Avec Lucie, nous voulions vraiment faire du volontariat
pendant notre séjour. Pour diverses raisons, notre choix s’était porté sur
l’Equateur. Au début, nous voulions trouver nos bénévolats sur place. Nous
voulions participer à un ou des projets, qui nous correspondent sans passer par
les gros groupes ou agences, qui sont devenus parfois des entreprises. En
effet, ces dernières font parfois des bénéfices sur le dos de volontaires, qui
sont prêt à payer pour que tout soit organisé de France, que l’ensemble des
paramètres soient maîtrisés et, que rien d’inattendu ne leur arrive. Au vu du
temps que nous avions et du risque de passer à côtés de belles missions, nous
avons choisis un compromis.
Lucie, avant le départ, à passer de nombreuses heures sur
des forums, des blogs de voyageurs pour essayer de dénicher quelques bonnes
adresses. C’est sur le site voyageforum.com, après qu’elle est publiée une
annonce, que nous obtenons deux adresses intéressantes. Après avoir échangés
avec plusieurs voyageurs y étant allé, après avoir pris contact avec les
personnes en charge de ces associations, notre venue dans l’une et l’autre se
sont construites sur quelques échanges. Pendant le voyage, nous avons eu la
possibilité et la flexibilité de modifier un peu nos dates pour finalement
trouver un compromis qui convenait à tout le monde.
Après quelques jours à Quito, puis les Galápagos, puis
encore quelques jours dans le pays à partir de Guayaquil, puis Cuenca, nous
arrivons à Riobamba. Nous y passons une nuit, avant de prendre un bus local
pour nous rendre dans la ville de Calpi, à 30 minutes de là. Nous négocions
ensuite avec un taxi 4x4, pour qu’il
nous amène dans le village de San Francisco de Cunuguachay, dans les locaux de
l’association Ahuana, où ils reçoivent et hébergent les volontaires.
Le fondateur de cette association est un prêtre; Pierrick
Van Dorpe, missionnaire français, venu du diocèse de Beauvais. Il est arrivé en
Equateur, 17 ans auparavant. Il a alors été frappé par l’extrême pauvreté des
habitants, par la forte mortalité infantile. Il décide donc de créer une
association pour venir en aide aux populations indigènes locales. Il a voulu
soutenir les initiatives de développement socio-économique des communautés.
L’idée étant de les rendre autonomes, après avoir assuré le bon fonctionnement
des missions entreprises. Cette aide extérieure est alors tombée à point nommé,
dans ce pays en plein développement au cours des dernières années, mas qui a
subit de plein fouet une grave crise économique aggravant la pauvreté. Ce fut
surtout le cas des populations les plus pauvres, dont les indigènes; acteurs traditionnels du monde rural. Leur
culture et leurs modes de vie étaient menacés. Pierrick, les autres volontaires
et finalement la population locale, qui s’est grandement impliquée dans les
différents projets, ont réussi à créer une dynamique positive.
Ahuana signifie «tisser» en quechua. Le but étant que les
différents projets communautaires se complètent, pour former ensemble un tissu
socio-économique local fort. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec la
réussite durables de quelques projets et ceux encore en cours de réalisation.
L’idée de Pierrick et des personnes, qui l’on soutenu,
tenait dans le raisonnement suivant. Si ces populations arrivent à créer des sources
de revenu alternatives à celles existantes, non suffisantes, ils pourront
améliorer significativement leur qualité de vie, répondre à leurs besoins
primaires. Leur idée était aussi de s’assurer de l’amélioration de la santé, de
l’éducation et de l’environnement. Les premiers projets qui ont été initiés
furent une maison du touriste, une fromagerie, un jardin d’enfants… Celui qui
fonctionne vraiment aujourd’hui, que l’association des femmes de la communauté
gère en complète autonomie, c’est le centre du Lama à Palacio Real, à 3
kilomètres de San Francisco. En effet, après un développement poussif, le
restaurant, la boutique et les quelques promenades, proposées autour des
villages, fonctionnent bien.
L’idée de base fut que l’Equateur, contrairement à ces
voisins Pérou et Bolivie, s’est totalement désintéressé de l’élevage de lamas
et alpagas. Pierrick a initié une campagne de repeuplement dans la localité
avec 600 lamas et 150 alpagas. Les premiers ont été achetés grâce à des prêts,
puis l’association a ensuite réintroduit 500 autres par parrainage. Les lamas
ont été donnés à des familles qui ont dû offrir la première femelle née, à une
autre famille, créant une chaîne de solidarité. Maintenant, les jeunes mâles
sont tués pour la viande servie au restaurant. Tout le succès touristique de ce
lieu réside dans le fait que ce soit le seul restaurant du pays à proposer de
la viande de lamas. Ensuite, la laine récupérée sur ces animaux est filée puis
tricoter par les femmes de la communauté pour
la fabrication de pulls, écharpes, bonnets… D’autres parties de l’animal
ont aussi été utilisées pour l’aspect santé, avec la fabrication de pommade
pour les maladies des os et respiratoires. Ces produits sont conçus à base de
graisse de lama et de plantes. Le musée du lama permet de mieux faire connaître
ces animaux et les espèces semblables que sont l’alpaga et la vigogne.
La réussite d’un projet n’est jamais acquise. Une veille est
toujours à entreprendre. Il faut toujours vouloir améliorer son produit et le
remettre en cause pour l’adapter au marché. Le succès de ce restaurant, et les
bénéfices pour les familles impliquées, ont créés une émulation dans les
villages avoisinants, chacun voulant alors profiter d’un projet, qui leur
serait bénéfique.
Quand nous arrivons, nous sommes accueillis par trois jeunes
volontaires français, ou plutôt une d’entre-eux; Gaëlle. Nous apercevons Paul
qui est occupé et Kassandra qui ne semble pas très chaleureuse. Mais ne jugeons
pas sur une première impression. Certaines personnes ont de vraies carapaces.
Gaëlle nous fait le tour du propriétaire. Après un bref
aperçu de la maison d’accueil, et le centre de l’association, elle nous mène
dans notre choza, qui la maison traditionnelle faite de terre et d’un toit en
chaume, où nous allons dormir pendant notre séjour.
Nous faisons ensuite très vite connaissance avec Suzana;
surnommée Suzie. Elle est la cuisinière
du centre, mais aussi l’intendante, la femme de ménage. Depuis peu, elle
s’occupe un peu aussi de la comptabilité.
