met ensuite les pleins gaz en direction des baleines. En moins de 20 minutes nous sommes sur site. 3 jeunes baleines mâles naviguent dans ces eaux, déjà très profondes, à proximité de ces îles. Nous allons les suivre pendant plus d’une heure. Elles nous réservent un spectacle splendide mais se déplacent assez rapidement. Nous voyons beaucoup de levée de caudal signifiant qu’elles plongent en profondeur. Il faut alors attendre plusieurs minutes avant de pouvoir les revoir en surface. Il n’y a aucune chance de mise à l’eau car elles sont en perpétuel mouvement. Plusieurs fois et plusieurs baleines, nous font quelques beaux sauts. Mais surtout, vers la fin de notre présence à leur côté, il est facile de constater que nous les dérangeons. Elle tape très fort leur queue sur l’eau pour signifier leur énervement. Il est alors temps de les laisser continuer leur route et de ne plus les déranger.
Nous nous rapprochons ensuite de la pointe Nord de la Grande-Terre. C’est ici que nous rencontrons un grand groupe de dauphins au long bec. Ils sont plus d’une centaine, tranquille sur l’eau, à surfer sur la vague, jouer les uns avec les autres… Nous nous retrouvons directement au milieu de ces derniers. Ils viennent tour à tour jouer avec le bateau, se mettre à l’avant de la proue et utiliser le courant généré par notre embarcation. Plusieurs fois, je ne sais plus où donner de la tête. Ils sont partout à 360° autour de nous et donc même sous le bateau. Après de longues minutes à les observer, je ne saurais vous dire combien, nous décidons de les laisser aussi en paix, pour qu’ils regagnent leur quiétude dans ce magnifique lagon. Nous nous rendons alors sur l’îlot de Tsamboro. C’est ici que nous prendrons notre déjeuner. Il nous sert en premier lieu, un délicieux cocktail à base de rhum et noix de coco, avec quelques gâteaux apéritifs. Puis il y a ensuite un buffet avec du riz, des produits de la mer, un carpaccio de poissons. Sur cette plage paradisiaque, il y a quelques cabanons abandonnés de clandestins. Et oui, même lors d’une telle journée, où j’ai le sentiment d’être au paradis, il y a toujours ce ou ces petits détails, qui me font garder les pieds sur terre et réaliser où je suis vraiment. Cela n’est pas pour me déplaire d’ailleurs. Il est important de prendre conscience que chacun ne peut pas vivre ce que je vis depuis de longs mois. La météo a aussi son mot à dire. En effet, de gros nuages viennent de se former et de se stocker sur les hauteurs de l’île. Les paysages sont toujours splendides mais j’imagine facilement ces derniers paradisiaques, s’il y a avait un grand soleil. Ce sera d’ailleurs aussi le cas sur les îlots Choizil que nous visitons immédiatement après. Puis, nous arrivons sur un site où il est possible de plonger avec masque et tuba. Je vois finalement ma première tortue. Il ne s’agit pas des grandes tortues marines, mais d’une petite tortue verte. Elle est tout de même très belle. J’adore l’aisance avec laquelle elle se déplace dans l’eau. Nous pouvons voir aussi pleins de poissons multicolores, des serpents de mer, des coraux colorés… Nous passons, quand je dis «nous», c’est moins de la moitié des touristes du bateau, de nombreuses dizaines de minutes. Les autres n’en n’ont pas l’envie ou pas les capacités physiques. Remonté sur le bateau, nous longeons la côte à la recherche de grands dauphins, sédentaire à Mayotte, avec lesquels il est facile de jouer et se mettre à l’eau. Nous n’allons malheureusement pas les croiser. Nous rentrons donc au port et remettons le pied sur «le plancher des vaches», alors que 16h00 vient de sonner. Après avoir salués tout le monde, avec Cécilia, nous rentrons en stop à Bandrélé, chez Tony. La soirée est simple et s’articule une nouvelle fois autour d’un bon repas concocté par le Chef cuisinier de la maison.
