Il est à peine 6h00, quand nous assistons à un magnifique lever de soleil depuis le minibus qui roule à toute vitesse vers l’ouest. Je découvre sur la fin du trajet, les magnifiques paysages que nous traversons. Assez aride et dépourvu de végétations hautes, les choses changent plus nous nous rapprochons de la côte. La présence humaine commence de nouveau à se faire sentir, alors que nous l’avons très vite quitté après s’être éloigné d’Antananarivo, la veille dans l’après-midi. Je suis de nouveau seul sur les routes, pour découvrir cette partie du pays. La végétation change. Elle est beaucoup plus verte, en raison de la présence de l’eau. Dans cette région, la riziculture est prédominante, l’irrigation permet aussi de faire pousser du maïs, même en fin de saison sèche. Cela se voit clairement visuellement. Il y a quelques grands arbres, dont les fameux baobabs de Madagascar, ainsi que des cocotiers. Nous roulons encore plus d’une heure après avoir atteint cette zone, avant d’arriver à Morondave, destination finale de la journée. Je suis donc maintenant sur la côte ouest de l’île. Ce n’est pas une des plus grandes villes du pays mais elle est déjà bien animée.
Je contacte une nouvelle fois Eliane; la tante de Ludovic, qui doit m’accueillir chez elle. Elle me demande de la rejoindre à la station Total, près de chez elle. Cela se trouve à plus de 3 kilomètres de la station de taxi brousse. Je m’y rend à pied. Jean-Yves, son fils unique, de 14 ans, vient me chercher. J’ai à peine le temps de déposer mon sac chez eux, que nous sommes déjà repartis au marché. Nous achetons du riz, des légumes et quelques bouts de viande. Au retour, j’ai envie de me reposer et me poser un peu sur mon lit. Je m’endors finalement pendant 2 heures. Au réveil, le déjeuner est prêt. Je me régale. J’avais vraiment faim, ce qui est un sentiment assez agréable et assez rare pour moi. Mais sans aucun doute, en ce début d’après-midi, mon corps me demandait un apport énergétique. Jean-Yves a «bassiné», selon les propres termes d’Eliane, sa maman depuis plus d’une semaine pour aller dans un petit village de pêcheur, à quelques kilomètres de là, où il n’a jamais été. Il profite de ma présence et du fait que son ami; Alli, connaisse les lieux, pour pousser sa maman à lui donner le feu vert. Tout dépend de moi! Si j’ai envie de m’y rendre, nous pouvons partir sur le champ, sinon Jean-Yves devra encore ronger un peu son envie d’aventure… Ce n’est pas moi qui pourra mettre des freins à cette soif de découvertes, ces envies d’ailleurs et d’autres choses. Je suis bien entendu totalement partant!Nous préparons donc notre sac. Nous nous apprêtons à partir. Nous recevons les dernières recommandations d’Eliane. Elle est un peu inquiète, principalement concernant le passage en pirogue, des bras de mer, pour rejoindre ces villages. Elle a une peur bleue de la mer et elle ne conçoit pas de faire ces traversées elle-même. Je comprends mieux, pourquoi elle bride son fils! Ce n’est pas qu’en raison de son âge!
Avec Jean-Yves et Alli, nous partons en direction de la mer. Nous montons dans un taxi brousse qui nous emmène directement, prêt de la plage, à Nosy Kely, où se trouvent tous les hôtels et les riches propriétés. Mais c’est aussi l’endroit où se réunissent de nombreux pêcheurs pour partir, en mer, en pirogue. C’est le lieu de l’embouchure entre la mer et la mangrove. Nous allons y faire notre première traversée pour rejoindre l’autre rivage. Nous marchons ensuite plusieurs kilomètres sur de grandes dunes plates de sable blanc. Nous passons à côté d’une multitude d’embarcations de pêcheurs avant de nous éloigner de la civilisation. Encore quelques minutes et nous nous retrouvons de nouveau bloquer par une autre entrée de la mer dans les terres. La mer est basse. Le cours d’eau est peu large, environ 150 mètres, mais bien assez profond pour ne pas être traversable à pied. Nous attendons donc le piroguier. Je m’attèle à la tâche, pendant toute la traversée, en pagayant. Cela ne changera pas le fait qu’en tant que «Vahaza» (étranger ou homme blanc en malgache), je dois payer 2 fois et demie plus cher la traversée. Cela n’a pas d’importance, surtout que converti en euros, nous ne parlons que de quelques dizaines de centimes. Mais encore une fois, c’est le principe que je n’aime pas. Le fait de faire une différence en raison de la couleur de ma peau… J’aimerais parfois pouvoir changer la vision des individus et que tout le monde puisse se trouver sur un même pied d’égalité! Ce n’est qu’un rêve utopique qui ne peut pas fonctionner avec la nature humaine. Mais vouloir y croire et essayer de traiter chacun comme son égaux et je pense la plus belle chose que je peux essayer de faire! D’ailleurs je passe un très bon moment avec ces malgaches, et ils me le rendent bien, heureux de voir que j’aime m’investir et participer à l’action du moment!
Nous atteignons finalement l’autre rive. Nous sommes maintenant sur l’île, où se trouve le village de Lovobe (prononcé Louvoubé). Nous longeons la plage, la mangrove, passons à côté d’un arbre fétiche pour les animistes. Ils sont majoritaires dans le pays et autour de ce dernier ils font des cérémonies. Puis nous arrivons au village! Il s’agit d’une petite communauté de pêcheurs. Ils vivent sans électricité. Ils possèdent seulement de petits bungalows en bois, terre et feuilles pour le toit. Nous sommes accueillis par une cousine par alliance d’Eliane. Elle est enchantée et honorée de nous recevoir. Elle nous offre le thé ainsi que des gâteaux traditionnels du pays. Nous décidons ensemble ce que nous allons manger le soir même. Nous achetons donc du poisson frais. Nous devons ensuite nous présenter au chef du village. Comme le veut la tradition, rien ne peut se faire dans ce village sans son consentement. Sur le chemin de sa case, l’interaction avec les locaux est forte. Ils n’ont pas l’habitude de voir un «Vahaza» dans leur village. Des enfants m’accueillent en criant, en courant vers moi, ou au contraire en fuyant. La réaction des adultes est plus ou moins démonstratives mais assez chaleureuse généralement. Nous obtenons sans problème l’aval du chef de village pour passer la nuit. Nous pouvons donc nous promener librement avant le coucher du soleil. J’interagie avec les locaux. Nous allons aussi saluer les membres de la famille d’Alli. Nous découvrons les environs, essentiellement des dunes et des mangroves. Puis nous assistons à un splendide coucher de soleil sur la mer, auprès des embarcations de pêcheurs. Comme à chaque fois, l’instant est unique et magique. Mais il présent cette fois-ci une saveur particulière. Je suis perdu sur une île qu’avec des locaux et les couleurs du ciel, avant l’obscurité, sont intenses et changeantes avec le soleil qui disparait à l’horizon. Puis nous rentrons chez mon hôte avant que la nuit noire s’installe pour les prochaines heures. Nous nous éclairons au feu de bois, qui sert pour la cuisson du dîner, à la bougie et avec une lampe à pétrole. Nous préparons le riz, le bouillon de poisson, et les poissons frais que nous faisons frire. Quelques minutes plus tard, nous entamons notre repas du soir. J’aime ces moments venus d’un autre temps, où les artifices de notre société moderne semblent loin, où la simplicité et le strict nécessaire sont de rigueur. Nous discutons un peu. J’admire les étoiles en me brossant les dents. Même en plein village, la pollution lumineuse est nulle. Cela me permet de profiter de la voûte céleste dans toute sa splendeur, illuminée par des millions d’étoiles. La lune n’est qu’un fin petit croissant. Je m’endors sans difficulté, des rêves pleins la tête.
Le réveil, en pleine nuit, sur cette natte à même le sable, est moins agréable. C’est un rat qui vient me «gratter la tête». Il prend la poudre d’escampette dès que je bouge, mais cela n’est pas pour me rassurer. On m’avait pourtant prévenu quelques minutes avant d’aller me coucher. J’espère que les tiques ne viendront pas s’en mêler, car à ce qu’il paraît, ils ne sont jamais très loin dans le village. Je vais alors ne plus dormir que d’un œil. Jean-Yves aussi ne dort pas si bien que cela, dit-il piquer par ces derniers. La situation n’est pas exactement la même mais plusieurs expériences passées me reviennent à l’esprit.Puis, avant 5h00, le village se réveille. Les malgaches s’activent. Certains viennent prendre leur petit-déjeuner chez notre hôte, avant de partir pêcher. Nous nous levons aussi. J’ai envie de les suivre et de partir pêcher avec eux, sur leur pirogue. Partir en mer, sur ces petites embarcations en bois, lancer les filets, apprendre les techniques de pêche, sont des choses que j’ai toujours voulu apprendre. Après avoir pris un petit-déjeuner, nous partons aussi à notre tour. Il n’est pas possible d’être plus de de 6 sur les grandes pirogues à voile et balancier et 2 sur les petites pirogues en bois. La pêche est un dur labeur, où l’effort est à chaque fois important, mais les prises ne sont pas toujours au rendez-vous. Il faut toujours s’éloigner des côtes et essayer de lire l’activité poissonneuse. A la remontée des filets, ils ne savent jamais si la pêche sera un grand néant ou miraculeuse. Chaque poisson remonté à bord est vécu comme une fête. Les techniques ancestrales ont leurs limites mais elles permettront toujours, à de nombreux malgaches, comme beaucoup d’autres humains dans le monde, de vivre ou au moins de survivre. Cette pêche traditionnelle a aussi l’intérêt d’être limité à une simple consommation personnelle et la vente du reste pour l’achat des biens vitaux. Nous sommes bien loin de la surconsommation de masse, de la destruction de certains écosystèmes, ou de la réduction parfois irréversible des réserves de poissons mondiales. En ce jour particulier pour moi, un jour lambda pour eux, des pêcheurs rentrent au village. Ils ne rentrent pas bredouilles mais la pêche n’a pas été miraculeuse.
L’expérience à leur côté a été belle. Je serais bien resté 1 ou 2 jours de plus, en trouvant une solution pour la nuit, pour partager un peu plus des moments de vie. Mais Eliane ne serait pas d’accord que son fils ne rentre pas. Je ne peux et veux pas abuser, seul, de cette généreuse hospitalité. Nous rebroussons alors chemin, traversons les 2 embouchures pour nous retrouver à Nosy Kely. Nous profitons des lieux et nous nous baignons sur une très belle et longue plage de sable blanc. Nous voyons des pêcheurs, travailler depuis le bord avec de grands filets et les ramenés petit à petit sur le bord pour piéger les animaux. Au final, ils ne vont capturés qu’une centaine de poissons mais tous très petits. Bien maigre butin pour un tel travail! Partir aussi tôt de ce village de pêcheur va peut-être me permettre de réaliser un nouveau rêve. De retour en ville, nous prenons des informations concernant la possibilité de me rendre à ma prochaine destination grâce un moyen de transport bien particulier. Un départ, non confirmé encore, est prévu pour le lendemain! Plus mon Vol Libre dure, plus j’ai envie de prendre le temps à chaque endroit. Plus j’ai envie de profiter des lieux et partager encore plus avec les personnes que je rencontre, surtout quand je suis avec les locaux. Je serais bien resté 2 jours de plus au moins chez Eliane mais je ne peux pas manquer cette opportunité. Le destin est peut-être écrit de cette manière.
En attendant, j’ai un lieu que je veux absolument visiter. Je n’ai alors pas le temps de me reposer. Je mange vite fait un petit bout puis je repars en taxi brousse, vers un des lieux de Madagascar les plus photographiés par les touristes. Je descends à l’intersection de la route goudronnée, avec le chemin de terre, qui mène à ce lieu spécial. Je marche les 7 kilomètres qui m’en séparent. Les locaux sont très surpris de me voir partir à pied. Ils n’en reviennent pas, habitués de voir les Vahaza se pointer dans de gros 4x4! Tout le long de la route, les paysages de rizières et autres cultures, verdoyants et bien irrigués, sont splendides. Cet endroit à quelque chose de très particulier. Ceux ne sont pas les cocotiers présents, qui en font sa particularité, mais plutôt de nombreux baobabs disséminés un peu partout. Ces derniers dominent les environs sans contestation aucune. Ces arbres centenaires, voire millénaire, à la forme unique, ont une prestance spéciale. Leur nom scientifique est Adansonia. Ils sont de la famille des Bombacaceae. Ils émergent toujours de la savane. Il y a 8 espèces dans le monde, dont 6 endémiques à Madagascar. Les deux autres se trouvent en Afrique et en Australie. Ici, on le nomme Renala, ce qui signifie «mère de la forêt»… De nombreuses légendes existent autour de cet arbre. Une d’elle fut que les baobabs, fiers de leur stature, n’ont pas voulu prendre part à une guerre que les Dieux avaient commanditée. Ces derniers pour se venger et leur enlever leur allure splendide, le fait qu’ils siègent trop majestueusement sur le reste de la forêt, décidèrent de les retourner de la tête aux pieds, plaçant donc leurs racines à la place des branches, et inversement, leur donnant cet aspect reconnaissable parmi tous. Le fait qu’il soit sacré pour les animistes, leur assure leur survie mais ce n’est pas la raison majeure. En effet, malgré leur majestueuse posture, ces arbres n’ont aucune propriété caractérisant les autres espèces de bois. Ils n’ont pas les bonnes propriétés pour être un bon feu de bois. Il n’est pas possible d’en faire des planches de bois pour en faire des meubles ou autres objets de construction. Leur fibre est unique, pas vraiment exploitable pour l’être humain. En effet, ces arbres peuvent contenir jusqu’à 10 000 litres d’eau, ce qui implique que la fibre du baobab est toujours très humide. En Afrique, l’éléphant est capable d’en percer son écorce pour boire cette eau disponible. Cet aspect unique de cet arbre a quoi qu’il en soit un effet magique pour moi. Je me trouve alors dans un des plus beaux endroits au monde pour profiter de leur splendeur. Mais plus que les faits, ceux sont les légendes, qui lui sont associés, qui me fascinent…
Après avoir effectué 6 kilomètres sous une chaleur torride, je profite d’un échange de sourire avec des locaux, pour monter dans leur carriole, tirée par deux zébus. Je peux admirer les paysages avec un autre regard avant d’atteindre la fameuse «Allée des Baobabs». La densité de ces arbres au même endroit est impressionnante.