Quand nous revenons dans la maison d’accueil, Paul est plus
disponible. Il se présente alors vraiment à nous et il commencera à nous donner
de nombreux conseils. Il nous dit, par exemple, où nous pouvons avoir un point
de vue pour admirer le Chimborazo. Ce volcan est très proche, mais depuis
Ahuana, une colline le cache. Nous devons simplement marcher un peu plus de 200
mètres pour avoir une belle première vision sur ce dernier. Ce volcan a une âme
particulière. Il s’agit, en premier lieu, du point culminant du pays. Il
culmine à 6 263 mètres d’altitude. Le Chimborazo peut même être défini
comme le «plus haut sommet du monde», car il est le sommet le plus éloigné du
centre de la terre, en raison de sa proximité avec la ligne de l’Equateur
(beaucoup plus près que les sommets de l’Himalaya et que le Mont Everest). Il
faut alors prendre en considération que la terre a une forme d’ellipsoïde. Il
est donc aussi le point de la surface de la terre qui possède, au cours de
l’année, une distance minimale au soleil la plus petite. Selon une étude
récente d’une mission franco-équatorienne, le sommet du Chimborazo se trouve à
6384,4 kilomètres du centre de la Terre contre 6382,6 kilomètres pour l’Everest
(qui domine à une altitude de 8848 mètres). Peu importe la comparaison ou non,
il s’agit d’un sommet magistral. Nous aurons l’occasion de l’admirer à de
nombreuses reprises sous de nombreux angles.
La journée est nuageuse. Nous n’allons donc pas le découvrir
aujourd’hui. Nous marchons un peu dans les alentours. Mais nous passons surtout
du temps à discuter avec les volontaires, avec Suzana et sa fille Naomi, dès
qu’elle rentrera en taxi de l’école. Son père est chauffeur de taxi et il la
ramène tous les soirs. Un couple de touristes français est présent aussi. Ils sont
venus passés trois semaines en Equateur. Ils ont réservés 2 nuits dans une
Choza. Ils partageront le repas avec nous mais avant cela, pendant un passage
pluvieux, nous échangeons sur nos expériences de voyages. Le repas du soir est
très agréable et complet. Il commence par une soupe, puis un plat bien copieux
avant de finir par un gâteau. Suzana est bonne cuisinière. Elle a beaucoup
appris de volontaires français, qui sont déjà passés et l’ont initié à de
nombreuses recettes culinaires françaises. La fin de la soirée au coin du feu
est agréable. Sur le continent, en Equateur, le temps est assez constant. Nous
sommes tout de même en fin de saison des pluies, pas la période la plus froide.
Mais à plus de 3000 mètres d’altitudes, quand le soleil n’est pas présent, les
températures chutent rapidement.
Le lendemain, je pars courir dans la vallée pour me
rapprocher du Chimborazo. Alors que le temps est nuageux, le volcan va me
réserver une première surprise de taille, une apparition intemporelle. Quand je
sors de la maison, et arrive au lieu d’où je peux le voir, j’aperçois seulement
un petit bout entre les nuages, de la face enneigée qui se présente à moi. Mais
après seulement quelques minutes, une vraie fenêtre va s’ouvrir sur le sommet
du Chimborazo. Pendant quelques secondes, j’ai une vue incroyable sur ce
dernier. Puis il disparait de nouveau derrière une masse nuageuse importante
grise. Pendant tout le reste de mon footing, je reste sur mon petit nuage. Je
me dirige vers le petit village de La Moya qui fait aussi partie de la
communauté. Les indigènes sont très surpris de me voir courir mais ils sont
aussi très souriants, agréables. Ils me saluent chaleureusement. C’est le cas
aussi pour les enfants qui partent à l’école. Ils veulent vraiment que je
m’arrête pour discuter avec eux. Ils me demandent d’où je viens, où je vais,
comment je m’appelle et pleins d’autres questions… L’échange, avec eux, est
tellement spontané. Je sens tout de même que le travail de Pierrick et de tous
les volontaires, qui l’ont aidé, paient aujourd’hui. Je dois, j’en suis
persuadé, cet accueil chaleureux à tout ce qui s’est passé auparavant. En tout
cas, c’est un moment très fort pour moi. Il y en aura pleins d’autres lors de
notre séjour sur place. Je rentre à la maison d’accueil avec, d’ores et déjà,
un souvenir impérissable de mon passage dans cette communauté.
Nous prenons ensuite notre premier petit-déjeuner tous
ensembles pour la première fois. Nous goûtons le pain fabriqué dans le four de
la maison avec des confitures faites dans une fabrique, qui se trouve au
sous-sol. En voyant la maison de profil, nous n’imaginions pas du tout qu’il
pouvait avoir un tel laboratoire à l’arrière. Cette fabrique est une petite
usine. Son potentiel est pourtant sous-exploité. En effet, quelques femmes
produisent une centaine de pots, deux fois par an, alors qu’une production
massive pourrait avoir lieu avec un tel outil. Nous ne parlons non plus de
faire une industrialisation généralisée. Mais au moins que les fonds, qui ont
été investis, dans cette fabrique de confitures, soient rentabilisés.
Le reste de la journée nous organisons une réunion pour
définir nos missions exactes, voir comment nous pouvons aider à la progression
des différents projets. Nous commençons par l’organisation de la boutique
communautaire, qui se trouve dans la salle à manger de la maison d’accueil. En
fin de journée, le soleil est revenu. Nous prenons quelques minutes pour nous
balader aux alentours, dire bonjour aux habitants et voir le Chimborazo. Nous
le découvrons enfin totalement, dans les champs environnants du village.
Le lendemain, avec Suzana, Gaëlle, et Paul, nous allons dans
le village de San Francisco. Nous découvrons comment les femmes travaillent,
comment elles découpent la laine sur les moutons. Nous assistons à la traite
d’une vache. Nous découvrons les élevages de lapins et de cuy (quwy en Quechua)
qu’ils possèdent. Ils ont réussi à obtenir tous ces élevages depuis que leur
niveau de vie s’est sensiblement amélioré et qu’ils ont eu accès à plus
d’argent.
Revenant à la maison, je réveille Lucie à la Choza. Nous
commençons par nous amuser avec Goloza, un chien de race, qui ont trouvé
quelques jours auparavant, mal en point, sous un tas de bois. Ce chien est déjà
magnifique alors qu’il n’a que quelques jours. Il deviendra très vite un animal
puissant. Il fait déjà la convoitise de certains voisins. C’est un chien qui a
une valeur certaine. Mais plus important que cela, il est magnifique et il fera
pour sûr la fierté de son maître.