Le lendemain, nous prenons notre temps en matinée, avant de partir à la fin de cette dernière, pour grimper au sommet du Mont Choungui. Il n’est pas le sommet le plus haut de l’île. Mais ce pic rocheux est assez facile d’accès, la marche d’approche n’est pas trop longue et surtout il offre une vue panoramique exceptionnelle sur toute l’île et à 360°. Après 10 minutes sur du faux plat, nous commençons réellement l’ascension. La pente est très abrupte. Il s’agit d’un petit chemin en terre qui passe entre de nombreuses racines d’arbres et gros rochers. Il s’agit parfois presque d’escalade, non de marche. Ce sommet n’est pas accessible à tous. Pourtant après moins de 40 minutes, nous atteignons le sommet à plus de 500 mètres d’altitude. La vue est spectaculaire. Le temps très couvert de la matinée a laissé place, petit à petit, au soleil. Seuls quelques nuages persistent mais il ne gâche pas la vue, ou le fait de pouvoir profiter de superbes couleurs et d’une belle luminosité. A l’ouest, nous distinguons clairement la première île des Comores, d’où les clandestins tentent leur chance pour rejoindre Mayotte. Nous restons assez longtemps au sommet. C’est un vrai plaisir de pouvoir déguster notre pique-nique, avec une telle vue panoramique, devant nos yeux. Après avoir pris un peu plus de temps sur place, avoir commencé à digérer, et prendre quelques clichés, nous entamons la descente. Regagnant la voiture, nous nous rendons à la Plage Musicale, pour y passer la fin de la journée. C’est une plage de sable noir comme il en existe de nombreuses autour de l’île, ces dernières se démarquant ainsi et donnant un autre aspect si on les compare avec les plages de sable de couleur jaunâtre.
Le samedi 6 Septembre, le matin, nous nous apprêtons à vivre un fabuleux week-end en nature. Après avoir préparé tout ce qui était nécessaire pour bivouaquer et vivre au cours des 2 prochains jours. Nous attendons, Caro, une connaissance de Tony, qui aurait dû faire du Couchsurfing chez lui, il y a quelques mois. Elle devait venir visiter l’île mais, malade, elle n’a pas pu venir avec ces amis. Elle habite la réunion, elle est infirmière. Elle a décidé de venir faire un remplacement pour 2 mois à Mayotte. Elle passera le week-end avec nous trois, ainsi qu’Alaraman. Une fois que tout est prêt, nous partons avec la voiture de Caro, vers le Sud-Ouest de l’île. Après avoir garé la voiture sur un parking, nous partons avec nos sac-à-dos pour effectuer une bonne heure de marche, à flanc de colline. Puis nous entreprenons la descente vers une plage un peu spéciale de la Grande-Terre. Nous nous installons prêt d’une maison abandonnée qui était auparavant réservé pour du personnelle de la conservation de la faune et la flore. Plusieurs agressions à l’arme blanche par des groupes organisés ont eu raison de leur présence sur place. Ils étaient pourtant là pour protéger une espèce menacée que nous allons essayons de découvrir lors de ces 2 jours.
Nous nous installons. Les filles ont décidés de dormir en tente, qu’elle plante alors. Les hommes dormiront à la belle étoile. Je recherche du bois mort pour le feu. Ce dernier ne manque pas dans les parages. Tony commence la cuisine. Après un repas simple, nous allons profiter de la plage, de l’eau et des possibilités de plonger avec masque et tuba. La barrière de corail est une nouvelle fois très belle, colorée avec de nombreux poissons tropicaux que j’aime admirer, regarder en détail et approcher le plus proche possible. Ils ont tous des comportements différents. Ils sont plus ou moins craintifs, choisissent la fuite, ou plutôt de se réfugier entre les coraux. Certains poissons présentent des formes très particulières, des répartitions de couleurs sur leur corps assez spécifique. Même les plus petits spécimens sont intéressants à observer. C’est le cas pour les poissons mais aussi de micro-organismes vivant en symbiose avec les coraux… Je passe, quoi qu’il en soit, pas mal de temps à les regarder.