En ce milieu d’après-midi, je suis seul à contempler ce lieu. Je ne vais pourtant pas m’éterniser. Le temps passe. Je veux être de retour dans cette allée pour le coucher de soleil. Mais il y a aussi un autre lieu que je veux visiter. Il se trouve 9 kilomètres plus loin. Je n’ai pas le temps de faire l’aller et retour en marchant. Je décide donc de courir. Encore une fois, cela étonne toutes les personnes qui peuvent me voir en action. J’aime pourtant cet instant sportif, sous plus de 35°C, dans ces paysages spéciaux. Un autre aspect particulier me donne des ailes (aiLes… des L)! Le nom évocateur de ce que je veux admirer me fait penser à mon bien être du moment, à une personne qui me donne des picotements au cœur. Non, non, vous n’en serez pas plus. Je vous laisse déjà pénétrer dans mon intimité, en partageant mon Vol Libre. Je ne veux pas vous laisser entrer dans mon jardin secret, surtout quand il s’agit, peut-être, que d’un simple rêve, le fruit de mon imagination, une illusion d’une compagne onirique que je me suis créé lors de ce voyage solitaire. Une chose est sûre, elle n’est physiquement pas présente à mes côtés mais elle remplit mon d’esprit d’ondes positives… Seul l’avenir me permettra de dire s’il ne s’agissait que d’une sirène, une chimère virtuelle, essayant de m’attirer dans ces filets, ou s’il s’agit d’une personne réelle, avec qui je pourrais envisager de vivre et partager ma vie.
Après 7 kilomètres et des paysages assez fades, j’arrive de nouveau dans de beaux paysages, où se situe un petit village et de nombreux autres baobabs. Les enfants me demandent des bonbons de l’argent, un cadeau à mon passage! Je n’aime être confronter à ce type de rapport humain. Encore une fois, même si je n’en ai vu encore que très peu, je sais que je suis dans un lieu ultra-touristique. Des personnes ont dénaturées le rapport humain et le contact avec les locaux. Donner à des personnes qui quémandent ce n’est pas une solution. Je ne peux que le déplorer. Je ne peux pas inverser la tendance, étant seulement de passage mais je ne veux surtout pas participer à cela. Les moments que je m’apprête à vivre seront beaucoup plus beaux. Je suis finalement arrivé aux Baobabs des Amoureux! Ces deux troncs entrelacés sont vraiment superbes. C’est magique de comprendre qu’il ne s’agit d’un travail de plusieurs centenaires. Un malgache qui m’a dépassé en vélo, quelques kilomètres avant, m’accueille. Il m’aide à prendre quelques potos. Puis nous allons faire ma spéciale de ce Vol Libre ensemble. Des enfants sont présents aussi. Je joue avec eux, les prenant à parti pour faire aussi ensemble mon saut. Nous rigolons bien et personne ne me demandera plus rien. Encore une fois, je serais bien resté un peu plus longtemps mais je dois déjà rebrousser chemin, repartir en contre sens, si je veux être dans les temps. Je garde néanmoins un souvenir spécial de ce moment, j’espère qu’il en est de même pour ces enfants. Et j’espère que ce magnifique arbre me rappellera toujours le commencement d’une relation très forte avec cette femme mystère!
Me voilà donc reparti pour faire 9 kilomètres de course. L’effort va être amplement récompensé. J’arrive à l’Allée des Baobabs, bien avant le coucher du soleil. Je peux pleinement en profiter. Je n’avais pas vu un tel attroupement de touristes depuis Nosy Be. Peu importe, je me trouve à un endroit calme. Le lieu s’illumine d’une splendide couleur orangée, qui vire au rougeâtre. Je comprends alors facilement pourquoi ce lieu est un rendez-vous de fin de journée. Les nuances changent pendant plus d’une heure…
A la fin du spectacle, un couple d’allemand, en tour sur l’île, me prennent en stop. Le retour sera beaucoup plus court. Ce n’est pas négligeable pour passer une dernière soirée avec Eliane et Jean-Yves, avant de me lever, très tôt le lendemain matin, dans l’espoir de saisir l’opportunité de partir vers de nouveaux horizons d’une façon très spéciale. Sur la route, je souhaite que le rêve éveillé continue!
Le réveil à 05h05 m’extirpe d’un profond sommeil! Je mets quelques secondes pour prendre conscience où je me trouve, et pourquoi cette sonnerie désagréable vient de me couper pendant un cycle de sommeil. Je vivais sûrement un rêve doux et agréable. Le retour à la réalité n’est pas facile. Quoi que? Je m’apprête, peut-être, à vivre un rêve d’enfant, un rêve qui s’est intensifié lorsque j’ai vécu l’Armada à Rouen, où quand j’ai pu admirer des vieux gréements quand j’ai vécu à Cherbourg!Pourtant rien n’est sûr! Le capitaine du 2 mâts, rencontré la veille, n’avait pas l’air sûr de hisser les voiles dès cette matinée. Etant allé à l’Allée des Baobabs, je n’ai pas pu confirmer, avec lui, lors de la soirée, s’il partait ou non. Il me disait qu’il partirait vers 20h00 à Nosy Kely, mais je n’avais pas compris exactement le sens de cette affirmation. Je croyais qu’il allait passer la nuit chez lui avant de revenir au port le lendemain matin. Il m’avait dit que le départ devrait avoir lieu vers 6h00. Il m’a donc donné rendez-vous à 5h30. A 5h20, je sors de chez Eliane, après l’avoir chaleureusement remercié pour son accueil. Je lui fais mes adieux et j’espère qu’ils sont réels. Non pas que je ne veux pas la revoir, bien au contraire, mais cela signifierait que je sois bien parti, et que je n’aurais pas à revenir, chez elle, bredouille, sans succès! Cela pourrait vouloir dire que le bateau est déjà parti sans moi, ou qu’il partira beaucoup plus tard, par exemple car les marchandises n’ont pas été reçues. Il s’agit, en effet, d’une goélette marchande, qui appel un boutre, par défaut dans la langue courante de chaque jour. Cette dernière remplie ces cales autant que possible avant de lever l’ancre!
Je marche avec mes deux sacs dans les ruelles qui commencent à s’animer. J’achète quelques « Puskara» (gâteau fait à partir de la farine de riz) et des petits pains! Au vu de l’heure, et même si je ne crois guère que le bateau partira à l’heure, j’essaie de trouver un minibus pour m’emmener en bord de mer, à quelques encablures du port. Je trouve assez facilement ce dernier qui s’arrête à la station. Je tends alors à l’assistant chauffeur les 400 airials que je leur dois. Il les refuse. C’est un taxi brousse longue distance qui part pour des villages éloignés. Il m’a pris en stop, ainsi que quelques locaux, simplement pour nous aider. Il ne veut donc aucune rétribution pour son aide. Une fois de plus, la bonté et l’honnêteté des êtres humains sont mises en valeur par ces petits gestes.
Je prends donc la direction du port. Pénétrant dans ce dernier, j’ai un petit doute. Je ne vois pas le capitaine du navire, pas plus que son fidèle destrier avec lequel il parcoure l’océan dans le canal du Mozambique. Je demande alors à des malgaches, qui chargent d’autres goélettes, s’ils ont des informations concernant le bateau qui devait partir vers Morombe. Un d’eux me fait comprendre que ce dernier est déjà parti. Un monde s’effondre! Vivant toujours ma vie à 200%, je suis pris d’un sentiment de dépit. Un jeune malgache, parlant un peu mieux français que les autres, se rapproche de moi. Il me dit que le bateau est déjà parti, dès minuit. Mes derniers espoirs que j’avais eus en voyant une autre goélette s’éloigner, s’estompent. Je pense alors que la chance a tournée.
Pourtant, il me fait comprendre, qu’il y a encore une chance, qu’il peut m’emmener sur le bateau. Je suis étonné, perplexe, car cela fait plus de 6h00, qu’il a détaché les amarres. Pourtant, il insiste! Il me dit que ce dernier est encore à Nosy Kely. Je n’ai rien à perdre, j’ai envie d’essayer. Je négocie le prix et je lui dis que je le paierais seulement s’il m’emmène sur le bateau! Je monte avec lui, sur son bateau en bois, qui est un remorqueur. Je ne sais pas ce qui m’attend. Une chose est sûre pourtant, je vis, sur l’eau, un extraordinaire lever de soleil. Je n’ai pas le temps de me poser milles-et-une questions. J’immortalise le moment puis entame une discussion avec Franck, le capitaine du navire. Longeant le canal, dans la mangrove, menant à la mer, je suis définitivement rassuré. Il me pointe du doigt l’embarcation en question. Nous rapprochant un peu plus, je reconnais maintenant le capitaine sur le pont. Quand il me disait la veille qu’il partirait à Nosy Kely, vers 20h00, c’était avec son bateau. Il a donc levé l’ancre, puis il est allé à l’embouchure menant à l’océan, après avoir fait le chargement des marchandises dans le port. Ici, à cet endroit, Il attendait le début matinée pour mettre les voiles.
Dans le même temps, les personnes que j’avais vu défiler, en chantant, le long du port, sont présentes au bord de l’eau. Elles accompagnent un cercueil et une croix. Elles déposent ces 2 derniers sur une pirogue en bois. Elles les attachent fermement. Elles font leur dernier au revoir à ce défunt. 3 personnes, dont le fils, partent sur l’eau pour aller faire couler le cercueil dans les abysses océaniques du canal du Mozambique. Ce moment est émouvant. Il complète un tableau vivant magique, avec de nombreux bateaux et le soleil qui se lève doucement et perce les nuages. Comme le veut la tradition, ces personnes ont dû veiller au moins 3 jours, auprès du corps, pour l’accompagner vers l’au-delà et lui rendre hommage. Ils accompagnent la préparation de la pirogue en chantant et psalmodiant en son hommage. Puis la pirogue, avec les 3 hommes à bord, quitte le rivage, en même temps que nous remontons l’ancre. Après avoir pagayé quelques centaines de mètres, ils sortent la grande voile. Il est possible de lire «Merci Papa»! Le voilà parti pour son dernier voyage. Ils s’apprêtent à lui donner sa dernière demeure, à le remettre entre les mains de leur dieu, en le jetant à la mer, dans les profondeurs du canal du Mozambique.
Nous avons aussi largué les amarres quelques minutes après eux. Nous n’avons sorti que 2 des petites voiles, reliées aux deux mâts. Franck, avec son remorqueur, nous aide à sortir de la passe. Je ne sais pas qu’elle sera son aide ou non, mais nous allons avoir le droit à quelques frayeurs. Premièrement, ils ne semblent pas vraiment savoir comment manœuvrer le navire. Dans la passe, la profondeur est minime et les vagues jouent avec les nerfs de tout l’équipage, et bien entendu aussi des passagers. Ils ne semblent pas savoir exactement où se trouve le canal principal, avec le niveau d’eau le plus élevé. Un autre boutre arrive par l’arrière. Elle nous dépasse. Le capitaine ordonne de le suivre. Franck, qui a l’air de bien connaître l’endroit, donne des instructions à plusieurs reprises. Nous nous rapprochons dangereusement du bateau qui nous précède. Avec le moteur du deuxième bateau, nous sommes plus rapide mais moins manœuvrant. Ils évitent à plusieurs reprises la catastrophe. Des changements de cap permettent de justesse de rétablir la situation. L’autre goélette est maintenant hors de portée. Nous sommes presqu’à l’embouchure, il ne reste que quelques vagues à bien négocier et nous nous retrouverons en pleine mer. Pourtant, nous ne sommes pas encore sortis d’affaire. Ces dernières vagues de la passe sont puissantes. Il est facile de voir que la profondeur est minime car les équipiers touchent le fond à l’aide de tiges en bois. Ils essaient de minimiser les effets de la houle. Par trois reprises, après le passage d’une vague, la partie inférieure de la coque vient toucher le fond. Heureusement le choc n’est pas trop violent et il ne s’agit que de sable. La confusion est totale. Je ne réalise pas que nous venons de franchir le dernier rempart avant le grand bleu. Notre épopée dans l’océan commence alors!