L’après-midi, Paul nous emmène découvrir la principale
réussite des projets passés; le restaurant et la boutique de Palacio Real. Il
ne s’agit pas seulement de mettre en avant ce qui marche. Une de nos
principales missions, durant notre séjour, sera la formation des femmes pour
améliorer leur technique de vente. Nous devons aussi revoir complétement
l’organisation du magasin, qui est encore aujourd’hui totalement désorganisé.
Nous devons aussi donner notre avis concernant certains vêtements. En effet,
certains d’entre-eux, comme les pulls, sont pratiques pour une utilisation dans
les champs en Equateur. Mais peu d’occidentaux seraient prêts à mettre plus de
60, 80 ou même 100 US$ dans un pull en alpaga sans manches. En tout cas, il
reste du travail à faire. Nous avons déjà pleins de suggestions après avoir
passé quelques minutes dans cette boutique. Cela va être intéressant de pouvoir
améliorer un projet déjà existant et, en parallèle, de travailler sur d’autres,
où tout reste à faire.
Après la visite du restaurant et de la boutique, nous
continuons à découvrir l’environnement autour du village. Paul nous présente un
peu les promenades qui sont proposées aux touristes pour découvrir les
spécificités historiques, culturelles et naturelles de la région. Nous faisons
plus amples connaissances avec des lamas et des alpagas en leur proposant un bisou
ou, s’ils sont un peu plus farouches, en essayant de se rapprocher autant que
possible d’eux.
Revenant ensuite, à la maison d’accueil, nous finissons la
réorganisation du coin vente de produits locaux. Ils sont tous agréablement
surpris du résultat. Les produits sont mis en valeur. Nous avons retrouvés des
produits qui avaient été totalement écartés. Nous avons utilisés des meubles et
supports, existant mais laisser à l’abandon dans une salle annexe, pour
redonner vie à ce point de vente.
Gaël, Kassandra et Paul, nous dirons plusieurs fois pendant
notre séjour que nous sommes vraiment arrivés au bon moment. Ils sont là,
depuis plusieurs mois, dans une certaine routine alors que nous allons vivre
ensemble pleins de moments uniques. Cela commence dès ce troisième soir. La
famille de Suzana va vendre une vache et son veau, avec un gros profit à la
clé. Il décide donc de célébrer cela avec la famille. Ils nous proposent de
nous joindre à la fête. Pour la première fois, les trois volontaires de l’école
de commerce de Toulouse sont invités chez l’habitant. Nous avons la chance, dès
notre arrivée, de se joindre à eux.
Ceux sont des moments, comme ceux qui se déroulent, pendant
la soirée, qui rendent un voyage magiques. Nous ne faisons pas que survoler la
vie des locaux en ayant qu’une vision touristique. Pendant ce séjour, nous
vivons à leurs côtés et encore plus pendant cette soirée, où nous sommes
invités chez eux. Nous passons un moment exquis à découvrir des plats typiques
de la région, à participer aux tâches, à discuter et rire avec l’ensemble des
invités. C’est une soirée très enrichissante. L’accueil a été fort.
Le vendredi 13, nous retournons dans le village que j’ai
découvert, le premier jour, en courant; La Moya. Ici, aussi, un logement vient
d’être construit par les habitants pour accueillir les touristes. Le bâtiment
est splendide. Il se trouve sur la place, où trône aussi la dernière garderie
des communautés. L’église possède une fresque colorée, faite récemment par un
artiste, qui reprend tous les moments de vie vécus dans les communautés
indigènes. Elle est magique par sa splendeur! Nous sommes ici pour voir comment
nous pouvons aider ce village à se développer encore plus, à se faire connaître
auprès des opérateurs touristiques. Ici les attraits sont nombreux. J’espère qu’ils
seront un jour mis en avant.
Nous nous sommes rendus aussi avant avec Paul, dans le
village suivant, pour essayer de voir les personnes en charge d’une machine,
qui est installée depuis des années et qui n’a jamais marchée. Malheureusement,
personne n’a été capable de nous aider. Nous avons donc décidé de repasser un
peu plus tard. Nous avons, tout de même, vu le local à l’abandon. La machine
pour y sécher les plantes est à l’air libre. Elle s’oxyde. Rien ne semble
fonctionner. Il n’y a jamais eu de raccordement à l’électricité. Cette machine
nécessite du 220V, alors qu’ils sont alimentés dans le pays par du 110V. Il
faut nécessairement un transformateur. Toute l’installation est à revoir. Il
s’agit d’un projet initié par la croix rouge de l’Equateur, il y a presque 10
ans. Pour des raisons obscures, il n’a jamais été finalisé. Il a laissé
plusieurs dizaines de fermiers dans l’espoir de jours meilleurs alors qu’elle
est aujourd’hui seulement un tas de ferraille servant à rien. L’équipement vaut
plusieurs milliers de dollars américains… Malheureusement, le peu de temps que
j’ai sur place ne sera sûrement pas suffisant pour mener un projet de telle
ampleur. J’essaierais, tout de même, d’apporter ce que je peux, en espérant,
qu’une personne, venant pour plusieurs mois, pourra reprendre ce dossier et le
terminer.
En y retournant quelques jours plus tard avec Paul, nous
tombons sur le maire de la ville et ces adjoints. Ils sont vraiment heureux que
nous venions prendre des nouvelles de la machine. Ils mettent alors beaucoup
d’espoirs en nous. Ils sont très motivés pour que tous ces projets aboutissent.
C’est super de voir un tel engouement. Nous ne voulons pourtant pas nous
montrer trop enthousiastes sur le sujet. Nous ne voulons pas leur donner de
faux espoirs alors que nous ne savons pas ce que nous pourrons faire. Malheureusement,
je le répète encore une fois, le temps sur place, pour moi, est compté. Paul
s’occupe quant à lui d’autres projets. Il ne pourra pas tout gérer surtout
qu’il n’a pas d’expertise dans le domaine technique. En France et avec les
moyens financiers, j’aurais pu très vite installer un transformateur et faire
les essais. Dans un pays comme l’Equateur, ne sachant pas si la machine marche
encore, avec peu de moyens, et un temps très limité, la donne est différente!