La nuit tombe très vite ensuite. Avant, des locaux débarquent sur la plage avec un bateau. Ils emmènent des provisions, semblant être pour plusieurs jours. Ceux ne sont pas eux qui resteront sur place, mais un groupe de 5 touristes qui arrivent par la terre, sans porter de charges. Ils dorment eux aussi dans des tentes. Ils sont accompagnés de deux guides. Nous venons de perdre notre exclusivité et notre petit week-end en solo sur cette plage. Pourtant ça ne sera pas gênant, car ces personnes sont simples, agréables et pas dérangeantes. Alors que le soleil s’est caché derrière les collines, nous commençons l’apéritif avec un verre de vin rouge, du saucisson et des chips. Nous continuons par des cuisses de poulet, cuites au feu de bois, et une salade de riz. C’est l’anniversaire de Caro. Nous fêtons donc cet événement en lui offrant une autre bouteille, cette fois-ci de vin blanc, qu’elle préfère. Tony, poète du dimanche, s’est amusé à lui écrire un petit poème assez drôle. Je jette plusieurs fois un œil sur la plage, éclairée par une lune déjà bien brillante, même si elle n’est pas encore pleine. Je suis à la recherche de gros spécimens, qui seraient venus rejoindre la plage pour une partie importante du cycle de la vie de leur espèce. Mais au vu des marées, du vent et des conditions de mer, l’événement, que nous souhaitons observer, se passera sûrement plus tard au cours de la nuit. Nous n’allons pas nous coucher tard mais mettre un premier réveil à 1h00 du matin. Tony et Alaraman dorment près du camp et du feu, à quelques mètres, dans les terres. Caro et Cécilia décident finalement de m’accompagner. Nous allons dormir, avec nos duvets, directement dans le sable sur la plage.
J’ai un peu de mal à émerger quand le réveil sonne. Pourtant, cela aurait été dommage de ne pas se lever. Le guide avec 4 personnes viennent de passer devant nous. Elles se dirigent un peu plus loin. Il est possible de voir de grosses traces sur la plage. Elles partent vers les arbres, en limite de plage. 2 énormes tortues, des femelles viennent de creuser un trou dans le sable. Nous ne nous approchons pas d’elles, avant que le guide nous en donne le feu vert. En effet, si nous nous approchons trop tôt, elles vont prendre peur et repartir directement en mer, sans avoir effectuées ce pourquoi elles étaient venues. Elles sont sur la terre ferme pour pondre. A Mayotte, la situation est assez exceptionnelle, car elles pondent tout le long de l’année. Quelques minutes d’attente et le guide nous dit de le rejoindre. Une des deux tortues commence à pondre ces œufs. Elle est dans un état second, en transe! Elle ne s’arrêtera plus jusqu’au terme de la ponte. Elle va laisser, dans un trou, une centaine d’œufs qui mettront près de 45 jours avant d’éclore. Comme elle est à peine consciente de ce qu’elle fait, nous pouvons lui soulever la queue et la partie arrière de son corps pour voir en direct la ponte. Nous voyons les œufs tombés un par un, s’empilant les uns sur les autres, les uns à côtés des autres dans ce trou exactement de la bonne dimension. Elle en a pour de longues minutes. Nous n’allons pas attendre qu’elle finisse tout le processus de nidification, avant de rejoindre la mer. Si nous sommes chanceux, nous pourrons sûrement le voir au petit matin.