Franck se détache de l’embarcation puis rentre au port. Nous hissons la grande voile, le petit et le grand foc, le foc volant et la trinquette. Les matelots s’agitent. L’activité est importante sur le pont. Mais le plus impressionnant pour moi, reste les deux matelots qui montent en haut des mâts, à plus de 10 mètres de hauteurs, sans aucune protection. Bien entendu, il n’est pas question d’un harnais. En haut, ils doivent gérer de nombreuses manœuvres pour mettre en place les deux voiles qui trônent à la pointe des mâts. Ils se sont simplement aidés des pieds et des mains pour grimper sur les cordages ou armatures en fer!
J’aide à hisser les voiles en tirant sur les «boutes». Nous prenons finalement notre vitesse de croisière. Le bateau commence à s’organiser. La pirogue, que nous traînions à bâbord, est remontée à bord au milieu du pont. Nous faisons encore quelques manœuvres. Nous installons tout d’abord la grande voile, la déroulant d’autour de la barre de mât, avant d’hisser cette dernière. Très rapidement, nous subissons un vent arrière pour maintenir le cap. Nous installons donc une autre tige en bois. Nous transformons les deux voiles principales en spinnakers croisés. Nous arrivons ainsi à garder une vitesse raisonnable. Les matelots organisent la cale, poussant tous les passagers, installés sur cette partie centrale, un peu surélevée pour accéder à cette dernière. Cet endroit est le mieux protéger de l’humidité et des vagues qui peuvent parfois ruisseler sur le pont, après être passée par les ouvertures, permettant de garder l’intégrité du bateau. Dès qu’ils auront finis, nous nous remettrons tous à cet endroit, où nous allons passer la plupart du temps, et ou certaines personnes peu à l’aise passeront l’intégralité du voyage, si nous supprimons cette petite aparté! D’autres matelots rangent les boutes et les cordages, coupent du bois, installe correctement la chaîne de l’ancre, rincent et lavent le pont. Il faut savoir que, pour tous les capitaines de bateau que j’ai pu croiser, il est indispensable que leur bateau soit propre. Le pont doit toujours être reluisant et laver après chaque action qui aurait pu le salir. J’aide comme je peux. Cela fait sourire les autres passagers. Ils me font comprendre qu’ils sont positivement surpris, heureux de voir que je m’implique concernant la vie à bord. Nous longeons la côte, à moins de 5 kilomètres de distance pendant de nombreux miles nautiques. Puis nous prenons un peu plus le large, pour obtenir un vent plus favorable et diminué le plus possible le temps de trajet et la distance à parcourir. Des changements de bord sont à prévoir au cours de ce voyage mais ils ne seront pas si nombreux que cela. Nous n’avons aucuns instruments à bord. Le capitaine semble pourtant serein. Il navigue grâce à l’expérience. Surtout nous ne partons pas pour une longue traversée, où plus de connaissances comme l’utilisation d’un sextant, ou la lecture des étoiles est indispensable. Mon expérience passée me permet d’approximer notre vitesse de croisière à une moyenne de 8 à 9 nœuds…
Nous sommes partis pour passer de longues heures, ensemble, en mer! Je pense pourtant que ce moment, hors du temps, restera très longtemps gravé dans ma mémoire. Je sens immédiatement un intérêt et une curiosité concernant ma présence parmi eux. Je discute avec un vieux monsieur. Son français est plus que correct. Cela nous permet d’avoir un échange intéressant. Il me compte de folles histoires concernant son passé, ces expériences vécues… Par exemple, la traversée d’une zone désertique du pays, pendant plusieurs jours de marche éprouvante. Il a traversé, avec des amis, plus de 200 kilomètres d’une région assez inhospitalière pour l’homme…
Je rigole et discute aussi avec des jeunes femmes. L’ambiance est au beau fixe. La solidarité se manifeste à l’heure du repas. On me propose du thé puis des gâteaux secs. Au moment du déjeuner, je donne une partie du riz que j’avais acheté la veille. Il est mélangé aux contributions des autres. Une personne tamise ce riz. Une autre le prépare, après avoir préparé un bouillon de poissons. Tout est cuit au feu de bois. «La cuisine» se trouve sur le pont, dans un grand coffre en bois qui peut se fermer et surtout qui est séparé du bateau par quatre pieds. Le feu est l’un des pires ennemis sur un bateau. C’est pourquoi ce coin reste un élément clé mais critique lors d’une traversée. Il faut toujours une personne qui le surveille.
Quoi qu’il en soit, après de longues minutes de cuisson, le riz est prêt. Une vraie «plâtrée» est servie à chacun avec du bouillon et un petit bout de poisson. Je ne dois pas vous cacher que j’ai un petit traitement de faveur. Je suis servi lors de la première tournée, en même temps que le propriétaire, le capitaine et les matelots, non en même temps que tous les autres passagers qui doivent attendre le second service. Le capitaine me dit aussi que je pourrais aller me reposer dans l’une des cabines quand je serais fatigué. Mais je ne veux pas minimiser ces faveurs et encore moins en profiter. Je reste donc sur le pont avec tous. Je partage mon repas et les «jujubes» que j’ai emmenés. Je vis l’expérience avec les locaux malgaches et je désire la vivre pleinement. Heureusement, ça ne sera pas aussi intense pour moi que ce l’est pour certains. Ils ont le mal de mer. Ils ne sentent pas bien, vomissent par-dessus bord. Ils sont pris d’une grande fatigue. Pourtant la mer est vraiment calme ; En ce début d’après-midi, la chaleur est accablante. Seule la petite brise marine nous rafraîchit un peu. Les femmes se protègent avec des tissus qu’elles tendent sur la pirogue et son balancier. D’autres ont des chapeaux, des châles qu’elles entourent autour de la tête. Les enfants se sont cachés sous de couvertures. Nous sommes 36 à bord et peu sont des marins. Les matelots semblent pourtant avoir une expérience forte et une compétence impressionnante concernant les manœuvres, les voilures, le vent. Le capitaine maîtrise parfaitement la trajectoire, pour tirer le meilleur profit du vent que les Dieux de la nature veulent bien nous insuffler, l’air permettant de faire gonfler les voiles! L’expérience vécue avec les Malgaches est sensationnelle.
Cécilia a dit de moi que je suis un «Adrénaline Junky», qui a besoin de nouveautés et de sensations fortes, pour vivre pleinement et être heureux. Une chose est sûre Je me nourris de ce genre de moments uniques. J’atteins encore un sommet dans ce Vol Libre, comme j’en ai souvent la sensation. C’est la réalisation d’un rêve; celui de naviguer sur cet océan sur ce type d’embarcation.
Je n’ai pas du tout envie de faire la sieste. Je veux profiter un maximum de l’expérience. L’après-midi est calme, beaucoup se reposent, quelques petits groupes discutent et le capitaine tient toujours fermement la barre, cap au Sud! Après le repas, il y a eu, bien entendu, le nettoyage du pont pour éliminer les copeaux de bois, les déchets du tamisage du riz, des saletés dues à la cuisine au feu de bois. Après ces derniers remue-ménages, je profite du calme pour admirer les paysages, où l’horizon est sans fin à 360°. J’écoute le bruit des vagues sur la coque, l’eau qui s’écoule avec fluidité. Je vis un vrai moment de plénitude. On me propose un café, je continue mon reportage photographique, j’écris un peu. Cela faisait longtemps que je n’avais pas posé mes mots, avec un stylo, sur une feuille. J’aime cette sensation même si ce n’est pas le mieux pour partager l’expérience par la suite. Peu importe, je retranscrirais cela plus tard sur le clavier de l’ordinateur.
Le seul moment d’agitation et d’excitation arrive vers 15h30, alors que la majorité des personnes vient d’émerger d’un long sommeil. Le soleil descend doucement vers l’horizon quand un poisson, d’une belle taille, mort à l’hameçon. Alors que les matelots remontent la ligne, lors d’une dernière tentative de désespoir, le poisson, qui devait être un thon d’une quinzaine de kilogrammes, se détache grâce à un coup de queue puissant. Tout le monde est dépité… Puis un nouveau moment de torpeur s’installe. Nous sommes au milieu du grand bleu. Nous n’avons plus aucun repère. Cela fait longtemps que nous voyons plus les côtes. La mer omniprésente à 360° se rappelle, si besoin été, à mes bons souvenirs en venant me chatouiller les doigts de pieds. Une petite vague, prise de côté, vient d’envahir l’avant du pont. Le niveau de flottaison est très bas. Quelques vagues qui se brisent sur la coque viennent aussi me rafraîchir, tel un spray, en raison de quelques embruns sur ma peau réchauffée par le soleil, sur mes habits moites et salinisés, sur mes lunettes de soleil ce qui m’obstrue pendant quelques secondes ce paysage grandiose.
Je prends beaucoup de photos pour immortaliser le moment. Cela surprend les locaux qui ne sont pas habitués à cela. Je joue avec les enfants. Au début, avec une petite fille qui est très réservée et qui a un peu peur de moi. Puis je lui fais des grimaces, et je sens son visage se débloquer. Très vite je fais rigoler tous les enfants et la majorité des adultes sourit. Je vis un coucher de soleil magique alors que peu de locaux ne semblent pas sans soucier et ne daignent pas le regarder. Je n’ai jamais compris le fait que la majorité des êtres humains n’expriment pas une certaine sensibilité à ce moment donné. Pour moi, c’est toujours quelque chose d’unique, enveloppant une certaine magie et le passage à une autre étape de la journée. En cette soirée, j’ai un petit moment de nostalgie. Je me sens bien, mais je suis pris instantanément d’un temps de déconnexion de la réalité. Les larmes montent et ne sont pas loin de couler. Si elles avaient ruisselées le long de mes joues, elles auraient été des larmes de joies, en pensant à mon bonheur actuel mais aussi en me remémorant des souvenirs, des moments avec de proches, disparus ou non. Je suis alors un peu déconnecté de la réalité. A ce moment-là, un matelot m’interpelle et me demande si je veux bien. «Bonsoir Monsieur! Ça va?» Cela me fait revenir directement sur ce bateau et le moment vécu. Je lui réponds simplement que «oui mais que je m’étais un peu télé transporté ailleurs!» Je passe ensuite un moment très agréable, toujours en réfléchissant mais avec un point de vue encore plus positif que celui que j’avais auparavant et surtout en le partageant avec les personnes présentes à mes côtés. A cette altitude et avec la brume, le soleil prend des couleurs splendides.
Le vent a totalement cessé après le coucher du soleil. Ils abattent toutes les voiles, les rangent, et mettent l’ancre en pleine mer. Surprenant? Oui, si nous ne connaissons pas la géographie et topologie des lieux. Mais, nous n’avons pas quitté le plateau qui borde Madagascar. Il n’y a donc, environ, que 50 mètres de profondeur. Cela fait tout de même bizarre!
Nous mangeons du poulpe cuit au feu de bois et une nouvelle ration de riz que nous partageons entre tous… Très vite tout le monde s’endort. Je me réveille plusieurs fois au cours de la nuit. Je profite d’une magnifique nuit étoilée. La mer brille aussi de mille feux avec de de petites lumières par intermittences. C’est du plancton qui permet de créer un effet miroir alternatif, entre ciel et terre, dans l’obscurité totale de cette lune noire.
Au réveil, le ciel est couvert. Le lever de soleil est tout de même sublime car ce dernier arriver à percer à travers les nuages. 12 hommes d’équipage, le propriétaire et le capitaine sont nécessaires pour remettre le bateau en marche, près à voguer, vers la destination finale. Ils sont tout de suite dans l’action. Encore une fois, pour mettre en place les 2 voiles en haut des mâts, 2 matelots, de vrais funambules, risquent leur vie. Ils grimpent sans protection à plus de 10 mètres de hauteur. C’est incroyable de voir la dextérité avec laquelle ils arrivent au sommet et font les manipulations à cette hauteur. Le bateau est prêt pour naviguer, pour capturer le vent, cette énergie incroyable qui permet de faire voguer un navire de plusieurs tonnes!
Le reste de la matinée est assez calme. Le ciel s’est assez rapidement dégagé. Le vent est assez puissant pour nous propulser vers notre destination finale. Mais les conditions en mer restent très agréables. Deux des matelots préparent le repas. Au menu, bien entendu, du riz! Nous partageons encore un repas sur le pont de ce bateau. Le moral est au beau fixe car les conditions pour ce convoyage de marchandises le long de la côte, ont été très bonnes. Le canal du Mozambique nous aura montré son plus beau visage. En fin de matinée, nous avons déjà en visu les côtes où se trouve la ville de destination. Plusieurs matelots préviennent de l’arrivée du navire en soufflant dans d’énormes coquillages, qui ont été transformés en instrument de musique! Je viens de vivre un autre moment très spécial dans ce voyage, sur une embarcation en bois magnifique! Le fait de n’avoir partagé cette expérience qu’avec des locaux ajoutent un cachet supplémentaire à ce périple. Avant midi, nous jetons l’ancre devant la ville de Morombe.
Encore une fois, j’aime le fait de naviguer, de se retrouver en pleine mer sans aucun repère, réalisant pleinement que nous, êtres-humains, nous sommes tous petits par rapport à la puissance et la beauté de la nature. L’envie de repartir en mer et de naviguer sur d’autres mers, d’effectuer d’autres traversées est déjà présente. J’espère que j’aurais l’occasion de réaliser cela de nouveau. Pourquoi pas un projet dans des mers froides, avec un bateau à voile, équipé pour aller à la rencontre d’Icebergs? C’est un projet que j’ai depuis quelques temps déjà, que je garde en tête, pour j’espère pouvoir un jour le réaliser!