Ce jour-là, de la semaine suivante, leurs femmes nous suivent aussi quand nous
nous rendons dans l’ancienne école désaffectée depuis 2 ans. C’est ici qu’il faudrait
installer la machine, au sec, dans un endroit hermétiquement fermé quand nous
le souhaitons et avec un sol solide. Ils nous parlent alors aussi des autres
projets possibles pour accueillir des touristes. L’idée de développer un musée a
surgi de leur esprit depuis que, sur la colline voisine, des vestiges d’une
ancienne civilisation ont été découverts. Ils vont être inspectés,
prochainement, par une élève archéologue..
Malheureusement, je n’aurais pas tous les contacts et le
temps pour trouver les fonds et les entreprises capables de monter un
transformateur, de déplacer la machine, de la remettre en état et de faire les
essais nécessaires. Je laisserais néanmoins un dossier avec un minimum de
recherches et d’informations pour que mon successeur, s’il existe un jour, ne
reprenne pas tout à zéro. C’est un peu frustrant d’avoir des personnes
motivées, qui sont prêtes à s’engager et, ne pas pouvoir leur donner
satisfaction, faute de moyens et de temps.
Pierrick nous dira qu’il a très souvent été confronté à ces
problématiques; que seul la persévérance et la croyance ont permis à des
projets d’aboutir. Nous nous concentrerons donc pendant notre séjour à des
missions un peu plus réalistes sur le lapse de temps imparti.
Nous travaillons la fin de l’après-midi sur la formation que
nous produirons la semaine suivante. Nous donnons des idées pour que d’autres
projets deviennent un jour une réalité.
Le soir, nous faisons la connaissance d’Alexis; un
italiano-équatorien, qui après avoir travaillé de longues années en Europe, est
rentré au pays voilà deux ans. Ils se sont rencontrés avec Paul, lors d’une
réunion des volontaires à Quito. Ils sont depuis devenus bons amis.
Nous mettons tous «les mains à la patte», pour
l’organisation d’une pizza party. Nous mangerons d’excellentes pizzas maisons.
Puis nous passons une superbe fin de soirée au coin du feu, à jouer et refaire
le monde.
Le lendemain, nous allons découvrir le marché aux animaux de
Calpi. Toutes les semaines des centaines et des centaines de personnes se
réunissent pour vendre ou acheter tous les animaux des fermes locales; vaches,
cochons, moutons, Lamas, Alpaga. C’est très intéressant de voir comment se font
les transactions, comment les intéressés sélectionnent les animaux. C’est un
vraiment moment de la vie équatorienne que nous découvrons en venant sur ce
marché. L’intensité y est forte. Parfois la maltraitance sur les animaux nous
fait un peu mal, mais ils n’ont pas ici la même perception des choses. Nous y
passerons plus de 2h00, échangerons avec quelques locaux; acheteurs, vendeurs
ou simples curieux.
Puis nous continuons la découverte du coin, en nous rendant
à Riobamba sur certains des plus gros marchés de fruits et légumes. Nous
achetons le nécessaire pour cuisiner le soir même. Nous n’aurons pas à faire
quoi que ce soit le midi car nous avons décidés de manger au restaurant de
Palacio Real, pour y goûter leur spécialité; la viande de lama. Paul a organisé
quelques activités pour la venue d’Ophélie, qui est un employé de l’agence
française pour les volontaires dans le pays. Elle est venue pour établir un
rapport sur les missions effectuées avec Ahuana, mais aussi et surtout pour
profiter de son week-end hors de la capitale. Ils sont devenus amis avec Paul
quelques semaines auparavant lors d’une réunion de l’Alliance française. Le
fiancé d’Ophélie; Victor, nous a rejoint à Riobamba, le jour même, après être
arrivé en autocar.
La viande de lama est succulente avec ces légumes, son
quinoa, et le jus de fruits de tamarin pour accompagner le repas. Suite à cela,
nous passons le début d’après-midi en compagnie d’une guide locale. Nous
commençons la visite dans le musée, puis nous la suivons ensuite dans une
randonnée autour de la ville. Nous y découvrirons, de façon approfondie, la vie
des locaux, les mythes associés à la région,
les anecdotes de l’histoire, la vertu des plantes et ce que les
indigènes en font… Nous avons encore appris de nombreuses choses lors de cette
journée. Nous pourrions, maintenant, presque être de parfait ambassadeurs de la
région, de la cause indigène, et de l’association Ahuana. Peut-être
pourrons-nous susciter des vocations pour leur venir en aide lors de la fin de
notre périple, puis lors de notre retour en France.
Suite à cela la fin de journée est agréable, pas vraiment
studieuse, mais en toute décontraction avec l’ensemble des volontaires.
Le lendemain, nous voulons nous rendre au Chimborazo. Pour
différentes raisons, Paul, Alexis, Ophélie et Victor, décideront finalement de
ne pas s’y rendre. Les conditions météorologiques sont incertaines. Mais nous
n’avons pas de multiples possibilités de réaliser cette journée. Avec Gaëlle,
Kassandra, Lucie, nous décidons de tenter notre chance et de partir très tôt le
matin. Nous faisons du stop pour nous rendre au point de départ, le long de la
route. Nous commencerons par un chemin en terre, puis un sentier, pour nous
mener aux deux refuges de ce magnifique volcan. Dans la vallée de San Francisco
de Cunuguachay, les nuages étaient gris et menaçants. Quand nous arrivons sur
l’autre versant du volcan, nous sommes dans un milieu désertique. Les nuages ne
sont qu’éparses dans le ciel.
Nous passons finalement avec les filles une journée superbe.
Toutes les conditions sont réunies pour profiter pleinement des paysages. Le
volcan restera parfaitement dégagé toute la journée. Nous avons à maintes
reprises l’occasion de lever les yeux au ciel pour admirer le point le plus
éloigné du centre de la terre. Bien sûr que j’aurais aimé gravir ce sommet.
Mais le voyage à deux c’est aussi des concessions, une gestion différente, le
plaisir de partager ce qui peut l’être et de ne pas tout faire. Ça ne sera pas
une frustration surtout que nous allons déjà atteindre le deuxième refuge, puis
la lagune Condor Cocha qui se trouve à 5100 mètres. Pour toutes les filles,
l’effort sera assez intense. Pour certaines plus que pour d’autres. Par exemple
Kassandra s’arrête au deuxième refuge. Mais elles auront chacune réalisées de
belles prouesses pour atteindre les objectifs de la journée. Nous sommes tous
tellement heureux d’avoir choisi finalement de nous y rendre en ce dimanche.
Les conditions y auront été parfaites. Les paysages traversés sont incroyables.