Nous retournons donc nous coucher. Nous nous rendormons sur la plage. J’ai tout de même mis un réveil, à 5h30 pour ne pas louper la possibilité de voir encore quelques autres étapes du dur travail auquel sont soumises ces tortues femelles, afin d’assurer le renouvellement des générations. Je ne vais pas avoir besoin de la sonnerie de mon portable pour me réveiller. De magnifiques couleurs dans le ciel, avec le jour qui se lève, suffisent. Les tortues, que nous avons vues dans la nuit, sont bien sûr déjà reparties. Je compte les traces dans le sable. Au final, je pourrais en compter 8, venant sur le sable et repartant de là, où elles étaient venues. Les tortues femelles sont exténuées après tout ce travail. Se déplacer sur la terre ferme, sur le sable, est déjà quelque chose d’épuisant pour ces tortues qui doivent alors porter tout leur poids et surtout celui de leur carapace. Ensuite, à l’aide de leurs nageoires avant et arrière, elles doivent creuser un trou, pondre, recouvrir ce dernier pour assurer la bonne gestation et finalement regagner la mer… Alors que je suis concentré sur les traces sur le sable, je jette un coup d’œil en mer! A quelques mètres de la plage, j’assiste à un spectacle, un peu comme dans la peau d’un voyeuriste. Mais en même temps, ces tortues sont vraiment sans gêne. Ce n’est pas de ma faute si elles sont exhibitionnistes, que le mâle est un vrai profiteur, presqu’un violeur, si je le retranscrivais à l’être humain. Mais ne vous inquiétez pas, il s’agit ici de la loi normal de reproduction de l’espèce. Il profite qu’une femelle vienne de regagner la mer, sans plus aucune force, pour lui sauter littéralement dessus. Il la domine physiquement et amplifie cette dominance en la maîtrisant grâce à son bec, et des coups de tête. Une fois qu’il a dominé les débats, il peut introduire son pénis à l’intérieur de la femelle et répandre sa semence. Cela ne dure que quelques minutes mais c’est intéressant de pouvoir assister à un tel moment. Et le spectacle n’est pas encore totalement fini. En effet, une tortue, une retardataire, se trouve encore sur la plage. Elle vient de finir de pondre et elle recouvre son nid avec ces nageoires. Elle va faire cela pendant plusieurs minutes avant de regagner la mer. C’est un plaisir d’assister à cette dernière partie que je n’avais pas pu observer encore. En moins de 24h00, j’ai donc pu assister à l’ensemble du processus de la copulation à la naissance des petits. L’expérience a été forte et je ne peux que me satisfaire de ce que j’ai pu vivre. J’aime la nature, les animaux. Je ne peux donc qu’être comblé d’avoir assisté à ces moments spéciaux.
La journée ne fait que commencer. Les autres vont émergés petits à petits. Nous prenons un petit-déjeuner simple puis nous profitons de la plage toute la matinée. Pour certains en faisant simplement bronzette, ou en continuant leur nuit sur le sable. Pour ma part, je passe plusieurs heures, dans l’eau, à admirer les coraux et poissons. Puis je finis la matinée en courant sur la plage, en l’arpentant grâce à des allées-retours. Puis, nous dégustons de nouvelles noix de coco bien fraîches, que Tony et moi venons de cueillir sur un cocotier. Après le déjeuner, alors que la plage se remplie de plus en plus, nous décidons de quitter les lieux. Nous reprenons le même chemin en sens inverse, avant de regagner la voiture. L’après-midi ne fait que commencer. Nous ne voulons pas regagner tout de suite l’appartement de Tony. Nous décidons donc de nous rendre à Ngouja. Contrairement à la fois où j’y suis allé, en ce dimanche ensoleillé, elle est bondée. L’eau est bleue turquoise et la plage assez étroite car la marée est haute. Nous nous trouvons un petit bout de plage. L’eau est bleu turquoise et l’endroit semble alors vraiment paradisiaque. Avec Cécilia, nous nous mettons tout de suite à l’eau dans l’espoir d’observer les stars du week-end. Il n’est pas difficile de les trouver. Elles sont partout, au fond, à ingurgiter des herbes marines. Ces grosses tortues sont toutes accompagnés de gros «poissons pilotes». Je n’avais encore jamais vu cela avant avec les tortues. Ces poissons sont même plus longs que les tortues elles-mêmes. Ils se trouvent généralement au niveau du dos de ces dernières. Mais ils se cachent sous le ventre, à chaque fois que je m’approche d’un peu trop près. Je trouve toujours aussi agréable de voir évoluer ces tortues, si gracieusement, dans leur milieu naturel. J’ai vraiment le sentiment qu’elles planent paisiblement entre 2 eaux… Avant que le soleil ne se couche, nous décidons de reprendre la route. Avant de partir, dans les arbres, nous pouvons regarder, de près, plusieurs makis d’un même groupe, qui s’approchent très près de nous, dans l’espoir d’obtenir des bananes ou tout autre nourriture que nous aurions à leur offrir. Nous ne passons que quelques minutes avec eux. Je peux alors enfin reconnaître la beauté de ces lieux et pourquoi elle est considérée comme la plus belle plage de l’île.