En attendant, je suis à Morombe, une ville de pêcheurs, où les activités sont limitées. Comme à chaque fois dans ces lieux, que je considère comme un lieu de transit, j’aime prendre la température, voir ce qui se passe. J’aime aussi et surtout obtenir les informations sur les moyens de transports et leurs horaires, avant même d’envisager autre chose. Je suis interpellé par plusieurs personnes dans ces rues de terre et de sables, où le vent soulève une fine particule de poussière, qui vient se coller sur les vêtements et tous les pores de ma peau à l’air libre. La sueur, due à une température très élevée, serre d’élément de fixation. Le vent se glisse entre quelques habitations en dur et de nombreuses habitations faites de bois, de terre et de chaume. Il est déjà possible de constater le peu de moyen que possède une grande majorité des personnes dans la région. Les heures à venir ne feront que confirmer cette première impression. En attendant, les personnes qui viennent à ma rencontre sont très alcoolisées. Même si elles veulent m’aider et elles sont pleines de bonnes intentions, elles sont très collantes. Surtout, chacun veut participer et cela engendre une cohue sans nom. Après avoir pris un peu de temps avec eux, avoir obtenu l’information dont j’avais besoin, je pars en direction de la «station de bus»! En fait dans cette région, seuls des camions tout-terrain peuvent assurer la liaison avec le reste du pays! La fréquence des transports en commun est réduite à peau de chagrin. Seuls deux options se présentent à moi. Un camion part le soir même à 23h00. Sinon je devrais attendre plus de 48h00 avant le prochain départ. Je n’hésite pas longtemps et réserve une place pour le soir même.
Toute la journée j’arpente la plage en long et en travers, partant vers le Nord, puis vers le Sud. Les malgaches sont très sympas, étonnés de me voir marcher avec mon gros sac-à-dos. Je les salue. Une jeune femme malgache veut discuter et marcher avec moi. Je ne refuse pas. La discussion est intéressante mais assez étrange par la même occasion. Elle se dit professeur de français mais son niveau est très faible. Puis à un moment dans la conversation viendra le fait qu’elle aimerait bien se marier avec un étranger, avec moi si je le souhaite. C’est toujours assez gênant pour moi de me retrouver dans ce genre de situation. Mais je vais lui explique que c’est impossible, que cela ne marche pas comme cela chez nous, ou en tout cas pas pour moi et que je ne peux rien lui proposer de plus que ma compagnie pour discuter quelques minutes de plus sur cette plage. Elle n’insistera pas trop. Je la raccompagne là où je l’avais rencontré puis je vais continuer mon chemin. Je suis heureux sur cette plage. Je profite de la nature, des beaux paysages, de la brise qui rend agréable cet après-midi au soleil. Avant que le soleil ne se couche, je me rapproche de la ville. J’ai une très bonne connexion avec de nombreux enfants qui jouent sur la plage. Nous allons passer de très bons moments. Une des filles un peu plus âgé, qui parle le mieux le français, est heureuse de pratiquer avec moi ce qu’elle a appris à l’école. Les enfants ont envie que je les prenne en photo puis que je leur montre le résultat sur l’écran. Pendant que nous jouons, j’ai la chance aussi d’assister à un magnifique coucher de soleil et de prendre quelques clichés que j’aime particulièrement. Puis la nuit m’indique qu’un nouveau jour vient de se terminer. Je trouve un des seuls bar-restaurants ayant une prise électrique pour pouvoir travailler sur mes photos et un peu le texte de mes récits de voyage. Commandant un repas, je peux patienter dans ces lieux jusqu’à l’heure du départ du camion. Je passe une bonne soirée, discutant avec les serveuses et faisant quelques rencontres intéressantes avec des locaux venus prendre un verre ou manger quelque chose.
A 23h00, je rejoins le lieu de rendez-vous du départ. J’aperçois pour la première fois des touristes dans ce lieu reculé de Madagascar. Il s’agit de trois français qui sont arrivés comme moi à l’aide d’une goélette. Leur périple a été beaucoup plus chaotique. Ils ont mis plus de 4 jours et non moins de 2. Ils ont eu un problème au départ avec le remorqueur pour sortir de la baie de Morondave. Une fois ce dernier réparé et la passe franchie, ils n’ont pas eu de vent pendant presque 24h00, restant statique au milieu de l’océan. Puis ils ont finalement pu repartir pour arriver à bon port. En tout cas, je vais avoir des compagnons de routes autres que des locaux. Le confort ne va être la plus grande qualité de ce périple. Nous serons deux ou trois sur de petites banquettes. Ensuite, de gros sacs de farines gisent à nos pieds. Ils nous empêchent de nous assoir normalement, de pouvoir étendre nos jambes et ne pas risquer une crampe ou tout autre problème musculaire. Pourtant nous n’allons pas y manquer. Ensuite être assis dans une benne d’un camion, aussi grande soit-elle, aussi haute et le plus loin possible du sol, n’empêche pas la certitude que tu finiras le périple avec une couche de poussière sur toutes les parties visibles de tout notre corps! En attendant, nous ne sommes pas encore partie de Morombe. En effet, le camion fait le tour de la ville, pendant plus d’une heure, pour récupérer l’ensemble des personnes qui ont réservés leur billet pour Tuléar. Finalement, alors qu’il est presque une heure du matin, nous prenons la route ou plutôt le chemin de sable et de terre.
Pour une piste, son état est plutôt bon. Le fait d’être dans un camion tout-terrain aide grandement! Je trouve une position, la moins inconfortable possible pour somnoler, non dormir, pendant les premières heures o% l’obscurité est totale. Puis vers 5h30, le jour se lève petit-à-petit. Une brume assez épaisse s’est installée. Ces paysages désolés de terre rouge, de végétations brûlées par le soleil et de ces grands baobabs dénudés créent une atmosphère très particulière. Ces terres sont presque hostiles, ou du moins inhospitalières. Ceci explique pourquoi nous traversons une des régions les plus pauvres de tout le pays. Nous pouvons très rapidement nous en rendre compte et le constater simplement en traversant cette région de part en part, en traversant de nombreux villages. Ici, il n’y a aucune maison en dur. Elles sont toutes faites de bois, de terre et de chaume. L’accès à l’eau est limité et compliqué. Les nombreux puits construits par l’aide internationale, entre autre, ont sensiblement améliorés la vie des habitants. Les cultures dans les champs sont limités à des plantes très résistantes et n’ayant pas besoin de trop d’eau. Le coton est la culture majoritaire dans la région. Ils n’ont aucun moyen de locomotion motorisé si ce n’est les gros camions venant chercher les récoltes. Mais tous les habitants se déplacent à pied ou l’aide d’une charrue tirée par un ou deux zébus. Nous faisons plusieurs arrêts sur la route. La connexion avec la population est agréable, une fois de plus ils sont très souriants et très curieux de nous voir ici.
Lors d’un stop important dans un village, où le chauffeur et ces aides-chauffeurs vont bidouiller la mécanique du moteur pour que ce dernier redémarre, je joue avec les enfants! Nous communiquons tout d’abord comme nous pouvons. Puis l’envie d’essayer de faire un saut avec eux me vient à l’esprit. Une fois encore, nous allons vraiment beaucoup rire pendant la prise de clichés alors que les enfants n’ont au départ pas vraiment compris le principe. Ensuite le fait de sauter alors que je dis trois n’est pas automatique pour beaucoup d’entre-eux. Mais comme ça serait le cas pour toutes personnes qui n’auraient jamais fait cet exercice et qui devrait pratiquer et renouveler l’expérience de multiples fois pour acquérir les bons réflexes et le bon timing! Quoi qu’il en soit, nous passons un très bon moment. J’aurais envie de les remercier mais je ne sais pas vraiment comment. Revenant près du camion, ma voisine de banquette, et une dame plus âgée, toutes les deux malgaches, me disent que je pourrais leur offrir des bonbons. Je n’aurais jamais pris cette initiative seul car je ne suis pas vraiment fan d’offrir des sucreries à des enfants qui n’y ont généralement pas accès. Mais il n’y a aucuns fruits ou autres produits qui se trouvent à proximité. Avec l’aval de locaux, je me décide donc à franchir le pas. J’achète un paquet de bonbons dans un petit magasin de «premières nécessités». Malheureusement le résultat sera encore le même que celui que j’ai déjà pu constater lors de ce Vol Libre. La distribution se passe au départ très bien. Je donne quelques bonbons à chacun des enfants qui semblent très heureux de ce présent. Mais bientôt, tous les enfants vont être au courant. Ils accourent de partout pour essayer d’obtenir une part du butin. Certains enfants essaient d’en avoir le plus possible. Ils les prennent aux autres, ou ils essaient même parfois de m’arracher le sac des mains. Un enfant serait prêt à en piétiner un autre pour avoir sa part. Je n’aime vraiment pas ce comportement humain bestial où la force du plus fort règne, où l’individualisme prime avant tout. Je m’étais dit que je ne donnerais plus jamais rien directement si ce n’est de la nourriture saine à des personnes et surtout des enfants qui pourraient me le demander, alors que je mange quelque chose. J’aime le fait de partager alors un peu de mon repas ou ce que j’ai à offrir quand je me promène. Mais je n’aime pas avoir cet impact sur autrui, surtout avec des enfants, où l’étranger devient un «porte-monnaie ambulant» ou du moins ils peuvent nous voir comme la possibilité d’acquérir quelque chose sans travail. Je suis désolé au vu du déroulement de la fin de cet épisode très particulier avec ces enfants. Une fois encore, j’apprends de mes erreurs! Cela confirme des règles de bases que je m’étais imposé concernant la relation avec autrui et avec les locaux en particulier. C’est le cas surtout quand ces derniers sont demandeurs et qu’ils ont de grands besoins, ou au moins de grandes envies.
Le reste du trajet se passe à merveille, même si cela commence à faire long. Heureusement qu’à cette période de l’année la piste est encore bonne. Les nombreux arrêts dans les différents villages auront néanmoins sensiblement prolongé le trajet. Il est 18h00 quand nous atteignons finalement les villes jumelées d’Ifaty et de Mallingy. C’est un bonheur que de descendre du camion, de savoir qu’après ce long périple de plusieurs jours quasiment en non-stop, je vais pouvoir prendre un peu mon temps.
Les trois français ont déjà réservés une chambre dans un hôtel avec vue sur la mer. Je ne peux pas me permettre de payer le même prix alors que je suis seul. Après avoir admiré ensemble la fin du coucher de soleil sur la plage, nous nous séparons. Je reviens sur l’axe principal. J’avais déjà vu un panneau avec la gamme de prix dans un hôtel en bord de piste et cela me convient parfaitement. Pour un prix dérisoire, j’ai un splendide bungalow avec ma douche à l’intérieur, un grand lit double, une moustiquaire! La chambre a vraiment un cachet. Je ne veille pas longtemps. Après être sorti pour acheter quelque chose à manger pour mon dîner, je rentre puis je m’endors très profondément sur le dessus de mon lit, sans même avoir pris le temps de me déshabiller et me changer. Je dors d’une traite jusqu’à 5h00 du matin, soit plus de 8h00 de sommeil. C’est un fait exceptionnel mais j’avais vraiment besoin de récupérer.
Je n’ai rien prévu de spécial pour la journée. Je veux me promener, avoir un autre aperçu de la région en marchant, pouvoir échanger avec les locaux dans ce lieu touristique, où les personnes sont plus habituées à un échange avec des étrangers. Je commence par prendre l’axe principal, marchant dans la direction d’où nous sommes arrivés la veille. De nombreux stands de rue sont déjà ouverts. Il est possible d’acheter des produits divers et variés. Pour ma part, je continue mon chemin. A la sortie du village, je rejoins des jeunes qui jouent de la guitare, des percussions tout en avançant vers une destination inconnue. Certains ont de très belles voies. Je passe alors un moment exquis et je décide de les accompagner peu importe, où ils se rendent. Il s’agit en fait d’une classe découverte avec des enfants venant de Tuléar. Il s’agit d’une ONG très présente dans le Sud de Madagascar et dont le siège se trouve à Fianarantsoa, plus dans les terres au centre du pays. Cette organisation s’appelle Bel Avenir. J’accroche tout de suite avec leurs démarches et les actions qu’ils mènent.