Nous ne sommes pas prêts d’oublier les vigognes et le renard, qui nous ont
accompagnés sur le trajet. N’étant pas montés en 4x4 au refuge, nous avons
effectués une belle et grande randonnée. Nous avons marché pendant de longues
heures. Le jeu en valait la chandelle et tout le monde redescend avec un grand
sourire sur le visage.
Nous venons de passer un week-end formidable. Nous avons
faits de nombreuses découvertes. Lors de la semaine suivante, en passant nos
journées à former les femmes de la communauté à la vente de leurs produits
dérivés de la laine de lama et d’alpaga, nous vivrons des moments magiques. Ça
sera le cas pendant la formation mais aussi, à la fin de cette dernière, quand
nous les prenons, une par une, pour leur demander des détails sur leur vie, le
nombre d’animaux qu’elles ont, leur histoire vis-à-vis de cette association. Ce
questionnaire et la photo prise en fin de séance sont destinés à créer des
fiches, qui seront publiées dans un magasin d’articles solidaires. Ce dernier
va vendre leurs produits dans une grande ville sur la côte.
Nous leur avons donné rendez-vous, par six, en demi-journée.
Tout d’abord, elles ne sont pas très ponctuelles, en tout cas, beaucoup
d’entre-elles. Mais c’est loin d’être le plus important. Elles sont touchantes.
Elles arrivent toutes en habit traditionnel. Ici ce n’est pas pour le folklore
mais l’habit du quotidien. Ensuite, elles ont tous un tricot à la main. Elles
travailleront la totalité du temps de la formation sur ce dernier. Elles arrêteront
seulement lors des mises en situation et lors des entretiens individuels.
Passant de nombreuses heures dans les champs, dans les cuisines, ou autres
endroit où elles travaillent intensément, selles préparent la laine, la tissent
et tricotent quand elles marchent d’un lieu à un autre, dès qu’elles sont dans
un lieu et que leurs mains sont libres. Malgré cela, ces femmes sont à
l’écoute, désireuses d’apprendre. Elles sont très discrètes, et pas très à
l’aise en public. Il y aura tout de même au moins une volontaire, à chaque fois,
pour réaliser, avec nous, les mises en situation, comme si un étranger entré
dans la boutique… La formation est très intéressante. Nous apprenons
beaucoup à leurs côtés. Elles nous remercieront plusieurs fois, chaleureusement,
des conseils que nous allons leur prodiguer.
Nous apprécierons être formateurs avec Gaëlle, Kassandra,
Paul et Lucie. Après concertation, les moments les plus forts auront lieux
pendant les entretiens individuels. Certaines questions feront l’effet d’une
bombe et font faire ressurgir certaines choses qu’elles n’ont peut-être jamais
pu dire à une autre personne.
Pour ma part, l’entretien le plus fort aura lieu lors de la
première séance de formation. La veille dame, qui était la première arrivée, se
présente à moi. Certaines questions révèlent les souffrances qui ont été les
siennes les dernières années. Elle a perdu son mari plusieurs années
auparavant. La vie a alors été très dure. Elle a dû se battre pour subvenir aux
besoins de sa famille, de ces enfants… Elle est en larmes. Elle m’émeut
tellement que je ne peux pas retenir les miennes. Je la prends dans mes bras,
je la réconforte et je luis dis que ça va aller. Elle me dit alors qu’elle doit
tout à Pierrick, à cette association et aux volontaires qui lui ont sauvés la
vie… Ce témoignage est tellement fort que les larmes coulent encore sur mes
joues alors que j’écris ces lignes! J’aimerais que tous les volontaires, qui
ont pris part à cette aventure, puissent être à ma place à l’instant où j’ai
vécu cela, ou du moins qu’ils puissent lire ces quelques lignes qui signifient
tellement! D’autres témoignages poignants me seront racontés par mes camarades,
ou par ma chérie.
Cette expérience s’étendra sur l’ensemble de la semaine.
Devenir formateur pendant ces quelques cessions sera très intéressant. Partagé
ce moment avec ces femmes restera inoubliable. Nous espérons que nos conseils
et la méthodologie seront utiles lors de leurs prochaines ventes. J’espère
qu’elles garderont la boutique ordonnée et qu’elles essaieront d’adapter leurs
produits aux clients potentiels. Les portraits photos prient lors de cette
formation restent des souvenirs incroyables qui me rappellent chacun des
moments que j’ai pu vivre avec l’une ou l’autre, l’un ou l’autre.
Pendant cette semaine, assez régulièrement, je pars courir
ou me promener au lever du soleil. Sur les collines environnantes, je me
retrouve dans des paysages incroyables, seule face à la nature. Dans la
journée, nous retournerons aussi auprès des différentes communautés, des
différents villages. Nous sommes à leur écoute et essayons de comprendre
comment nous pouvons les aider encore plus. Nous voulons savoir qu’elles
seraient les prochaines actions urgentes et aisément réalisables.
Cette région est formidable. J’ai le sentiment de la
redécouvrir à chaque sortie, selon la luminosité, le lieu visité, les
rencontres effectuées…
Le jeudi, avec Lucie, nous allons voir, à deux heures de là,
un endroit que Paul a qualifié d’immanquable. Nous nous rendons au marché de
Guamote, qui a lieu tous les jeudis. Il s’agit d’un des plus traditionnels du
pays car tous les locaux, qui habitent dans de petits villages reculés,
descendent alors en ville pour vendre leurs produits.
Nous faisons le trajet en stop. C’est un monsieur très
charmant et aidant qui va nous emmener directement sur place, depuis
l’embranchement de Calpi. Il joue même les guides touristiques en nous faisant
descendre à certains endroits spécifiques. C’est le cas par exemple dans un petit
village, où se dresse la plus vieille église d’Amérique du Sud. Nous découvrons
ensuite une vieille locomotive.
Puis arrivant dans le village de Guamote, nous allons être
pris par les habits traditionnels colorés. A chaque coin de rue des personnes
photogéniques, un instant de vie unique pour nous touristes. Pendant le temps
sur place, nous avons vraiment le sentiment de faire un bond en arrière. Même
la vieille locomotive touristique, arrêtée en pleine ville, participe à ce
moment hors du temps. Encore une fois, il faut vivre ce genre de moments pour
ressentir toutes les vibrations qui passent dans ma chair quand je repense à ce
qui s’est passé sur place. Les odeurs, les couleurs, les actions, les
interactions avec les locaux, un ensemble de petites choses, de petits détails
qui en font la magie…
De retour à Calpi, nous rentrons à pied depuis la ville
jusque dans les locaux d’Ahuana. Ensemble, avec Lucie, nous passons un moment
exquis et découvrons encore de belles choses de la région, toujours avec une
vue sublime sur le Chimborazo.