Mais l’inconnu, les surprises, l’inattendu ne sont-ils pas sine qua non avec un voyage en sac-à-dos? Alors que nous arrivons à l’aéroport, nous jetons immédiatement un regard au tableau d’affichage. Quelle est notre surprise de voir que seulement 2 vols sont programmés et affichés, pour toute la journée et qu’il y en a aucun en direction de Nosy Be, aucun avec Madagascar Airline, ou «Air Peut-être» comme l’on dénommé ces utilisateurs! Nous ne le savions malheureusement pas en réservant notre billet, chacun de notre côté. En effet, je ne savais pas que Cécilia serait à Mayotte avec moi alors que nous devions nous rejoindre à Nosy Be! Pourtant cela va être plutôt un aspect très positif! Nous essayons d’obtenir des informations aux guichets. Les personnes ne veulent prendre aucune initiative ou aucune responsabilité. Ils nous disent simplement que nous devons retourner au centre-ville pour obtenir de plus amples informations. Il n’y a en tout cas aucun vol pour Nosy Be partant de Mayotte, avant Jeudi, même avec toutes les autres compagnies aériennes, même en passant par la capitale Antananarivo. Nous obtenons ces informations en nous renseignement auprès des autres guichets. Même si nous rigolons de la situation, même si nous sommes contents d’être à deux pour la vivre, nous avons encore un peu peur de ce que nous allons nous entendre dire de retour au centre-ville!
La première personne qui nous reçoit à l’agence nous dit que le vol a été annulé il y a plus de 20 jours et que nous aurions dû être prévenus. Elle comprend très vite ce qui entraîne cette situation. Nous avons réservé sur internet, non à l’agence. Malgré que nous avons renseigné tous nos informations personnelles sur internet, l’agence en charge de prévenir les personnes n’a pas eu accès à notre dossier. Nous sommes peut-être les deux seuls dans ce cas, car les deux seuls à avoir réservé sur la toile. La femme au guichet ne peut prendre aucune décision. Elle nous envoie voir le responsable qui a son bureau dans une agence, qui a pignon sur rue, à moins de 20 mètres d’où nous nous trouvons. Nous sommes très bien reçus. Ce responsable nous met tout de suite à l’aise. Il consulte les données à sa disposition sur internet. Il semble habitué à traiter ce genre de cas avec Air Madagascar. Une solution va donc être trouvée et ils vont prendre en charge cette situation… Au moins pour Cécilia, qui a réservé directement sur le site d’Air Madagascar. Il peut tout de suite voir que son billet a été émis. Je suis, pour ma part, passé par une agence de voyage en ligne. Il ne voit pas l’émission de mon billet. Si c’est le cas, j’ai peut-être le droit à aucune indemnisation. Quoi qu’il en soit, il y a une certitude, nous sommes bloqués à Mayotte jusqu’à jeudi 11 Septembre. Nous n’arriverons pas à Nosy Be avant le 12. La seule solution pour débloquer plutôt cette situation serait de partir vers une autre destination. Vous imaginez si nous étions en voyage seulement pendant 15 jours seulement, que nous avions déjà passé une semaine à Mayotte et que nous voulions passer une semaine à Nosy Be et qu’ils nous réduisaient notre temps sur place de 4 jours… Il y aurait de quoi râler! Pour Cécilia, la casse est limitée. Ils prennent totalement en charge l’hébergement et la pension complète jusqu’au prochain départ. Elle ne devra rien débourser pour son nouveau billet, réservé sur le prochain vol en partance pour Nosy Be. Pour ma part, je dois consulter l’agence de voyage et voir ce qui peut être fait. Je vérifie sur internet que mon compte a bien été débité. J’essaie de trouver tous les échanges électroniques que nous avons eus. Ils ne sont pas nombreux. Je ne suis pas confiant du tout. Je doute maintenant