En attendant, nous sommes arrivés à l’entrée d’un par cet d’une réserve avec de nombreuses espèces endémiques aussi bien pour la faune que la flore. Je fais la visite avec eux. Nous obtenons de nombreuses informations concernant les plantes de la région, leur capacité a résisté à un climat aride. Le guide nous permet aussi d’observer de nombreux insectes et reptiles. Nous allons aussi observer deux espèces de lémuriens dont une que je n’avais pas eu encore la chance de pouvoir admirer. Suite à la visite, je laisse les jeunes de l’association regagner leur hôtel. Nous devrions nous retrouver le soir, alors qu’ils pratiqueront certaines de leurs activités sur la plage. Je longe la mer sur plusieurs kilomètres, je m’arrête à certains endroits très agréables, contemplant la beauté de ces paysages. Je grimpe à un cocotier pour en arracher, à plusieurs mètres de hauteur, une noix de coco et en déguster son jus frais. La journée passe très vite. Avant le coucher de soleil, je rejoins la plage, où je pense retrouver les enfants de l’ONG. Ils sont en effet sur place. Je passe avec eux un excellent moment. La chorale est tout d’abord en action. Les filles chantent, accompagnées par quelques instruments de musique! Leurs voies sont très touchantes et la chorégraphie assez simpliste embellie encore plus leur prestation. Le soleil se couche tranquillement vers l’horizon. Il s’enfoncera dans les nuages avant d’avoir atteint la mer, mais les couleurs sont belles. Je ne sais plus vraiment où donner de la tête alors que c’est maintenant à l’école de cirque de nous montrer tous leurs talents et les numéros sur lesquels ils ont travaillés depuis de nombreux mois. Tous ces moments avec ces jeunes locaux resteront à jamais gravés dans ma mémoire.
J’ai envie d’en savoir plus sur cette ONG. Après qu’ils soient rentrés, après que j’ai profité un peu de la beauté de la mer et du silence qui règne de nouveau, je les rejoins à leur hôtel. Je discute avec un couple franco-péruvien qui gère tous les activités à Mallingy. Cette ONG est tournée vers les enfants et les activités quelle peut leur proposer. Leur principale activité concerne l’éducation de jeunes enfants, la préparation de classe «verte» et «bleue» (dans les terres ou à la mer), mais aussi l’accès à la nourriture. Pour cela, par exemple à Mallingy, ils possèdent une grande ferme qu’ils essaient d’entretenir et d’agrandir autant que possible. Ils désirent fabriquer leurs propres produits et donner un accès plus importants à ces enfants à des produits de premières nécessités mais aussi des produits d’une meilleure qualité pour la santé. Ensuite, ils gèrent à Tuléar de nombreuses activités ludique et lieux culturels, tel que le cinéma et le théâtre de la ville. Ils ont en charge aussi la réhabilitation de zone de mangroves ou de forêts près d’Ifaty, pour assurer la conservation de la faune et de la flore endémique de Madagascar. L’idée est aussi d’en faire des terrains ludiques où les personnes pourront apprendre sur les spécificités de ces zones écologiques. Actuellement, le projet urgent est de pouvoir monter le squelette complet d’une baleine, qu’ils ont en leur possession, pour pouvoir l’exposer et en faire un élément culturel et éducatif. Tous ces projets semblent intéressants. L’idée va de nombreuses fois m’effleurer l’idée d’intégrer leur structure pour quelques temps. Malheureusement, je n’ai pas assez de temps pour que cela soit intéressant pour eux et pour moi. J’ai des obligations à respecter et des dates déjà de fixées qui vont rythmer un peu cette partie de voyage. Mais c’est un vrai plaisir d’apprendre plus de choses sur ces projets, sur tout ce qui est possible de faire pour améliorer le présent de nombreux enfants. Quelque chose aurait pu être possible si j’avais entendu parler de cette organisation avant. Mais peu importe, car pour que cela soit bénéfique à tous, il aura fallu que je reste au moins 2 mois sur place! Je suis simplement heureux d’avoir pu échanger sur leurs projets et me dire que c’est une organisation que j’aimerais aider si possible plus tard quand j’en aurais l’opportunité… En attendant, la nuit est tombée depuis plusieurs heures. Je ne veux pas participer à l’orgie qui semble commencer. En effet, les volontaires vivent déjà dans de très bonnes conditions; un hôte ultra-moderne avec des bungalows splendide mais assez chère, piscine, et wifi ! Le point positif est que tous les revenus de ces hébergements sont reversés à Bel Avenir. En tout cas, pour les volontaires, ils ne vivent pas une vie simple près des habitants, mais garde un grand confort, et dépense, de mon point de vue, de l’argent, en tout cas trop d’argent dans des choses futiles qui peut être agréable de faire occasionnellement mais qui n’est pas nécessaire de renouveler au quotidien! Peu importe, nos conversations ont été très intéressantes. Je souhaite en retirer que du positif alors que je rejoins mon hôtel et ma chambre.
Le 4 Octobre 2014, j’ai mis le réveil pour être débout avant le lever du soleil. Ne m’étant pas couché tard, je n’aurais pas besoin de ce dernier! Je me réveille sans problème, «frais comme un gardon», à 5h00 du matin. C’est important car un minibus part toujours aux premières lueurs du soleil vers Tuléar. Alors, qu’après, tu peux attendre des heures pour qu’un véhicule se remplisse. Après avoir mangé un petit encas, avoir réglé la note de l’hôtel, je n’ai à attendre que quelques minutes devant ce dernier avant que le minibus pointe le bout de sa carrosserie. Très peu de places assises sont encore disponibles. Je réussis tout de même à avoir accès à l’une d’elles. Après avoir fait de nombreux stops et détour dans la ville pour prendre plus de monde, nous partons finalement en direction de Tuléar. Les paysages, dont certains très désertiques, sont déjà très beaux sur cette courte portion de route. J’ai décidé de ne pas rester à Tuléar qui ne possède que très peu d’intérêts touristiques. C’est simplement une grande agglomération, un carrefour pour atteindre de nombreuses régions reculées ou repartir sur la fameuse RN7, qui relie Tuléar à Antananarivo; route touristique par excellence. Je ne veux marcher depuis la station de bus, à l’ouest de la ville, où je suis descendu jusqu’à celle se trouvant au Nord. Là-bas, sur place, je devrais trouver un moyen de transport qui me conduira à ma prochaine destination. Je me promène dans la rue alors que de nombreux «rickshaws» à pédale (transport où le client monte à l’arrière d’une personne sur un vélo et qui pédale pour t’amener à destination, ou avec le même principe mais avec un engin motorisé) m’interpelle et me demande que j’utilise leur service pour me rendre à la destination finale voulue. Je vais refuser de nombreuses fois car j’ai envie de marcher et que les prix ne me conviennent pas. Finalement après plusieurs kilomètres, après avoir arpentés les rues en demandant mon chemin, je me dis que ça pourrait être agréable d’utiliser pour une fois ce moyen de transport, participer un peu à l’économie locale et surtout de nombreux locaux me disent que la distance est alors encore grande jusqu’à la station de bus. Après avoir négocié le prix avec une personne fort sympathique, je saute à l’arrière de son vélo, m’installe confortablement et me voilà parti pour un moment sans égal dans une autre partie de la ville. J’arrive à une station de minibus très fréquentée, où le trafic est important. Je n’ai aucun problème à trouver un bus partant pour le Nord et Fianarantsoa.
Je m’arrêterais à mi-chemin, avant Ranohira, pour découvrir un magnifique endroit de Madagascar. Nous passons tout d’abord par des paysages désertiques arides peu accueillants. Les malgaches, habitant cette région, vivent dans des conditions difficiles souvent associés à une pauvreté qui gangrène la vie d’une majorité. Le contraste est flagrant avec la ville d’Ilakaka qui a poussé comme un champignon après la ruée vers les mines de saphirs. Cette ville consiste en une rue où il est possible d’acheter de nombreux biens de consommation modernes, où il y a de nombreux bars et discothèques! Malheureusement l’alcool et la prostitution sont des fléaux sur place. Des femmes se font de l’argent sur ces mineurs qui gagnent parfois beaucoup d’argent par rapport à la moyenne nationale! Cette ville n’a que peu d’intérêts mais je trouve tout de même intéressant de pouvoir y faire un stop pour nous restaurer et donc en profiter pour constater ce qui se passe sur place!
Reprenant la route, je demande à ce qu’on me laisse en plein milieu de nulle part, dans ces paysages désolés qui commencent néanmoins à prendre du relief! Non je ne pense pas prendre de risques inconsidérés. Non, je n’ai pas des envies de prises de risque maximum. Je veux simplement pouvoir réaliser plusieurs jours de randonnée qui me tiennent à cœur. Je suis au niveau de la délimitation au Sud du parc national de l’Isalo. Ce dernier a été fermé depuis plus d’un an aux longs circuits qui demandent plus d’un jour sur place. En effet, plusieurs groupes de touristes ont été attaqués au niveau des campings dans plusieurs parcs. Ils se sont fait dérober tous leurs biens matériels et monétaires, dont les agresseurs pourraient avoir besoin! Certaines attaques se sont même passées avec violence. J’ai décidé de ne pas m’arrêter à ces restrictions et donc de me passer de guide. Je ne passerais pas par une des entrées majeures mais je décide me frayer un chemin dans la nature, avant de rejoindre un des deux treks de plus de 40 kilomètres, qui zigzaguent dans le parc et permettent d’en découvrir les principales beautés. Je commence par une curiosité naturelle appelé «la fenêtre de l’Isalo»! Les couleurs des pierres, ces montagnes sorties de nulle part, la végétation faible en densité mais parfois très colorée font de ce lieu un espace unique. Ce trou dans la roche est splendide et sert de cadre naturel donnant sur une nature splendide. D’ailleurs je vais prendre le temps, seul dans cet endroit, d’admirer la beauté des lieux. Puis je reprends ma marche en avant. Je tombe sur des fleurs, ou des arbres arborant des couleurs flamboyantes. Les oiseaux ne sont pas en reste avec leur plumage. J’ai même l’impression qu’il existe parfois une compétition entre la faune et la flore. Toute la journée, je vais avancer dans ces paysages fascinants, profitant de cette solitude souhaitée à cet instant pour communier avec la planète terre!
J’ai parfois le sentiment de me trouver dans l’ouest-américain, ou du moins l’image que je m’en vais. En effet, jusqu’à aujourd’hui je me suis arrêté au grand canyon et Las Vegas dans ce pays continent! J’ai pourtant vraiment envie de découvrir l’ouest dès que possible.
Avant la tombée de la nuit, je suis revenu en bordure de parc que je longe, voyant d’assez loin la route nationale RN7. Je passe à travers des rizières. Je dois traverser des ruisseaux ou parfois de petites rivières à gué! J’ai du mal à passer à diverses endroits, mais je trouve finalement mon chemin et l’entrée du début du sentier de randonnée après que la nuit se soit bien installée. La lune brille de mille feux quelques jours avant d’être pleine! C’est un vrai bonheur que de randonner à sa lueur!
Le temps est très agréable, ni trop chaud, ni trop froid! Aucune menace de pluie à l’horizon! L’envie de dormir à la belle étoile est forte. Je décide donc de trouver un endroit sympa, sans atteindre un des campements établis dans le parc, pour rester à l’écart de tous risques de mauvaises surprises! Ces dernières sont très minimisées car nous sommes loin de toutes civilisations et il n’y a aucun intérêt pour des voleurs à venir dans un endroit où normalement personne ne se trouve! Peu importe, cela me traverse l’esprit que quelques secondes et ça ne va pas m’empêcher de passer une très bonne nuit et de m’endormir en à peine une demi-seconde. Je suis réveillé un peu avant 5h00 du matin, avant que le soleil ne pointe le bout de son nez. Je cache mon gros sac-à-dos entre deux rochers. Puis je trottine jusqu’à un point de vue, en hauteur, que j’avais repéré la veille. Le temps est couvert mais j’assiste tout de même à un beau moment de cette journée. Je reprends ensuite ma marche en avant. Je découvre petit-à-petit des paysages de canyon avec des couleurs orangés, découpés en strates et en petit monticule rongé par l’érosion. Je prends un grand plaisir à dévorer des yeux cette petite merveille. J’atteints ensuite un des fameux points pour les touristes. Dans cette région, toute eau est précieuse, source de vie (chacun devrait prendre conscience qu’elle finalement très précieuse partout et que nous devons prendre soin de nos sources et nappes phréatiques). Dans un petit canyon, je trouve un petit oasis le long d’un petit cours d’eau. La végétation est totalement différente, beaucoup plus imposante! La couleur de l’eau, la cascade qui tombe dans un petit bassin complètent l’image paradisiaque et idyllique qui se présente à moi! Même si l’eau est froide, je plonge dedans et profite d’un rafraîchissement intense et tonique! Le fait d’être seul, sans aucuns autres touristes, me comble. D’ailleurs, ils ne sont pas près d’arrivés pour envahir des lieux. Et puis en plus ce n’est pas une certitude que quelqu’un pointera le bout de son nez car l’activité touristique dans ce pays n’est pas très importante et n’a pas pu se développer comme elle aurait dû pour diverses raisons de sécurité, d’instabilité politique, de facilité de déplacements… Une chose est sûre, en repartant et en m’enfonçant un peu plus dans le parc, sur les sentiers normalement fermés, je ne risque pas de rencontrer âmes qui vivent pendant de longues heures… Certaines personnes me diraient que c’est inconscient, que s’il m’arrivait quelque chose personne ne pourrait venir à mon secours! Surtout que personne ne sait exactement où je me trouve à ce moment précis! Je rétorquerais que je ne prends pas des risques insensés et que je veux vivre le moment présent à fond, pensant au Meilleur, tout en étant préparé, au mieux, pour le Pire! Je m’enfonce sur ce sentier dans ce parc de l’Isalo!