Les instants passés aux côtés de ces habitants de la région
de Calpi ont été magiques! Une fois encore les larmes me coulent sur les joues
quand j’écris ces quelques lignes après avoir regardé quelques photos! L’émotion
est à son comble. Nous avons vécus sur place des moments inouïs.
Après avoir finalisé les formations, rendus des rapports,
essayer d’apporter notre soutien à l’ensemble des actions de l’association,
nous allons vivre un dernier week-end un peu fou.
Cette fois-ci, nous décidons de partir tous ensemble pour
randonner. Le but est d’atteindre une lagune; la Laguna Collanes, qui est près
d’un des nombreux pics disposés sur le pourtour d’un cirque du volcan éteint de
l’Altar. Au vu de ces dimensions actuels, les multiples points culminants à
plus de 5000 mètres, sa forme géométrique actuelle, ce volcan été différents et
beaucoup plus imposants il y a quelques milliers d’années. De plus le cirque
est le résultat d’un effondrement gigantesque du volcan, qui a créé une
caldeira d’avalanche. Ceci s’est produit après que la chambre magmatique se
soit vidée suite à une éruption. Il est aisé de comprendre pourquoi les Incas
l’appelaient «Capac-Urcu», ou la «montagne-roi». Avant son implosion, l’Altar
devait être et de très loin, le plus haut sommet du pays, bien au-dessus du
Chimborazo.
Nous avions été prévenus que la randonnée serait assez
longue et qu’il y aurait sûrement un peu de boue, pendant quelques minutes. Au
plus une trentaine de minutes nous avons t’on dit. C’est pourquoi les 8 autres
participants à l’aventure s’étaient équipés de bottes en caoutchouc. Je suis le
seul à n’avoir pris que des baskets. Nous partons tous avec un grand sourire.
Le temps est gris mais la pluie ne semble pas vouloir venir. Des éclaircies
pourraient même percer cette couverture nuageuse au cours de la journée. Après
une heure et demie de voiture, depuis Riobamba, nous voici au départ de la
randonnée. Le sentier part depuis un ranch.
Deux facteurs font totalement changer les conditions de
marche de notre week-end. Premièrement, nous sommes à la fin de la saison des
pluies. Le pays a été particulièrement arrosé cette année. Deuxièmement,
beaucoup de personnes se rendent au refuge à dos de chevaux, ou du moins leurs
affaires sont transportées à dos d’animaux. Le chemin est assez étroit. Il
passe dans une terre assez molle. Commençant à marcher, nous prenons conscience
rapidement que le terrain va être accidenté. Trente minutes plus tard, toutes
les autres personnes ont chaussés leurs bottes. Nous marchons dans la boue
depuis un moment. Plus nous prenons de la hauteur, plus les conditions semblent
s’empirer. Cette terre noire a totalement été labourée, elle est gorgée d’eau.
A part jouer aux équilibristes, à la plupart de nos pas, nous nous enfonçons de
plusieurs centimètres! A certains moments, ceux qui ne feront pas attention
auront de la boue au-dessus des genoux.
L’entre-aide est de rigueur. Les uns attendent les autres et
se soutiennent dans la difficulté. Nous déjeunons tous au même endroit, un peu
à l’écart du sentier, où enfin il est possible de trouver, sous les arbres, un
endroit un peu au sec. L’expérience n’est pas la même pour tous, plus ou moins
dur, plus ou moins agréable, mais chacun s’accorde à dire qu’il n’a jamais effectué
une randonnée similaire, avec autant de boue pendant autant de temps. Et nous
n’avons pas encore fait la moitié du chemin jusqu’au refuge. Même si nous
espérons que cela va s’améliorer, nos espoirs vont très vite s’envoler…
Quand les rayons du soleil percent à travers les nuages, les
paysages sont magnifiés. Les champs, les rochers, la rivière en fond de vallée,
les pics, qui sortent des nuages et, laissent apercevoir du ciel bleue, rendent
le lieu incroyable. Bien sûr, nous ne pouvons oublier les difficultés que nous
rencontrons à chaque pas. A chacun de nos mouvements si nous n’analysons pas
bien le terrain et ne posons pas notre pied de la bonne manière, nous pouvons
glisser, nous enfoncer toujours un peu plus profond… Avec mes baskets, en
short, j’essaye de ne pas tremper mes pieds et ne pas avoir de la boue qui
augment exponentiellement le poids de mes jambes! Je vais y réussir une bonne
partie du chemin même si parfois, l’impossibilité de faire autrement ne
laissera pas d’autre choix que de mettre le pied dans la boue.
Vouloir éviter à tout prix de mouiller mes chaussures aurait
pu avoir une conséquence désastreuse. Ais-je encore éviter la mort de quelques
centimètres grâce à un mouvement réflexe de dernière seconde? Certains
pourraient dire que je dramatise facilement! Pourtant je ne crois pas être ce
type de personne. Seul le récit de l’événement pourra vous éclairer sur la
véracité de mes dires. Les témoignages des personnes présentes et la cicatrice
dans mon cou peuvent aussi en témoigner. En tout cas, la vie ne se joue pas à
grand-chose, sur de petits détails. Souvent, je me dis que j’ai une bonne
petite étoile qui veille sur moi, que je la mets trop souvent à rude épreuve, que
je devrais parfois arrêter de jouer trop avec.
Alors que nous nous retrouvons devant un gros ruisseau, en
plein milieu du chemin, il n’y a pas vraiment de passage direct, qui permette
de passer en restant les pieds secs. Pour les personnes avec des bottes, aucun
problème, elles passent sans réfléchir. Pas de gros rochers émergeant de l’eau
qui me permettraient de sauter de l’un à l’autre. En tout cas, cette solution
n’apparaît pas sur le chemin. En revanche, cela semble être le cas quelques
mètres plus haut. Je grimpe donc dans l’herbe. Mais avant d’atteindre le
ruisseau, il y a, à cet endroit, une bordure qui fait plus d’1m50 de haut. Le
talus sur lequel je me trouve est un peu en pente et la rivière très proche.