qu’ils aient bien faits leur travail. Je donne tout de même à ce responsable toutes les informations que je possède. Il va alors me délivrer d’un gros poids. Dans ces fichiers, grâce à un numéro de réservation, il réussit finalement à remonter la chaîne et voir que mon billet a aussi été émis même si son état n’est pas le même que celui de Cécilia. J’ai donc le droit au même traitement de faveur. Je pense que nous devrions bien nous en sortir même si rien n’est encore obtenu. Il ne reste plus qu’à nous trouver un hôtel pour les trois prochaines nuits et se préparer à passer quelques jours de plus sur l’île. Les possibilités ne sont pas très nombreuses concernant l’hébergement. Il nous laisse le choix de celui que l’on veut tant que nous restons les trois nuits au même endroit. Nous prospectons donc dans les trois hôtels trois étoiles de Mamoudzou. Aucun n’a de place pour les trois nuits. Après un aller et retour, nous choisissons finalement le Maharajah, plus moderne et confortable pour les 2 premières nuits. Nous nous y installons en milieu d’après-midi après avoir faire un petit tour en ville, dans le jardin botanique et sur le port. Nous prendrons notre repas à l’hôtel. Nous n’avons pas trop le choix, car le responsable de l’agence ne veut pas trop s’embêter. Il ne veut pas de note de frais multiples et décident que nous devons prendre nos repas à l’hôtel, ce qui simplifiera la gestion de l’aspect financier au final. Peu importe, c’est un délicieux menu qui nous est proposé, assez sophistiqué avec un cake de légume en entrée, puis du canard avec des petits légumes et une purée de pomme de terre, une tarte tatin et sa boule de glace en dessert. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas mangé dans un restaurant si chic. Je n’en ai pas besoin mais cela ne fait jamais de mal. Nous profitons bien de l’avantage d’être bloqué sur Mayotte tous frais compris. Et ce n’est que le début…
«Bon d’accord, si vous insistez, nous allons nous sacrifier!» Nous passons une très bonne soirée avec un apéro dînatoire assez exceptionnel. Nous commençons par une bière rafraîchissante. Puis nous passons ensuite vraiment aux hostilités grâce à une mignonette de champagne (oui, oui, oui de l’appellation contrôlée, un vrai). Nous enchaînerons part quelques autres boissons alcoolisés très agréables. Sur la terrasse de l’hôtel, nous sommes seuls et passons une délicieuse soirée entre discussions, franche rigolade et moment de détente. Nous sommes guillerets en fin de soirée. Nous continuons à nous charrier et à titiller l’un et l’autre sur des petites choses, où nous savons que nous sommes sensibles! Tout cela se passe dans la bonne ambiance. Je ne pense pas que Cécilia vient de passer un des moments les plus mémorables de sa vie, mais je suis certains que nous venons de passer un moment de vie très agréable pour son passage dans la trentaine… Ces dires confirment en tout cas ces écrits.
Le lendemain, nous devons changer d’hôtel, car le Maharajah est complet. Même si la réceptionniste du Caribou nous avait dit qu’ils n’étaient pas en mesure de nous fournir une cambre, le responsable de l’agence arrive à nous dégoter un logement pour, normalement, cette dernière nuit à Mayotte. Ce changement est agréable. Nous pouvons maintenant profiter de la piscine débordante de cet hôtel et de sa vue sur le lagon. Le restaurant est totalement différent mais il nous réserve aussi de belles surprises culinaires, lors des quelques repas que nous prendrons dans son antre. Des fruits de mer frais ou de bons morceaux de viandes seront les principaux ingrédients de notre satisfaction et de celui de notre estomac. Nos papilles gustatives sont aussi émoustillées par leurs desserts.