Toute la journée je découvre de nouveaux paysages. Chaque canyon a sa spécificité, ces couleurs, sa forme unique! La flore est exceptionnelle. Je découvre de petits bijoux et sûrement certaines des plus belles fleurs que j’ai été amené à voir dans ma vie! La faune n’est pas présente en masse mais elle me réserve de belles surprises avec de petits insectes très actifs, ou des oiseaux qui magnifient le ciel. J’ai la chance aussi de passer du temps à admirer des lémuriens dans un endroit un peu plus verdoyant et possédant surtout un point d’eau. Les indications, même minimalistes, présentes sur le sentier, me permettent de m’assurer que je ne fais pas fausse route. La boussole, que j’ai en ma possession, est alors aussi d’une grande utilité! Je trouve finalement des bassins transparents d’une couleur incroyable. Je passe la nuit près de ces derniers. Les denrées alimentaires que j’avais son réduite à peau de chagrin. Le rationnement est ridicule si je compare avec le nombre de kilomètres effectués. Heureusement sur le chemin, il y a plusieurs points d’eau où je peux me réapprovisionner. Je suis loin d’être dans une expérience extrême mais je vais ressentir un manque d’énergie surtout le jour suivant. Je passe encore de très bons moments avant de revenir à la civilisation.
Le 5 octobre en fin d’après-midi, je rejoins le village de Ranohira. Je me renseigne tout d’abord sur les véhicules partant en direction de Fianarantsoa en soirée. Je veux, en effet, prendre un transport en commun de nuit. Le but est d’être dès le lundi matin, première heure, dans cette ville, d’où part un fameux train, d’un autre temps, longtemps révolu en France! Il paraît que l’expérience est mémorable. Je ne veux donc pas manquer la chance de l’expérimenter! Une fois la certitude de pouvoir monter dans l’un des véhicules, après avoir négocié le prix, pour obtenir le même que les locaux, je m’installe dans un restaurant local. Je commande un plat de poisson avec du riz, ainsi qu’une bière (fait très rare de boire seul mais j’en avais envie à cet instant précis. Je peux même utiliser l’excuse que cette boisson, si on n’en prend une, c’est bon pour les crampes… mais c’est tellement rare, que je n’ai vraiment pas besoin d’excuse et encore moins de me justifier même si certaines personnes pourraient dire que c’est le cas! Non, non, non, il s’agit simplement d’une clarification de situation)! Cela me fait du bien de manger et je retrouve quasi-instantanée une certaine énergie! Dans cet établissement assez vétuste, elle possède tout de même une prise électrique avec une multiprise. En attendant le départ du minibus, je travaille un peu sur mon ordinateur, tout en discutant avec des locaux venus manger ou boire une bière.A 22h00, nous nous préparons finalement à partir. En effet, plusieurs attaques ont eu lieu, de nuit, sur des transports en commun, pris d’assauts par des groupes de voleurs armés. Le gouvernement a donc décidé de mettre en place un système de convoi. Il ne pouvait pas interdire les transports de nuits sur ces longues distances car ce n’est pas viable, et impossible pour que le pays et son économie fonctionne. Mais une solution, la plus efficace possible, devait être trouvée. Après la nuit tombée, des barrages de gendarmerie stoppent tous les moyens de locomotion passant sur la route, et en partance pour des destinations lointaines. Ils attendent que le nombre de véhicule soit assez important pour libérer l’ensemble des utilisateurs de la route. A de nombreux endroits des contrôles sont effectués. Les véhicules doivent rester à une distance raisonnable les uns des autres. Pas de barrages de personnes mal intentionnées, pas de voleurs, pas de coupe-gorges, pas de viols ou d’agression… le trajet se passe sans encombre! J’arrive à Fianarantsoa à 4h00 du matin. Je ne veux pas payer pour une fin de nuit, surtout que je ne sais pas si le train part dès le matin même ou seulement le lendemain. Je trouve donc un petit restaurant local pour me poser et boire une soupe. J’y reste jusqu’au lever du soleil. Après avoir obtenu la certitude que le train ne partira pas ce lundi, je peux envisager de trouver un logement pour la nuit suivante. Le propriétaire, après avoir fermé son restaurant, m’indique un hôtel pas cher. J’obtiens une chambre minimaliste, assez humide et avec une simple petite fenêtre. Les toilettes sont bien sûrs à l’extérieures et elles ne sont pas les plus propres non plus. Tandis que pour la douche, il s’agit d’un seau d’eau avec de l’eau froide. Mais pour le prix, je suis preneur. Cela me suffira bien pour passer une nuit!
Je passe à la gare pour obtenir des informations. Voulant me mélanger à la population locale, je désire voyager en deuxième classe. Je ne peux donc pas réserver mon ticket. Je devrais venir le matin très tôt pour obtenir mon billet comme le commun des mortels dans ce pays, et non avec les faveurs des touristes, payant pour la première classe. Cela me convient parfaitement car ce voyage a toujours été dans le but de découvrir les beautés de notre planète mais aussi de me retrouver au plus proche des conditions de vie des locaux. Ce passage à la gare me permet aussi de découvrir une très belle locomotive qui tire quelques wagons et qui est réservé à un trajet touristique très cher.
Avant de revenir le lendemain matin, je décide d’aller explorer la ville et les environs! Comme j’aime le faire pour permettre une meilleure connexion avec les lieux et les personnes, je vais tout faire à pied. Je monte tout d’abord sur une des collines qui surplombent le pôle d’activité majeur de la ville. Sur ces hauteurs se trouve le vieux quartier possédant des édifices splendides dont des maisons, églises et cathédrales, écoles, bâtiments administratifs… J’échange avec de nombreux locaux. L’après-midi, je décide d’aller explorer une partie de la campagne environnante, que j’ai remarqué le matin même, depuis les hauteurs des collines. Je découvre par moi-même tellement de beaux endroits. Je passe dans des villages et je m’amuse avec les enfants. Je découvre sur mon chemin des caméléons, des serpents dans les rizières. Puis j’attends un lieu que je voulais atteindre. Ceux sont des roches très colorées qui revêtent des motifs rayés verticaux. Au pied de ces derniers s’étendent des rizières à perte de vue, qui présentent aussi un patchwork impressionnant de couleurs, de teintes, et de luminosité! Je pourrais me balader des jours et des jours dans cet endroit sans m’ennuyer et en continuant à m’émerveiller devant de petits détails!
Encore une fois je veux rester connecter à la réalité du pays et sur le chemin du retour certains détails m’y ramènent très rapidement. Des enfants sont dans une décharge à ciel ouvert. Ils cherchent ce qu’ils pourraient récupérer. Cette image restera longtemps gravée dans ma mémoire et elle remémore tout ce que j’ai pu voir depuis le début de séjour dans ce pays. La misère se voit partout ; enfant et adulte sales avec vêtements déchirés, enfants qui travaillent dans les carrières de pierre pour faire du gravier avec les parents, enfants qui travaillent aux champs, pour la fabrication de briques, habitations sommaires et/ou vétustes. Beaucoup de personnes ne peuvent pas se payer même un transport en commun. Elles marchent au bord des routes avec des charges énormes sur la tête ; Elles poussent aussi, à plusieurs, des carrioles de fortune en bois, dont les roues sont aussi parfois en bois, ou en métal et possédant un pseudo frein. Ils doivent parcourir parfois des dizaines et des dizaines de kilomètres pour aller vendre leurs marchandises au plus offrant! Lors du trajet de la nuit passée en taxi brousse, j’ai pu en voir qui commençait ce long périple dès 2h00 du matin sur la route. Qui plus est, il ne possède aucune lumière pour indiquer leur présence ce qui rend cela encore plus périlleux. Je garderais cette image de ces enfants dans la décharge pendant très longtemps mais une belle image va surplomber celle-ci et me faire relativiser, ou en tout cas essayer de voir les belles et bonnes choses qui existent pour eux aussi. Sur le chemin du retour, je passe près d’un terrain vague où de nombreux et jeunes garçons jouent au football avec un ballon de fortune fait de sacs plastiques agglutinés les uns dans les autres et tenu par un bout de fil. Je les regarde un peu jouer. Puis ils m’invitent à les rejoindre. Je passe un moment exquis. Nous nous disputons ardemment le ballon, mais nous avons en même temps de bons fous rires. Les adultes qui passent dans la rue s’arrêtent pour voir qu’est ce qui fait qu’il y a tant d’animation. Nous ne ferons pas plus attention que cela à eux mais je sais qu’avec ces enfants, je viens de vivre un moment de bonheur intense. Prendre une douche froide avec un seau d’eau, me changer, manger un bout avant de gagner mon lit sont des petits choses de la vie que je vais réellement apprécier en cette soirée.
Le lendemain matin à 5h00, mon réveil sonne sans trop me déranger. Je viens de finir un cycle de sommeil. J’ai déjà les yeux à moitié ouverts. Je me prépare et file à la gare, alors que le soleil se lève. Je ne suis pas le premier arrivé. Il y en a déjà qui attendent, qui sont assises un peu partout. Pendant que certains réservent des places dans la file d’attente pour acheter des billets, d’autres se place dans celle pour rentrer sur le quai. Je crois me positionner au bon endroit sur des barrières qui font face aux guichets. Je vais apprendre plus tard, quand la queue a énormément augmentée, qu’en fait cette dernière se trouve derrière, le long du mur, où des personnes sont présentes et d’autres ont seulement laissées un sac. Je discute avec les locaux qui vont m’aider. L’un deux, un des premiers, me dit de venir avec lui. Lorsque le guichet ouvre, de nombreuses personnes se ruent vers la petite fenêtre permettant de communiquer avec l’agent des voies ferrées. En usant un peu des coudes, j’arrive à me faire ma place et à obtenir un ticket. Non sans mal, car la guichetière n’a pas souvent l’occasion de voir des étrangers venir à son bureau pour vouloir voyager en seconde classe. Même si je n’ai pas fait de réservation, même si je veux voyager comme les malgaches, et parce que je n’ai pas la résidence, je dois payer un supplément important. Il double le prix, pour soi-disant la réservation. Cela reste nettement moins cher que la première classe. Mais je ne trouve pas normal de faire de la ségrégation tarifaire. Je vais passer outre cela, car il y a plus important et que cela explique certaines choses. Et puis cela va définitivement tourner à mon avantage par la suite. En effet étant seul, je ne pouvais pas être à la fois dans la file pour le guichet et dans la file pour rentrer sur le quai. Si je respectais l’ordre je passerais en dernier et je me retrouverais à la porte du train, à me tenir à une barre de fer, le corps à l’extérieur. Mais payer le double du prix peut présenter certains avantages. Comme j’ai payé la «réservation», je me permets d’aller voir la personne en charge de ces dernières et des informations pour touristes. Elle va finalement me faire passer par une autre porte pour que je puisse avoir accès directement au quai. Dans le wagon de seconde classe, j’y retrouve la personne qui m’avait aidée. Il a lui des contacts à la gare lui permettant d’avoir des laissez-passer! Nous avons donc tout le temps de nous installer, de choisir notre place avant que la foule ne se rue sur le quai, et qu’elle prenne d’assaut le train. Nous nous installons aux places à l’avant du wagon, le plus éloigné possible de la porte d’entrée et des mouvements continues qui vont avoir lieu au cours de tout le trajet!
Le train devait partir à 7h30, il quittera finalement le quai après 8h30. Nous pouvons nous estimer heureux qu’il fasse le trajet. En effet, il s’agit d’une très vielle locomotive dont l’âge avancée et le manque d’entretien n’aident pas à la maintenir au meilleur de sa forme! Elle est très souvent arrêtée pour la réparer. Il peut s’écouler des semaines sans qu’aucun trajet ne soit effectué ni dans un sens ni dans l’autre. Mais c’est ce qui fait la beauté de ce trajet; évoluer dans un engin du passé, passer dans des endroits naturels intacts et rejoindre des petits villages inaccessibles avec tout autre moyen de transports! L’aventure commence alors sur les quais de la ville de Fianarantsoa. Nous partons en direction de la côté est, qui possède un climat beaucoup plus tropical et humide. En attendant c’est intéressant de voir des malgaches utilisés des bagages en bois d’un temps qui me semblait révolu. Les personnes s’entassent dans les 2 wagons de première classe, mais surtout dans celui de seconde classe, où le moindre centimètre carré est occupé. Les personnes sont assises dans les couloirs, à quatre sur des banquettes de 2, et même debout à l’entrée, tandis que les derniers doivent se tenir sur le pourtour de la porte et leur corps est à l’extérieur! Après que les machines ont été mises en route, que le train est sifflé une première fois, nous entreprenons notre périple à travers des paysages changeants! Nous partons de plus de mille mètre d’altitude pour atteindre le niveau de la mer à notre destination finale. Le trajet devrait donc être moins éprouvant pour les machines. Mais sait-on jamais ce que ce parcours peut nous réserver. Nous savons quand nous partons, même si c’est très largement en retard, mais nous ne savons pas quand ce périple prendra fin. Je suis vraiment plongé dans la vie malgache, que ce soit dans le wagon seconde classe où je suis le seul étranger, le seul blanc que, en regardant les paysages à l’extérieur, et en observant beaucoup de fermiers travaillés, de personnes transportant des marchandises sur les routes, que nous longeons, au départ. Mais ceux sont surtout les arrêts interminables dans les nombreuses gares, sur le long du trajet, qui sont passionnants. En effet, nous ne pouvons pas être plus au cœur de l’action. Entre les personnes qui montent et descendent du train, les marchandises qui sont échangées, les marchands locaux vendant des produits alimentaires ou de consommation… A chaque arrêt, je sors par la fenêtre car il est impossible de se frayer un chemin dans le wagon! J’interagie avec les enfants et adultes. Ils sont tous très curieux de voir le résultat sur mon écran d’appareil photo, quand je fais mes sauts spéciaux du Vol Libre.