Seul un petit rebord de cailloux me permettrait de commencer la traversée avec
les pieds au sec. Pour atteindre ce dernier, j’étends mon bras et dépose sur
les cailloux le bâton, qui m’a servi à jouer l’équilibriste, et esquiver le
terrain boueux, toute la journée. Je me rapproche le plus possible du bord. Je
me penche en arrière pour jouer avec la gravité et ne pas tomber directement en
bas. Mais mon sac-à-dos me gêne. Il est trop volumineux. Il ne me permet pas de
me mouvoir comme je veux. Il risque de m’entraîner dans une chute peu agréable.
J’aurais dû l’enlever de mon dos, le faire descendre en premier. Ensuite, libre
de mouvements, connaissant mon corps, j’aurais beaucoup mieux gérer la gravité,
la descente. Un peu de fatigue, parfois un peu trop vite dans l’action, me font
perdre un peu de lucidité. Je me lance alors. Le sac m’entraîne vers le bas.
Mes pieds glissent sur la terre mouillée. Dans ma chute, le bâton est mal
positionné. Qui plus est le bout est pointu. J’arrive in extrémiste à l’écarté
un peu pour ne pas qu’il se plante tout droit dans mon cou, dans ma carotide.
Une fois arrivée sur mes deux pieds sur les cailloux que je
souhaitais atteindre, je ne réalise pas la situation. Je traverse tout de suite
le ruisseau. Ce sont Lucie et Gaëlle qui font réagir. «Ça va»? «Mais tu
saignes?» «Un petit bout de peau ressort!» Le bâton a glissé le long de mon cou
après l’avoir un peu heurté. Si je l’avais tenu un peu plus fort avec la main,
si je ne l’avais pas un peu décalé, je ne serais peut-être pas là aujourd’hui
pour vous raconter cette mésaventure… D’ailleurs, nous allons en reparler
longuement avec les autres randonneurs... Je peux regarder vers le ciel. Mon
ange gardien m’a rendu, une nouvelle fois, un précieux service. Ça ne devait
pas être encore mon heure. Et j’espère bien que cela continuera encore
longtemps. J’essaie et j’essaierais tout de même d’aider au bon déroulement de
mon destin… La vie est trop chère pour prendre des risques inutiles, parfois
idiots!
Les heures passent, les organismes commencent à fatiguer. Nous
ne semblons pas voir la fin de cette journée de randonnée. Heureusement, le
fait d’être en groupe, le fait que chacun motive la personne qui est un peu
«dans le dur» permet à chacun de se surpasser. Après plus de 8h00 de randonnée,
nous arrivons finalement au refuge avec les filles que j’ai attendu. Les gags y
sont arrivés plus de 45 minutes auparavant. Mauvaise nouvelle, si nous ne
voulons pas payer le prix du camping, nous devons marcher jusqu’au bout de la
vallée, pour atteindre un endroit au sec et camper. En effet, dans cette vallée
encaissée, il s’agit de zones marécageuses, parfaite pour que les animaux se
nourrissent mais pas agréable pour des êtres humains fatigués et qui ont besoin
d’un minimum de confort. La nuit arrive à grand pas. Beaucoup d’organismes sont
épuisés. Pourtant, nous n’avons pas vraiment le choix. Nous reprenons donc
notre marche en avant. La marche, dans ce genre d’endroit, est fatiguant. Il
faut faire attention au moindre pas, sans quoi la sanction peut-être immédiate.
Avant quelques épreuves difficiles, nous vivons un instant
qui semble sorti du réel. Avant le coucher de soleil, le ciel se dégage un peu,
et les rayons de ce dernier viennent éclairer le paysage dans des zones bien
délimités, donnant le sentiment qu’une lumière vient d’autre part. Une fois
encore, ceux sont des images que je garderais très longtemps à l’esprit…
Pourtant nous allons revenir assez rapidement à la réalité. Dans un premier
temps, voulant sauter un ruisseau, je prends de mauvais appuis et une de mes
jambes s’enfonce dans l’eau au-dessus du genou… Je râle un coup, puis je repars
de l’avant. En revanche, une expérience similaire arrive à Lucie. Elle a depuis
longtemps dépassé ces limites, ou du moins elle les a atteintes. Cette
expérience malheureuse est celle de trop! Elle craque comme les autres filles
du groupe l’ont déjà faits ou le ferons au cours de ce week-end. La fin de
la marche va être longue alors que la
nuit est déjà tombée depuis quelques temps… C’est un grand soulagement quand
nous atteignons enfin le campement. Mais, avec Lucie, nous sommes frigorifiés.
Je suis alors content d’avoir porté une partie du bois et de la nourriture
qu’Alexis et Paul ont voulue emmenés. Le feu de bois sera une bénédiction pour
le plaisir du feu tout d’abord, mais surtout pour le fait de pouvoir se
réchauffer, et de pouvoir cuisiner un repas chaud, entre-autre une soupe! Tout
le monde s’organise pour rapidement monter le campement, allumer le feu, se laver
pour ceux qui en ont la force et le courage, cuisiner et manger! Beaucoup
d’entre nous vont ensuite aller se coucher. Seul Paul et un autre des
randonneurs passeront un peu plus de temps près du feu… Avant de me coucher, je
profite d’un ciel magique, avec la lune qui illumine les sommets qui se sont
dégagés, laissant tout de même à leur pied, une bande de nuages assez mystérieuse…
La nuit n’aura pas été de tout repos. Il a beaucoup plu
avant que le jour ne se lève. L’accalmie semble être arrivée. Je réveille tout
le monde pour que nous bougions assez rapidement car la descente risque d’être
longue… Une fois le petit-déjeuner pris, les tentes pliées sauf une, nous
étions tous d’accord pour rebrousser chemin même si nous n’avions pas atteints
la lagune. Nous avons le sentiment que nous ne pourrons rien voir de toute
façon. Pourtant, l’orgueil et la fierté masculine vont se réveiller, surtout
quand une éclaircie percera le ciel. Au dernier moment, nous changeons de
plans. Les filles, qui ne tiennent pas à continuer, rebroussent chemin. Nous
devrions les rejoindre assez rapidement. De notre côté, les six garçons, nous
laissons nos affaires dans la tente encore dépliée. Nous allons escalader
jusqu’à la lagune avant de retrouver les filles. Très motivés, je pars en tête
en courant. J’arriver assez rapidement à la lagune. Il n’y a pas de boue sur
cette portion, mais elle est très pentue, avec parfois des passages qui
s’associent presque à de l’escalade. Sous ce temps la lagune n’a rien de
spectaculaire, les glaciers ne ressortent pas vraiment. Mais le principal est
d’avoir atteint notre objectif. Surtout que pour certains, le deuxième échec
n’était pas loin. Et surtout, nous avons le droit à un véritable spectacle avec
de magnifiques arc-en-ciel, complet, à 180° et, très coloré, qui magnifient
pendant plusieurs minutes, et plusieurs fois, le paysage.