Nous n’avons pas envie de courir et parcourir de nouveaux et différents spots de l’île. Comme aime le dire Antho, tu fais encore quelques «petites promenades»! Ça sera exactement le cas! Sinon nous prenons le temps de profiter des lieux, de la piscine. Nous avançons sur la rédaction de nos récits pour nos blogs respectifs, trions les photos et surtout continuons de nombreuses discussions poussées sur la géopolitique mondiale, les maux de notre terre… Existe-t-il des solutions qui pourraient y être apportées?Le sujet est vaste! J’adore confronter mes idées avec des personnes différentes. Surtout quand nous n’avons pas la même vision du monde, ou en tout cas que nous ne l’abordons pas de la même manière, que cela nous affecte donc différemment. Cécilia a des idées arrêtées sur notre monde et ces déviances. C’est encore plus le cas pour moi. Comme Cécilia l’a bien relevé et me le fait remarquer à de nombreuses reprises: « Avec toi, c’est tout noir ou tout blanc, connais-tu le gris?» Elle n’a pas tort, vivant les choses à 200%, dans certains domaines je ne fais pas de demi-mesures. Mais elle amplifie tout de même ce trait de mon caractère. Sans s’en rendre compte, c’est aussi son cas. Elle ne rejette pas ou ne dénie pas sa nationalité française mais elle n’aime pas la gérance de notre pays et son développement socio-économique. Elle est actuellement catégorique. Elle n’aime pas la majorité des français et elle ne veut pas rentrer en France, ou continuer de travailler dans l’industrie dans son domaine de formation; ingénieur mécatronique. Les grandes multinationales sont, pour elle, «Les Grands Méchants» de notre monde, à mettre dans le même panier que nos dirigeants politiques. Elle a certains propos très radicaux sur les solutions qu’il faudrait envisager. J’exagère un peu, pour que vous puissiez prendre conscience du niveau de notre discussion. Elle arrive aussi à faire la part des choses. Elle admet faire partie de cette société et profiter ou user de ces travers. Elle n’est pas intégriste, bien au contraire. Elle aimerait surtout changer le monde dans lequel nous vivons, trouver des solutions pour l’améliorer, pour cloisonner les injustices qui ne font que s’agrandir, ou l’écart de niveau de vie entre les pauvres et les riches devient une fosse qui semble s’élargir un peu plus chaque jour qui s’écoule. Les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres… Cela ne signifie pas que les uns sont heureux et les autres tristes et sans aucun espoir. Pourtant il faudrait un minimum vital pour tous. Que l’ensemble de la population de notre terre est l’accès à des soins et à une alimentation décente, devrait être un minimum. Malheureusement cela impliquerait de diminuer le niveau de vie de certains, de faire des concessions, d’être prêt à partager, à revoir l’ensemble du système socio-politico-économique, qui a été mis en place les dernières décennies. L’ultra capitalisme et le libéralisme mondial poussent à continuer dans cette voie, à ne voir que les avantages pour un petit groupe seulement et concernant un futur proche. Beaucoup se concentre seulement sur leur propre personne. Ils se mettent des œillères sur tout ce que cela engendre pour autrui, pour les personnes que l’on exploite, ou qui n’ont pas les moyens de vivre décemment. Le monde se globalise, il s’uniformise et «devient un» concernant les envies des citoyens du monde. L’accès à l’information partout sur la planète, le fait que tout le monde peut voir comment vie l’autre, mettent en valeur la vie occidentale et à l’américaine. Il donne l’envie à chacun de tendre vers ce mode de vie. Malheureusement beaucoup de personnes n’auront pas l’opportunité d’atteindre ce niveau de vie. Cela engendre des besoins qui ne pourront pas être satisfaits et donc des frustrations. En plus, le message perçu par des populations, en attente d’une vie meilleur, ne sont que les aspects positifs, un stéréotype erroné d’une vie qui n’est que fiction, mise en avant par les films et les clips musicaux. Cette globalisation n’est pas une unification, bien au contraire, elle crée encore plus de distorsions. Si chaque humain sur cette terre espère et tente de se rapprocher de ce mode de vie, si nous continuons à exploiter les ressources de la terre, sans penser à leurs préservations et à leurs régénérations, si la démographie mondiale ne freine pas, si nous continuons à nous voiler la face concernant nos agissements, le système ne peut que collapser sur lui-même, même peut-être mener à la perte de l’espèce humaine. Beaucoup de personnes ne veulent pas voir certaines vérités en face, pourtant elles existent bien. Ici, à Mayotte, ou dans le pays où nous nous rendons en ce 11 Septembre, certains aspects négatifs des sociétés humaines ne peuvent que sauter aux yeux. Les injustices sont visibles. Les efforts à accomplir pour une société plus juste sont encore gigantesques.