Nous passons dans des paysages somptueux très verdoyants, parfois à flanc de colline, avec vus sur des forets entières, de grandes rizières, de petites montagnes ou de belles chutes d’eau. Il est dit que ça doit être normalement un trajet d’environ 7h00, nous allons finalement mettre plus de 14h00! Même si j’ai adoré ce trajet, cette expérience et le moment vécu, je ne vous cache pas que la fin du trajet sera très longue. A chaque gare, nous nous demandons quand nous allons repartir. Voilà plus de dix heures que nous baignons dans une atmosphère très humide, que la sueur coule sur nos fronts, que nous n’avons pas toujours l’opportunité de nous dégourdir les jambes sans être pris d’assauts.
Alors que 22h30 vient de sonner, nous arrivons finalement en gare de Manakara. Bien entendu personne ne m’attend. Je ne veux pas prendre de taxi ou même me diriger vers des hôtels. Je me suis toujours dit que j’irais dormir sur la plage. C’est ce que je fais en partant à pied en direction du bord de mer! Après avoir longé un village de pêcheur, un grand hôtel luxueux, je trouve une petite plage déserte où je peux m’allonger dans un endroit un peu abrité. Je viens d’utiliser un défaut de langage commun en faisant une généralité et en disant «en bord de mer»! Mais je suis en bord d’un océan; l’Océan Indien! Sur cette côte est, il est facile de le deviner et de s’apercevoir qu’aucun terre ne la arrêter. En effet, les vagues sont grosses et puissantes, elles forment des rouleaux qui viennent s’écraser avec fracas sur le sable. Les embruns giclent de partout et le vent est omniprésent. Je m’endors néanmoins sans problème vers minuit. Après une bonne mais courte nuit, le lever du soleil me fait doucement ouvrir les yeux et passer un agréable moment.
Je me sens en forme. J’ai envie de découvrir un peu les environs. Je marche le long de la plage sur des kilomètres. J’observe cette nature qui semble préservée. Je rencontre seulement quelques pêcheurs attelés à jouer avec leur canne-à-pêche! Puis après plus d’une heure je fais demi-tour pour revenir au point initial puis traversé le village de pêcheurs. Nombreux d’entre-eux rentrent au même moment d’une pêche nocturne ou matinale. Les petites embarcations sur lesquels ils se trouvent sont secouées par de grosses vagues. Elles sont tellement imposantes par rapport à ces navires de fortune, qu’à certains moments ces derniers disparaissent dans le creux d’une d’entre-elles. Il est aisé de comprendre alors pourquoi une digue a été construite à l’embouchure de la rivière. Les rouleaux viennent s’écraser avec fracas dessus. Mais, au moins, derrière, les pêcheurs sont saufs. Ils peuvent rentrer aisément dans l’estuaire, où l’eau est alors apaisée. Je me retrouve à l’arrivée de tous les bateaux. Pendant que les femmes trient les poissons et essaient de les vendre par la même occasion, leurs maris s’occupent de ranger et réparer le filet tout en restant dans leur embarcation de fortune.
Je ne savais pas si je voulais rester un jour de plus ou non. J’y pensais sûrement dans l’idée de visiter le canal du Pengalanes. Mais je sais que je me rendrais de nouveau à l’est, depuis Antananarivo, à l’autre extrémité du canal. Je me décide donc de ne pas m’attarder plus que cela sur place. J’ai la possibilité d’avoir un moyen de transport quittant Manakara en fin d’après-midi. J’ai donc encore toute la journée pour profiter. Comme souvent quand je reste peu de temps dans un endroit, je ne vais pas m’arrêter, être toujours en mouvement, sauf si ce n’est pour échanger avec des locaux, admirer un paysage ou des animaux, manger un petit bout sur le pouce dans un restaurant ou sur des étales malgaches dans la rue. J’en profite vraiment. Je vais marcher le long de ce fameux canal, voir la vie des locaux à proximité, retourner au bord de mer pour y admirer un splendide phare! Puis finalement, retourner à la station des taxis brousse pour repartir dans les terres, au centre du pays.
Pour l’équivalent du même trajet que j’ai fait la veille en train, nous allons mettre en taxi brousse environ 5 heures, soit 3 fois moins de temps qu’avec le train. Avant le coucher de soleil, je peux admirer de très beaux paysages, entre autre composés d’énormément d’arbres du voyageur, qui se tiennent fièrement sur des collines herbeuses! Moins d’une heure après que la nuit noire se soit installée, je peux assister à un magique lever de lune. Cette dernière va rester d’un orange éclatant pendant de longues minutes! Même dans les transports en commun, alors qu’il fait nuit noire, un spectacle ahurissant s’offre à moi. Ce dernier me fait rêver à chaque fois! Avec les pleins phares, le minibus éclaire bien la route et nous pouvons voir de nombreuses personnes, assises au bord de cette dernière pour discuter dans l’obscurité! Arrivé au croisement de la RN7, nous ne redescendons pas vers Fianarantsoa. Nous prenons la direction du Nord pour rejoindre Antananarivo.
Je m’arrête en cours de route, à Ambositra. Il est 2h00 du matin. En effet l’horaire de ce bus est bien calculé pour arriver en tout début de matinée dans la capitale. Mais ce n’est pas les meilleurs horaires pour les arrêts intermédiaires. A cette heure tardive, je n’ai pas envie de chercher un logement. Comme à mon habitude, je n’ai rien réservé. Je me dis toujours que je trouverais une solution. Ça sera le cas encore cette fois-ci. Je trouve une maison en construction, je pose mon matelas dans une des pièces au premier étage et je m’endors sereinement. Au petit matin, alors que la brume a envahie la vallée, je suis réveillé par les bruits dans les rues et l’activité humaine qui commence à reprendre son cours après une nuit calme, où les rues étaient désertes. Je replis bagage, sors dans la rue, demande des renseignements à des personnes arrêtés à un petit stand. Je me vois offrir un café avec des gâteaux de farine. Puis je trouve un logement très agréable, peu cher avec ce dont j’ai besoin pour y passer la journée et la nuit. Je décide d’immédiatement partir me promener dans la campagne environnante. La brume m’empêche de voir à plus de 20 mètres. Mais je prends néanmoins la direction pour sortir de la ville. Je suis très vite dans la campagne. Je croise des jeunes qui vont à l’école, que j’effraie quand ils me voient au dernier moment. Une femme, à qui je dis bonjour, va me donner quelques bonnes informations. C’est surtout le beau temps, qui chasse les nuages, qui va me permettre de me repérer et de voir un point semblant très intéressant, tout en haut d’une falaise qui surplombe la région et sur laquelle est érigée une croix. Je décide d’y grimper. Sur le chemin, je réussie à trouver et observer plusieurs caméléons. Ils sont de tailles et de couleurs différentes et je suis trop heureux de pouvoir les admirer de près. Tout en haut la vue est splendide. Je peux admirer toute la région, les rizières en étage, les différentes couleurs de terre, leur aspect selon si elles sont exploitées ou non, en jachère, ou remplies d’eau, avec du riz ou d’autres plantations … Puis je continue plus loin, j’atteins un autre point de vue de l’autre côté, dans une autre vallée. Les paysages y sont totalement différents.
Alors que je m’amuse avec un tout petit caméléon, que je tiens en main, un aigle me survole avec intérêt. Il vient de voir que je tiens une proie potentielle. Je pense qu’il analyse la situation pour voir s’il peut me prendre ce festin… C’est impressionnant, car comme il tournoie autour de moi, passe très près, j’ai le sentiment que je suis la proie potentielle. Je mets alors le caméléon à l’abri, bien caché dans un arbre et je vais prendre quelques photos de ce magnifique aigle. Ce dernier va revenir plusieurs près de moi pour voir si je détiens toujours en ma possession son possible casse-croûte. C’est bon signe en même ca cela signifie que le caméléon est en sûreté. Je profite encore quelques instants de ces moments magiques, avant de continuer ma promenade.
Je reviens en ville alors que la journée est bien avancée. Je rentre dans plusieurs boutiques qui vendent des produits locaux. Je regarde si je pourrais acheter quelque chose, faire un cadeau à l’un ou à l’autre de mes proches. Je trouve quelques petites choses mais l’art local ne m’inspire pas plus que cela. Puis je passe une soirée très tranquille à lire et discuter avec le gardien de l’hôtel. Dès le lendemain matin, je prends le bus en direction du nord. Pleins de petits détails me sautent de nouveau aux yeux. Les enfants doivent acquérir une autonomie dès qu’ils sont très jeunes. Ils parcourent des kilomètres seuls en bord de route à moins de 8 ans. Ils conduisent des troupeaux de zébus. Ils préparent les terres des terrasses des rizières. Les filles suivent les femmes et elles portent de lourde charge sur leur tête. Beaucoup d’enfants cassent du gravier. Comme je l’ai déjà évoqué, je me rends compte que la plupart de ces enfants n’ont pas eu vraiment d’enfance protégée mais ils ont été, dès qu’ils ont été en âge de marcher, confrontés à des problématiques vitales et de survie. C’est un peu triste à voir mais heureusement, ils arrivent tout de même à trouver le temps de jouer même avec un simple bout de bois, avec un pseudo ballon, avec un vélo construit manuellement... Ils n’ont pas les moyens non plus de faire attention à la mode vestimentaire. C’est le cas surtout chez les plus jeunes et les plus vieux. Ils peuvent porter des chapeaux de femmes pour les hommes, des cartables d’homme pour une femme… La seule exception c’est la génération adolescente et post-adolescente actuelle qui veut porter les mêmes standards que les pays occidentaux qui leur servent d’exemple à travers les émissions télévisées et ce qu’ils peuvent découvrir sur internet. D’autres problèmes gangrènent le pays. Ils sont visibles depuis le bord de la route. C’est le cas du problème de la déforestation, pour la vente de bois et agrandissement des zones de cultures! Encore une fois, je peux assister à des débuts de feux que personne n’essaient de contrôler, bien au contraire!
Après trois heures de route, j’arrive à Antsirabe, où je retrouve Cécilia. En effet, c’est ici qu’elle fait son projet de permaculture. Elle aide une école à devenir auto-suffisante, concernant l’approvisionnement de fruits et légumes, pour la cantine et les enfants démunis, qui assistent au cours. La permaculture est une façon de cultiver qui associe le respect de la nature, l’utilisation d’éléments naturels pour améliorer la production, sans se servir d’engrais, ou de pesticides. C’est un art de vivre, si l’on peut dire, qui mélange l’art de cultiver la terre avec un aménagement du territoire. C’est une mise en symbiose d’une plante avec telles ou telles autres, pour que les unes et les autres profitent des propriétés de chacune, et apportent avec le temps un équilibre parfait, permettant d’obtenir des bons rendements de production, limiter la perte, sans avoir recours à des éléments extérieurs mauvais pour la santé et l’environnement en général. Ce projet est très intéressant. Elle s’est déjà beaucoup impliquée dedans même si ça ne fait que quelques jours qu’elle est sur place. En revanche quand je la retrouve, elle a envie de tout plaquer, elle veut me suivre de nouveau dans mon périple et continuer à visiter le pays. Elle n’a rien contre les locaux avec qui elle travaille. Mais ceux sont tous les volontaires français avec qui elle vit qu’elle ne supporte plus. Pas que ce soit des personnes méchantes ou inintéressantes, mais il s’agit de la cohabitation. Dans une même maison, les caractères sont trop forts et bien différents. Ils ont tous des expériences personnelles uniques. Certains sortent pour la première fois de leur petit confort du cocon familiale. Ils n’ont jamais vécu en communauté dans un espace restreint. Les conflits entre les individus sont trop forts! Quand je la rejoins après avoir trouvé une chambre, elle m’explique tout cela. Elle viendra donc passer les deux nuits avec moi à l’hôtel, pensant ensuite quitter cette organisation associative.
Nous passons la journée à déambuler dans les rues, à nous rendre dans l’école, où elle a travaillée, pour qu’elle puisse remettre un document au malgache qui s’occupe du jardin. Elle en profite pour me montrer le début du projet qu’elle a commencé. Nous rencontrons aussi les personnes qui sont ces colocataires. Et même si je ne me permettrais pas de les juger, surtout lors de la première rencontre, et simplement après un bref échange, je m’aperçois qu’il existe un trou énorme entre la philosophie de vie actuelle de Cécilia et la plupart de ces personnes! Nous passerons tout de même de bons moments avec eux en soirée. En attendant, nous nous promenons et discutons de tout et de rien, de nos expériences vécues récemment. L’échange qu’elle a eu dans la matinée avec un ou deux volontaires, plus nos discussions vont lui permettre de poser un peu plus les choses, de se rendre compte qu’elle tient à ce projet et qu’elle aimerait tout de même continuer jusqu’à la date de son départ, sans avoir à rester dans la maison et cette colocation. Elle a un peu le temps de réfléchir à la problématique. Elle va surtout l’exposer à la personne responsable de l’association. Elle prendra sûrement sa décision le lendemain quand elle aura toutes les clés en main.