Je redescends assez rapidement derrière Paul qui est «au
taquet». Alors qu’ils prennent un peu de temps au campement, je prends mon sac
et pars en courant pour rejoindre les filles. Arrivant au refuge après
seulement 15 minutes, je suis très surpris de ne les voir que là, alors
qu’elles sont parties il y a plus de 2h00. Le passage dans la vallée a été
interminable pour elle. Kassandra s’est enfoncée une fois jusqu’à la taille. La
fatigue se fait sentir. Elles gardent le sourire même si elles sont pressées
d’en finir avec cette descente. Les autres garçons ne tardent donc pas trop à
nous rejoindre… Ils ne font pas nous attendre, sauf Paul, car il est celui qui
a initié ce projet et il ne veut pas laisser les filles seules avec moi. Il y
aurait encore tellement de péripéties à raconter au cours de cette descente.
Mais, en résumant, nous avons vu de la boue, encore de la boue, encore et
encore de la boue. Heureusement, les paysages sont sympas et l’ambiance entre
nous est au beau fixe. Nous rigolons de la situation et pensons déjà au fait
que cette randonnée restera mémorable pour tout le monde.
A 18h00 quand tout le monde a enfin rejoint la camionnette
s’est un vrai soulagement. Certains n’en peuvent vraiment plus. Il jure qu’on
ne les reverra jamais faire une telle chose… En tout cas, nous en garderons un
souvenir ensemble à jamais gravé dans nos mémoires… Et la soirée qui clôturera
ce week-end est très sympathique.
Suite à cela, avec Lucie, nous vivons notre dernière journée
dans la communauté. Avec Paul, je me rends au cabinet d’une française,
installée depuis fort longtemps en Équateur. Après avoir été infirmière pendant
plusieurs années, elle a appris une technique particulière pour soigner les
malades. Il s’agit du biomagnétisme, quasi inconnu en Europe. Cette façon de
soigner a été inventée par un mexicain. Elle est basée sur le principe que l’ensemble
des éléments sur terre ont un pH (potentiel hydrogène: C’est une mesure de l’activité
chimique des ions hydrogènes H+ en solution, appelés communément
protons). On utilise souvent la mesure du pH pour mesurer l’acidité (pH < à7)
ou la basicité (pH > à7) d’une solution. La solution est dite neutre quand
le pH est égal à 7. Il est estimé, en biomagnétisme, que si un corps est au pH
neutre, il est alors le plus équilibré possible. Les risques de maladies, de
tels ou tels organes, de telle ou telle partie du corps est alors minimisé voire
nulle. Lorsqu’une personne est malade, rééquilibré le pH serait, selon la
théorie, la possibilité de soigner les maux du corps. Le mal installé pourrait
être supprimé tant que celui-ci n’est pas trop important ou irréversible. Cette
médecine ne se veut pas comme une solution miracle. Elle ne peut pas guérir toutes
les maladies mais elle serait un vrai plus, complémentaire des médecines
traditionnelles, parfois plus efficace. J’ai toujours été septique à ce genre
de médecine parallèle. Pourtant, une fois encore, je vais avoir la démonstration
en direct, de paramètres incompréhensibles. Je vais les voir de mes yeux et
même les sentir quand elle va m’occulter. Le principe consiste à demander au
corps ce qu’il a, en évoquant l’ensemble des maladies possibles. Elle tape les
pieds du patient l’un contre l’autre. Un rétrécissement flagrant d’un des pieds
se produit quand la personne possède certains symptômes. Je sens, à ce moment-là,
que le lecteur qui ne connait pas cela est très sceptique. Une fois encore, seule
l’expérience pourrait vous permettre de juger. Pourtant, je vous le promets, c’est
bluffant.
Le traitement consiste ensuite à disposer des aimants sur le
corps, à des endroits stratégiques selon les dysfonctionnements détectés pour
rééquilibrer le corps. Cette dame va nous recevoir dans son cabinet pendant
plus de 3h00. Elle va nous expliquer tous les principes de cette technique,
nous allons pouvoir regarder le traitement qu’elle procure à d’autres patients.
Elle va aussi nous faire un diagnostic chacun, puis nous poser des aimants à
des endroits donnés. Elle est passionnée par son travail. Comme c’est une
séance de diagnostic, elle ne nous fait rien payer. L’échange a été poignant.
Elle a décidé en plus depuis le tremblement de terre, de partir une semaine sur
la côte pour aider les personnes qui en ont le plus besoin et apporter la
contribution qu’elle pourra à leur mieux être… Je ne peux qu’être admiratif de
ce dévouement.
Concernant les résultats pour nos diagnostics. Elle confirme
le diabète de Paul qui n’est pas guérissable, car profond et partie prenante de
son corps. Mais elle peut agir sur certains facteurs pour diminuer les risques
liés à ce dysfonctionnement, et aider le corps à mieux vivre avec. De mon côté, c’est
toujours un plaisir d’entendre que je semble en très grande santé, et que seuls
quelques problèmes avec les amibes doivent être traités. Comme tout le monde me
dira, c’est un peu normal que ce type de symptôme ressorte, dans mon cas, avec
ces quelques années de voyage, juste derrière moi. En tout cas, je viens d’assister
à une expérience marquante et j’espère avoir la chance de réitérer cette
expérience ultérieurement.
Nous avons vécus une expérience magique auprès de ces
communautés de Calpi. Le lapse de temps sur place a été beaucoup trop court
pour finaliser certains projets de grands ampleurs. Nous sommes, tout de même,
heureux de ce que nous avons pu faire. Nous savons que les missions en cours
seront reprises par d’autres personnes, qui en assureront la continuité. C’est
bien cela l’essentiel. J’espère que ces échanges entre les communautés et les
volontaires continueront à être aussi enrichissants pendant des années.
D’ailleurs nous passons nos derniers instants sur place, avec certains
d’entre-eux et, avec les animaux. Dès le lendemain, nous passons le relais à un
autre couple qui vient pour quelques jours. D’autres personnes suivront
prochainement pour un temps plus ou moins long… Je souhaite en tout cas à chacun
de vivre de tels moments dans une vie!