Cécilia espérait trouver à mes côtés des réponses aux questions qu’elles se posent, elle espérait profiter de mon positivisme sans bornes pour faire avancer ces projets! Pourtant je n’ai pas de solutions miracle à lui apporter. Je n’ai pas une connaissance assez poussée sur la géopolitique mondiale, pour juger et émettre une opinion certaine. C’est une des sciences les plus complexes qui existe, car prenant en compte tellement de paramètres (histoire passé, comportements humains, économie, relation entre les pays, égoïsme et niveau de vie que l’on veut conserver, rapport de force, territorialisme, politique…). Je sais aussi, que même si je trouvais la solution idéale et plus juste, je n’ai pas le pouvoir de lutter contre les lobbies internationaux, contre les idées et les besoins qui ont été inculqués à une majorité, depuis des générations. Il faut être honnête, serais-je prêt à faire des concessions énormes, remettant en cause toutes les possibilités qui me sont offertes? Je ne peux pas être catégorique. Je pense que je serais prêt à changer mon mode de vie s’il y avait une certitude de résultats probants. Je vais au bout de mes idées, je mène mes projets à bien, je peux être un meneur, mais je ne suis pas quelqu’un qui cherche à se battre en vain, à perdre mon énergie pour une cause perdue. Personne ne m’a jamais permis de penser à vouloir tout lâcher, pour se battre pour un monde meilleur. Personne ne m’a permis de croire que ce projet fou était réalisable à l’échelle du monde… Alors je ne me ferme pas les yeux, je ne reste pas inactif totalement, en l’acceptant comme une fatalité… Je ne veux pas cracher sur une société dans laquelle j’évolue pleinement, en profitant des avantages qu’elle me réserve. Je ne peux et ne veux pas me morfondre dans mon coin, comme j’ai pu le faire à l’adolescence. Je me demandais alors pourquoi j’avais cette chance et que ce n’était pas le cas pour beaucoup d’autres. Je ne pouvais pas alors me regarder dans une glace. J’aurais voulu donner tout ce que je possédais, «la chance» que j’avais à ceux qui ne l’avaient pas. Cela m’a fait réfléchir. La meilleure réponse que j’ai pu trouver consiste à profiter un maximum des opportunités que j’ai, d’être le plus heureux possible, en réalisant mes projets et mes rêves. Je pense qu’il ne faut pas voir trop grand mais que chaque petit geste compte au quotidien, que chaque interaction positive avec autrui peut avoir un effet bénéfique. Si chaque personne essayait déjà de se remettre en cause quotidiennement, de faire un effort pour être meilleur et faire un geste vers son prochain, le monde ne s’en porterait que mieux…
Quoi qu’il en soit, j’aime toutes ces discussions que nous allons avoir, le fait d’avoir un esprit critique sur ce qui nous entoure, tout en gardant les pieds sur terre. Nous ne sommes pas d’accord sur tous les points mais cela ne va pas empêcher l’échange. Surtout nous continuons à passer des bons moments, en toute simplicité, dès que nous mettons en parenthèse ces échanges. Nous allons aussi beaucoup parler de nos projets personnels, de nos attentes concernant notre vie, et comment nous envisageons notre futur.
En tout cas, dans un futur proche, nous avons un sac à faire. Nous rendant à l’aéroport, en ce jeudi après-midi, l’histoire ne se répètera pas. Nous montons dans l’avion et partons finalement pour la prochaine destination, celle où Cécilia devait me rejoindre… Avec des «SI», nous pourrions refaire le monde et l’histoire, pourtant ce n’est pas mon intention… Nous avons passés de bons moments lors de ces jours complémentaires à Mayotte et d’autres sont à venir à quelques centaines de kilomètres de là… Nous avons faits des choix, nous nous sommes libérer de beaucoup de contraintes, et nous aurions tort de nous en créer des nouvelles!
Encore une ile paradisiaque avec de belles et merveilleuses surprises et aussi des images un peu moins rose.
RépondreSupprimerCela fait plaisir de découvrir de nombreux endroits fabuleux grâce à tes yeux et à ton idée du monde.
Bon vol et gros bisous.