En attendant, nous allons passer une très bonne soirée. Nous la commençons avec deux des volontaires et deux locaux malgaches qui sont musiciens. Nous cuisinons chez l’une des personnes avant de nous rendre à un concert organisé par l’alliance française. Le groupe local est vraiment sympa et la musique plaisante à attendre. Puis nous nous rejoignons finalement tous les autres. Ils sont eux allés manger dans un restaurant pour étranger, pour retrouver de la cuisine occidentale à un prix exorbitant. Nous finissons la soirée dans un karaoké qui fait aussi discothèque. Cela fait une éternité, que je n’ai pas mis les pieds dans un tel établissement. Malgré la cacophonie du karaoké et un disc-jockey pas des plus talentueux, nous passons un bon moment.
Le lendemain Cécilia a décidé d’aller faire du cheval avec 3 autres des volontaires. J’ai plutôt envie d’aller découvrir les environs en moyen de transport en commun et à pied! Je me rends dans la commune de Betafo qui se trouve à l’ouest d’Antsirabe. Une fois encore, je me promène dans les rizières et les cultures diverses. Je rencontre la population. Je peux les observer dans leurs tâches quotidiennes. Les paysages sont toujours aussi agréables à admirer. J’y passe plus de 3h00. En revenant dans la ville je déguste un petit plat local avant de reprendre la route et le chemin du retour. Mais je fais un détour de plus de 15 kilomètres m’amenant tout d’abord au lac Andraikiba puis celui de Tritiva qui est un lac sacré.Les malgaches ont de nombreuses traditions et de nombreux fady, qui sont des interdits ou tabous à respecter. On ne peut pas transgresser car il s’agit d’honorer les dieux auxquels ils croient. Ils peuvent concerner un individu, la famille, un clan, ou même une ethnie entière. Il peut s’agir des relations matrimoniales, des maladies, d’interdiction alimentaires ou comme dans ce cas de sites et lieux sacrés! Madagascar est aussi le pays des ancêtres. Les Malgaches cultivent les traditions de peuples qui ont vogués jusqu’à leur terre. Les influences africaines, du moyen orient, de l’Inde et de l’Indonésie qui sont venus s’installer sur cette île, donnent un savant mélange, qui a formé plus d’une vingtaine d’ethnies. Leurs coutumes sont fascinantes. Elles ne peuvent qu’attirer des fans de cultures ancestrales ou de vrais ethnologues en herbe.
Je respecterais donc les fady ou interdits tout en profitant de ce site exceptionnel, ce lac bleu azur dans le cratère d’un ancien volcan. Puis des malgaches, habitants sur la côte est à Tamatave, en tour organisé, dans un car d’une capacité d’une vingtaine de personne, vont me ramener jusqu’à Antsirabe. Après avoir rejoints Cécilia, nous mangeons dans les petites gargouilles du petit marché de la ville. Nous dégustons un bon plat typique malgache avec du riz, des légumes, et des morceaux de viande, accompagnés d’un bouillon et de l’eau de cuisson du riz que les locaux boivent. Le reste de la soirée nous le passerons tranquillement à discuter autour d’un verre puis à lire dans notre chambre.
Cécilia a finalement décidée de rester sur place et de continuer son projet. Elle devrait camper sur le terrain de l’école et avoir le moins d’interactions possibles avec les autres volontaires, mais plus avec les locaux. J’essaierais moi d‘en retenir une bonne leçon personnelle, concernant le fait que c’est toujours important de parler des choses qui nous dérange à autrui. Cela peut parfois aider à relativiser, à réajuster son opinion, à trouver des solutions que nous n’aurions pas pu envisager, surtout quand nous sommes dans le cœur de l’action, noyé par nos sentiments et ressentis. Il est parfois compliqué de prendre du recul. Une personne extérieure sera souvent d’une précieuse aide.
Pour ma part, je repars en ce dimanche 12 Octobre vers Antanarivo, où je vais passer un nouveau court séjour chez Ludovic. Le trajet se passe très bien, mais le fameux «Mora Mora» (doucement, doucement) est toujours de rigueur. L’attente, avant le départ, est longue. Les arrêts sont nombreux. Le chauffeur s’arrête pour régler des affaires personnelles et faire un peu de business. Nous arrivons tout de même en fin de matinée à Antanarivo. J’arrive assez facilement à regagner la maison de Ludovic, où je le retrouve.
Une fois de plus, je passe un très bon séjour chez lui. Je prends le temps de vivre. Je ne fais que quelques sorties sporadiques en ville. Je passe du temps à écrire, à faire le tri des photos, à communique avec mes proches et mes amis. Je courre plusieurs fois dans la ville, essayant de trouver les endroits les moins pollués et les moins fréquentés. Cela fait du bien de pratiquer de l’exercice physique autre que la marche. J’ai besoin de cette énergie qui se libère de moi, avant, pendant et après une telle activité. Et même, si je ressens moins le besoin en voyage, et que j’en ai moins la possibilité, j’adore ces moments où je peux me permettre de recommencer… Je sais que le sport sera un élément obligatoire lors de mon retour, à la fin de ce voyage, quand je partirais sur de nouveaux projets. Après trois jours chez lui, après avoir passé de très bonnes soirées à échanger, je repars sur les routes seulement pour quelques jours cette fois-ci. Je veux partir sur un axe que je n’ai pas encore exploité à l’est de la capitale.
Mon endroit préféré, lors de ces quelques jours, le même que je désirais ne pas manquer, est le parc national d’Andasibe. Je voulais vraiment découvrir cet endroit pour sa faune tropicale encore intact mais aussi pour un de ces habitants. La même chose que pour l’Isalo, je n’ai pas envie d’être accompagné d’un guide et d’être limité dans mes mouvements. J’ai envie d’être seul dans cette nature somptueuse. Le minibus me dépose sur la route principale à quelques kilomètres de l’entrée principale du parc. Je ne verrais pas en cette journée cette dernière. Me promenant le long de la route, j’admire les différents éléments de nature qui se trouvent à proximité. Il y a un petit lac et j’entends comme un bruit de cascade. M’enfonçant dans la végétation par un petit chemin déjà existant, je tombe sur une retenue d’eau et un barrage artificiel qui crée cette cascade! Je profite de l’endroit. Puis je vois que le chemin continu à s’enfoncer dans la nature. Je le suis. Sans m’en rendre compte, je suis rentré à l’intérieur du parc. Je prends cela comme une aubaine me permettant de vivre une nouvelle expérience à la «Into the Wild», seul en pleine nature! Cela me permet de mieux communier avec cette dernière et profiter du moindre petit détail que me réserve notre magnifique planète terre. Je vais tout d’abord suivre de petits sentiers. Je peux admirer une végétation luxuriante qui déborde de tous les côtés. J’observe deux espèces de lémuriens différents. J’écoute le bruit des oiseaux et j’essaie de pouvoir les dénicher. Ils sont assez petits et dans cette végétation, même s’ils se trouvent à moins de 5 mètres, je ne suis pas sûr de pouvoir les regarder. Je suis ensuite de grands sentiers qui traversent la forêt comme de vrais autoroutes. Ils sont sûrement destinés à des touristes peu aventureux qui veulent visiter le parc mais sans avoir trop d’efforts à faire. Pour ma part, cela me plait que deux secondes, mais dès que je vois un petit chemin descendant et semblant mener vers un petit ruisseau, je m’y faufile! Je tombe sur des coins paradisiaques, où seuls les bruits du vent dans les feuilles ou des oiseaux qui gazouillent viennent interrompre le silence de cet endroit! Un autre cri très spécial vient créer une atmosphère particulière dans cette forêt. Je n’ai aucune certitude mais je crois que ceux sont les cris et les chants de l’animal que je suis venu observer spécifiquement dans ce parc national. Essayant de suivre mon instinct, je suis des petits chemins qui montent sur une colline. Je parcoure des kilomètres à travers cette forêt magique. Puis tout d’un coup, j’aperçois une masse imposante devant moi! Elle vient de traverser le chemin et s’agrippe à un arbre. A pas de loup, je m’approche le plus vite possible du dernier endroit où je viens de la voir! Je ne m’étais pas trompé. Ce pelage blanc et noir, sa corpulence dans ce pays ne laisse aucun doute. Je le vois sauter de branche en branche. J’essaie de le suivre mais pour cette première apparition, je ne peux rien faire. Il disparait rapidement dans les feuillages au loin. Je suis sur son territoire. S’il ne veut pas me voir, il n’y a aucune possibilité pour que je le rattrape. Je suis content de cette première expérience mais un peu frustré par la durée de la rencontre et le temps d’observation que j’ai eu! Peu importe, la chasse que j’ai entreprise m’a permis d’observer un très bel oiseau. Je sais aussi maintenant que je ne repartirais pas bredouille lors de ce séjour à Andasibe. Je continue jusqu’au bout du chemin qui se perd tout d’un coup dans la nature. Un mur de végétation se tient devant moi. Je n’ai plus qu’à faire demi-tour. Rebroussant chemin, je profite des lieux, mais je n’ai guère espoir de voir mieux que ce que je viens d’observer. Détrompez-vous! En tout cas, pour ma part, je n’en aurais pas mis ma main au feu. Après plusieurs minutes, être repassé devant le point de la première observation, je vais me retrouver dans une situation idéale.
En effet, je tombe sur un groupe familiale d’Indri Indri qui se tiennent de chaque côté du chemin. Deux adultes sont sur ma droite et trois sur ma gauche, dont une maman avec un tout petit sur son dos. Je pense qu’ils sont aussi surpris que moi. Nous restons tous figés. Puis un mâle réagi. Il commence à pousser ces cris pour montrer sa puissance. Il veut aussi affirmer que je ne suis pas le bienvenu sur leur territoire si je veux avoir un impact négatif sur leur écosystème. Ils restent cependant assez proches. Je peux les admirer en détail, observer la différence entre mâle et femelle, être capable de voir la différence avec les autres lémuriens. En effet ces derniers ont déjà un pelage unique (cuisse et bras blancs, dos, têtes et extrémités des membres sont noirs). Ensuite, ils ont des grands membres, ils sont les plus grande de tous, pouvant atteindre jusqu’à 75 centimètres. Ils ne possèdent qu’un moignon de queue contrairement aux autres qui possèdent tous des queues proéminentes. Le fait de me retrouver au milieu de ce groupe est le plus beau cadeau que l’on aurait pu me faire en cette journée. Après de longues, très longues minutes, ils font s’éloigner en sautant d’arbre en arbre. Je garde un souvenir mémorable. Je pense que je rêverais d’eux lors du sommeil à venir.
D’ailleurs la nuit commence à tomber. Je trouve un spot parfait pour passer la nuit. Après avoir monté la tente, je pense me reposer seulement quelques minutes, finalement je vais dormir plus de trois heures d’une seule traite. Quand je me réveille, la nuit est noire et j’ai toujours envie de dormir. Je sors donc prendre l’air, me plonge dans mon duvet et je repars pour un ou deux cycles complets. Je me réveille finalement avant le lever du soleil, le lendemain matin à 5h00. Je viens de passer une douce nuit, bercée par les chants des oiseaux. C’est encore le cas en cette matinée. Malgré l’humidité suffocante, je suis heureux! Le matin les Indri Indri sont encore plus actifs. Ils chantent et cris énormément. Il faut savoir que ces animaux sont en grand danger pour diverses raisons. Ils appartiennent à la liste des 25 primates les plus menacés au monde. Tout d’abord, cet animal diurne et essentiellement arboricole, a vu son habitat réduit à peau de chagrin. Mais surtout cet animal n’a jamais survécu en captivité! Comme pour les gorilles de montagne, j’aime ce besoin de liberté qu’ils ont et l’impossibilité pour eux de vivre en cage! Malheureusement dans notre monde actuel, être un tel individu ou un tel animal implique d’être marginal, de risquer de perdre la vie si on ne se plie pas aux règles ou si l’on n’est pas capable de lutter contre l’agresseur; qui bien entendu pour la faune et la flore c’est l’être humain mais il l’est aussi pour lui-même! L’Indri Indri ne peut donc être observé qu’à Madagascar, en nature dans un nombre très restreints de Parcs Nationaux. Je vais passer du temps avec eux, découvrir une nouvelle famille pendant cette journée et retourner sur le territoire de la première famille vue la veille. Ça sera un nouveau succès. Je passe la journée en plein nature à profiter de la beauté de l’endroit. Je prends le temps de contempler chaque détail et de profiter de ces vertus relaxantes.
Après avoir passé une deuxième nuit dans le parc, avoir entendu de nouveau les cris matinaux, je sors du parc. Je visite la ville de Moramanga, puis je décide de repartir vers la capitale car le temps est un peu compté. Une nouvelle aventure m’attend et je veux en profiter pour visiter certaines endroits autour de Tana, et surtout avoir des échanges avec Ludovic et Stéphane, revoir Cécilia qui passe par la capitale pendant une soirée avant de s’envoler vers la Réunion…
Cette destination est la suivante pour moi aussi mais elle n’est pas encore d’actualité! J’ai un rêve que je dois encore réaliser avant cela. Il est présent à mon esprit et encore plus, depuis que je sais qu’il pourrait devenir réalisable ici. Je vais choisir un des meilleurs spots au monde pour effectuer cette rencontre. Pour cela un long trajet en taxi brousse m’attend, mais qu’elle pourrait bien être la destination mystère et cette rencontre tant attendu?